Année politique Suisse 1992 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Relations bilatérales
Suite à l'arrestation à .Berne d'un ressortissant iranien soupçonné d'être impliqué dans l'assassinat en France de l'ancien premier ministre Chapour Baktiar, les
relations diplomatiques avec l'Iran, s'étaient détériorées à la fin de l'année 1991. En 1992, celles-ci ont été entachées par plusieurs événements qui ont exacerbé les tensions entre les deux pays. L'année avait pourtant débuté sous de bonnes auspices, puisque l'ambassade suisse à Téhéran avait été réouverte suite à une légère détente dans les relations entre les autorités iraniennes et le personnel diplomatique helvétique
[104].
La décision des autorités suisses de satisfaire la demande d'extradition des autorités françaises contre Zeyal Sarhadi amena celui-ci à faire recours auprès du Tribunal fédéral; parallèlement, différentes menaces de rétorsions économiques à l'égard des entreprises suisses actives en Iran ont été exprimées dans la presse iranienne; celles-ci furent prises très au sérieux par le, Conseil fédéral
[105]. Par la suite, l'homme d'affaires suisse, Hans Bühler, a été arrêté à Téhéran pour le motif d'avoir entretenu des contacts illégaux avec des militaires iraniens. Pendant plusieurs semaines, les autorités de Téhéran n'ont donné aucune explication sur cette arrestation. Même si les deux pays ont constamment nié l'existence de liens entre les deux affaires, il paraît vraisemblable que les accusations portées contre l'homme d'affaire helvétique ont été utilisées par les autorités iraniennes afin de faire pression sur la Suisse dans l'affaire Zeyal Sarhadi
[106]. Par ailleurs, le gouvernement iranien a décidé de mettre fin aux activités de l'unité du CICR à Téhéran en raison «de violations fréquentes des limites de ses fonctions prévues dans les conventions de Genève». Les 15 délégués de l'organisation ont dû regagner la Suisse
[107].
Comme l'avaient fait les autorités iraniennes à l'encontre du personnel diplomatique suisse en décembre 1991, le DFAE a décidé de restreindre la liberté de mouvement des membres de l'ambassade iranienne à Berne. Le DFAE a justifié cette décision comme une mesure de réciprocité identique à celle appliquée à Téhéran. Quelques jours plus tard, l'ambassade iranienne fut saccagée par un groupe d'opposants politiques au régime islamique iranien, ce qui envenima les relations entre les deux pays
[108].
Après le rejet par le Tribunal fédéral du recours de Zeyal Sarhadi, ce dernier a été extradé en France, où il a été inculpé et incarcéré. Malgré les menaces des autorités iraniennes, les relations entre les deux pays se sont quelque peu détendues par la suite. Ainsi, les restrictions de mouvement pour le personnel des ambassades des deux pays ont été levées. A la fin de l'année, a débuté le procès de Hans Bühler
[109].
Les deux Chambres ont accepté à l'unanimité les conventions de double imposition avec la Pologne, la Bulgarie, et la modification de celles qui lient la Suisse à la Finlande et à la Suède. L'intensification des relations économiques avec les pays d'Europe centrale et orientale ont incité la Bulgarie et la Pologne à solliciter la Suisse pour conclure de tels accords afin de faciliter les investissements helvétiques. Dans les deux cas, il s'est agi, outre la suppression de la double imposition, d'assurer une certaine protection fiscale aux entreprises helvétiques qui investissent dans ces pays
[110].
Au début de l'année, la Suisse, à l'instar de la Communauté européenne, a officiellement reconnu l'indépendance de la
Slovénie et de la
Croatie dans les frontières qui étaient les leurs au moment de la proclamation de leur indépendance. Une délégation du DFAE a été envoyée dans les deux républiques de l'ex-Yougoslavie afin d'établir les premiers contacts, diplomatiques officiels avec les autorités de ces deux nouveaux Etats
[111].
Après les Etats-Unis et la CE, la Suisse, estimant que les conditions (un territoire, un peuple et un gouvernement) pour une telle reconnaissance étaient réunies, a reconnu officiellement l'indépendance de la
Bosnie-Herzegovine
[112].
La Suisse a formellement reconnu la
Géorgie comme Etat indépendant; cela n'avait pas été fait en même temps que pour les autres républiques de l'ex-URSS en raison de la situation politique incertaine qui y régnait
[113].
La reconnaissance des
trois Etats baltes, des douze républiques de l'ex-URSS, puis, par la suite, des trois républiques de l'ex-Yougoslavie a posé certains problèmes de financement et de personnel lors de l'établissement de relations diplomatiques avec ces nouveaux Etats. En effet, le DFAE, qui estimait nécessaire la
création d'environ 70 postes de diplomates et d'employés d'ambassade, a vu ses ambitions réduites par le DFF pour des motifs budgétaires. Face à l'impossibilité d'ouvrir des instances de représentation dans chacun de ces Etats, le Conseil fédéral a décidé de créer trois nouvelles ambassades en Lettonie, en Ukraine et en Albanie, et de transformer le consulat général de Zagreb en ambassade, laquelle sera responsable de la Croatie et de la Slovénie. L'ambassade suisse de Lettonie sera également responsable de la Lituanie; celle de la Finlande se chargeant de l'Estonie. A Kiev, la nouvelle ambassade s'occupera d'une ou deux républiques voisines; quant à l'ambassade de Moscou, qui sera renforcé en personnel, il continuera de s'occuper des autres républiques de l'exURSS
[114].
Durant toute l'année 1992, le Conseil fédéral a maintenu des contacts étroits avec les autorités des différents Etats engagés dans le processus de ratification du traité de l'EEE et l'accord sur le transit alpin. Ces entretiens ont permis à la Suisse de mieux faire comprendre son point de vue sur différentes questions et de mieux apprécier les positions de chaque Etat. Les visites des dirigeants des pays de la CE et de ]'AELE, ainsi que les séjours dans les capitales européennes des conseillers fédéraux et des secrétaires d'Etat en charge du dossier, ont été nombreux au cours de l'année
[115].
Les ministres finlandais de l'intérieur et des affaires étrangères, Mauri Pekkarinen et Paavo Väyrynen, se sont rendus en Suisse pour s'entretenir avec plusieurs conseillers fédéraux sur différents aspects de l'intégration européenne et sur le processus de ratification du traité de l'EEE
[116].
Une délégation du Conseil fédéral a reçu le Chancelier autrichien, Franz Vranitzky, pour échanger des informations sur le sujet de l'intégration européenne et de la crise yougoslave. Quelques semaines plus tard, c'est le nouveau président autrichien, Thomas Klestil, qui s'est rendu en Suisse pour une brève rencontre de travail ; la première visite officielle de ce dernier, accompagné de son ministre des affaires étrangères, a eu lieu en novembre. Lors de son séjour, au cours duquel il a rencontré la totalité des conseillers fédéraux, le question de l'avenir de la neutralité dans le contexte de l'instauration prévue d'un système de sécurité collective sous l'égide de la CE a été au centre des discussions; la crise yougoslave et le problème des réfugiés ont également été abordé. Les similarités politiques entre les deux pays, notamment en ce qui concerne les changements dus à l'intégration européenne, ainsi que leur excellente entente, ont été largement soulignées. Peu de temps auparavant, A. Ogi avait rencontré le ministre des transports autrichien, Viktor Klima, pour aborder la question du transit à travers les Alpes
[117].
Le ministre britannique des transports, Malcolm Rifkind, et A. Ogi ont procédé à un échange de vues sur les problèmes liés aux tunnels ferroviaires, à la privatisation des chemins de fer et à la modernisation du rail et des transports aériens
[118].
Lors de sa visite en Suisse, le ministre allemand de l'intérieur, Rudolf Seiters, s'est entretenu avec le chef du DFJP sur la question de l'asile et a proposé la conclusion d'un nouvel accord entre les deux pays sur la reprise des étrangers illégaux
[119].
Le ministre français de la défense, Pierre Joxe, a rendu visite à son homologue helvétique pour s'entretenir de la collaboration entre Etats en matière de politique de sécurité. Il a notamment été question du rôle de la CSCE dans la prévention et le règlement des conflits
[120].
Le chef du DFAE a reçu le ministre des affaires étrangères bulgare, Stojan Ganev, pour signer une déclaration d'intention dans le cadre de l'aide suisse en faveur de la transition de la Bulgarie vers l'économie de marché
[121].
Le président slovène, Milan Kucan, a été reçu par le chef du DFAE pour discuter des projets de l'aide suisse en faveur de l'Europe centrale et orientale qui concernent la Slovénie
[122].
Le chef du DFAE a profité de la tenue du forum économique de Davos pour établir des contacts informels avec les présidents de sept républiques de l'ex-Union soviétique présents à cette réunion (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Kazakhstan, Ouzbékistan et Ukraine)
[123].
La visite en Suisse du premier ministre chinois Li Peng, considéré comme un des principaux responsables de la répression des manifestations étudiantes sur la place Tien-an-Men en 1989, a suscité de vives protestations de la part des milieux politiques, ainsi que des organisations de défense des droits de l'homme. Cette visite a en outre été marquée par un incident diplomatique; après que la délégation chinoise a fait savoir son refus de s'entretenir avec le chef du DFJP sur la question des droits de l'homme en Chine et la situation au Tibet, A. Koller a décidé de ne pas participer aux réunions officielles entre les délégations suisse et chinoise. Au cours des entretiens avec le dirigeant chinois, les conseillers fédéraux, J.P. Delamuraz et R. Felber, ont tout de même abordé le problème des droits de l'homme, ainsi que les relations économiques entre les deux pays et la situation internationale
[124].
Le vice-président des Etats-Unis, Dan Quayle, a été reçu par le vice-président de la Confédération pour s'entretenir sur les négociations de l'Uruguay Round, ainsi que sur une éventuelle visite en Suisse du président George Bush
[125].
Le nouveau secrétaire général des Nations Unies, Boutros Ghali, s'est rendu à Berne où il s'est entretenu avec le chef du DFAE sur la présence de l'organisation mondiale à Genève et sur la crise yougoslave
[126].
Le président de la République du Bénin, Nicéphore Soglo, a effectué un séjour en Suisse durant lequel il s'est entretenu avec A. Ogi
[127].
Peu avant que l'Angleterre n'assume la présidence du Conseil des ministres de la CE, le chef du DFJP s'est rendu à Londres pour s'entretenir avec le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères sur le processus de ratification du traité de l'EEE; il a également eu une entrevue avec le ministre de l'intérieur, Kenneth Baker, au sujet du problème des réfugiés. Quelques semaines plus tard, Le premier ministre John Major, ainsi que plusieurs de ses ministres, ont reçu J.P. Delamuraz pour discuter de la candidature de la Suisse pour adhérer à la CE
[128].
Moins d'un mois avant la votation sur le traité de l'EEE, R. Felber a été reçu dans la capitale française par le président François Mitterrand pour s'entretenir sur le thème de la politique d'intégration européenne de la Suisse. Quelques jours après cette entrevue, le chef du DFAE s'est rendu en Angleterre pour rencontrer son homologue britannique, Douglas Hurd
[129].
Le ministre français des transports, Jean-Louis Bianco, a reçu A. Ogi pour procéder à un échange de vues sur les trois projets de TGV (Paris-Strasbourg, Rhin-Rhône et la liaison Mâcon-Genève) intéressant la Suisse
[130].
Une délégation économique emmenée par J.P. Delamuraz s'est rendue en Pologne pour une visite de trois jours. Les relations économiques entre les deux pays, ainsi que la négociation d'un accord de libre-échange entre la Pologne et les pays de l'AELE, ont été au centre des discussions avec le président Lech Walesa et les différents ministres rencontrés. Le libre-accès des produits agricoles polonais sur les marchés occidentaux a constitué la pierre d'achoppement à la conclusion de l'accord; celui-ci n'a être signé qu'à la fin de l'année
[131].
Le chef du DFTCE a effectué un voyage officiel en Hongrie pour s'entretenir avec son homologue hongrois, Czaba Siklos, au sujet de la politique des transports en Europe
[132].
Les conseillers fédéraux A. Koller et F. Cotti se sont rendus à Washington. Le premier a eu une entrevue avec le ministre de la justice, William Barr, au cours de laquelle il a été question de la collaboration dans la lutte contre la criminalité liée à la drogue, de l'entraide judiciaire et d'un nouveau traité d'extradition entre les deux pays. Le second s'est entretenu, entre autres, avec son homologue William Reilly sur les questions de l'environnement, de la recherche et de la science. Lors de son séjour, le chef du DFI a également rencontré le secrétaire général des Nations Unies, Boutros Ghali, pour discuter du sommet de Rio
[133].
Le chef du DFEP, accompagné d'une importante délégation des milieux économiques suisses, a effectué un séjour d'une semaine en
Chine; il s'agissait de la première visite officielle d'un conseiller fédéral en Chine depuis la répression de la place Tien-an-Men en 1989. La présence des représentants des milieux économiques s'explique par l'important potentiel de commandes que représente le marché chinois pour les exportations helvétiques. L'amélioration des échanges économiques entre les deux pays, qui ont déjà fortement progressé ces dernières années, a été au centre des entretiens avec les dirigeants chinois. Un accord sur la propriété intellectuelle, prévoyant une meilleure protection des inventions suisses, a été conclu; en échange, les représentants helvétiques se sont engagés à soutenir la tentative de la Chine de réintégrer le GATT. La question des droits de l'homme a également été évoquée par J.P. Delamuraz
[134].
Lors d'une visite officielle au Japon, A. Ogi a rencontré le premier ministre, Kiichi Miyazawa, ainsi que plusieurs de ses ministres afin d'échanger des informations dans le domaine des télécommunications, des transports et de l'énergie
[135].
[104] Presse des 3.1. et 6.1.92; A PS 1991, p. 91.
[105] Presse des 25.2., 2.3., 24.3. et 27.5.92 (extradition); presse des 11.3. et 25.3.92 (menaces); BO CN, 1992, p. 330.
[106] Presse des 31.3., 18.4. et 6.5.92.
[107] Presse des 23.3. et 28.3.92.
[108] Presse des 1.4. (limitation de la liberté de mouvement), 7.4., 8.4. et 14.4.92 (saccage).
[109] Presse du 12.6.92; NQ, 10.12.92.
[110] Pologne: FF, 1991, IV, p. 917 ss.; BO CE, 1992, p. 78; BO CN, 1992, p. 717 s. Bulgarie et Finlande: FF, 1992, II, p. 1461 ss. et 1489 ss.; BO CE, 1992, p. 430 ss.; BO CN, 1992, p. 1846 ss.; Suède: FF, 1992, III, p. 773 ss.; BO CN, 1992, p. 2466 s.
[111] Presse des 16.1. et 17.1.92.
[114] NQ, 8.1.92; BaZ, 15.2.92; presse du 15.2.92.
[115]Voir aussi plus haut: EEE, Pour un bilan global des relations bilatérales de la Suisse, voir Rapp. gest. 1992, p. 21 ss.
[116] Presse des 11.2. et 9.5.92.
[117] Presse des 24.6. (chancelier), 11.8., 12.8., 9.11., 10.11. et 11.11.92 (président); presse du 13.8.92 (ministre des transports).
[120] Presse du 12.5.92. '
[124] Presse des 29.1. et 30.1.92.
[128] Presse des 21.2., 22.2. (A. Koller) et 29.4.92 (J.P. Delamuraz).
[129] Presse des 14.11. et 17.11.92.
[131] Presse des 22.4., 24.4. et 25.4.92.
[133] Presse des 28.3. au 30.3. et 4.4.92.
[134] Presse des 3.7., 9.7., 10.7. et 11.7.92.
[135] Presse des 14.10. et 15.10.92.
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