Année politique Suisse 1994 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche
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Vers la fin de l'année, le Conseil fédéral a soumis à l'approbation des Chambres les crédits relatifs à l'aide aux universités et à l'encouragement à la recherche pour la période de 1996 à 1999. La réunion de ces deux domaines dans un seul message a été réalisée afin de permettre de situer la politique de la Confédération en matière de science dans un contexte plus vaste et de souligner le lien étroit existant entre l'aide aux universités et l'encouragement à la recherche.
En matière d'aide aux universités, l'ensemble des crédits proposés par le Conseil fédéral se monte à 2077 millions de francs, dont 1656 millions pour des subventions de base, 340 millions pour l'aide aux investissements et 81 millions pour des subventions extraordinaires. En outre, le gouvernement a proposé une modification de la loi fédérale sur l'aide aux universités par un amendement visant à fractionner l'aide aux investissements à partir de 1996.
En ce qui concerne l'
encouragement à la recherche, les crédits (enveloppes financières et crédits d'engagement) proposés par le Conseil fédéral se montent à 1833,3 millions de francs, soit une diminution - en raison de l'état des finances fédérales - de 140,7 millions de francs par rapport au montant demandé pour la période de 1992 à 1995. 1359 millions de francs sont destinés aux institutions chargées d'encourager la recherche, à savoir le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNRS) (1280,3 millions) et les Académies (78,7 millions). Les subventions directes (207,3 millions) sont principalement attribuées au Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM), à la Fondation suisse pour la recherche en microtechnique (FSRM) et à la recherche sur le cancer et le sida. Quant aux subventions extraordinaires (267 millions), le Conseil fédéral prévoit la reconduction des cinq programmes prioritaires Environnement, Biotechnologie, Informatique, Optique et Matériaux et le lancement de deux autres programmes intitulés "Demain la Suisse", relevant des sciences sociales, et MINAST, consacré aux techniques des microsystèmes et nanosystèmes. Afin d'alléger et d'abréger les procédures dans le domaine scientifique, les autorités fédérales ont parallèlement proposé un amendement de la loi sur la recherche
[36].
Dans leur ensemble, les arrêtés de crédit soumis au législatif fédéral portent sur un montant global de 3910,3 millions de francs, ce qui représente une somme inférieure à celle demandée par les différents organes s'occupant de science et d'éducation. Dans ses objectifs pour la période 1996-1999, le Conseil suisse de la science (CSS) s'était en effet prononcé pour une croissance des budgets de recherche de 3% supérieure à celle de l'ensemble des dépenses fédérales. De son côté, la Conférence universitaire suisse (CUS) avait requis 2,2 milliards de francs au titre des subventions de base aux universités qui ne s'élèvent qu'à 1,65 milliard dans le projet du Conseil fédéral. Quant au FNRS, il avait réclamé pour son compte une subvention fédérale de 1,4 milliard de francs pour la période 1996-1999 contre 1,28 milliard prévu par le gouvernement.
Le Conseil fédéral a proposé par ailleurs d'accorder pour la période de 1996 à 1999 un crédit-cadre de 220 ou, le cas échéant, 204 millions de francs pour le
financement de l'activité de la Commission pour l'encouragement de la recherche scientifique
(CERS) à l'échelon national ainsi que dans le cadre du programme européen EUREKA. Inférieur aux directives de croissance du gouvernement qui sont de 2,5% par année pour la période de 1996 à 1999, le renforcement quantitatif et qualitatif de la CERS ne correspond - en raison de la situation tendue des finances fédérales - qu'à une croissance nominale annuelle de 2,2% par rapport à 1992/95. Au cours de la période couverte par le nouveau crédit-cadre, la CERS mettra l'accent sur le soutien à des projets d'interconnexion (notamment entre les futures hautes écoles spécialisées et les PME, dont la participation au financement des projets devrait passer à 80%), sur la promotion de concepts modernes de production et de gestion, sur l'encouragement de la transformation de résultats issus de projets CERS en activités industrielles ainsi que sur le financement d'une étude de faisabilité pour un programme d'action intitulé "Les logiciels dans l'industrie"
[38].
Les résultats d'une enquête menée par le Vorort et l'Office fédéral de la statistique ont révélé qu'en 1992 les entreprises suisses ont, pour la première fois, consacré plus d'argent à la
recherche et au
développement à l'étranger qu'en Suisse (7,09 contre 7,01 milliards de francs)
[39].
L'Office fédéral de l'éducation et de la science a mandaté des experts indépendants afin d'
évaluer les programmes nationaux de recherche (PNR). Première du genre, cette évaluation a débouché sur une série de recommandations. Les experts ont, entre autres, insisté sur la nécessité d'adapter ces programmes à l'évolution des exigences nationales et internationales de la recherche orientée. Si le FNRS s'est déclaré disposé à mettre en pratique sélectivement ces recommandations, il a en revanche refusé la création d'un Conseil scientifique qui, aux yeux des experts, aurait eu à charge d'assurer une certaine indépendance et transparence dans le choix des programmes
[40].
En vue d'instituer une coopération scientifique et technologique avec le
Japon, des experts suisses ont rencontré au mois d'octobre une délégation nippone afin d'examiner des projets bilatéraux dans le domaine de la recherche. A cette occasion, la Suisse a souhaité que les deux pays organisent une rencontre annuelle scientifique sur leur savoir-faire technologique respectif et augmentent les échanges d'étudiants, de professeurs et de chercheurs. La Confédération a par ailleurs annoncé son intention de soutenir la "Swiss Asia Foundation"
[41].
Après plus de dix mois de négociations, les dix-neuf Etats membres du laboratoire européen pour la physique des particules (CERN) sont parvenus à un compromis sur le financement d'un nouveau
superaccélérateur de particules, le LHC (Large Hadron Collider). Celui-ci, dont le coût s'élève à 2,66 milliards de francs, sera construit en deux étapes pour atteindre sa pleine puissance en 2008 au plus tard. Dans le cadre de ce projet, la Suisse s'est engagée à verser une contribution exceptionnelle de l'ordre de 60 millions de francs sur dix ans
[42].
Enfin, le Conseil national a transmis un postulat de sa Commission de la science, de l'éducation et de la culture invitant le gouvernement à veiller à ce que, en matière de compensations dans le domaine des programmes du Fonds national et des programmes prioritaires de la recherche scientifique, les
sciences sociales et les
recherches sur l'environnement ne soient pas encore davantage prétéritées
[43].
La question de la pleine participation de la Suisse au
4e programme-cadre de recherche et de développement de l'Union européenne a divisé la communauté scientifique helvétique ainsi que certains milieux économiques. Les recteurs et présidents des hautes écoles suisses ont ardemment soutenu cette participation, tout comme celle aux nouveaux programmes de formation supérieure. En revanche, une partie du monde scientifique a redouté, à l'instar du FNRS, que l'engagement de la Confédération dans le 4e programme européen de recherche ne se fasse au détriment des programmes nationaux. Estimant, par ailleurs, que la recherche communautaire manque de rigueur et que ses gains pour la productivité industrielle suisse seraient minimes, cinq Prix Nobel suisses ont envoyé une lettre au Conseil fédéral lui demandant de renoncer à prendre part à ce 4e programme-cadre. Du côté des milieux économiques, la participation ou non de la Suisse à la recherche européenne a principalement opposé l'industrie des machines à l'industrie chimique. Si la première l'a jugée indispensable au maintien du site de recherche suisse, la seconde a en revanche estimé que les programmes de l'UE sont trop orientés sur la recherche appliquée, domaine largement couvert par la recherche privée helvétique. Le Vorort s'est quant à lui prononcé, sous certaines conditions, en faveur de la participation de la Suisse à ce 4e programme-cadre
[44].
En dépit des réticences déjà invoquées, le Conseil fédéral a adopté en mai le mandat de négociations avec l'UE dans les domaines de la recherche et de l'éducation. Parallèlement, il a proposé aux Chambres d'octroyer un crédit d'engagement de 554 millions de francs pour le financement de la participation de la Suisse aux programmes de recherche et de formation de l'Union européenne pour la période de 1996 à 2000. Sur ce montant global, 397 millions de francs sont destinés à la participation au 4e programme de recherche et développement, alors que 78,3 millions de francs sont prévus pour la participation à des programmes de formation. Quant au solde, il est principalement destiné au financement d'engagements contractés jusqu'à la fin 1996 et qui ne sont pas couverts par le crédit de 477 millions de francs accordé par le parlement en 1992. En raison de l'ampleur de la somme requise et de la situation difficile des finances fédérales, le gouvernement a décidé de compenser les dépenses investies dans la recherche européenne par des déductions faites sur les dépenses helvétiques en la matière. Afin de rassurer les milieux scientifiques et de répondre à l'appel des recteurs des universités, les autorités fédérales ont néanmoins affirmé que la recherche fondamentale et l'aide aux universités ne seront pas touchées. Les déductions envisagées à l'échelle nationale concerneront en premier lieu la recherche orientée et certains petits budgets de recherche répartis dans l'administration fédérale.
Le Conseil fédéral a rappelé que ce nouveau crédit d'engagement était indispensable à la conclusion d'un accord bilatéral sur la participation complète de la Suisse au 4e programme-cadre de recherche de l'UE. Celui-ci couvrira la période 1995 à 1998 et bénéficiera d'un
budget massivement relevé par rapport au 3e programme (12,3 milliards d'ECU contre 5,7 milliards). Quant au domaine de la formation, le crédit d'ensemble est destiné à financer la participation de la Suisse aux nouveaux programmes quinquennaux
LEONARDO (formation professionnelle et formation continue, prenant en outre la relève du programme Comett qui est arrivé à échéance à la fin 1994),
SOCRATES (enseignement scolaire et supérieur, prenant en outre la relève du programme Erasmus, arrivé lui aussi à échéance à la fin de l'année sous revue) et
Jeunesse pour l'Europe III. Pour assurer la base légale de l'accord bilatéral en matière de formation et son financement, le Conseil fédéral a rappelé, par ailleurs, qu'il était nécessaire de proroger jusqu'à la fin 2000 l'arrêté fédéral relatif à la coopération internationale en matière d'enseignement supérieur et de mobilité
[45].
Lors de la session d'automne, le
Conseil national a approuvé le montant demandé par le gouvernement, non sans avoir au préalable refusé à une confortable majorité une proposition de renvoi du député Blocher (udc, ZH) qui - soutenue par l'UDC, les démocrates suisses, la Lega et le parti de la liberté (ex-PA) - demandait au Conseil fédéral de ne pas présenter le projet au parlement avant de disposer de contre-prestations concrètes et adéquates de la part de l'UE. La Chambre basse a, par ailleurs, adopté l'arrêté fédéral concernant la coopération internationale en matière d'enseignement supérieur et de mobilité, suivie en cela par le
Conseil des Etats qui, durant la session d'hiver, a également accepté à l'unanimité l'arrêté fédéral sur le financement de la participation de la Suisse aux programmes de recherche et de formation de l'UE
[46].
Le Conseil des
ministres des affaires étrangères de l'Union européenne ayant à son tour adopté un mandat de négociations en matière de recherche à la fin du mois d'octobre, celles-ci ont pu officiellement débuter en décembre. En raison du lien politique établi par l'UE entre les différents domaines à négocier, la conclusion d'un accord sur la recherche dépendra toutefois de l'évolution des négociations dans les autres secteurs
[47].
Lors de la 12e conférence ministérielle d'
EUREKA (European Research Coordination Agency) qui s'est déroulée au mois de juin à Lillehammer (Norvège), la Suisse a pris, pour un an, la présidence de ce programme européen dont l'objectif est de créer des passerelles entre la technologie appliquée et l'industrie. Durant cette année présidentielle, la Confédération entend doter l'organisation de nouvelles structures afin de maintenir sa grande souplesse. Sur le plan interne, elle cherchera également à mieux faire connaître cette forme de coopération technologique aux petites et moyennes entreprises suisses
[48].
Estimant qu'une limitation des dangers et des utilisations néfastes des technologies génétiques pourrait être garantie dans le cadre de la révision de la loi sur la protection de l'environnement, le Conseil fédéral s'est prononcé contre l'
initiative populaire "Pour la protection de la vie et de l'environnement contre les manipulations génétiques" et a refusé de présenter un contre-projet
[49].
[36]
FF, 1995, I, p. 821 ss.36
[38]
FF, 1995, I, p. 756 ss.38
[40]
JdG, 20.4, 17.10 et 21.12.94.40
[41]
24 Heures, 3.10.94; presse du 4.10.94.41
[42]
JdG, 16.12.94; presse du 17.12.94.42
[43]
BO CN, 1994, p. 1675.43
[44]
NQ, 12.4.94; presse des 22.4 (recteurs et présidents des hautes écoles), 9.9 (FNRS) et 11.11.94 (industrie des machines);
TA, 24.5.94 et
LM, 25.5.94 (Prix Nobels);
JdG, 25.5.94 (industrie chimique);
BZ, 25.8.94;
NZZ, 21.9.94 (Vorort).44
[45]
FF, 1994, III, p. 1429 ss.; presse du 26.5.94. Etant donné qu'aucune négociation n'a encore pu être entamée avec l'UE dans le domaine de l'éducation, le programme COMETT s'est achevé pour la Suisse à la fin de l'année sous revue; aucun programme n'en prend la relève. En ce qui concerne ERASMUS, des échanges d'étudiants devraient encore se poursuivre jusqu'en 1995/96.45
[46]
BO CN, 1994, p. 1658 ss.;
BO CE, 1994, p. 1299 ss.;
FF, 1994, V, p. 1119 et
FF, 1995, I, p. 8 ss. Relevons que la proposition Nebiker (udc, BL), qui demandait que le CF ne libère les crédits que lorsque des négociations bilatérales dans les autres domaines importants pour la Suisse auront été engagées avec l'UE, a été rejetée par le CN. En revanche, cette dernière a accepté la proposition Loeb (prd, BE) requérant du gouvernement de procéder à une évaluation des programmes de recherche et de formation avant la fin de la période de contribution:
BO CN, 1994, p. 1672 ss. (Nebiker) et 1674 (Loeb).46
[47]
FF, 1995, II, p. 37 (Rapport sur la politique économique extérieure 94/1+2).47
[48] Presse du 17.6.94.48
[49]
FF, 1994, V, p. 203 s.;
LZ, 8.9.94;
Bund, 16.9.94. Voir également
APS 1993, p. 250 s.49
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