Année politique Suisse 1991 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Relations bilatérales
Suite à l'arrestation à Berne d'un Iranien soupçonné d'être impliqué dans l'assassinat de Chapour Baktiar, dernier premier ministre du Shah d'Iran, les relations entre
l'Iran et la Suisse se sont dégradées. Ce ressortissant iranien, Zeyal Sahradi, qui faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international, transmis par la France, devait être extradé par la Suisse vers la France, lorsque, quelques jours après son arrestation, les autorités iraniennes ont empêché une collaboratrice de l'ambassade suisse en Iran de quitter le pays. Après cet incident, le DFAE a aussitôt protesté auprès des autorités iraniennes contre cette décision qui constitue une grave atteinte à la liberté de mouvement et a décidé de fermer jusqu'à nouvel avis son ambassade
[94].
Après le Conseil des Etats en 1990, la chambre basse a approuvé sans opposition le traité d'extradition avec la République des
Philippines. Les Chambres fédérales ont fait de même pour le traité d'extradition avec les Etats-Unis
[95].
L'
Autriche a fait savoir qu'elle souhaitait une modification de la convention sur la double imposition avec la Suisse. Alors que les travailleurs frontaliers autrichiens employés dans le secteur privé sur le territoire helvétique s'acquittent de leurs impôts en Autriche, ceux qui travaillent dans le secteur public sont imposés en Suisse. Cette situation a entraîné un "exode professionnel" du personnel de santé et des enseignants autrichiens, étant donné les taux d'imposition plus bas des cantons. La nouvelle convention devrait obliger les frontaliers autrichiens du secteur public à s'acquitter de leurs impôts en Autriche
[96].
Les deux Chambres ont adopté la convention de double-imposition avec la
Chine. Malgré la proposition d'une minorité de la commission du Conseil national de renvoyer le projet au Conseil fédéral en demandant la suspension de l'objet jusqu'à ce que la situation des droits de l'homme et des libertés démocratiques soit rétablie de façon durable, la chambre du peuple s'est ralliée à une confortable majorité à la proposition du gouvernement
[97].
Depuis le premier avril 1991, la Suisse, en tant qu'Etat neutre,
représente les intérêts de Cuba à Washington après que la Tchécoslovaquie a renoncé à cette tâche
[98].
Suite à l'intervention des troupes soviétiques dans les
républiques baltes, le DFAE a exprimé ses vives inquiétudes sur la tournure prise par les événements auprès des représentants soviétiques en Suisse et a annoncé que l'utilisation de la violence par les troupes soviétiques auraient des conséquences négatives sur les relations diplomatiques entre la Suisse et l'URSS. Il a ensuite demandé de plus amples informations aux autorités soviétiques, comme le prévoit le' premier stade du mécanisme d'intervention des accords de la CSCE. Dans leur réponse, celles-ci ont indiqué leur intention de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Plusieurs parlementaires ont condamné ouvertement l'intervention des troupes dans les pays baltes en signalant qu'elle était contraire à la charte de la CSCE que l'URSS venait pourtant de signer; ils se sont aussi demandés si l'aide suisse à l'URSS ne devrait pas être remise en question. Bien que le Conseil fédéral ait affirmé en janvier qu'une reconnaissance de la Lituanie était prématurée, la question a tout de même été discutée au sein du DFAE
[99].
En août, le conseil fédéral a fermement condamné le coup d'Etat survenu en Union soviétique contre le président Gorbatchev. Le chef du DFAE a précisé à cette occasion qu'il serait souhaitable de recourir au mécanisme prévu par la CSCE
[100]. Peu de temps après la tentative de coup d'Etat manquée, le Conseil fédéral s'est décidé, en même temps que la plupart des Etats de la communauté internationale, à reconnaître officiellement l'indépendance des trois républiques baltes, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie
[101].
A la fin de l'année, le Conseil fédéral a reconnu les douze anciennes républiques de l'Union soviétique; il a estimé que les conditions d'une reconnaissance officielle étaient réunies. Seule la
Géorgie ne l'a pas été, en raison de sa situation politique. La Suisse a été le premier pays à faire ce geste vis-à-vis des ex-républiques de l'URSS
[102].
A la fin du mois de juin, la Suisse a condamné une première fois toute utilisation de la violence en
Yougoslavie. A cette occasion, le DFAE a déclaré qu'il soutiendrait toutes les initiatives, dans le cadre de la CSCE, visant à atténuer la crise. Face à l'évolution des événements durant l'été, le Conseil fédéral a ensuite fermement condamné l'action de l'armée fédérale en collaboration avec des troupes serbes sur le territoire croate et s'est associé aux sanctions prises par la CE à l'égard de la Yougoslavie. Les autorités helvétiques sont revenues sur leur intention de négocier un accord de libre-échange avec la Yougoslavie et ont résilié la participation de la Suisse au fonds de l'AELE en faveur de ce pays. Les propos très sévères du chef du DFAE à l'encontre des serbes ont fait réagir très vivement l'ambassade de Yougoslavie à Berne qui a déclaré que la crédibilité de la neutralité helvétique était mise en cause. La Suisse a par ailleurs offert à plusieurs reprises ses bons offices dans la recherche de la paix
[103].
Malgré les pressions des représentants slovènes et croates, la Suisse, comme le reste de la communauté internationale, n'avait pas encore officiellement reconnu à la fin de l'année l'
indépendance de la Slovénie et de la Croatie. Le Conseil fédéral a déclaré que la Suisse ne les. reconnaîtrait que dans le cadre d'une démarche commune d'un groupe significatif d'Etats; il a considéré qu'une démarche isolée ne serait pas utile et qu'une reconnaissance prématurée d'une des parties en présence risquerait d'exacerber le conflit
[104].
L'année 1991 a été marquée par de nombreux entretiens bilatéraux entre le gouvernement suisse et celui de différents pays européens sur la question du traité de l'EEE et de l'accord sur le transit alpin. Ce type d'échanges a permis aux autorités helvétiques de mieux faire comprendre la position de la Suisse sur de tels sujets. Ainsi, le chef du DFEP et le secrétaire d'Etat aux affaires économiques extérieures ont eu des contacts avec tous les inter-locuteurs des pays de l'AELE, des représentants des pays qui s'apprêtaient à assumer la présidence de la CE (Pays-Bas et Portugal) et avec des membres du gouvernement des principaux pays de la CE
[105].
Lors d'un bref séjour en Suisse, le premier ministre français Michel Rocard, accompagné de plusieurs de ses ministres, s'est entretenu avec cinq Conseillers fédéraux. Il a été question de la solution suisse du ferroutage, du traité de l’EEE et de l'achat par la Suisse de nouveaux avions de combat. C'était la première fois qu'un premier ministre de la Vème République se trouvait en Suisse pour une visite officielle. Le président
Mitterrand s'est aussi rendu en Suisse, au Tessin, pour s'entretenir avec une délégation du Conseil fédéral sur la question de l'intégration européenne
[106].
Il a aussi été principalement question du processus d'intégration européenne lors des visites du ministre des affaires étrangères allemand
Hans-Dietrich Genscher et du président italien
Francesco Cossiga
[107].
La question des réformes économiques et de l'intégration des économies des
pays d'Europe de l'Est dans l'économie mondiale ont été au centre des entretiens avec le président hongrois Arpad Göncz, les ministres des affaires étrangères polonais Krysztof Skubiszewski et hongrois Geza Jezenszky
[108].
En marge du forum économique de Davos, le chef du DFEP a pu s'entretenir avec différentes personnalités gouvernementales, notamment avec les premiers ministres Jan Bielecki (Pologne), Dimitar Popov (Bulgarie) et Petre Roman (Roumanie)
[109].
Le ministre de la défense
autrichien Werner Fasslabend a séjourné deux jours en Suisse et s'est entretenu avec K. Villiger sur la politique de sécurité en Europe
[110].
Koller a rencontré le ministre de l'intérieur autrichien Franz Löschack pour essayer d'établir une position commune sur la question des contrôles à la frontière et des demandeurs d'asile. Quelques semaines plus tard, il s'est entretenu avec ses collègues italien et autrichien sur la même question en marge de la conférence de Berlin, consacrée à l'immigration illégale
[111].
Le président de l'Equateur Rodrigo Cevallos et son ministre des affaires étrangères, tout comme le ministre des affaires 'étrangères argentin Guido di Tella quelques semaines plus tard, ont eu des entretiens officiels avec R. Felber et J.P. Delamuraz au sujet notamment de la coopération entre la Suisse et leur pays respectif
[112].
Pour la première fois, le
dalaï-lama, chef spirituel du peuple tibétain, a été reçu officiellement par le ministre des affaires étrangères suisse
[113].
Après la condamnation par la Suisse du coup d'Etat contre le président haïtien Jean-Bertrand Aristide, celui-ci a été reçu par R. Felber
[114].
Lors de la journée des relations internationales du
700ème anniversaire de la Confédération, plusieurs personnalités de renommée internationale, dont J. Perez de Cuellar, H.D. Genscher et C. Lalumière (secrétaire générale du Conseil de l'Europe) sont venus présenter leurs voeux devant l'Assemblée fédérale
[115].
En marge de la réunion des ministres de l'environnement de l'OCDE, F. Cotti a été reçu par le président de la
République française; la discussion a surtout porté sur le traité de l'EEE et sur les relations francósuisses
[116].
Lors de sa visite officielle en
Espagne, le chef du DFAE s'est entretenu avec le premier ministre Felipe Gonzales et son ministre des affaires étrangères; il a également été reçu par le roi Juan Carlos. Le but essentiel de cette visite était de présenter la position de la Suisse dans les négociations sur le traité de l'EEE
[117].
Les conseillers fédéraux O. Stich et A. Ogi ont rencontré à
Vienne leurs collègues autrichiens pour discuter des aspects financiers de la circulation à travers les Alpes
[118].
Le ministre de la défense, K. Villiger s'est rendu à
Bonn pour discuter avec son homologue allemand Gerhard Stoltenberg sur la situation politique dans les pays d'Europe de l'Est et sur le futur rôle de l'armée suisse dans une Europe en pleine restructuration. Il a aussi effectué une visite de deux jours en
Hongrie; quelques semaines plus tard, c'est A. Koller qui a rendu visite aux autorités hongroises pour exposer différents mécanismes de la justice et de la police en Suisse
[119].
Le chef du DFAE s'est rendu en
Tchécoslovaquie, où il a rencontré son homologue Jiri Dienstbier et le président Vaclav Havel. L'intégration européenne, l'aide suisse aux pays de l'Est, les événements en URSS et la crise yougoslave ont été abordés. J.P. Delamuraz, accompagné par le secrétaire d'Etat K. Jacobi et par une vingtaine d'hommes d'affaires, a effectué une visite officielle de quatre jours en Tchécoslovaquie et en Hongrie. Les conditions d'investissement et les possibilités de coopération entre entreprises des deux pays ont été au centre des discussions avec les divers ministres rencontrés
[120].
Afin de discuter de la situation dans la
région du Golfe et de la persécution des populations kurdes d'Irak, le chef du DFAE s'est rendu en Iran et en Turquie
[121].
Le conseiller fédéral J.P. Delamuraz a conduit une mission économique en
Corée du Sud afin de promouvoir l'économie suisse sur un marché sud-coréen encore relativement fermé aux produits étrangers. Le chef du DFEP s'est entretenu avec le président Roh Tae Woo ainsi qu'avec plusieurs ministres
[122].
Le chef du DFAE a effectué une visite officielle en
Inde où il a rencontré le premier ministre Narasimha Rao, ainsi que le ministre des affaires étrangères et celui des finances. Les discussions ont surtout porté sur des questions économiques et sur un accord de double-imposition
[123].
[94] Presse du 27.12. (arrestation) et 30.12.91; NQ, 31.12.91.
[95] BO CN, 1991, p. 643 s. (Philippines) et 1305 ss. (EU); BO CE, 1991, p. 299; cf. APS 1990, p. 81. Pour l'affaire Marcos, cf. infra, part. I, 4b (Banken).
[97] BO CN, 1991, p. 548 ss.; BO CE, 1991, p. 539: cf. APS 1990, p. 81.
[98] NZZ, 11.2. et 12.2.91.
[99] NZZ, 14.1.91; presse du 29.1.91; NZZ et JdG, 27.2.91 (réponse soviétique).
[101] Presse du 24.8., 28.8. et 29.8.91.
[102] Presse du 24.12.91.
[103] NZZ, 1.7.91; presse du 29.8. (condamnation par la Suisse) et 9.11.91; Suisse, 8.9.91.
[104] 24 Heures, 30.11. et 10.12.91; BaZ, 10.12.91; NZZ, 18.12.91 (position de la Suisse); voir aussi BO CN, 1991, p. 1594 et 2279 (réponse de R. Felber à plusieurs questions sur le conflit yougoslave).
[105] FF, 1992, I, p. 1107 ss.
[106] Presse du 27.3. (Rocard) et 8.6.91 (Mitterand).
[107] Presse du 30.4. (Genscher) et 23.-26.10.91 (Cossiga).
[108] Presse du 30.4. et 1.5.91 (Göncz); Bund et NZZ, 3.9.91 (Skubiszewski); presse du 12.12.91 (Jezenszky).
[109] FF, 1992, I, p. 1107 ss.
[111] Presse du 26.9.91; NZZ, 31.10.91.
[112] NZZ, 23.2.91; FF, 1992, I, p. 1107 ss.
[114] Presse du 2.10. et 26.10.91.
[117] NZZ, 22.3. et 23.3.91.
[119] Presse du 27.8.91; JdG, 19.2. et 20.2.91; presse du 11.5.91 (visites en Hongrie); JdG, 28.8.91 (Stoltenberg).
[120] NZZ et JdG, 27.8.91 (Felber); Express, 8.10.91; JdG, 10.10. et 12.10.91.
[121] Presse du 4.4. et 6.4.91.
[123] Presse du 14.10. et 15.10.91.
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