Année politique Suisse 1991 : Economie / Agriculture
Politique des revenus
Le revenu paysan a continué à se dégrader en 1991. Ce phénomène a deux causes principales; d'une part, la stabilité des prix (voir ci-dessous) et, d'autre part,
l'accroissement important des coûts de production (les responsables majeurs étant l'augmentation des taux d'intérêt et le renchérissement). Ainsi, selon l'USP, l'indice du pouvoir d'achat des agriculteurs avait baissé, au mois de mai, de 4% par rapport à 1990. De bonnes récoltes et des paiements directs plus élevés ne sont donc pas parvenus à compenser l'augmentation constante des coûts de production. Par rapport au salaire paritaire, le revenu paysan est ainsi toujours en retard et ce, particulièrement dans les régions de montagne; en 1991, le revenu mensuel moyen d'un paysan s'est monté à 3300 francs contre 3700 chez un salarié
[18].
Parallèlement à la consultation sur la modification de la loi sur l'agriculture concernant les paiements directs, le Conseil fédéral a entamé la mise en oeuvre effective de réformes dans la politique agricole de la Confédération, à savoir assurer le revenu paysan par des contributions non liées à la production plutôt que par les prix. Pour ce faire, comme prévu, le gouvernement a refusé d'augmenter de 5 centimes le prix de base du litre de lait comme le demandaient les organisations paysannes
[19].
Pour compenser ces pertes occasionnées au revenu paysan, il a décidé, par le biais d'une modification de l'ordonnance sur les contributions aux frais des détenteurs de bétail, de faire passer les contributions aux détenteurs de bétail de 2000 à 4500 francs par exploitation et par an, les bases légales pour d'autres formes de paiements directs n'étant pas encore en vigueur. Le nombre des bénéficiaires a été élargi par l'augmentation de la taille limite des exploitations et des effectifs de bétail concernés (90% des entreprises sont ainsi touchées)
[20]. Dans son ensemble, le revenu paysan devrait ainsi se voir revalorisé de l'ordre de 170 millions de francs (5%) par année. Pour le gouvernement, une telle mesure a l'avantage d'être compatible avec les exigences du GATT et de ne pas favoriser la surproduction
[21].
Les réactions à ces décisions de l'UDC, du PDC et des organisations paysannes ont été négatives; il a été particulièrement regretté que les paysans n'obtiennent pas une pleine compensation du renchérissement. Par contre, l'AdI s'est réjouie que le prix du lait n'augmente pas et que la mise en oeuvre de paiements directs entre dans les faits
[22].
En fin d'année, le VKMB a à nouveau demandé une hausse du prix du litre de lait et des paiements directs complémentaires, qu'il considérait comme urgente et nécessaire au vu de l'état économique de la paysannerie suisse. L'USP a également réclamé une augmentation du prix du lait ainsi que du sucre et des contributions pour les détenteurs d'animaux. Si cela devait être refusé, la centrale de Brugg a exigé que des paiements directs complémentaires soient introduits d'urgence pour combler le déficit du revenu paysan — celui-ci devrait se monter à 300 millions de francs pour 1991 (notamment en raison de l'inflation) —, les agriculteurs ne pouvant attendre la modification de la loi sur l'agriculture pour voir leur pouvoir d'achat s'améliorer
[23].
Les
contributions aux frais de détenteurs de bétail de la région de montagne et de la zone préalpine 1991-92, que le Conseil fédéral avait proposé de faire passer de 480 millions de francs à 515 afin de revaloriser le revenu paysan avaient, en 1990, été estimées encore insuffisantes par le Conseil des Etats. Celui-ci s'était prononcé pour une somme de 550 millions. En 1991, le Conseil national a accepté facilement cette proposition
[24].
D'autre part, le Conseil national a transmis, contre l'avis du gouvernement, le postulat de sa commission concernant la sauvegarde des subsides à l'exploitation; cela concerne les 16,5 millions de francs que la Confédération versait aux participants au service de vulgarisation qui ont été biffés en tant que tel et intégrés au total de la somme des contributions aux frais des détenteurs de bétail de. la région de montagne
[25]. Par ailleurs, concernant le calcul de ces contributions, la grande chambre a accepté le postulat Schnider (pdc, LU) demandant que la pondération du temps d'alpage soit augmentée
[26].
Dans le cadre de la
reconduction de la loi sur les crédits d'investissements dans l'agriculture et aide aux exploitations paysannes adoptée en 1990 par la petite chambre, le Conseil national a créé quelques divergences en première lecture. La principale consista en l'adjonction de dispositions demandant que les exploitations bénéficiaires de crédits se dirigent vers des modes de production respectueux de l'environnement. Considérant que cela avait peu de sens et était déjà contenu au premier article du texte, le Conseil des Etats resta sur sa position. La grande chambre s'y rallia par la suite. Le reste des divergences fut également rapidement éliminé et la loi acceptée à de larges majorités
[27].
Le Conseil national a, en outre, accepté une motion de sa commission concernant un projet de loi sur la
reconversion de la dette agricole. Ce texte considère que si le revenu paysan devait encore souffrir notablement des négociations relatives au GATT et à l'intégration européenne, il serait judicieux de prévoir des mesures soulageant les agriculteurs devenus incapables d'assumer leurs engagements financiers (en raison de la hausse des taux hypothécaires, de la baisse des prix à la production et de la limitation des quantités produites). Le gouvernement, quant à lui, entendait transformer ce texte en postulat ; selon lui, il propose une solution trop onéreuse et certaines dispositions allant dans ce sens existent déjà dans d'autres lois. Le Conseil des Etats, pour sa part, a suivi la proposition du gouvernement et a transmis cette motion comme postulat
[28]. La grande chambre a encore accepté le postulat Schmidhalter (pdc, VS) demandant que les agriculteurs à ,temps partiel puissent jouir de paiements directs appropriés et que les agriculteurs de montagne ne soient pas défavorisés par rapport à ceux de plaine
[29].
[18] LM, 18.4.91; SGT, 16.11.91; LZ, 21.12.91; LID-Dokumentation, 319, 19.12.91.
[19] En fin d'année, le gouvernement et l'administration fédérale des blés ont renoncé à relever le prix des betteraves sucrières et, respectivement, du pain (NZZ, 25.9.91; Express, 24.12.91).
[20] A ce sujet, le VKMB a déposé une plainte contre le CF pour violation de la loi sur l'agriculture, celle-ci prévoyant de telles contributions uniquement pour les petites et moyennes exploitations (Gnueg Heu dune!, 1, 26.1.91; Bund, 28.1.91; presse du 11.2.91; 24 Heures, 14.2.91).
[21] RO, 1991, p. 429 ss. (entrée en vigueur avec effet rétroactif au ler janvier 1991); presse du 22.1. et 25.4.91; Express et AT, 23.1.91; SHZ, 7.2.91; LID-Pressedienst, 1685, 25.1.91. Voir aussi APS 1990, p. 116.
[23] TA, 2.9.91; Gnueg Heu dune!, 6, 11.9.91 ;NZZ, 2.9. et 13.9.91; LID-Pressedienst, 1718, 13.9.91. Par ailleurs, l'USP, comme la Communauté de travail pour les régions de montagne (SAB), a protesté contre certaines coupes faites au budget de la Confédération, notamment en ce qui concerne les contributions aux frais et les mesures pour l'écoulement du bétail (30 millions) (BO CN, 1991, p. 2256 ss.; BO CE, 1991, p. 951 ss.; BZ, 7.11.91; 24 Heures, 20.11.91).
[24] BO CN, 1991, p. 218 s.; FF, 1991, I, p. 1319; presse du 5.3.91; LID-Pressedienst, 1691, 8.3.91. Cf. APS 1990, p. 116.
[25] BO CN, 1991, p. 219 s.
[26] BO CN, 1991, p. 1989.
[27] BO CN, 1991, p. 203 ss., 1261 ss. et 2036; BO CE, 1991, p. 435 ss., 735 et 920; FF, 1991, III, p. 1546 ss.; presse du 5.3.91; NZZ, 11.6. et 21.6.91; LID-Pressedienst, 1691, 8.3.91; Gnueg Heu dune!, 2, 18.3.91. Voir aussi APS 1990, p. 116.
[28] BO CN, 1991, p. 216 s.; BO CE, 1991, p. 440 et 735 s.
[29] BO CN, 1991, p. 1988 s.; NF, 18.7.91.
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