Année politique Suisse 1996 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche
 
Recherche
Le Conseil fédéral a publié son message concernant la construction d'un accélérateur d'électrons à l'Institut Paul Scherrer de Villigen (AG). Le montant total des frais de construction s'élève à 159 millions de francs. Le gouvernement a relevé que ce projet revêtait une importance primordiale pour la Suisse, l'accélérateur prévu servant à la recherche dans des secteurs de pointe de la biologie, de la chimie, des sciences des matériaux et de la physique [31].
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Programmes de l'UE
Les négociations bilatérales entre la Suisse et l'UE sur le volet relatif à la participation des chercheurs helvétiques au 4e programme-cadre de recherche de l'UE n'ont pu aboutir pendant l'année sous revue. Bien que les deux parties soient vraisemblablement parvenues à une entente sur la question du statut d'observateur au sein des comités de recherche - principale revendication helvétique et dernier point important d'achoppement - les Quinze ont cependant refusé catégoriquement de conclure un accord sectoriel tant que les deux parties ne parvenaient pas à trouver de solution satisfaisante sur la question de la libre circulation des personnes et sur celle relative aux transports [32].
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Technologie génétique
Lors de sa session d'automne, le Conseil national avait à se prononcer sur l'initiative populaire "pour la protection de la vie et de l'environnement contre les manipulations génétiques" déposée en 1993 par le Groupe suisse de travail sur le génie génétique. Visant à prévenir tout dérapage dans le domaine des technologies génétiques, le texte des initiants propose principalement d'interdire les manipulations génétiques sur les animaux, la dissémination dans l'environnement de plantes et d'organismes génétiquement modifiés ainsi que le brevetage d'êtres vivants dont le génome a été altéré.
Parallèlement à cette initiative, les conseillers nationaux devaient s'exprimer sur deux autres propositions concurrentes. Elaborée sous forme de contre-projet par une minorité rose-verte de la commission pour la science, l'éducation et la culture (CSEC), la première proposition visait à prendre au sérieux les préoccupations exprimées par les initiants, en veillant cependant à ne pas empêcher toute activité scientifique. A cet effet, le contre-projet prévoyait principalement d'autoriser les manipulations génétiques sur les animaux lorsque celles-ci avaient des implications médicales évidentes. La dissémination de plantes modifiées génétiquement était également permise, sous condition toutefois. Sur la question du brevetage, le contre-projet reprenait en revanche l'interdiction mentionnée par l'initiative.
La seconde proposition était constituée d'une motion adoptée par la majorité bourgeoise de la CSEC. Selon cette dernière, dans la mesure où il fallait le plus possible éviter d'entraver le bon déroulement de la recherche scientifique, l'article actuel de la Constitution relatif à la procréation assistée suffisait amplement sur le plan constitutionnel puisque comprenant un alinéa sur les manipulations génétiques à l'encontre des animaux. Aussi, privilégiant l'action au niveau de la loi, la motion de la CSEC se contentait de charger le gouvernement de présenter d'ici 1997 un paquet législatif sur le génie génétique qui proposerait les adaptations nécessaires afin de garantir le respect de certains principes. Parmi ceux-ci, les motionnaires mentionnaient la dignité de la créature, la protection de la multiplicité des espèces ou encore l'utilisation durable des ressources naturelles. La motion demandait en outre que les interventions génétiques sur les animaux soient soumises à une procédure d'autorisation. Enfin, à l'instar de ce que prévoyait par ailleurs également le contre-projet, le Conseil fédéral était chargé de procéder aux modifications législatives nécessaires afin que les produits génétiquement modifiés soient déclarés comme tels au consommateur et que le droit en matière de responsabilité civile tienne compte des particularités du génie génétique dont les effets peuvent se manifester à long terme [33].
Au terme d'un débat-fleuve, la majorité du Conseil national a opté assez nettement pour la motion défendue par la majorité de la CSEC: l'initiative pour la protection génétique n'a reçu l'appui que des écologistes et d'une petite majorité des socialistes alors que le contre-projet obtenait un score un peu meilleur puisqu'il ralliait, outre les écologistes et l'ensemble des socialistes, les indépendants et quelques démocrates-chrétiens. Selon la majorité de la grande chambre, s'il était certes nécessaire de combler au niveau législatif certaines lacunes afin d'éviter tout risque de dérapage, tant l'initiative que le contre-projet étaient en revanche inacceptables dans la mesure où ils signifiaient tous deux l'interdiction pure et simple de la majeure partie de l'activité scientifique dans les domaines du génie génétique et de la biotechnologie, secteurs hautement prometteurs notamment pour le traitement de maladies humaines aujourd'hui incurables. Si l'initiative était de ce point de vue, aux yeux de la majorité des conseillers nationaux, encore plus condamnable que le contre-projet, les conséquences néfastes pour la recherche de ce dernier n'étaient pas non plus négligeables. Dans la mesure où celui-ci exigeait du chercheur désirant procéder à des manipulations génétiques de prouver les implications médicales de ses recherches, il était en effet à craindre que nombre d'études ne pourraient être entreprises, les vertus médicales d'une recherche étant en général inconnues au début des travaux. De plus, en reprenant l'interdiction prônée par l'initiative de breveter les animaux et plantes modifiés génétiquement, le contre-projet décourageait les chercheurs ainsi que les entreprises d'effectuer de coûteux investissements en temps et en argent: sans possibilité de breveter leurs inventions, les milieux de la recherche ne pourront en effet plus bénéficier exclusivement des fruits de leurs investigations.
Lors des débats, de nombreux orateurs - et notamment le radical bâlois Randegger - ont également relevé que l'interdiction de toute recherche dans le domaine du génie génétique n'irait pas sans conséquences économiques négatives pour le secteur de la chimie, de loin la branche de l'économie suisse produisant le plus de valeur ajoutée. Selon les partisans de la motion, on pouvait en effet raisonnablement estimer qu'en cas d'acceptation de l'un ou l'autre des deux textes, nombre de PME et de laboratoires au sein des universités pourraient fermer boutique. Les grandes multinationales pourraient pour leur part certes faire face aux nouvelles conditions légales, mais au prix d'importantes délocalisations alimentant le nombre de sans-emplois [34].
Face à l'ampleur de l'opposition, tant les partisans de l'initiative que les tenants du contre-projet ont eu de la peine à faire entendre leurs arguments. Membre du comité des initiants, l'écologiste Gonseth (BL) a tenté, en vain, de rejeter les accusations selon lesquelles le projet relevait d'un fondamentalisme quasi religieux visant à interdire toute recherche dans le domaine. Selon elle, il s'agissait uniquement de mettre en place des garde-fous indispensables afin d'éviter des dérapages tels que ceux concernant la maladie de la vache folle. Soulignant que les propos des opposants relevaient la plupart du temps d'un scientisme dogmatique, l'écologiste bâloise a par ailleurs qualifié la motion de tentative de fourvoyer les citoyens. Les partisans du contre-projet ont pour leur part en vain fait valoir que leur proposition constituait un compromis acceptable. La socialiste Jeanprêtre (VD) a notamment relevé qu'elle se basait davantage, contrairement au texte des initiants, sur des autorisations que sur des interdictions. Les partisans du contre-projet ont également argué que renoncer à ce dernier faisait courir le risque de voir le souverain accepter l'initiative, tant le domaine du génie génétique pouvait susciter des craintes irrationnelles.
 
[31] FF, 1997, I, p. 745 ss.31
[32] Express, 3.2.96; JdG, 9.2.96; NZZ, 22.11.96. Voir également APS 1995, p. 285 s. Malgré l'impossibilité pour les chercheurs suisses de participer à la direction des projets, pas moins de 426 projets d'origine helvétique ont été déposés auprès de la Commission européenne dans le cadre du 4e programme-cadre de recherche de l'UE: NQ, 8.8.96. Pour une vision globale des négociations bilatérales, cf. supra, part. I, 2 (Europe: UE).32
[33] TW, 2.8.96; NQ, 16.8.96; NZZ et JdG, 17.8.96. Voir également APS 1995, p. 286.33
[34] A ce sujet, il est à relever que la Société pour le développement de l'économie suisse (SDES) a commandé au Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ une étude sur les conséquences économiques du génie génétique. Selon les économistes zurichois, si les conditions-cadres légales demeurent ce qu'elles sont actuellement, les activités liées au génie génétique devraient assurer en 2005 quelque 42 000 emplois. Le chiffre d'affaires de ce secteur devrait pour sa part quintupler, passant d'un demi-milliard de francs en 1995 à 2,5 milliards en 2005: presse du 20.8.96.34