Année politique Suisse 1991 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Politique des transports
Le Conseil des Etats a transmis le postulat de sa commission sur le développement et la croissance de la mobilité. Ce texte demande au gouvernement d'élaborer un rapport à ce sujet ayant pour objectif de mettre en lumière les causes de ce phénomène, ainsi que les raisons de l'inégalité du développement entre le trafic privé et les transports publics, qu'elles soient politiques, sociales, économiques, fiscales ou géographiques. Cette étude devrait également proposer des solutions en vue de résorber cette dissymétrie
[1].
Les
négociations entre la Suisse et la CE au sujet du trafic de transit se sont poursuivies en 1991 et ont abouti à un accord, mais le compromis ne fut trouvé que tardivement. Ainsi, en début d'année, chaque partie campait encore sur ses positions. Bruxelles demandait plus de flexibilité de la part de la Confédération, la CE désirant que la Suisse modère sa position, notamment en ce qui concerne les 40 tonnes et l'interdiction de rouler la nuit et le dimanche. Pour sa part, la Suisse restait intraitable sur sa limite de 28 tonnes pour les poids lourds et sur ses diverses restrictions
[2]. D'ailleurs, le Conseil national a rejeté un postulat Scherrer (pa, BE) qui entendait assouplir l'interdiction pour les camions de rouler la nuit
[3].
Au vu de ce blocage, la CE a augmenté la pression sur la Suisse (et l'Autriche, également en prise à des négociations sur le même sujet) en avertissant l'AELE qu'il n'y aurait pas de traité sur l'EEE sans accord sur le transit. Cet ultimatum a donc créé un lien implicite entre les deux négociations, même si le commissaire européen aux transports s'en est défendu
[4].
Peu après, la Commission de la CE a proposé à la Suisse d'adopter le système des "points écologiques", alors en discussion avec l'Autriche. Cette formule consiste à déterminer la pollution annuelle du trafic lourd supportable sur une route, le transit autorisé étant ainsi fonction de la charge sur l'environnement et non de contingents ou de limites de poids
[5]. La Suisse, ainsi que les quatre partis gouvernementaux, ne fut pas convaincue et s'est opposée à cette solution. Les arguments invoqués furent que celle-ci nécessiterait une surcharge administrative, ne prendrait en compte que la pollution de l'air, ne conduirait pas à une pensée globale du problème du transport et nécessiterait une modification de la loi pour éliminer la limite de 28 tonnes, ce qui ferait courir le risque d'un rejet en référendum
[6].
Considérant l'intransigeance de la Suisse sur un
éventuel corridor routier pour les 40 tonnes, la CE a orienté ensuite les négociations vers la recherche de dérogations à la limite des 28 tonnes. En juin, afin de sauver les négociations sur le transit (et l'EEE), la Suisse a profité de cette occasion et a proposé à la CE certaines exceptions; celles-ci entraient dans le cadre de la loi sur la circulation routière et ne concernaient que les denrées périssables. Elles auraient été limitées dans le temps et en quantité (50 poids lourds par jour) jusqu'à ce que les capacités du ferroutage permettent d'absorber le trafic européen
[7]. La CE a toutefois jugé insuffisante l'offre suisse. Elle a ensuite proposé une nouvelle solution refusée par la Suisse: le concept de bonus qui consisterait à augmenter le nombre d'exceptions à la limite de 28 tonnes dès que le ferroutage se serait intensifié. Par exemple, à chaque fois que trois remorques transitant par la Suisse auraient été chargées sur le rail, un camion de 40 tonnes aurait pu bénéficier d'une dérogation
[8].
Pourtant, à' la fin du mois d'octobre, en même temps que les négociations sur l'EEE, celles sur le transit ont abouti.
L'accord conclu reprend la solution des dérogations et permet à la Suisse de conserver sa limite de 28 tonnes pour les poids lourds
[9]. Les exceptions sont de 100 camions de 40 tonnes par jour (50 allers et retours) mais de 15 000 au maximum par année. Ceux-ci devront cependant répondre aux normes les plus strictes en matière de protection de l'environnement, ne transporter que des denrées périssables et urgentes et ne passer par la route que si les capacités de ferroutage sont épuisées, ce qui devrait assurer un nombre restreint de dérogations. Par ailleurs, La Suisse a obtenu la garantie que ses camions de 40 tonnes pourront circuler sur les routes de la CE et qu'une solution satisfaisante sera trouvée dans le domaine du trafic aérien. Elle s'est également engagée à augmenter à court terme ses capacités de ferroutage par le Lötschberg et le Gothard et, à long terme, à faire de même grâce aux transversales alpines. Ce traité, d'une durée de douze ans, a été paraphé au début du mois de décembre. Il est prévu qu'un comité procède à son réexamen tous les trois ans, en particulier en fonction des problèmes environnementaux posés par le trafic de transit.
Si cet accord a reçu un écho presque unanimement positif, certains observateurs ont néanmoins souligné son point faible: le fait que la Suisse ne puisse pas limiter le nombre de camions de 28 tonnes, sauf autorisation expresse de la CE. Cela signifie qu'une quantité illimitée de ce type de camions, dont certains très polluants, pourraient emprunter le réseau routier helvétique, ce d'autant qu'ils seraient dissuadés de passer par l'Autriche pour ne pas gaspiller leurs points écologiques
[10].
Le Conseil fédéral a approuvé
l'accord trilatéral Suisse-Allemagne-Italie qui constitue un fondement important de la mise en application du traité sur le transit, et des mesures provisoires décidées en 1989 par le gouvernement dans l'attente des transversales alpines. Ce texte a pour but d'améliorer l'offre de transport combiné rail-route et prévoit, à cet effet, d'en élever la capacité d'ici 1994 grâce à des mesures techniques, ainsi qu'au développement de tronçons et de terminaux. Il règle l'adaptation des infrastructures sur les axes du Lötschberg-Simplon et du Gothard, pour que les capacités de ferroutage de la Suisse ne débouchent pas sur des goulets d'étranglement aux frontières. Outre les adaptations techniques, les extensions de réseaux et la construction de terminaux, l'accent est mis sur la suppression d'entraves administratives et sur une harmonisation des tarifs et des horaires
[11].
Participant à la Conférence paneuropéenne de Prague sur les transports, la Suisse, ainsi qu'une trentaine d'autres pays, a adopté une déclaration appelant à un développement coordonné d'un système de transports couvrant toute l'Europe, celle de l'Est y compris. Il s'agirait ainsi de mettre en place un réseau d'infrastructure qui soit organisé au niveau international par une collaboration continue entre les Etats, et qui aurait pour buts la rentabilité économique, mais aussi l'économie d'énergie et la protection de l'environnement
[12].
Le Conseil fédéral a signé l’" accord européen sur les grandes lignes de transport combiné internationales et les installations connexes", la Suisse en devenant ainsi la quinzième partie contractante. Ce texte, élaboré par la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, prévoit le développement, en Europe, du trafic combiné rail-route par l'amélioration de sa compétitivité afin de le rendre plus attractif
[13].
Le Conseil national a transmis le postulat Weber (prd, SZ) demandant au gouvernement de procéder aux modifications législatives nécessaires pour favoriser le financement des équipements en faveur des personnes handicapées dans les transports publics
[14].
[2] JdG, 15.2.91. Voir APS 1989, p. 138 s. et 1990, p. 148 s.
[3] BO CN, 1991, p. 379 s.
[4] JdG, 21.2., 23.2. et 7.3.91. Voir aussi supra, part. I, 2 (Europe).
[5] Cela pourrait ainsi permettre l'augmentation du trafic de poids lourds moins polluants.
[6] JdG et NZZ, 9.3.91; presse du 13.3., 28.3. et 30.3.91 (réactions).
[7] Presse du 7.6. et 14.6.91; BZ, 8.6. et 15.6.91 (Ogi); TA, 18.6.91. La Suisse a quelque peu cédé aux pressions de la CE car un danger important menaçait Swissair et Crossair; dans le cadre des négociations sur le trafic aérien entre la CE et ('AELE, la CE avait rompu les pourparlers avec la Suisse et l'Autriche et le risque d'isolement était trop grand pour ces entreprises: cf. infra, Trafic aérien.
[8] Presse du 18.6., 20.6. et 24.7.91.
[9] Dans l'accord avec l'Autriche, c'est le système de points écologiques qui a prévalu.
[10] Presse du 14.10., 22.10. et 4.12.91; BZ, 28.10.91; Suisse, 13.11. et 29.12.91; SHZ, 5.12.91. Paraphe: NZZ, 26.11.91; presse du 4.12.91. Sur ces négociations, voir encore presse du 16.2., 25.3., 26.3. et 8.10.91; NZZ, 22.2. et 17.6.91; BaZ, 26.2. et 27.3.91; TA, 7.3., 20.6., 7.10. et 9.10.91 (Ogi); Bund, 15.3.91; Ww, 4.4. et 27.6.91 (Ogi); JdG, 12.4., 5.10., 7.10. et 9.10.91; BZ, 29.5.91; LNN, 28.9.92; 24 Heures, 1.10.91; LM, 7.10. et 18.10.91.
[11] Presse du 7.11.91. Voir APS 1989, p. 148.
[12] NZZ et JdG, 1.11.91; SGT, 2.11.91.
[13] NZZ et JdG, 1.11.91; presse du 4.12.91.
[14] BO CN, 1991, p. 1355.
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