Année politique Suisse 1994 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Europe: autres institutions
Outre l'adhésion de la Principauté d'Andorre en tant que 33e membre du Conseil de l'Europe, l'année 1994 a principalement été marquée par les
suites du Sommet de Vienne et par l'accomplissement d'importants progrès dans les trois activités prioritaires qui y ont été déterminées. En matière de réforme des mécanismes de protection des droits de l'homme, un protocole d'amendement prévoyant la création d'une Cour unique et permanente a été signé par la quasi-totalité des pays membres du Conseil de l'Europe, dont la Suisse. En ce qui concerne la protection des minorités nationales, le comité institué pour exécuter ce mandat a élaboré une Convention-cadre qui a été adoptée en novembre et qui sera ouverte à la signature le 1er février 1995. Cette convention, pour laquelle la Suisse s'est très activement engagée, constitue le premier instrument juridique international contraignant consacré exclusivement à la protection des minorités nationales. Quant à la lutte contre la xénophobie et l'intolérance, les travaux engagés dans ce domaine ont conduit à la création, à Strasbourg, d'une Commission européenne contre le racisme et l'intolérance. Par ailleurs, le Conseil fédéral a ratifié, en mars, les deux Protocoles à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
[23].
L'année 1994 a également été marquée par l'élection du parlementaire suédois
Daniel Tarschys en tant que nouveau secrétaire général de l'Organisation. Il a ainsi succédé à la Française Catherine Lalumière qui assumait cette fonction depuis 1989. Quant au Conseiller d'Etat genevois Claude Haegi (pl), il a été élu à la présidence de la Chambre des régions
[24].
Le parlement a décidé d'autoriser le Conseil fédéral à ratifier les
Protocoles 9 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Le premier reconnaît le droit des requérants individuels de déférer à la Cour des affaires déclarées recevables par la Commission. Ce protocole marque ainsi un pas décisif dans le renforcement de la protection de l'individu, puisqu'il lui reconnaît un droit jusqu'ici réservé à la Commission et aux Etats contractants. Le second vise, quant à lui, à remplacer le principe de la majorité des deux tiers prévue à l'article 32 CEDH par la majorité simple afin de faciliter le traitement des requêtes par le Comité des ministres
[25].
En fin d'année, le Conseil fédéral a transmis son message relatif à l'approbation du Protocole no 11 à la Convention européenne des droits de l'homme, portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par la Convention. Ce texte institue une nouvelle Cour permanente qui assumera les fonctions exercées actuellement par la Commission, la Cour et, dans certains cas, par le Comité des ministres.
Présidente du Conseil national jusqu'à la fin de l'année, la socialiste
Gret Haller (BE) a été nommée ambassadrice permanente auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg pour une durée de cinq ans. Elle devient ainsi la troisième personne à obtenir une représentation diplomatique de première importance sans avoir suivi la filière diplomatique traditionnelle
[27].
Suite au retrait officiel, au mois de décembre, de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède pour cause d'adhésion à l'Union européenne, l'AELE est entrée dans une phase de
grande incertitude quant à son avenir. Réunis à Genève en fin d'année, les ministres du commerce extérieur des sept pays membres de l'AELE ont adopté un budget de transition de 28,7 millions de francs jusqu'à fin juin 1995, date à laquelle l'Association se retrouvera avec quatre membres: la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein. Selon toute vraisemblance, les activités liées à l'AELE redimensionnée devraient demeurer à Genève avec un secrétariat réduit dont l'évaluation des besoins futurs a été confiée à un groupe de travail. En revanche, les activités concernant l'EEE devraient être concentrées à Bruxelles. Une commission fera rapport à fin 1995 sur la future organisation de l'Association. D'ici là, la structure juridique de l'AELE ne variera pas. Avec la demande d'adhésion de la Slovénie, l'avenir de l'institution paraît de plus en plus être lié à son élargissement vers les pays d'Europe Centrale et Orientale qui pourraient l'utiliser comme lieu de transition vers l'Union européenne
[28].
Lors du sommet de la CSCE qui s'est déroulé à Budapest au début du mois de décembre, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe - en quête d'une nouvelle identité depuis la chute du bloc soviétique - a été rebaptisée Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (
OSCE). A cette occasion, la Suisse a été désignée pour faire partie de la troïka de direction de cette organisation et en assumera la
présidence en titre en 1996 pour un an. Les divergences entre Moscou et Washington sur l'expansion de l'OTAN vers l'Europe Centrale, et la situation en ex-Yougoslavie ont constitué les principaux thèmes de la rencontre. Au terme de ce sommet, les représentants des différents Etats ont adopté une déclaration finale prévoyant notamment le renforcement des structures de l'OSCE, ainsi qu'un document envisageant l'envoi d'une force internationale de paix au Nagorny-Karabach (CEI)
[29].
Le Conseil fédéral a approuvé l'ouverture d'une limite d'engagements pour l'octroi de garanties de crédit d'un montant de 200 millions de francs en faveur de plusieurs républiques de la
Communauté des Etats indépendants (CEI). Cette somme a été prélevée sur le crédit supplémentaire de 600 millions de francs pour la poursuite de la coopération avec les Etats d'Europe Centrale et Orientale approuvé par les Chambres entre 1992 et 1993. Sur le montant global de cette aide, 100 millions de francs sont attribués à la Russie, 30 millions à l'Ukraine, 20 millions au Bélarus et le reste, soit 50 millions de francs, aux républiques du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan
[30].
Les responsables du DFAE et du DFEP de l'aide en faveur des pays d'Europe Centrale et Orientale ont tiré le bilan des quatre premières années de l'action suisse en la matière. Sur les 1650 millions de francs votés par les Chambres fédérales depuis 1990, 1033 millions étaient engagés à la fin de 1993, dont 887 millions sous forme d'aide financière et 146 millions pour la coopération technique. Les principaux pays bénéficiaires du soutien helvétique furent la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie.
Le Conseil fédéral a transmis son projet d'arrêté fédéral concernant la coopération avec les Etats d'Europe de l'Est. Rappelant que le processus de réforme politique, économique et sociale dans les pays d'Europe Centrale et Orientale s'étendra sur plusieurs années, le gouvernement souhaite en effet l'instauration d'une base légale spécifique à ce domaine important des relations extérieures de la Suisse. La finalité politique de cet acte législatif - qui se fonde dans une large mesure sur la loi fédérale de 1976 sur la coopération au développement et l'aide humanitaire internationales - est à mettre en relation avec le souci de promouvoir la stabilité et la sécurité en Europe. Le projet du gouvernement définit l'objet et les buts visés par la coopération avec les Etats d'Europe de l'Est. Il règle également la question de son financement. Sur le plan des objectifs, il s'agit de promouvoir un développement économique et social durable, conforme aux principes d'une économie de marché et au respect de l'environnement, aussi bien que d'encourager et de renforcer l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme. Les moyens nécessaires au financement de la coopération seront, quant à eux, alloués sous forme de crédits de programme ouverts pour plusieurs années. La section relative à la mise en oeuvre prévoit en outre la fixation de domaines d'action prioritaires, la délégation au Conseil fédéral d'une compétence de conclure des traités internationaux et le soutien de la Confédération à des activités privées. L'arrêté fédéral est par ailleurs limité à dix ans, période après laquelle il conviendra d'examiner s'il est encore adéquat. Lors de la session parlementaire d'hiver, le Conseil des Etats a approuvé à l'unanimité l'essentiel du projet du gouvernement.
[23]
FF, 1995, I, p. 1060 ss. (Rapport du CF sur les activités de la Suisse au Conseil de l'Europe). Voir aussi
APS 1993, p. 66.23
[24]
FF, 1995, I, p. 1064 s.24
[25]
FF, 1994, II, p. 401 ss.;
BO CE, 1994, p. 1028 s.;
BO CN, 1994, p. 2326 ss. Voir également supra, part. I, 1b (Grundrechte).25
[27] Presse des 28.10 et 3.11.94. Cf. supra, Principes directeurs.27
[28] Presse des 23.6, 9.8, 14.12 et 15.12.94.28
[29]
Ww, 9.6.94;
24 Heures, 3.12.94; presse des 5.12, 6.12 et 7.12.94;
TA, 10.12.94.29
[30]
BaZ, 20.1.94;
NZZ, 21.1.94.30
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