Année politique Suisse 1992 : Chronique générale / Défense nationale
Constructions militaires
Le
programme des constructions 1992 a présenté le montant le plus faible depuis de nombreuses années, puisque celui-ci s'est monté à 159,8 millions de francs, soit plus de 90 millions de moins que le programme 1991. Si l'un de ses buts était de répondre à la situation délicate des finances fédérales, l'autre restait toujours de privilégier les besoins de l'instruction. 114,8 millions de francs y ont en effet été consacrés. Le crédit d'engagement le plus élevé concernait l'agrandissement et la rénovation de la caserne d'aviation de la place d'armes de Payerne (VD). Le solde s'est réparti entre des ouvrages de combat et de conduite de l'armée (34 millions) et des crédits additionnels pour des projets déjà approuvés (11 millions). A l'occasion de son message, le gouvernement a signalé quelles seraient les conséquences du plan directeur Armée 95 sur les ouvrages militaires. En particulier, la réduction des effectifs devrait permettre de libérer certaines constructions. En les adaptant, dans la mesure du possible, aux nouvelles exigences de l'armée, une économie de construction pourra certainement être opérée. Si, toutefois, des constructions s'avéraient nécessaires, les principes à respecter seraient la simplicité de l'utilisation et de l'entretien, la polyvalence des installations, la prise en compte de l'environnement et la souplesse d'attribution
[55].
Si le Conseil des Etats a adopté ce projet à l'unanimité, le débat au Conseil national fut plus problématique; trois textes ont été présentés qui visaient à réaliser certaines économies supplémentaires; le premier, du groupe socialiste, désirait le renvoi au gouvernement avec mandat de limiter les dépenses aux seuls travaux de rénovation des locaux destinés à la troupe. Les deux autres, de M. Dünki (pep, ZH) et C. Brügger (ps, FR), entendaient procéder à des coupes de 12 et, respectivement, 34 millions de francs. Toutes ces propositions ont cependant été repoussées et le projet du gouvernement assez facilement accepté
[56].
La construction du
bunker secret du Conseil fédéral a encore une fois soulevé les passions et suscité de nombreuses critiques au parlement, où beaucoup de députés considéraient cette construction trop chère et inutile. Les députés bourgeois, en soutenant ce projet, ont cependant permis que, par une courte majorité, un crédit de 138 millions de francs soit débloqué pour son achèvement
[57].
Suivant l'avis du gouvernement,
le Conseil national a rejeté l'initiative populaire «40 places d'armes, ça suffit! L'armée doit aussi se soumettre à la législation sur la protection de l'environnement» dans la proportion de deux contre un. Le traditionnel clivage gauche-droite sur les sujets touchant à l'armée s'est encore une fois retrouvé. La majorité de la chambre a considéré que ce texte pourrait être préjudiciable à la préparation de l'armée et qu'il était trop rigide en matière de gestion des places d'armes; selon les députés bourgeois, cela pourrait paradoxalement nuire aux intérêts de la protection de l'environnement et de l'aménagement du territoire. En outre, Neuchlen-Anschwilen (SG), projet plus particulièrement visé par les initiants, ne représenterait pas une 41e place d'arme, mais le remplacement de celle de Saint-Gall. Quant à l'assujettissement de la construction de places d'armes aux législations cantonales et communales, la chambre à estimé que cela mettrait en danger le maintien du secret. Notons que, tout comme K. Villiger, le Conseil national et sa commission ont admis que le nombre de 40 places d'armes était suffisant pour les besoins de l'armée, mais qu'une certaine souplesse était nécessaire dans leur gestion et leur aménagement. D'autre part, deux propositions de contre-projet ont été rejetées. La première, celle de E. Oehler (pdc, SG), demandait le maintien du statu quo, mais avec possibilité de transformer et d'agrandir les places existantes. La seconde, venant des automobilistes, était de même teneur mais demandait en plus la possibilité de remplacer les installations existantes par de nouvelles
[58].
K. Villiger s'est engagé à suspendre les travaux relatifs au projet de construction de Neuchlen-Anschwilen jusqu'au vote populaire. Cela répondait au voeu d'une motion de la minorité de la commission qui a, de ce fait, retiré son texte
[59].
Un débat identique à celui concernant l'initiative contre le nouvel avion de combat s'est déroulé autour de la clause de rétroactivité contenue dans le texte sur les places d'armes. C'est ainsi que la majorité de la commission du Conseil des Etats, emmenée par O. Ziegler (pdc, UR) avait proposé de déclarer irrecevable cette initiative. Cependant, dissuadée par les juristes consultés, elle s'est ensuite attaquée à l'unité de matière. Considérant que cette exigence n'était pas respectée, elle a proposé de la déclarer nulle. Dans la presse et au sein des milieux politiques et juridiques, cette décision a été largement contestée et considérée comme un acharnement inutile et politiquement préjudiciable, ainsi que comme un changement brusque et absurde de la pratique en matière de droits populaires. De fait, la chambre a préféré suivre la minorité, dirigée par O. Schoch (prd, AR) et soutenue par K. Villiger, qui, si elle rejetait l'initiative sur le fond, entendait la soumettre malgré tout à votation populaire.
Le
Conseil des Etats a encore débattu d'une proposition Rhinow (prd, BL) de contre-projet prévoyant que la Confédération et les cantons exploitent 40 places d'armes au maximum, celles-ci étant soumises aux seules législations fédérales sur l'aménagement du territoire et l'environnement. Ce texte édulcorait donc quelque peu l'initiative et lui retirait sa clause rétroactive. Il fut pourtant rejeté, la Chambre l'ayant estimé inutile et ayant considéré qu'il ne fallait pas fixer dans la constitution une telle norme qui relève du détail
[60].
[55] FF, 1992, II, p. 1348 ss.; presse du 27.2.92.
[56] BO CE, 1992, p. 960 ss. ; BO CN, 1992, p. 2492 ss. et 2508 ss.; presse du 7.10., 11.12. et 15.12.92; NZZ, 20.10.92.
[57] BO CN, 1992, p. 2022 ss.; BO CE, 1992, p. 1154 ss.; presse du 8.10. et 8.12.92. Voir aussi APS 1991, p. 105. La rubrique concernant les fonds destinés au bunker secret du gouvernement est passée du programme des constructions militaires en 1991 à celui des construction civiles en 1992.
[58] BO CN, 1992, p. 96 ss. et 1475; presse du 9.1. et 30.1.92; Bund et NZZ, 20.1.92; NZZ, 28.1.92. Voir aussi APS 1990, p. 94 et 1991, p. 105 s.
[59] BO CN, 1992, p. 122. Les travaux d'infrastructure en cours ont toutefois été achevés selon la planification établie: presse du 9.7.92.
[60] BO CE, 1992, p. 521 ss. et 740 ss.; NQ, 4.3.92; presse du 4.4., 20.5., 17.6., 8.7. et 29.8.92; NZZ, 9.6.92.
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