Année politique Suisse 1997 : Chronique générale / Défense nationale
Armement
Le Conseil fédéral a présenté un
programme d'armement 1997 d'un montant total de 1,535 milliard de francs (soit 60 millions de moins que l'année précédente). Plus de la moitié des dépenses prévues concerne des améliorations de l'efficacité au combat de matériel déjà acquis. Les postes les plus importants portent sur des modifications d'obusiers blindés (447 millions de francs) et d'appareils de conduite du tir (270 millions). 224 et 99 millions de francs doivent servir à l'acquisition respectivement de systèmes intégrés de conduite des feux d'artillerie et de véhicules d'exploration. Le solde des dépenses prévues a trait aux domaines du combat par le feu (amélioration des engins guidés antichars), de l'instruction (simulateurs pour conducteurs de camion), de la mobilité de l'armée (ponts et véhicules tout-terrain) et de l'équipement général (munitions nébulogènes, lance-grenades)
[20].
Première chambre à examiner le programme d'armement 1997,
le Conseil national a focalisé son attention sur le poste relatif aux obusiers blindés. En effet, alors que les autres dépenses recevaient l'aval des députés, une coalition inhabituelle de représentants libéraux et roses-verts ont proposé de supprimer le crédit de 447 millions de francs destiné à la modernisation des pièces d'artillerie. A titre de principal grief invoqué contre les obusiers blindés, il fut souligné que ces derniers n'étaient plus adaptés, depuis la fin de la guerre froide, à l'état de la menace militaire. Il fut en outre relevé que cette dépense avait été agendée par le DMF dans le seul but d'éviter que la décision de reporter à 1998 l'achat du nouveau système de surveillance de l'espace aérien (cf. infra) n'induise une diminution du budget militaire difficilement réversible par la suite. Finalement, lors du vote sur le crédit d'ensemble, une
proposition intermédiaire du démocrate-chrétien Hess (ZG) suggérant
de diminuer le montant relatif de 162 millions
fut adoptée, malgré l'opposition du chef du DMF, des radicaux, des indépendants et des députés UDC. Devant se prononcer sur la coupure proposée par leurs pairs, les sénateurs avalisaient à la quasi-unanimité la mesure. Rappelons que jamais depuis l'affaire des Mirages en 1965, le parlement n'avait décidé de diminuer les crédits destinés au programme d'armement
[21].
Au début de l'année 1997, les
commandes compensatoires américaines promises lors de l'achat des F/A 18 avaient concerné 290 firmes helvétiques et s'élevaient à un montant de 1,3 milliard de francs (sur les 2,2 milliards convenus). Notons par ailleurs que le premier des 34 avions de combat a pu être livré à l'armée suisse. Les 6000 pièces constituant l'avion ont été montées à Emmen (LU)
[22].
Au mois de juin, les citoyens étaient appelés à se prononcer sur la modification constitutionnelle visant à supprimer le monopole étatique en matière de production et de vente de poudre de guerre. Sans surprise et après une campagne qui fut, faute d'opposants, inexistante,
le souverain a accepté la modification constitutionnelle avec pas moins de 82.2% de oui et l'unanimité des cantons. Parmi ces derniers, seuls les cantons d'Uri, de Schwyz, de Neuchâtel et surtout du Valais (38.9% de oui) ont été relativement réticents à abolir la régale en la matière. La présence dans ces cantons d'entreprises étatiques directement menacées par la libéralisation n'est sans doute pas étrangère à ce vote moins favorable
[23].
Arrêté fédéral concernant la suppression de la régale des poudres
Votation du 8 juin 1997
Participation: 35,3%
Oui: 1 268 162 (82,2%) / 20 6/2 cantons
Non: 275 049 (17,8%) / 0 canton
Mots d'ordre:
- Oui: PS, PRD, PDC, UDC, AdI, PEP, PL, PE, PdL (ex-PA), PdT; UCAP, USAM, USS.
- Non: -
La
campagne précédant le vote fut caractérisée par une absence totale de débat, le peu d'importance de l'enjeu ainsi que l'unanimité autour de la mesure expliquant vraisemblablement cet état de fait. Parmi les arguments en faveur de la suppression de la régale, le caractère obsolète d'un monopole datant de la Constitution de 1848 fut à plusieurs reprises avancé: d'une part, d'un point de vue militaire, la production de poudre de guerre n'avait plus l'importance stratégique qui était la sienne au 19e siècle; d'autre part, d'un point de vue économique, le maintien de la régale constituait un obstacle inadmissible, même si très symbolique, à la liberté du commerce
[24].
L'
analyse VOX a confirmé cette absence de débat contradictoire. En effet, du fait de l'absence d'une campagne rejoignant leur point de vue, les électeurs opposés à la suppression de la régale des poudres ont été bien en mal de donner des justifications à leur vote. Une des rares motivations évoquées soulignait qu'en matière de produits pyrotechniques, mieux valait maintenir, pour des raisons de sécurité, un monopole étatique. Parmi les électeurs favorables à la mesure, les explications ne furent à vrai dire guère plus explicites. La principale justification avancée renvoyait cependant au caractère obsolète de la régale en ces temps de libéralisation de l'économie
[25].
En fin d'année,
le Conseil fédéral a finalement
décidé de confier la réalisation du nouveau système de surveillance aérienne (Florako)
à un consortium composé de l'entreprise américaine Hughes et du groupe français Thomson. Cette décision est intervenue après qu'il eut été demandé, au mois de juin, aux deux concurrents de présenter, outre leur offre respective, un projet conjoint. Selon de nombreux commentateurs, des considérations éminemment politiques ne furent pas étrangères à cet épilogue. Les pressions de la France - Paris faisant savoir que son soutien dans les négociations bilatérales avec l'UE dépendait grandement de l'issue donnée à cette question - n'auraient notamment pas été vaines. L'affaire des fonds en déshérence - 74 parlementaires ayant signé une interpellation du radical Tschuppert (LU) demandant au gouvernement de réexaminer sa politique d'achat d'armement auprès de firmes américaines - aurait elle aussi contribué à faire pencher la balance en faveur d'une solution ménageant les intérêts français
[26]. Justifiant sa décision, le Conseil fédéral a pour sa part souligné que l'offre commune permettrait aux deux entreprises de se répartir les différents aspects du projet selon les domaines où elles excellent. La première partie de l'acquisition porte sur un montant de 482 millions de francs et sera inscrite au programme d'armement de 1998. La deuxième tranche, d'une valeur de 250 millions, sera soumise ultérieurement à l'approbation du parlement. Deux entreprises suisses (Siemens Suisse et Oerlikon-Contraves) devraient bénéficier, en tant que sous-traitants, de 30 à 35% des commandes
[27].
[20]
FF, 1997, II, p. 1197 ss.; presse du 18.3.97.20
[21]
BO CN, 1997, p. 1696 ss.;
BO CE, 1997, p. 901 ss.;
FF, 1997, IV, p. 755 s.; presse des 25.9 (CN) et 7.10.97 (CE). Lors des débats au CN, les députés ont en outre rejeté une proposition rose-verte demandant de renvoyer le programme d'armement au gouvernement. Selon les partisans de ce renvoi, il était judicieux d'attendre que la commission Brunner, chargée de redéfinir les besoins en matière de défense nationale, rende ses conclusions. Les députés ont attribué le même sort à une seconde proposition rose-verte visant à diminuer également les autres postes du programme pour un montant de 362 millions de francs.21
[22] Presse du 24.1.97. Voir également
APS 1991, p. 96 s. et
1993, p. 91 ss.22
[23]
FF, 1997, IV, p. 334 ss.; presse du 9.6.97. Voir également
APS 1996, p. 102.23
[25] M. Delgrande / W. Linder,
Analyse des votations fédérales du 10 mars 1996. Vox no 61, Berne 1997.25
[26]
BO CN, 1997, p. 2261. 26
[27] Presse des 15.4, 21.6 et 16.12.97;
NQ, 2.7 et 23.10.97. Voir également
APS 1996, p. 102.27
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