Année politique Suisse 1993 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
 
Politique énergétique
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Mise en oeuvre d'Energie 2000
Malgré des difficultés et des retards dans sa réalisation, le chef du DFTCE a tiré un bilan encourageant du programme Energie 2000 lors de la présentation du troisième rapport annuel. Il a souligné qu'Energie 2000 restait la seule solution acceptable et réaliste pour la politique énergétique de la Confédération. Réagissant à la présentation du rapport, les représentants des organisations écologistes ont déclaré que la seule bonne volonté des participants ne suffirait pas à la réalisation des objectifs du programme; selon eux, de nouvelles prescriptions et l'introduction d'une taxe sur l'énergie sont indispensables.
Ce rapport souligne que les conditions générales, économiques et politiques, ont sensiblement changé au cours de ces dernières années. Tout d'abord, la récession persistante et les déficits des collectivités publiques ont eu pour conséquence de ranger au second rang les préoccupations d'économie d'énergie et de protection de l'environnement; d'autre part, le programme de revitalisation de l'économie, initiée par le Conseil fédéral, exige de renoncer à de nouvelles réglementations et de favoriser le recours à des instruments conformes à l'économie de marché. Enfin, le fait que le mazout, l'essence et l'électricité coûtaient, en termes réels, moins cher en 1993 qu'au début des années 70, a rendu l'utilisation rationnelle et économe de l'énergie beaucoup moins intéressante; pour cette raison, les responsables de la direction du programme se sont déclarés favorables à l'introduction d'une taxe d'incitation sur l'énergie ou le CO2.
Même s'il est encore très difficile de mesurer les effets du programme Energie 2000 sur le bilan énergétique de la Suisse, le rapport annuel mentionne déjà quelques résultats chiffrés. Ainsi, dans le domaine des énergies renouvelables, 15 à 20% des objectifs ont été réalisés en ce qui concerne la chaleur et 6% pour ce qui touche l'électricité; dans le domaine de l'énergie hydraulique, le degré de réalisation atteindrait déjà 46%.
Parmi les insuffisances du programme soulignées dans le rapport, il est à relever l'absence d'une taxe d'incitation sur l'énergie ou le CO2, les modestes moyens disponibles de la Confédération et des cantons, sur les plans financiers et du personnel, ainsi que la suspension provisoire des travaux du groupe de conciliation sur les déchets radioactifs suite au retrait des organisations écologistes en guise de protestation contre l'augmentation de 10% de la puissance de la centrale de Mühleberg. En raison des difficultés budgétaires de la Confédération, les moyens financiers destinés à la réalisation du programme sont restés bien inférieurs à ce qui était prévu lors de son lancement; seule une cinquantaine de millions de francs a été consacrée à Energie 2000 durant l'année 1992/93 alors que près de 100 millions de francs par an avaient été prévus.
La troisième année s'est caractérisée par le démarrage et la poursuite des projets des différents groupes d'action et par le lancement de divers programmes promotionnels. Il faut également mentionner l'augmentation de la surtaxe sur les carburants, les différents programmes de promotion (DIANE, programmes d'impulsion PACER et RAVEL notamment), les efforts déployés au sein des administrations fédérales et les mesures d'encouragement aux investissements [1].
Dans le cadre de la procédure d'élaboration de la loi sur l'énergie, les plus importantes organisations de l'économie énergétique ont transmis au DFTCE leur concept pour une telle loi. Celui-ci a pour objectif de rendre la législation dans ce domaine moins bureaucratique. Le Conseil fédéral devrait mettre en consultation un projet de loi au début de l'année 1994 [2].
Selon un sondage non-publié, effectué à la demande de l'Office fédéral de l'énergie, sur la perception par la population de la politique énergétique, une large majorité des citoyens ne seraient pas au courant des objectifs et du contenu du programme Energie 2000. Ainsi, malgré les efforts des responsables de la politique énergétique pour sensibiliser les citoyens aux questions relatives à la consommation d'énergie, le grand public semble encore fort peu informé sur ce sujet [3].
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Détérioration du climat politique
Les relations entre le chef du DFTCE et les organisations écologistes se sont détériorées à la suite de l'autorisation par le Conseil fédéral d'augmenter de 10% la puissance du réacteur de la centrale de Mühleberg. Les organisations de protection de l'environnement avaient décidé de se retirer du groupe de conciliation «déchets nucléaires» du programme Energie 2000; selon elles, l'augmentation de la puissance de la centrale bernoise constituerait une violation du moratoire nucléaire adopté par le peuple en 1990.
Au mois de mars, A. Ogi a décidé d'ajourner une réunion avec les organisations écologistes sur la politique énergétique, ces dernières ayant eu l'intention d'organiser une conférence de presse peu avant la tenue de cet entretien pour exposer leurs critiques à l'égard des mesures prises dans le cadre du programme Energie 2000. Les écologistes avaient résolu de procéder de la sorte suite à l'annonce de la présentation à la presse par l'UDC, le même jour, de son concept de politique énergétique, lequel ne se démarque guère du programme Energie 2000. Selon les écologistes, la conférence de l'UDC avait été fixée à ce jour dans le but de reléguer à l'arrière-plan médiatique leur réunion avec le chef du DFTCE et plus particulièrement leurs propositions pour compléter le programme Energie 2000.
Lors de leur conférence de presse, les organisations écologistes ont déclaré qu'elles étaient favorables à l'introduction d'une taxe sur l'énergie ainsi qu'à de nouvelles mesures d'économie d'énergie; elles ont également annoncé qu'elles demandaient la fermeture des trois plus anciens réacteurs nucléaires en fonction en Suisse (Beznau I et II et Mühleberg), qu'elles s'opposaient à la révision de la législation sur l'énergie nucléaire allant dans le sens d'une accélération des procédures d'autorisation pour la construction d'installations atomiques, et qu'elles envisageaient de lancer plusieurs initiatives populaires pour renforcer la politique énergétique de la Confédération [4].
L'entrevue entre les deux parties, initialement prévue début avril, a finalement eu lieu un mois plus tard, mais n'a guère permis un rapprochement des positions. Au terme d'une réunion tendue, les protagonistes ont renoncé à faire une déclaration commune devant la presse. Accusé de contourner le moratoire nucléaire adopté par le peuple en 1990, le chef du DFTCE s'est défendu en expliquant que l'autorisation pour l'augmentation de la puissance de la centrale de Mühleberg allait dans le sens du rejet par le peuple de l'initiative sur l'abandon du nucléaire en 1990. Ces tensions entre le département fédéral et les organisations écologistes ont révélé la fragilité de l'«armistice énergétique» conclu au lendemain des votations fédérales de septembre 1990 [5].
Quelques semaines après leur réunion avec le chef du DFTCE, les organisations écologistes ont cependant annoncé qu'elles désiraient poursuivre leur participation aux différents groupes de travail du programme Energie 2000, à l'exception du groupe de conciliation sur les déchets radioactifs [6].
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Taxe sur le CO2 ou l'énergie
Lors d'une conférence devant les directeurs cantonaux de l'énergie, le chef du DFTCE a annoncé que des collaborateurs de son département travaillaient à l'élaboration d'un concept de taxes d'incitation sur l'énergie parallèlement à la préparation de la nouvelle loi sur l'énergie. Le chef du DFTCE faisait ainsi un pas en direction des revendications des organisations écologistes. Cependant, afin de ne pas heurter l'opinion publique par l'annonce d'une nouvelle taxe, qui aurait pu nuire à l'approbation par le peuple de la TVA à la fin de l'année, le Conseil fédéral a décidé de repousser à 1994 la discussion sur l'introduction d'une taxe sur le CO2 ou sur l'énergie [7].
La commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats s'est prononcée en faveur d'une taxe d'incitation combinée sur l'énergie et le CO2, dont les recettes devraient être entièrement redistribuées. L'instauration d'une telle taxe d'incitation devrait se faire en coordination avec les autres pays européens. Les sénateurs ont estimé qu'un large débat public devait s'amorcer sur cette question [8].
Le parti écologiste suisse a fait différentes propositions pour réformer la fiscalité dans un sens écologique. Il estime que la politique de l'environnement traditionnelle, basée sur des prescriptions et des interdictions, a révélé ses limites. Afin de reconvertir l'économie de marché au respect de l'environnement, il propose d'introduire des taxes incitatives sur l'énergie et sur d'autres produits polluants, qui seraient compensées par une réduction du taux de l’ICHA, ou de la TVA, ou encore par une diminution des charges sociales. En reportant ainsi la charge de la fiscalité pesant sur le travail sur l'énergie, les propositions des écologistes devraient avoir un effet neutre sur la quote-part de l'Etat et permettre de réduire les coûts du travail [9].
Un comité d'initiative réunissant près de 180 personnalités de divers horizons politiques, dont 32 parlementaires nationaux de tous les principaux partis, a lancé deux initiatives populaires visant à compléter le programme Energie 2000; la première de celles-ci, intitulée «Energie et environnement», a pour but de stabiliser, puis réduire la consommation d'énergie non-renouvelable. Pour y parvenir, le texte prévoit d'introduire une taxe d'incitation sur la consommation de tous les agents énergétiques non-renouvelables et sur les installations hydro-électriques d'une puissance supérieure à un mégawatt. L'initiative prévoit de redistribuer intégralement les recettes de la taxe aux personnes physiques et aux entreprises. Il est également prévu d'édicter des réglementations spéciales en faveur des entreprises fortement consommatrices d'énergie [10].
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Consommation d'énergie
Pour la première fois depuis 1982, la consommation finale d'énergie a diminué (-2,0%). Cette baisse s'explique en grande partie par la mauvaise conjoncture économique. Le recul de la demande de carburants a été particulièrement marqué; la Suisse n'avait même jamais connu une diminution aussi massive de la consommation d'essence (-7,3%). La cause principale de cette chute semble être l'augmentation des droits d'entrée sur les carburants qui a considérablement réduit l'attrait des stations d'essence suisses situées dans les régions frontalières. En revanche, la consommation de carburants pour avions a progressé de 3,4%. En outre, il est probable que les efforts déployés dans le cadre du programme Energie 2000 aient commencé à porter leurs fruits [11].
 
[1] SHZ, 25.2.93 (interview d'A. Ogi); NZZ, 23.7.93 (évaluation du programme E 2000); presse du 17.9.93 (rapport annuel); DP, 23.9.93; Lit. DFTCE. Il est intéressant de signaler que 15 à 20% des demandes dans le cadre du bonus à l'investissement de la Confédération (200 millions de francs) étaient destinées à la promotion de la qualité énergétique dans les bâtiments publics; cf. supra, part. I, 4a (Konjunkturpolitik). Sur la politique énergétique au niveau cantonal, voir infra, part. Il, 4a et Lit. DFTCE / Conférence; voir également APS 1991, p. 150 ss. et 1992, p. 147 s.
[2] NZZ et TA, 1.9.93; SHZ, 2.9.93.
[3] Ww, 26.8.93.
[4] Presse des 31.3 et 2.4.93.
[5] Presse des 16.4 et 4.5.93; Bund, 17.4.93; TW, 19.4.93; BaZ, 30.4.93 (interview d'A. Ogi); SGT, 5.5.93; DP, 20.5.93; NZZ, 21.5.93.
[6] Presse des 11.6 et 14.7.93; NZZ, 9.7.93.
[7] Presse des 16.4, 21.6 et 23.6.93; NQ, 21.4.93; TA, 10.5.93; NZZ, 18.6 et 23.12.93; voir également supra, part. I, 5 (Indirekte Steuern). Cf. aussi NZZ, 28.7.93 (débats au sein de la UE au sujet des taxes sur l'énergie ou le CO2); voir également Lit. ECO-PLAN. Un projet de taxe sur le CO2 a été présenté pour la première fois en 1990 dans un rapport élaboré par l'administration fédérale; voir APS 1990, p. 130.
[8] Presse du 11.6.93.
[9] Presse du 11.2.93; PES, Taxer l'énergie, et non le travail. Propositions des écologistes pour une réforme fiscale écologique et sociale, Fév. 1993.
[10] FF, 1993, III, p. 519 ss.; presse des 1.2, 22.7 et 18.9.93; BZ, 22.6.93; WoZ, 30.7.93. Pour une présentation de la seconde initiative, intitulée «initiative solaire», voir infra, Energies alternatives.
[11] Presse du 20.5.94.