Année politique Suisse 1988 : Chronique générale / Défense nationale
Armement
Les Chambres fédérales ont approuvé le programme d'armement 1988 devisé à 2,195 milliards de francs. Y figure, outre l'achat de mines antichars 88, de 4100 véhicules tout terrain équipés de catalyseur et la modernisation du réseau d'ondes dirigées, un montant de 472 millions de francs pour la transformation de 195 chars 68. Si ce crédit destiné à améliorer la conduite du feu des chars 68 afin de les intégrer dans les formations de ripostes n'a pas suscité de controverses au Conseil des Etats, il n'a par contre pas fait l'unanimité au Conseil national où les socialistes, soutenus par les écologistes, l'ont vivement contesté. H. Hubacher (ps, BS) a rappelé que l'armée avait déjà procédé à de nombreuses transformations sur ce char. Mais la majorité bourgeoise n'a pas voulu retrancher cette somme des dépenses de la défense nationale et a rejeté la proposition socialiste par 115 voix contre 46. La part des acquisitions revenant à l'industrie suisse s'est élevée à environ 52%, aux-quels se sont ajouté des affaires compensatoires de 665 millions de francs. Au niveau suisse, la part dévolue à l'industrie va à raison de 65% au secteur privé et de 35% aux entreprises fédérales d'armement. La part des commandes au secteur privé revenant à la Suisse alémanique s'est élevée à 66%, pour la Suisse romande à 32% et pour la Suisse italienne à 2%
[14].
Au cours de l'examen du programme de législature 1987-1991, le Conseil national a rejeté une motion socialiste, soutenue par l'extrême gauche et les écologistes, visant à bloquer, à leur niveau actuel, les dépenses du DMF pour les quatre années à venir. Parce qu'il estime qu'une majorité de Suisses sont favorables à des économies dans le domaine militaire et arguant du faible rejet par le peuple du référendum sur les dépenses militaires, le groupe socialiste a souhaité faire plafonner les dépenses militaires et affecter les économies ainsi réalisées à la politique sociale et à la politique de l'environnement. Les partisans de l'actuelle politique de sécurité du Conseil fédéral ont répliqué en soulignant que les dépenses dans le secteur militaire ont crû de manière plus modérée que celles d'autres secteurs et qu'un plafonnement ne tenait pas compte des besoins de la défense. Ils ont également rappelé le rôle dissuasif de l'armée suisse et se sont opposés à ce que sa crédibilité soit mise en jeu
[15].
Quatre avions de combat étaient en lice pour remplacer le Mirage IIIS: le Jas-39 Gripen, prototype suédois n'ayant pas encore officiellement effectué son premier vol, le Mirage 2000 français conçu chez Dassault et les deux chasseurs américains, le F-16 Fighting Falcon et le F/A-18 Hornet. Après les résultats de l'évaluation préliminaire, destinée à sélectionner les deux avions les plus performants, A. Koller avait, pour des raisons d'ordre militaire et financier, accordé sa préférence aux deux appareils américains. Le Conseil fédéral a cependant ajourné la ratification du choix du DMF et demandé de nouvelles études mettant en valeur des considérations de politique économique et étrangère afin de ménager les susceptibilités. En effet, la Suisse cherche à établir une meilleure collaboration avec la Communauté européenne avant l'échéance de 1992, une élimination d'office du Mirage pouvait créer un certain malaise. Quant au Gripen 39 suédois, le gouvernement ne pouvait pas, au nom des Etats neutres et de l'AELE, l'écarter immédiatement. Malgré des offres de coopération en matière de technologie avancée et une baisse notoire du prix d'achat, le Conseil fédéral a finalement écarté le Mirage 2000 et réservé le même sort au prototype suédois pour ne retenir que les deux appareils américains jugés plus aptes à remplir les conditions exigées du nouveau chasseur, tant sur le plan technologique que militaire.
Des deux chasseurs, le gouvernement a porté son choix sur le
F/A-18 Hornet. En effet, il est ressorti de l'évaluation principale que ce modèle est le mieux approprié pour assurer la sauvegarde de la souveraineté de l'espace aérien de la Suisse. De surcroît, il nécessite moins d'adaptations pour satisfaire aux exigences helvétiques que le F-16. Si le F/A-18 coûte quelque 15% de plus que le F-16, ses performances sont, de l'avis des experts, d'un tiers supérieures à celles de son concurrent. Comme la demande de crédit ne doit pas excéder trois milliards de francs, seuls 34 exemplaires - au lieu des quarante initialement prévus - pourront être acquis, sous réserve de l'approbation du programme d'armement 1990. Les nouveaux missiles air-air et les coûts relatifs à l'aménagement des cavernes et des abris qui vont abriter le nouvel avion de combat ne sont pas pris en compte dans l'enveloppe budgétaire. Les firmes américaines construisant ce chasseur se sont engagées à compenser à 100% cette commande auprès des industries suisses. Le choix du Conseil fédéral n'a pas fait l'unanimité et a suscité diverses réactions. Si certains se sont félicités que des considérations militaires l'aient emporté sur des considérations politiques, d'autres, et principalement en Suisse romande, ont au contraire déploré qu'à l'heure de la construction européenne le Mirage 2000 n'ait pas été retenu dans la phase principale d'essai
[16].
[14] FF, 1988, II, p. 12 ss. et III, p. 1429 ss.; BO CE, 1988, p. 125 ss.; BO CN, 1988, p. 1557 ss.
[15] BO CN, 1988, p. 522 ss. Sur les dépenses militaires cf. L'Hebdo, 3.11.88. et infra, part. I, 5 (Voranschlag 1989).
[16] Phase de sélection: presse du 8.3.88. Choix définitif: presse du 4.10.88. Mirage 2000: LNN, 30.1.88; NZZ, 24.2.88; DP, 11.2.88; L'Hebdo, 6.10.88; ASMZ, 154/1988, p. 5 ss. Polémique sur le prix: TA, 10.9.88; BZ, 14.9.88.
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