Année politique Suisse 1993 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche
 
Hautes écoles
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Etudiants et études
Pour la première fois depuis 6 ans, le nombre de nouveaux étudiants inscrits dans les hautes écoles suisses a légèrement diminué (0,3%) durant l'année académique 1992/93 alors qu'il avait fortement progressé l'année dernière. C'est dans les universités de Neuchâtel (-10,4%) et de Berne (-10,1 %) que la diminution des nouveaux inscrits a été la plus forte. Toutefois, le nombre total d'étudiants a quelque peu augmenté (1,8%) mais moins rapidement que les années précédentes. En 1992/93, 90 800 étudiants étaient inscrits dans les hautes écoles suisses. La proportion d'étudiantes (40%) a également progressé; celles-ci s'orientent en grande majorité vers les disciplines linguistiques et des sciences sociales [16].
L'Office fédéral de la statistique (OFS), sur un mandat de la Conférence universitaire suisse (CUS), a publié une étude sur l'évolution des effectifs des étudiants ces prochaines années qui est venu relativiser la tendance révélée par les statistiques de l'année académique 1992/93. Selon l'OFS, le nombre d'étudiants inscrits dans les hautes écoles helvétiques devrait atteindre 110 000 en l'an 2000, soit une progression d'environ 20% pour les sept prochaines années. Les dernières prévisions pour la période 1985-1993 avaient estimé les effectifs totaux à 78 000 pour le début des années 90; or, ils étaient un peu plus de 90 000 en 1992/93 malgré le recul démographique. Relativisant le rôle de l'évolution démographique, les prévisions de l'OFS ont pris en compte de nouveaux critères tels que l'évolution des mentalités parmi les jeunes générations (attrait plus grand pour les voies gymnasiales) ou la proportion accrue de jeunes femmes poursuivant des études supérieures. Selon l'OFS, les études de sciences sociales, de même que l'histoire et le droit, devraient connaître le plus de succès auprès des nouveaux étudiants; le nombre d'étudiants en médecine devrait par contre légèrement diminuer [17].
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Coordination universitaire
Avec l'accentuation des difficultés financières de la Confédération et des cantons ainsi que l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'aide aux universités, qui prévoit un renforcement de la collaboration entre les cantons et la Confédération, les débats sur la coordination et la planification universitaires se sont poursuivis avec intensité en 1993.
Les propositions du directeur du Groupement de la science et la recherche (GSR), H. Ursprung, allant, dans le sens d'une meilleure coordination et de mesures de rationalisation, ont donné lieu à de vives résistances de la part des responsables universitaires romands attachés à préserver leur autonomie. Inspiré par le modèle du Conseil des écoles polytechniques, le directeur du GSR a précisé ses conceptions sur l'organisation des universités; il s'est ainsi déclaré favorable à la constitution de deux sous-systèmes universitaires, un pour chaque région linguistique, avec à leur tête un organe central (Conseil régional) indépendant du pouvoir politique. Ce dernier serait responsable de gérer les subventions de la Confédération et d'allouer des enveloppes budgétaires aux hautes écoles membres du Conseil. Par ailleurs, ce Conseil, composé des recteurs des universités et de personnalités du monde académique et de l'économie, déciderait des options stratégiques de recherche en tenant compte d'une certaine cohérence régionale [18]. Le Conseil suisse de la science (CSS) a rédigé un document à l'intention du Conseil fédéral sur les grandes orientations du développement des universités suisses. Ce texte a été mis en consultation auprès des instances universitaires [19].
Les tentatives de collaboration entre les hautes écoles de Genève et de Lausanne concernant l'architecture et la pharmacie ont connu des fortunes diverses. Alors que les autorités genevoises et fédérales semblaient avoir abouti à un accord sur l'avenir de l'Ecole d'architecture de l'université de Genève, les représentants genevois ont rompu les négociations estimant que les concessions faites vis-à-vis de l'EPF de Lausanne étaient trop importantes. Déjà en discussion depuis le début des années 70, le rapprochement des études de pharmacie dispensées dans les universités de Genève et Lausanne a été marqué par la signature d'une convention consacrant la fondation de l'Ecole romande de pharmacie («Eropharm»). Tirant les leçons de l'échec de la tentative de fusion des deux écoles de pharmacie en 1979, les responsables politiques et universitaires ont opté pour la solution la plus légère possible. Il est ainsi prévu que les deux universités conservent leur unité de pharmacie et que la plupart des enseignements continuent à être dispensés dans les deux hautes écoles; seules deux branches spécifiques du 2e cycle seront mises en commun dans le programme d'études grâce à la suppression de 4,25 postes et à la spécialisation de chaque haute école dans des domaines particuliers. Plutôt que d'imposer aux étudiants de se déplacer dans l'autre ville, il est prévu que les professeurs enseignent dans les deux universités. Cette collaboration, qui entrera en vigueur à partir de l'année académique 1994/95, permettra un gain annuel total de 670 000 francs [20].
Pour sa part, la Conférence universitaire romande (CUR), soucieuse de ne pas se voir imposer des mesures de rationalisation par les autorités fédérales, a présenté les grandes lignes d'un projet de planification pour l'ensemble des hautes écoles romandes et l'université de Berne. Sous le concept de «mise en réseau» des universités, ce plan, élaboré en collaboration avec les différents chefs des départements cantonaux de l'instruction publique, prévoit d'intensifier les échanges d'enseignants entre établissements, de renforcer la coordination entre les disciplines enseignées dans plusieurs hautes écoles (notamment en médecine, pharmacie, physique, sciences de la terre et en théologie), de nommer de façon concertée les nouveaux professeurs, de réaliser des achats groupés pour les équipements lourds et d'harmoniser la reconnaissance des diplômes, les conditions d'admission et les calendriers académiques [21].
Allant dans le sens de ces propositions, les recteurs et les chefs des départements de l'instruction publique de Berne, Fribourg et Neuchâtel ont signé une convention-cadre, dénommée BENEFRI, qui a pour but de favoriser une utilisation rationnelle des ressources disponibles, d'harmoniser les programmes d'études, de mieux répartir les enseignements entre les universités et de décider en commun des orientations de recherche et des acquisitions d'équipements importants. Par la suite, les directeurs de l'instruction publique des trois cantons ont signé cinq conventions concernant différentes disciplines. Celles-ci portent sur l'échange de professeurs, la concentration géographique de certains enseignements et l'harmonisation des programmes d'études [22].
Quinze ans après le refus par les citoyens lucernois de la création d'une université complète comprenant cinq facultés, le Grand Conseil a approuvé la révision de la loi sur l'instruction publique qui prévoit de transformer la faculté de théologie, qui compte déjà des enseignements de philosophie et d'histoire, en une haute école de Lucerne avec deux facultés distinctes: la théologie catholique romaine et les sciences philosophiques. Le Conseil d'Etat a également annoncé son intention de présenter en 1994 un projet de développement ultérieur pour la haute école afin de faire de Lucerne la place universitaire de la Suisse centrale. Un référendum contre cette révision n'a pas abouti [23].
Au Tessin également, le thème de la création d'une université dans le canton a connu un net regain d'intérêt. Plusieurs projets ont été discutés dans le courant de l'année; le principal est celui de l'architecte Mario Botta qui a été chargé par le Conseil d'Etat d'élaborer un projet pour la création d'une faculté d'architecture à Lugano. Celle-ci devrait offrir une formation de six ans et comporter trois sections: histoire, dessin et technique. Pour l'exécutif cantonal, une telle école d'architecture devrait constituer une première étape pour la réalisation d'une véritable université tessinoise. De son côté, la municipalité de Lugano, sans s'opposer aux propositions du Conseil d'Etat, soutient un autre projet d'université comportant deux facultés, une en science économiques et l'autre en sciences de la communication, qui, selon elle, repondrait mieux aux besoins du canton. En fin d'année, le Conseil d'Etat a présenté dans son message au Grand Conseil le contenu détaillé du projet Botta; les coûts annuels de cette nouvelle école devraient se monter à 16,5 millions de francs [24].
Les universités de Fribourg, Lausanne, Neuchâtel, Dijon et Besançon (Fr) ont conclu un accord de coopération transfrontalière qui vise à encourager les échanges d'étudiants et d'enseignants ainsi qu'à développer la collaboration dans la recherche [25]. La Conférence universitaire romande (CUR) et la Conférence universitaire Rhône-Alpes (CURA), qui réunit 12 universités, ont fondé l'Association transfrontalière universitaire (ATU). Celle-ci aura pour compétence de gérer certains projets de recherche de troisième cycle décidés en commun [26].
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Limitation de l'accès aux études
La proposition d'introduire un numerus clausus dans certaines facultés (médecine, psychologie principalement) ont suscité de nombreuses discussions et prises de position dans les milieux universitaires. Afin de réduire le nombre d'étudiants dans certaines facultés, les autorités universitaires ont déjà mis en oeuvre différentes mesures, telles que l'introduction de préinscriptions ou le durcissement des examens propédeutiques. Les différentes associations d'étudiants, plusieurs recteurs d'universités romandes ainsi que la nouvelle cheffe du DFI se sont prononcés contre l'instauration d'un numerus clausus. Pour sa part, la CDIP a estimé qu'une limitation de l'accès aux études ne devait être envisagée qu'en dernier ressort; de plus, un numerus clausus devrait rester temporaire et ne devrait pas conduire à une réduction du nombre de places d'étudiants. La CUS, qui avait recommandé aux cantons de se doter des bases légales pour l'introduction d'une limitation de l'accès aux études, a continué de se pencher sur les différents modes de sélection envisageables. Selon elle, le numerus clausus devrait voir le jour simultanément dans tous les cantons universitaires afin d'éviter que les universités sans limitation voient affluer les étudiants refusés dans d'autres hautes écoles. A la fin de l'année, la CUS a recommandé aux cantons universitaires de limiter l'accès aux études de médecine dès le semestre d'hiver 1995/96; elle a préconisé l'introduction d'un test d'aptitude pour l'admission aux facultés de médecine. Les candidats jugés les moins aptes — environ 15% selon la CUS — devront s'inscrire sur une liste d'attente. La forme exacte de ce test n'a pas encore été déterminée [27].
Le Conseil national a transmis comme postulat une motion Pidoux (prd, VD), cosignée par 110 députés, demandant une révision en profondeur de l'ordonnance fédérale sur les examens fédéraux de médecine. Dans son argumentation, le député vaudois a souligné qu'il était souhaitable, en raison du nombre croissant d'étudiants et des difficultés récentes des diplômés à trouver des places de stages à la fin de leur étude, d'instaurer un concours d'entrée pour limiter le nombre d'étudiants en médecine. Une motion Simmen (pdc, SO), identique à celle de Ph. Pidoux, a également été transformée en postulat par la chambre haute [28].
Dans les cantons de Berne et Zurich, où les bases légales pour limiter l'accès aux études n'existent pas, les gouvernements cantonaux ont présenté une révision de la loi sur l'université. Le Grand Conseil bernois a refusé à une courte majorité d'entrer en matière sur une telle révision; la majorité des députés a estimé que l'université de Berne n'avait pas encore mis en oeuvre toutes les réformes et mesures possibles pour éviter le recours au numerus clausus. Dans le canton de Zurich, qui connaît les plus gros problèmes d'effectifs dans certaines facultés, le Conseil d'Etat a présenté au Grand Conseil une révision législative autorisant le Conseil d'Etat à prendre des mesures pour restreindre l'accès aux études universitaires [29].
Outre les menaces de l'introduction d'un numerus clausus, la majoration des taxes d'inscription pour les étudiants dans plusieurs universités (ZH, GE, Lausanne, NE et FR) a également suscité l'opposition des associations d'étudiants [30]. Différentes actions de protestation ont été organisées dans les villes universitaires; des manifestations ont eu lieu à Zurich (entre 3000 et 4000 personnes), Lausanne (près de 2000 personnes) et Neuchâtel. Les associations d'étudiants se sont opposées à l'introduction d'un numerus clausus, à la hausse des frais d'inscription, et plus généralement à la détérioration des conditions d'études; elles ont réclamé une amélioration du système des bourses d'études et le maintien des crédits pour la formation [31].
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Ecoles polytechniques fédérales (EPF)
Lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les EPF, le Conseil fédéral a nommé les membres du nouveau Conseil des EPF, chargé d'élaborer la politique générale des EPF. Les mesures de restriction budgétaire et les efforts pour améliorer la coordination entre les hautes écoles et les instituts de recherche concernés par la nouvelle loi devraient se traduire par la suppression de près de 335 postes jusqu'en 1995: 180 à l'EPFZ, 35 à I'EPFL, 100 à l'institut Paul Scherrer et 20 au Laboratoire d'essai des matériaux [32].
 
[16] Presse du 23.4.93; JdG, 1.5.93.
[17] Lit. Gaillard; presse du 22.6.93.
[18] JdG, 10.3, 12.5 et 28.5.93; NZZ, 17.3.93; NQ, 4.4, 27.5 et 28.5.93; Bund, 7.4 et 16.6.93; 24 Heures, 21.5.93; BaZ, 10.6.93; DP, 10.6. au 8.7.93. Le CN Tschopp (prd, GE) a déposé une motion invitant le CF à charger la CUS, en collaboration avec le GSR, d'établir et de mettre en ouvre rapidement des solutions pour améliorer la coordination universitaire: Délib. Ass. féd., 1993, I, p. 126. Voir également APS 1992, p. 264 s.
[19] Futura, 1993, no 2, p. 29 ss.
[20] Architecture: JdG, 20.1.93; NQ, 23.1, 5.2, 11.2 et 12.3.93; presse du 7.4.93 (revirement des autorités genevoises); NZZ, 14.4.93; Suisse et JdG, 6.5.93; JdG, 1.6.93; voir également APS 1992, p. 264 s. Pharmacie: presse du 29.9.93.
[21] JdG, 4.6 et 25.6.93.
[22] Express et Lib., 12.2.93;JdG, 18.2.93; NQ, 17.4.93; BZ, 4.5.93; presse du 24.8.93.
[23] Presse du 12.3.93; LNN, 8.5 et 22.5.93; NQ, 9.5.93; LNN et LZ, 22.6, 23.6, 14.9, 19.10 et 20.11.93.
[24] JdG, 20.1.93; NQ, 18.5 et 28.9.93; CdT, 17.7, 15.9, 29.9, 1.10, 2.10, 15.10, 30.10, 13.11, 24.11 et 18.12.93; BaZ, 2.10.93; 24 Heures, 11.10.93; TA, 13.10.93; NZZ, 25.11.93.
[25] NQ 16.1.93.
[26] NQ, 21.5.93; JdG, 22.5.93.
[27] Ww, 14.1.93; Bund, 25.2 et 28.6.93; NQ, 25.6, 23.7, 1.9 et 24.11.93; presse des 26.6, 3.11 (CDIP), 19.11 (UNES) et 3.12.93 (CUS); NZZ, 30.6 et 11.12.93; BaZ, 6.8.93; JdG, 29.11.93; voir également APS 1992, p. 263 s.
[28] BO CN, 1993, p. 1392 s.; BO CE, 1993, p. 1098 ss.
[29] BE: BZ, 16.4 et 16.9.93; Bund, 24.4, 27.4 et 8.9.93; presse du 15.9.93. ZH: TA, 11.6 et 12.6.93; NZZ, 11.6 et 19.8.93.
[30] A Genève, la proposition du Conseil d'Etat a été provisoirement écartée en raison de fortes oppositions; Suisse, 9.3 et 28.6.93; JdG, 12.5.93.
[31] Presse du 9.7.93; Express, 24.7.93; TA, 14.9.93; BZ, 17.11.93; presse du 19.11.93 (UNES); JdG, 29. 11 et 10.12.93; NQ, 1.12.93. ZH: TA et NZZ, 23.6 et 9.7.93. VD: 24 Heures, 18.2, 16.6, 8.7, 1.9 et 11.11.93; NQ, 16.6.93; JdG, 11.11 et 20.11.93. NE: Express, 29.10, 4.11, 9.11, 16.11 et 17.11.93; JdG, 4.11.93. GE: JdG, 12.5 et 21.11.93. BS: BaZ, 14.12.93 (annonce de l'augmentation des taxes pour l'année 1994/95). FR: Lib., 14.12 et 22.12.93.
[32] NZZ, 21.1.93; presse des 29.1 et 5.8.93; voir APS 1991, p. 264.