Année politique Suisse 1989 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
Déchets
Face à la progression exponentielle du volume des déchets (80 kilos par habitant et par année en 1950, 380 en 1985), la conclusion des organisations de protection de l'environnement autant que des autorités est qu'il faut s'attaquer désormais à la source du problème; stabiliser puis réduire la quantité des déchets, augmenter la durée de vie des biens et accroître le plus possible les capacités de retraitement, de recyclage et d'élimination. Cela est d'autant plus urgent que l'Office fédéral de l'aménagement du territoire a annoncé que les décharges suisses seraient pleines d'ici dix ans
[42].
En vue d'atteindre ces buts, le DFI a soumis à consultation un projet
d'ordonnance sur les emballages pour boissons. Celui-ci prévoit l'interdiction des emballages en aluminium (dont le taux de recyclage n'est que de 20% en Suisse), en fer blanc et en PVC (qui contiennent plus de 50% de chlore). Il prescrit également l'obligation d'user de bouteilles réutilisables pour les eaux minérales, les boissons pétillantes et la bière; il n'y aurait plus désormais que 7,5% de la production de ces boissons pouvant être fournis avec des emballages perdus en verre ou en plastique. Ces emballages seront consignés pour les contenants de plus de 4 décilitres. Une consigne obligatoire pour les emballages réutilisables sera instaurée. Ces mesures devraient permettre de diminuer annuellement de 22 000 tonnes la masse des déchets
[43].
Lors de la procédure de consultation, les associations de consommateurs, les organisations de protection de l'environnement et les cantons ont pleinement approuvé l'ordonnance. La Coop et la Migros, la devançant, ont déjà éliminé de leurs rayons les emballages en métal. Il en alla tout autrement des entreprises intéressées par la production, l'utilisation ou le recyclage des emballages de boissons en aluminium ou en verre perdu. Les producteurs de boissons et les recycleurs protestèrent véhémentement contre les prescriptions de l'ordonnance qui, selon eux, seraient non seulement discriminatoires et dirigistes mais contre-productives et non-conformes aux règles de la CE. Dans le même sens, la Suède, par l'intermédiaire de l'AELE, a protesté contre le projet suisse d'interdire les emballages en aluminium car cela serait contraire aux règles du libre-échange et de se poser en exemple en tant qu'elle parvient à retraiter près de 80% de l'aluminium qu'elle utilise
[44].
L'événement majeur en 1989, pour lequel la Suisse, par le truchement de F. Cotti, s'est beaucoup investie, a été la Conférence de Bâle sur les mouvements transfrontières de déchets spéciaux. Une première approche eut lieu en début d'année à Dakar lors de la réunion ministérielle euroafricaine à l'initiative du Sénégal et du Programme des Nations Unies pour l'environnement qui visait à un échange de vues entre Européens et Africains au sujet d'un projet de convention mondiale qui devait être l'objet de cette conférence. Cette rencontre permit surtout de mettre à jour les divergences; alors que les pays européens désiraient des mesures assez souples qui, bien qu'elles s'attachent à la protection des pays du Tiers-monde, ne condamnent pas toute possibilité d'exportation de déchets spéciaux, certains pays africains voulaient une interdiction totale du transport des déchets pour tous
[45].
La Suisse a eu un rôle central dans la préparation de la
Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux. En effet, c'est A. Clerc, sous-directeur de l'OFEFP, qui présida le groupe d'experts chargé de sa préparation. Cette convention, d'autant plus nécessaire que la production de déchets spéciaux atteint des volumes de plus en plus élevés dans les pays industrialisés (plus de 500 millions de tonnes par année dont au moins 300 000 pour la Suisse), a pour but de réduire progressivement la production de déchets dangereux, d'assurer à chaque pays le droit de refuser un chargement de déchets ou de laisser ce chargement quitter son territoire, de développer les installations d'élimination près des lieux de production, de diminuer les mouvements transfrontières tout en renforçant leur contrôle et d'assister les pays du Tiers-monde en ce qui concerne les installations d'élimination et de stockage
[46].
La Conférence de Bâle a réuni 116 pays. Suite à de longues négociations, elle a finalement abouti; les Etats africains ont assoupli leur position, même s'ils se sont, en bloc, limités à signer l'acte final (tout comme 107 pays en tout), leur revendication étant toujours celle d'une suppression totale du commerce des déchets spéciaux. 34 pays, de même que la CE, ont signé la convention. L'URSS, les pays de l'Est, le Japon, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se sont abstenus car ils préfèrent la pratique d'accords bilatéraux. 20 Etats doivent ratifier la convention pour qu'elle entre en vigueur. D'autre part, un secrétariat intérimaire de la Convention a été créé à Genève. F. Cotti a lancé un appel lors de la Conférence de Londres (faisant suite à celle de Bâle) pour une large ratification de la Convention. Il a réussi à convaincre certains pays africains de sa valeur dans le sens où elle laisse libre chaque Etat d'interdire aussi bien l'importation que l'exportation de déchets spéciaux
[47].
L'idée, énoncée dans la Convention de Bâle, d'éliminer, traiter ou entreposer les déchets sur le lieu de production prend forme en Suisse bien qu'il ne soit pas facile de trouver des sites à cet effet, la population étant généralement opposée à l'implantation de telles installations. Ces
dépôts accueilleront des matériaux traités selon les prescriptions de l'ordonnance sur le traitement des déchets (OTD), en consultation, et dont le but est d'imposer un traitement systématique des déchets sur place pour aboutir soit à une substance recyclable, soit à des résidus inertes faciles à entreposer définitivement
[48]. Dans le cadre de l'élimination des déchets spéciaux, le groupe démocrate-chrétien a déposé une motion qui demande au Conseil fédéral de prévoir dans la loi une obligation pour le producteur de déchets de les acheminer vers une installation d'élimination déterminée et l'obligation pour cette dernière de les prendre en charge. La motion fut acceptée sans opposition au Conseil des Etats
[49].
[42] Position de la Société suisse pour la protection de l'environnement: presse du 10.8.89. Problème des décharges: presse du 22.4.89. Problème du recyclage et de l'élimination des déchets: JdG, 6.7.89; TA et NZZ, 18.7.89; AT, 13.9.89; TW, 20.9.89 ainsi que. DP, 949, 4.5.89 et L'Hebdo, 6.7.89.
[43] Presse du 7.1., 9.1. et 14.1.89. Voir aussi APS 1988, p. 180 et Bulletin de l'OFEFP, 1989, no 1.
[44] Vr, 13.1.89; SHZ, 19.1., 22.6. et 6.7.89; NZZ, 24.1., 7.2., 12.4., 13.4. et 17.6.89 ; presse du 6.4., 30.6. et 1.7.89; BaZ, 21.4.89; TA, 8.5.89; Bund, 12.6.89; SZ, 16.6.89. Différend avec la Suède: Vr et NZZ, 12.9.89; TA, 18.9.89 ; presse du 24.9. et 25.9.89; Bund, 17.10.89; Ww, 16.11.89. Sur le recyclage de l'aluminium: NZZ, 16.12.89.
[45] NZZ, 20.1.89, presse du 25.-31.1.89. Généralités sur les déchets spéciaux en direction du Tiers-monde: SGT, 26.1.89; BaZ, 1.3.89; TW, 24.6.89; Bund, 25.7.89.
[46] NZZ, 9.1. et 28.2.89; BaZ, 13.1. et 15.-17.3.89; Vat., 18.3.89; presse du 18.-20.3.89. F. Cotti: BaZ, 25.1.89; LM, 23.3.89; CdT, 18.3.89. A. Clerc: BZ, 14.3.89. Exportation de déchets spéciaux suisses: Bulletin de l'OFEFP, 1989, no 2; presse du 3.6.89.
[47] Conférence de Bâle: presse du 21.- 23.3.89 ainsi que DP, 947, 20.4.89 et USS, 12, 5.4.89. Création du secrétariat: NZZ et JdG, 22.4.89; Bund, 22.1 1.89. Ratification: BaZ, 21.12.89; NZZ, 23.12.89. Conférence de Londres: NZZ, 30.9.89, presse du 4.10. et 5.10.89. Hésitations africaines: Lib. et 24 Heures, 2.8.89; BaZ, 3.8.89; BZ, 9.8.89.
[48] OTD: LM, 25.3.89. Pour les désaccords de la population quant à l'implantation de sites de déchets spéciaux, cf. APS 1987, p. 176 et 1988, p. 180 s. Décharges romandes; LM, 25.3.89; presse du 4.2. et 5.2.89.
[49] BO CE, 1989, p. 612 ss.; NZZ et SZ, 6.10.89.
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