Année politique Suisse 1995 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
Politique de protection de l'environnement
Une enquête menée par plusieurs instituts universitaires auprès de 3019 personnes a révélé qu'en comparaison internationale, les citoyens suisses ont une
sensibilité particulièrement prononcée
à l'égard de l'environnement. Ainsi 73% des Alémaniques et 59% des Romands interrogés se sont dit fortement préoccupés par la dégradation du milieu naturel et prêts à réduire leur niveau de vie pour le protéger. Dans la pratique toutefois, ces déclarations d'intention ont contrasté avec la mise en exergue de certains comportements peu écologiques, dans le domaine du chauffage des bâtiments, notamment. Au terme de leur étude, les chercheurs ont conclu que si les campagnes de sensibilisation ne suffisent pas à induire des changements durables de comportement, les instruments économiques incitatifs y parviennent en revanche dans une large mesure
[1].
Signée en 1994 par la Suisse - à l'instar de 85 autres Etats - la
Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification a été soumise à l'approbation des Chambres par le Conseil fédéral. Reconnaissant la désertification et la sécheresse comme des problèmes de dimension mondiale nécessitant une coopération internationale, ce document fixe les tâches, les responsabilités, les obligations ainsi que les engagements des différents partenaires pour lutter plus efficacement contre ce phénomène. Principale région touchée, l'Afrique se voit accorder la priorité par rapport aux trois autres annexes régionales (Asie, Amérique latine/Caraïbes, Méditerranée septentrionale) définies dans la convention. Au vu de l'échec relatif des efforts déployés jusqu'alors dans le cadre de la lutte contre la désertification, l'accord met l'accent sur une nouvelle approche qui, partant de la base, vise à renforcer l'action et la participation locales. En matière de ressources financières, il attribue par ailleurs une grande place à l'optimisation des mécanismes et sources de financement déjà existants. Sur le plan institutionnel enfin, une Conférence des Parties évaluera et examinera la bonne application de la convention ainsi que les effets des mesures adoptées. La Suisse s'est en outre proposé d'accueillir le Secrétariat permanent de la convention qui sera prochainement désigné
[2].
Si le Conseil des Etats a décidé d'approuver cet accord à l'unanimité, ce dernier a en revanche été l'objet d'une
proposition de non-entrée en matière Steinemann (pdl, SG) au sein de la Chambre du peuple. Protestant contre la participation de la Confédération à un nouvel accord international négocié sous l'égide de l'ONU, le député saint-gallois a par ailleurs mis en doute les avantages que la ville de Genève retire de la présence d'organisations internationales sur son territoire. C'est cependant à une très forte majorité des votants que le Conseil national a décidé d'autoriser le gouvernement à ratifier la convention
[3].
Le gouvernement a proposé au parlement de se prononcer en faveur d'un projet d'arrêté fédéral concernant la ratification de la
Convention de la
CEE-ONU sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière. Ce document a pour principal but de garantir, d'une part, la réalisation d'une étude d'impact sur l'environnement (EIE) par un pays projetant de construire une installation susceptible d'avoir des répercussions transfrontières importantes et, d'autre part, d'assurer que ce pays informera et consultera les Etats limitrophes quant aux impacts potentiels de l'installation concernée. Outre les normes réglant le contenu et l'étendue de l'EIE, la convention édicte également les dispositions procédurales à suivre lors de la réalisation d'une étude d'impact impliquant plusieurs pays. Comme l'a souligné le Conseil fédéral dans son message, la Confédération devrait retirer différents avantages de cet accord. Du fait que le droit suisse ne contient aucune disposition visant spécifiquement les projets susceptibles d'avoir un impact transfrontière important, la convention permettra notamment de combler cette lacune. Première des deux Chambres à se prononcer sur cet objet, le Conseil national a décidé à la quasi-unanimité d'autoriser le gouvernement à ratifier la convention
[4].
A l'appel du Conseil de l'Europe s'est tenue pour la deuxième fois depuis 1970 l'
Année européenne de la conservation de la nature à laquelle la Confédération et les cantons suisses se sont associés en organisant plusieurs manifestations visant à sensibiliser l'opinion publique et à promouvoir des projets concrets. Lancé à Romont (FR) par la conseillère fédérale Ruth Dreifuss, le programme national lié à cette manifestation s'est vu doté d'une enveloppe financière de quelque 3,75 millions de francs destinée à encourager des projets relatifs à la promotion de la nature sous toutes ses formes. Il a par ailleurs été marqué par la mise sur pied des journées de la nature qui ont réuni quelque 200 participants au Palais fédéral et qui se sont soldées par la signature d'un manifeste écologique. Organisé fin novembre à Lugano, un dernier congrès d'importance nationale donna l'occasion à environ 300 spécialistes d'examiner l'opportunité de créer un second Parc national. De son côté, l'OFEFP profita de cette rencontre pour présenter un nouveau concept relatif à la préservation des paysages en Suisse
[5].
Contrairement à ce qui était attendu, la troisième
Conférence paneuropéenne des ministres de l'environnement qui s'est tenue fin octobre à Sofia (Bulgarie) s'est achevée sans que les Etats-parties ne parviennent à adopter de "programme environnemental pour l'Europe". Mis à part la conclusion d'un accord relatif à la protection des espèces et des paysages, les maigres résultats obtenus à l'issue de cette conférence n'ont pas manqué de contraster avec les attentes des organisations écologistes suisses qui, peu avant la rencontre, s'étaient prononcées en faveur de mesures concrètes, telles que l'introduction de taxes sur le CO2 et l'énergie ainsi que sur le kérosène. Si pareilles revendications n'ont dès lors pu obtenir satisfaction, la rencontre a néanmoins fourni l'occasion à la conseillère fédérale Ruth Dreifuss, cheffe de la délégation helvétique, de signer en marge des réunions un accord octroyant une
remise de dettes de 20 millions de francs à la Bulgarie. En contrepartie, les autorités de ce pays se sont engagées à consacrer cette somme à des projets en faveur de l'environnement
[6].
A l'invitation de la Croix-Verte, une
délégation russe - composée de dix scientifiques et militaires ayant à charge d'assainir divers sites pollués par des matières chimiques et radioactives en Russie - s'est rendue en Suisse dans le cadre de "legacy-programms" soutenus par la Confédération
[7].
La première Conférence ministérielle de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques - signée par 122 Etats lors du Sommet de la terre de Rio en juin 1992 - s'est ouverte fin mars à Berlin. Ayant pour objectif principal de déterminer les moyens qu'entend prendre la communauté internationale pour lutter contre le réchauffement de la planète par la stabilisation, puis la réduction, dès l'an 2000, des gaz à effet de serre, la conférence n'a pas tardé à révéler d'
importantes dissensions entre les participants. Intéressée au premier plan par le réchauffement planétaire, l'Association des petits Etats insulaires a proposé de fixer un niveau d'émissions de CO2 inférieur de 20% à celui de 1990 à l'horizon de l'an 2005. Bien que repris par l'Inde, la Chine et le Brésil, ce scénario ambitieux - auquel la majorité des pays du tiers-monde ne tarda pas à se rallier - ne fut pas sans contraster avec l'attitude divisée des pays industrialisés: si l'Union européenne accepta de considérer la proposition des pays en développement comme base de discussion, les Etats-Unis, le Japon et le Canada montrèrent en revanche de fortes réticences à l'égard d'un renforcement des objectifs de la convention. Emmenée par la conseillère fédérale Ruth Dreifuss, la délégation helvétique se prononça pour sa part en faveur de l'adoption d'un
mandat de
négociations en vue de la signature d'un protocole sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre après l'an 2000, sans pour autant mentionner de buts précis. C'est précisément par l'adoption d'un mandat de négociations guère plus contraignant que la Conférence de Berlin s'est soldée, à la grande déception des organisations de protection de l'environnement. Le protocole résultant des futures négociations devrait dès lors être adopté à l'occasion de la prochaine conférence ministérielle qui se tiendra à Tokyo en 1997
[8].
Le secrétaire d'Etat et directeur de l'OFAEE, Franz Blankart, a succédé, en début d'année, au directeur de l'OFEFP, Philippe Roch, à la tête du
Comité interdépartemental pour le suivi de Rio (CI-Rio). Cet organe - qui regroupe 17 offices de l'administration fédérale concernés par l'un ou l'autre aspect de l'Agenda 21 issu du Sommet de la terre de Rio en juin 1992 - avait été chargé, en 1993, d'élaborer un plan d'action comprenant un catalogue de mesures permettant à la Suisse de concrétiser le concept de développement durable. Accusant un retard de plus d'une année et demie par rapport au calendrier prévu initialement, ce document n'a été rendu qu'en fin d'année sous la forme moins contraignante d'un "rapport sur le développement durable en Suisse", comportant davantage de lignes directrices qu'un véritable plan d'action. Le gouvernement a fait savoir qu'il examinera le rapport en début d'année 1996 avant de le porter à la connaissance des Chambres fédérales et des cantons
[9].
Réunis à Rome dans le cadre d'une conférence de l'ONU sur les changements climatiques, les représentants de quelque 120 pays ont adopté le
second rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (
GIEC). Ce document - qui présente un état de la situation climatique dans le monde à partir des travaux de plusieurs centaines d'experts (dont 20 Suisses) - établit pour la première fois l'existence d'un lien entre les changements climatiques et l'activité humaine. Le tableau inquiétant que dresse par ailleurs le rapport sur l'évolution de la planète au cas où l'effet de serre ne pourrait être maîtrisé a dès lors conduit le GIEC à prôner l'adoption de mesures contre la concentration de CO2 dans l'atmosphère
[10].
Le projet visant à faire de la Genève internationale la capitale de l'environnement - en accueillant notamment sur son territoire les secrétariats permanents des organes chargés d'assurer le suivi de Rio - a été
fortement compromis durant l'année sous revue. La cité de Calvin a en effet été évincée à deux reprises au profit des villes de Bonn et de Montréal qui ont été respectivement choisies pour l'établissement du Secrétariat permanent de la Convention sur les changements climatiques et celui de la Convention sur la biodiversité
[11].
La
Croix-Verte internationale (CVI) a décidé de transférer son quartier général de La Haye à Genève. Cette décision a été prise dans l'optique de favoriser les synergies avec les organisations de l'ONU et non-gouvernementales présentes sur le territoire genevois
[12].
Sujette à diverses interrogations quant à son rôle et son avenir, l'
Académie de l'environnement (AIE) de Genève - institution scientifique ayant pour but d'assurer le lien entre des partenaires issus des milieux politique, scientifique et économique - continuera de bénéficier du soutien financier de la Confédération et du canton de Genève. Ses objectifs et activités ont en effet été redéfinis sur la base d'un rapport d'évaluation du Conseil suisse de la science
[13].
Estimant que les procédures d'autorisation et de recours concernant les projets régis par le droit fédéral durent trop longtemps et engendrent un accroissement significatif des coûts, le Conseil fédéral a mis en consultation un paquet de mesures visant à
accélérer la réalisation des infrastructures telles que les routes nationales ou les installations ferroviaires. Reprenant la proposition émise en 1994 par un groupe de travail interdépartemental institué par le DFTCE, le gouvernement a opté pour un système de
procédures concentrées, puisqu'une seule autorisation globale suffirait dès lors en lieu et place des différents feux verts de plusieurs instances actuellement nécessaires
[14].
La campagne de sensibilisation relative aux problèmes environnementaux, lancée en 1994 par l'OFEFP, a été l'objet d'un
bilan intermédiaire. Axé sur le thème du climat en 1994, le premier volet de cette action qui en comporte trois a permis la conduite de quelque 900 travaux mis sur pied par des jeunes de 12 à 25 ans (nouvelles, pièces de théâtre, vidéos, chansons, etc.). Leur réalisation a entraîné une dépense d'environ deux millions de francs. Comme prévu, l'expérience a été renouvelée durant l'année 1995 avec la protection des espèces comme thème de réflexion
[15].
[2]
FF, 1995, II, p. 773 ss.2
[3]
BO CE, 1995, p. 596;
BO CN, 1995, p. 1930 ss.3
[4]
FF, 1995, IV, p. 397 ss.;
BO CN, 1995, p. 2422 ss. Relevons que 17 activités sont visées par la convention. Parmi celles-ci, figurent notamment les centrales thermiques, les installations nucléaires et chimiques intégrées, la construction de routes à fort trafic et les usines d'élimination des déchets.4
[5]
TA, 14.1.95;
DAZ, 23.1.95; presse des 4.2, 30.8 et 29.11.95;
NZZ, 2.9 et 1.12.95;
Bund, 30.11.95.5
[6]
24 Heures, 28.9.95; presse des 18.10 et 24.10.95;
NZZ, 19.10.95;
TA, 26.10.95. Voir aussi
APS 1991, p. 188 s. et
1993, p. 178.6
[8]
JdG, 9.2.95;
NZZ, 28.2, 21.3 et 4.4.95; presse des 25.3, 28.3, 6.4 et 8.4.95;
NQ, 3.4.95;
LNN, 5.4.95;
LZ, 10.4.95. Signalons encore qu'à l'occasion de l'ouverture du 12e Congrès météorologique mondial, Ruth Dreifuss a rappelé que les objectifs de la Convention sur le climat se devaient d'être complétés, d'ici à 1997, par de nouveaux engagements pour l'après an 2000: presse du 31.5.95. Cf. également
APS 1992, p. 185 s.,
1993, p. 177 et
1994, p. 180.8
[9]
BO CN, 1995, p. 2449 s. (question Gonseth, pe, BL);
TA, 13.1.95;
JdG, 13.5.95;
NZZ, 7.9.95;
BaZ, 28.11.95;
Bund, 22.12.95. Voir aussi
APS 1993, p. 177.9
[10]
NQ, 17.10.95; presse du 16.12.95. Rappelons que le premier rapport du GIEC, publié en 1990, avait servi de base à la Convention de l'ONU sur les changements climatiques de 1992.10
[11] Presse des 6.4 (climat) et 14.11.95 (biodiversité). Voir également supra, part. I, 2 (Organisations internationales).11
[13]
NQ, 10.10.95;
JdG, 9.12.95.13
[14] Presse du 14.9.95. Cf. aussi
APS 1994, p. 181.14
[15]
JdG, 1.3.95; presse du 3.3.95. Voir également
APS 1994, p. 181.15
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