Année politique Suisse 1996 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Pays en développement
Le gouvernement a soumis à l'approbation des Chambres un projet d'arrêté fédéral ouvrant, à partir du 1er janvier 1997 et pour une période d'au moins quatre ans, un crédit de programme de 960 millions de francs visant à poursuivre le
financement des mesures de politique économique et commerciale prises au titre de la coopération au développement. Destinée à prendre le relais du crédit de programme précédant auquel le parlement avait donné son aval en 1990, cette cinquième enveloppe globale s'accompagne d'une véritable
réorientation de la politique de soutien menée dans ce domaine par les autorités fédérales dont les causes sont à chercher dans l'évolution qui a caractérisé les pays en développement au cours des cinq dernières années. Dans la droite ligne du rapport du Conseil fédéral sur les relations Nord-Sud de la Suisse dans les années 90, le message relatif à ce cinquième crédit souligne en effet que la mondialisation de l'économie a notamment eu pour conséquence l'ouverture des pays du Tiers-monde au commerce international et à l'investissement étranger en tant que moteurs potentiels de croissance. Ces changements offrent dès lors de nouvelles possibilités de coopération où la collaboration d'Etat à Etat cède en partie le pas à l'instauration de partenariats de longue durée entre les entreprises des pays en développement et les entreprises helvétiques. Ainsi, la traditionnelle politique suisse d'aide au développement se doublera désormais d'un projet de promotion économique pour la Suisse qui passera notamment par le soutien des exportations helvétiques à destination des pays bénéficiaires de cette aide. Une
Société financière suisse pour le développement (SFSD) aura d'ailleurs à charge d'encourager les collaborations entre les firmes nationales et celles des pays du Sud
[54].
Le rôle accru dévolu au secteur privé en matière d'aide économique et commerciale devrait avoir pour conséquence un accroissement de l'impact des engagements financiers qui seront pris dans le cadre de ce cinquième crédit de programme. Ce dernier sera dévolu à la poursuite de quatre objectifs spécifiques étroitement liés les uns aux autres: Il s'agira de soutenir les efforts d'ajustements structurels déployés par les pays en développement par le biais d'aides à la balance des paiements et par des opérations de remise de dettes; de faciliter l'intégration des pays du Sud dans le nouveau système commercial multilatéral issu du Cycle d'Uruguay; de développer les capacités productives et les infrastructures de ces Etats grâce à des financements mixtes, des mesures directes d'encouragement à l'investissement ainsi qu'à des transferts de technologie; de concilier enfin les objectifs de croissance économique et de sauvegarde de l'environnement.
Sur les 960 millions de francs proposés au parlement, 120 millions seront consacrés au financement des
aides à la balance des paiements. Un montant similaire sera attribué conjointement au programme de
promotion commerciale et aux produits de base, somme de laquelle seront également prélevées les actions de
financements mixtes. Sur les 300 millions de francs prévus au titre de la
politique des garanties, 200 millions seront réservés pour assurer des crédits pour lesquels la garantie contre les risques à l'exportation (GRE) n'est pas opérationnelle. Les 100 millions restants seront utilisés pour la création d'un Fonds d'égalisation des conditions de financement. Les mesures de
promotion des investissements se verront pour leur part octroyer quelque 130 millions de francs, alors que 100 autres millions serviront à financer la mise sur pied d'un
partenariat helvetico-méditerranéen. Si la participation des autorités fédérales au capital initial de la Société financière suisse pour le développement entraînera des dépenses de l'ordre de 50 millions de francs, la poursuite des mesures de désendettement ne devrait en revanche pas émarger au crédit global de 960 millions. Ces actions seront en effet couvertes par le solde du crédit octroyé par les Chambres à l'occasion du 700e anniversaire de la Confédération. A la publication de ce message, les
oeuvres d'entraide ont immédiatement fait part de leur grief à l'encontre de la création du fonds d'égalisation et de la Société financière suisse pour le développement qu'elles ont considérés comme servant davantage les intérêts de l'économie privée helvétique que ceux des pays pauvres
[55].
Première des deux Chambres à se prononcer sur cet objet, le
Conseil des Etats a approuvé à l'unanimité l'octroi de ce cinquième crédit-cadre. Durant la session parlementaire d'hiver, le
National apporta à son tour sa caution au montant de 960 millions de francs qui lui était soumis, non sans avoir au préalable longuement débattu de la nouvelle "philosophie" qui guidera désormais la politique suisse de soutien au Tiers-monde
[56].
En fin d'année, le Conseil fédéral a transmis au parlement un message concernant la continuation de l'aide humanitaire internationale de la Confédération. Celui-ci propose l'allocation d'un
nouveau crédit-cadre de 1,05 milliard de francs s'étendant sur une période d'au moins quatre ans et destiné à prendre le relai de l'actuel crédit dont les ressources financières seront probablement épuisées au milieu de 1997. Aux yeux des autorités fédérales, la poursuite de l'action humanitaire de la Suisse en faveur des pays les plus démunis se justifie plus que jamais compte tenu de l'augmentation des conflits armés, de la pauvreté et des catastrophes naturelles à laquelle il est donné d'assister. A l'appui de sa demande de crédit en vue de financer les moyens mis en oeuvre par la Suisse dans ce domaine (contributions en espèces, livraisons de denrées alimentaires et de matériel, interventions du Corps suisse d'aide en cas de catastrophe), le gouvernement a fait figurer en annexe de son message la "Stratégie de l'aide humanitaire de la Confédération pour la seconde moitié des années nonante". Ce document établit plusieurs directives pratiques visant à définir avec concision la méthode par laquelle l'aide humanitaire helvétique entend remplir son mandat. Parmi ces directives figurent la nécessité d'intégrer l'aide humanitaire dans l'ensemble de la politique étrangère suisse, de concentrer l'aide sur des objectifs à priorités sectorielle ou géographique, d'obtenir la coopération des bénéficiaires de l'aide ainsi que celle des autorités locales afin de permettre aux victimes de se tirer d'affaire de façon autonome et, finalement, de contribuer à la promotion d'une aide cohérente et économe de manière à éviter les doubles emplois tant sur le plan suisse que sur le plan international
[57].
Le Conseil fédéral a proposé au parlement de proroger de dix ans l'arrêté fédéral sur les
préférences tarifaires qui autorise le gouvernement à réserver des droits de douane préférentiels aux pays en développement. Bien que les préférences tarifaires, pratiquées depuis 1972 par la Suisse, se soient révélées un instrument de promotion des exportations moins efficace que prévu en raison notamment de l'érosion des marges préférentielles induite par l'avènement du Cycle d'Uruguay (GATT-OMC) et de la conclusion d'accords de libre-échange, le gouvernement a néanmoins estimé qu'elles se justifiaient du point de vue de la politique de développement et qu'à ce titre elles se devaient d'être reconduites dès 1997, date à laquelle l'actuel arrêté arrivera à échéance. Eu égard aux nouvelles conditions-cadre du commerce mondial, le Conseil fédéral a manifesté son intention de fixer de nouvelles priorités dans l'application dudit arrêté. Il entend ainsi assurer dans la mesure du possible aux pays en développement un traitement identique en matière de tarifs douaniers à celui accordé aux pays avec lesquels la Confédération a conclu des accords de libre-échange. Par ailleurs, des avantages supplémentaires seront reconnus aux pays les plus démunis afin qu'ils puissent profiter mieux que les autres des préférences tarifaires. Enfin, les pays dont l'économie a atteint un degré de développement comparable à celui des pays industrialisés ne devraient plus pouvoir bénéficier de droits de douane préférentiels, conformément au mécanisme de "graduation" en vigueur dans l'UE. C'est à l'unanimité que le
Conseil des Etats s'est prononcé en faveur de la reconduite de cet instrument de soutien aux exportations des pays pauvres. Il a été suivi en cela par la
Chambre basse, non sans que celle-ci eût préalablement repoussé une proposition de la minorité de sa Commission de politique extérieure aux termes de laquelle le gouvernement aurait été habilité à octroyer des préférences supplémentaires pour les importations de produits fabriqués selon certains critères dans les domaines social et environnemental
[58].
Durant l'année 1996, la Confédération a décidé d'augmenter le
financement mixte octroyé au Vietnam de quelque 10 millions de francs (part helvétique: 5 millions). Elle a par ailleurs accordé des
aides à la balance des paiements à l'Erythrée (9 millions), au Burkina Faso (13 millions) et au Mozambique (18 millions). En outre, la Suisse a participé à plusieurs
opérations de désendettement coordonnées sur le plan international dont les bénéficiaires ont été la Bolivie et le Honduras auxquels les autorités fédérales ont respectivement attribué 10 et 7 millions de francs. Elle s'est finalement engagée à participer à hauteur d'un montant de 40 millions de francs à la création d'un fonds international de désendettement qui devrait voir le jour sous les auspices du FMI et de la Banque mondiale
[59].
Les responsables de l'OFAEE ont tiré un bilan intermédiaire satisfaisant du "
programme de désendettement créatif" mis sur pied à l'occasion du 700e anniversaire de la Confédération. Celui-ci a en effet permis à la Suisse de racheter les dettes de 27 pays débiteurs d'entreprises suisses correspondant à un montant de 1,3 milliard de francs au total. En contrepartie, les Etats bénéficiaires ont consacré 267 millions de francs en monnaie locale à la constitution de fonds destinés à la réalisation de projets de développement et d'environnement ainsi qu'à la création de petites entreprises
[60].
En 1995, l'aide publique au développement allouée par la Suisse a atteint 1,269 milliard de francs contre 1,317 milliard l'année précédente. Correspondant à
0,34% du produit national brut, ce montant se situe donc largement en-dessous de l'objectif du Conseil fédéral visant à porter la part du soutien financier helvétique aux pays les plus défavorisés à 0,4% du PNB d'ici l'an 2000. Face au plafonnement des moyens mis à sa disposition, la DDC a été contrainte à concentrer son action sur un nombre restreint de pays bénéficiaires
[61].
Le Conseil national a transmis un postulat Eymann (pl, BS) invitant le gouvernement à prévoir, dans le cadre de la coopération au développement, des projets visant à encourager la production d'
énergies renouvelables dans les pays du Tiers-monde. Lors de la session parlementaire d'hiver, la même chambre devait en outre transmettre un postulat Zapfl (pdc, ZH) priant le gouvernement de faire le point sur la
politique de coopération avec les pays de l'Est et du Sud en soumettant à cette fin au parlement un
rapport rendant compte des évènements de cette dernière décennie
[62].
A l'occasion de la célébration de son 25e anniversaire,
la Communauté de travail des oeuvres d'entraide helvétiques a annoncé son intention de lancer une vaste campagne Nord-Sud durant les années 1997/98, afin que la population suisse incite la Confédération à accorder une place plus importante aux pays en développement dans la conduite de sa politique étrangère
[63].
Instaurée en 1994 suite au génocide perpétré au Ruanda en avril de la même année, la
Commission Voyame chargée de faire la lumière sur les activités menées par la coopération suisse dans ce pays durant une trentaine d'années a rendu son rapport. Selon ce document, les 300 millions de francs que la Suisse y a investis ont été utilisés à bon escient. A ce bilan globalement positif des effets de la coopération suisse au Ruanda sont néanmoins venues s'ajouter certaines critiques au titre desquelles figurent au premier plan les relations par trop étroites entre le président Habyarimana et son conseiller économique et financier, le Suisse Charles Jeanneret. Par ailleurs les quatre auteurs du rapport ont déploré l'absence de représentation diplomatique à Kigali, où Berne n'entretenait pas même un chargé d'affaires: bien que l'ampleur du génocide ne fût pas prévisible, les experts ont estimé que la présence d'un représentant suisse sur place aurait permis à la Confédération d'être mieux renseignée, ce qui aurait pu l'amener à proposer une médiation. Au terme de son rapport, la Commission Voyame a plaidé pour une reprise prudente de la coopération avec le Ruanda, déclarant que la plupart des projets qui ont été suspendus pourraient être réactivés sans difficulté majeure
[64].
[54] Signalons que la SFSD prendra la forme d'une société anonyme dont le capital initial de 100 millions de francs sera supporté à raison de 51% par des actionnaires privés et de 49% par la Confédération, conformément au projet présenté en 1995. Cf.
APS 1995, p. 83.54
[55]
FF, 1996, III, p. 693 ss.; presse des 20.2, 30.5, 21.8 et 6.9.96;
NZZ, 22.2, 8.6, 7.9 et 20.8.96;
NQ, 31.5.96;
SHZ, 27.6.96;
TA, 5.8.96;
24 Heures, 23.8.96;
JdG, 24.8.96;
TW, 26.8 et 29.11.96. Voir aussi
APS 1990, p. 73 s. et
1994, p. 72 s.55
[56]
BO CE, 1996, p. 833 ss.;
BO CN, 1996, p. 2231 ss.;
FF, 1997, I, p. 782 s.; presse des 4.10 et 11.12.96.56
[57]
FF, 1997, I, p. 1241 ss.; presse du 21.11.96. Cf. aussi
APS 1991, p. 86.57
[58]
FF, 1996, III, p. 153 ss.;
BO CE, 1996, p. 631 s.;
BO CN, 1996, p. 1558 ss.;
FF, 1996, IV, p. 880 s. Voir également
APS 1991, p. 85.58
[59]
FF, 1997, II, p. 74 ss. (Rapport du CF sur la politique économique extérieure 96/1+2).59
[60] Presse du 14.5.96. Cf. aussi
APS 1991, p. 84 s.60
[61] Presse du 31.5.96.61
[62]
BO CN, 1996, p. 1199 s. (Eymann) et p. 2404 (Zapfl).62
[64] Presse du 27.2.96.64
Copyright 2014 by Année politique suisse