Année politique Suisse 1995 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
 
Energie hydro-électrique
Dans le cadre des mesures d'assainissement des finances fédérales 1994, les Chambres ont décidé de ne pas accepter le projet du gouvernement visant à supprimer les indemnités fédérales que la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques prévoit d'attribuer aux collectivités publiques qui, pour des motifs de protection de la nature et du paysage dans des sites d'importance nationale, renoncent à l'exploitation de la force hydraulique sur leur territoire. Cette mesure - dont l'annonce en début d'année avait suscité l'ire des défenseurs de l'environnement, parmi lesquels plusieurs parlementaires - aurait permis, à court terme, d'économiser environ un million de francs par année. Par ailleurs, le Conseil fédéral a adopté, fin octobre, une ordonnance de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques qui fixe les modalités de versement des indemnités fédérales maintenues par le parlement. Premières intéressées en raison de leur renonciation à la construction d'une centrale hydraulique sur le haut-plateau de la Greina (GR), les communes grisonnes de Vrin et Sumvitg sont les principales bénéficiaires de la nouvelle réglementation qui - entrée en vigueur à la mi-novembre - devrait permettre d'allouer des dédommagements pour un montant d'environ 900 000 francs par an et ceci durant 40 ans [31].
Le gouvernement a mis en consultation un projet de loi fédérale sur la responsabilité civile en matière d'ouvrages d'accumulation. Faisant notamment suite à une initiative du canton du Valais adoptée par les Chambres en 1992, la réglementation envisagée s'inspire de la loi sur la responsabilité civile en matière d'énergie nucléaire. Elle a pour but d'améliorer la couverture d'assurance des lésés en obligeant tout d'abord les exploitants des installations hydro-électriques de toute la Suisse à s'assurer. Alors qu'actuellement la responsabilité des propriétaires de barrage n'est engagée que si l'ouvrage présente un défaut, le projet de loi prévoit en outre qu'il en ira de même en cas de dommages corporels et matériels causés par des phénomènes naturels extraordinaires (tels qu'un séisme), des événements de guerre ou des actes de sabotage. Par ailleurs, la responsabilité civile des exploitants devra en premier lieu être couverte par des assureurs privés. Ceux-ci ayant estimé que leur capacité de couverture des sinistres ne pouvait dépasser 800 millions de francs par année, il est donc prévu que la Confédération interviendra à titre complémentaire jusqu'à concurrence d'un montant maximal d'un milliard de francs. L'Assemblée fédérale pourra encore prévoir des indemnisations extraordinaires en cas de catastrophe majeure.
Le DFTCE a également mis en consultation un projet d'ordonnance fédérale sur la sécurité des ouvrages d'accumulation dont la principale innnovation réside dans l'introduction de la surveillance des petits barrages qu'il est prévu d'attribuer aux cantons. La Confédération souhaite en effet se limiter au contrôle des installations hydro-électriques majeures. Les exécutifs de plusieurs cantons ont émis des réserves quant à cette nouvelle réglementation [33].
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Redevances hydrauliques
Le Conseil national a transmis comme postulat une motion Epiney (pdc, VS) invitant le Conseil fédéral à proposer, dans le cadre de la révision de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH), certaines modifications en vue de valoriser l'énergie hydro-électrique. En optant pour la forme moins contraignante du postulat, la Chambre du peuple a ainsi suivi la proposition du Conseil fédéral qui a tenu à rappeler que les demandes du motionnaire seraient de toute façon traitées dans le cadre de la révision partielle de la LFH en cours [34].
Mis en consultation entre 1993 et 1994, le projet de refonte totale de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques n'a pas rencontré une large approbation. Considérant que la réglementation actuelle a fait ses preuves, la majorité des milieux consultés ont en effet demandé que les autorités fédérales ne procèdent, en la matière, qu'aux modifications strictement nécessaires. Conformément à cette volonté, le Conseil fédéral n'a dès lors transmis aux Chambres qu'un projet de révision partielle de la LFH dont l'une des modifications essentielles porte sur l'augmentation du taux maximal de la redevance hydraulique annuelle de 54 à 70 francs pour les centrales d'une puissance supérieure à 1000 kilowatts. En adaptant ce taux maximal, le gouvernement a donc opté pour le maintien du système actuel, malgré de nombreuses prises de position - dont celle de la Conférence gouvernementale des cantons alpins - en faveur d'une libéralisation à long terme dans ce domaine. Jugée prématurée, une telle déréglementation pourrait cependant être envisagée dans le cadre du nouveau projet de loi relatif à la redevance hydraulique qui sera présenté lorsque, d'une part, les travaux en cours sur le nouveau régime de péréquation financière seront achevés et que, d'autre part, les problèmes liés aux efforts tendant à la libéralisation du marché de l'électricité en Europe auront été éclaircis.
Hormis ces dispositions relatives à la redevance, le projet de révision de la LFH comprend une augmentation de la compensation pour pertes d'impôts et un ensemble de règles relatives à la transformation des aménagements hydro-électriques. Quant aux dispositions concernant la protection du tracé des voies navigables, elles ont été reformulées dans le sens d'un assouplissement. La réglementation envisagée crée finalement les bases légales nécessaires à l'accomplissement des tâches de la Confédération en matière d'hydrométrie et permet d'adapter la loi actuelle aux modifications d'autres actes législatifs et au droit européen. Prenant position sur le projet du Conseil fédéral, l'Union des centrales suisses d'électricité a déclaré que l'augmentation de la redevance menaçait la compétitivité des centrales hydro-électriques suisses. Quant aux cantons alpins, ils ont estimé que la hausse consentie n'était pas suffisante. Ils ont dès lors invité le parlement à la porter à 80 francs au lieu des 70 retenus [35].
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Barrages
Le différend opposant les autorités du canton des Grisons au Département fédéral de l'Intérieur (DFI) à propos d'un projet de barrage hydro-électrique dans le Val Curciusa (GR) ne s'est pas apaisé durant l'année 1995. Fort du soutien du parlement grison, le gouvernement cantonal - ayant estimé que les atteintes que porterait l'ouvrage à l'environnement ne justifiaient pas de renoncer à sa construction - a décidé d'accorder pour la seconde fois aux Forces motrices du Misox la concession nécessaire à la réalisation de l'installation de pompage. A l'annonce de cette décision, sept organisations de protection de l'environnement ont décidé de porter une fois encore l'affaire devant le Tribunal fédéral qui a déclaré que ce nouveau recours n'aurait cependant pas d'effet suspensif. Commanditaire, en 1994, d'une étude reconnaissant clairement la nécessité de protéger la vallée, le DFI a quant à lui décidé de reporter sa prise de position sur ce projet afin d'en analyser en détail les avantages et inconvénients [36].
Après que les autorités fédérales et liechtensteinoises eurent émis en 1994 de forts doutes quant à l'opportunité de construire cinq barrages successifs sur le Rhin le long de la frontière entre la Suisse et le Liechtenstein, un groupe de travail a été institué afin de procéder à une nouvelle étude de faisabilité relative à l'utilisation des eaux rhénanes à des fins énergétiques. Bien que ne renonçant pas définitivement à la réalisation de ces installations hydro-électriques, les promoteurs ont déclaré vouloir attendre les conclusions du groupe de travail avant de se prononcer sur la suite de l'attitude à adopter [37].
En réponse au recours déposé en 1994 par les auteurs de l'initiative populaire cantonale visant à protéger l'Aar (BE), le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que les FMB avaient bel et bien violé le principe de neutralité politique lors de la campagne précédant la votation sur ce sujet. Au vu du net résultat auquel cette dernière avait donné lieu (57,4% des voix contre l'initiative), la Haute cour a toutefois considéré que les agissements peu corrects des FMB n'avaient pu avoir de conséquences directes sur l'issue du scrutin [38].
Bien que fort avancé puisque au bénéfice de l'autorisation de construire, le projet Mauvoisin II (VS) consistant à augmenter de 150% la puissance du barrage situé au fond de la vallée de Bagnes a été ajourné par le conseil d'administration des Forces motrices de Mauvoisin (FMM). L'insécurité régnant sur le marché européen de l'électricité est à l'origine du report de ce projet dont la réalisation aurait entraîné une dépense de quelque 700 millions de francs. Un réexamen de la situation devrait avoir lieu en 1997/98 [39].
 
[31] FF, 1995, I, p. 142; BO CN, 1995, p. 73 ss.; BO CE, 1995, p. 210 ss.; RO, 1995, p. 4856 ss.; presse des 14.1, 9.3 et 26.10.95; BüZ, 27.10.95; NZZ, 28.10.95.31
[33] NZZ et NF, 6.5.95; 24 Heures, 3.8.95 (VD); LNN, 18.8.95 (UR); AT, 30.8.95 (AG).33
[34] BO CN, 1995, p. 2193 s.34
[35] FF, 1995, IV, p. 964 ss.; NF, 22.2.95; NQ, 30.3.95; Lib. 10.8.95; presse du 17.8.95; NZZ, 4.9.95. Voir aussi APS 1993, p. 148 et 1994, p. 144.35
[36] Presse des 15.2 et 7.7.95; BüZ, 8.6, 7.7 (recours auprès du TF), 9.8, 18.8 et 4.9.95; NZZ, 13.7.95. Cf. également APS 1993, p. 149 et 1994, p. 144.36
[37] NZZ, 18.9.95. Voir aussi APS 1993, p. 148 s. et 1994, p. 144.37
[38] Presse du 18.7.95. Cf. aussi APS 1993, p. 149 et 1994, p. 145.38
[39] Presse du 28.11.95.39