Année politique Suisse 1990 : Chronique générale / Défense nationale
 
Objecteurs de conscience
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Décriminalisation de l'objection
Après le Conseil national en 1989, le Conseil des Etats a adopté la modification du code pénal militaire décriminalisant le statut des objecteurs de conscience (projet Barras). Selon cette décision, l'objecteur ayant fait la preuve de son incapacité à concilier le service militaire avec ses valeurs éthiques fondamentales, sera reconnu coupable et astreint à un travail d'intérêt général d'une durée 1,5 fois plus longue que celle du service refusé [57]..
Lors des débats dans la petite chambre, cette définition globale a néanmoins donné lieu à plusieurs objections visant, sans succès, à refuser le projet ou à en assouplir les différentes normes. Au niveau général, une proposition Reymond (pl, VD) de non-entrée en matière, basée sur les refus populaires, en 1977 et 1984, d'un véritable service civil, sur l'anticonstitutionnalité de la révision et sur le mécontentement qu'elle suscite, fut rejetée. L'extension de la notion d'objection authentique à tous les motifs de conscience, désirée par la conseillère aux Etats Bührer (ps, SH), fut également repoussée, tout comme les suggestions en faveur d'une durée équivalente des deux services ou d'une astreinte civile 1,2 fois plus longue. Il en alla de même pour la proposition Masoni (prd, TI) demandant la suppression du verdict de culpabilité [58] .
Lors du vote final au Conseil national, le groupe socialiste réaffirma son opposition à cette réforme, stipulant qu'elle ne résolvait pas le problème posé par le statut des objecteurs de conscience. Elle pouvait, de surcroît, être considérée comme caduque en raison de la constitution d'une nouvelle commission d'experts sur ce problème, des initiatives populaires et parlementaire en cours ainsi que des propositions du groupe Schoch. La fraction écologiste exprima également son dépit de voir cette révision aboutir à une aggravation du statut des objecteurs [59] .
En réponse à l'insatisfaction née de l'adoption de cette révision, plus de vingt organisations pacifistes et d'objecteurs de conscience ont lancé un référendum à son encontre, soutenus en cela par les socialistes, les écologistes, l'Alliance verte, Amnesty international et le cartel des associations de jeunesse notamment. Pour eux, le projet Barras n'est qu'un leurre, empêchant l'introduction d'un véritable service civil [60] . Par ailleurs, le comité "contre un service civil déguisé", issu de l'organisation conservatrice "Ligue vaudoise", a également lancé un référendum contre cette modification législative, car elle serait inconstitutionnelle, inapplicable et irait à l'encontre de la volonté populaire [61]..
Deux initiatives demandant la création d'un véritable service civil sont actuellement en suspens. Ainsi celle parlementaire du député Hubacher (ps, BS), déposée en 1989 et rejetée par la commission du Conseil national, veut trouver une solution plus rapide que celle abordable par le biais d'un texte populaire. Elle est soutenue par les socialistes, les écologistes et les indépendants [62] . Lancée en septembre 1990, celle populaire "pour un service civil en faveur de la communauté, initiée par le parti démocrate-chrétien, est appuyée par les évangéliques. Maintenant l'obligation générale de servir, elle continue également à exiger une preuve par l'acte puisque le service civil devrait être plus long que celui militaire [63] . Enfin, le groupe Napf a annoncé son intention de présenter, au printemps 1991, une initiative populaire sur ce thème, demandant un service communautaire basé sur les contingents cantonaux [64] .
Le Conseil national a, par ailleurs, transmis les postulats Fäh (prd, LU) et Rychen (udc, BE) priant le Conseil fédéral de présenter un rapport évaluant différentes formules possibles de service civil [65] . La chambre des cantons a, par contre, rejeté un postulat de sa commission souhaitant que les cas d'objection de conscience soient jugés par des tribunaux ordinaires [66] . Le canton de Genève a déposé une initiative demandant l'introduction d'une alternative au service militaire obligatoire alors que le député Blocher (udc, ZH), par le biais d'une motion, exige la transformation de l'obligation de servir en une astreinte identique mais dans le cadre de la défense générale [67] .
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a lancé un appel général à l'objection de conscience pour 1991. Dans un premier temps, l'adhésion au principe d'environ 700 personnalités devra être recueillie; dans un second temps, il faudra recruter au moins 3000 personnes qui feront acte de désobéissance civile [68] .
En 1990, le nombre des réfractaires au service militaire cités devant les tribunaux s'est élevé à 581 (+10% par rapport à 1989) [69] .
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Service sans arme
Dans le cadre du projet Barras, les deux Chambres se sont définitivement prononcées en faveur d'une révision de l'organisation militaire, ancrant le service sans arme dans la loi [70] . Le Conseil national a transmis sous forme de postulat une motion du député Zwygart (pep, BE) qui souhaite qu'il soit en tout temps possible, durant la durée du service militaire, de demander un transfert dans le service sans arme [71]..
 
[57] FF, 1990, III, p. 539 ss. Cf. APS 1989, p. 90.
[58] BO CE, 1990, p. 699 ss. et 857; presse du 27.9.90. Cf. APS 1977, p. 53 s. et 1984, p. 60 s. pour les deux votations antérieures.
[59] BO CN, 1990, p. 1965. Le CN adopta la proposition de révision en votation finale par 93 voix contre 43.
[60] Presse du 20.10.90.
[61] JdG et 24 Heures, 24.10.90.
[62] Délib. Ass. féd., 1989, V, p. 32.
[63] FF, 1990, II, p. 1678 s.; DP, 996, 24.5.90.
[64] Lib., 14.5.90; JdG et NZZ du 21.8.90; TA et TWdu 24.8.90; JdG et Suisse du 28.8.90. Pour les propositions de la commission Schoch et du groupe Napf, cf. supra, Organisation militaire.
[65] BO CN, 1990, p. 2436 ss.
[66] BO CE, 1990, p. 722 ss.
[67] Délib. Ass. féd., 1990, I/Il, p. 67 (Blocher) et IV, p. 22 s. (Genève).
[68] Presse du 10.9.90; Bund, 11.9.90; TW, 13.9.90; WoZ, 14.9.90.
[69] Presse du 20.2.91.
[70] FF, 1990, III, p. 542; BO CE, 1990, p. 699 ss. et 857; BO CN, 1990, p. 1965. Cf. aussi APS 1989, p. 91.
[71] BO CN, 1990, p. 684 s.