Année politique Suisse 1998 : Economie / Agriculture
Production animale
Les ventes de gruyère ont baissé de 1,2% lors de la dernière année fromagère (août 97-juillet 98) et celles de l’emmental de 9,1%. Sur le marché suisse, le gruyère de table a toutefois progressé (+ 7,3%) alors que l’emmental y a également perdu du volume (- 3,5%). Le sbrinz a lui stagné à son niveau de l’année précédente. La production d’emmental a notamment été beaucoup trop importante par rapport aux besoins du marché, ce qui a conduit à une augmentation des stocks de 64%.
Pour la dernière fois avant la libéralisation du marché, la Confédération a imposé des restrictions de production pour la fin de cette année. Dès 1999, ce sont les interprofessions qui géreront leur production
[24].
Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle politique agricole 2002, le
prix du lait
garanti par la Confédération va disparaître au profit d’un
prix-cible plus conforme à l’économie de marché. Ce changement a suscité pas mal d’inquiétude chez les producteurs qui craignent pour leurs revenus. L’UPS et le Mouvement paysan suisse ont déposé une pétition munie de quelques 17 000 signatures exigeant le maintien du futur prix-cible du kilo de lait à son niveau de 1998. Depuis 1993, le prix du lait a chuté de 1,07 franc à 87 centimes et n’a pas été compensé totalement par des paiements directs. De son côté, l’Union centrale des producteurs suisses de lait (UCPL) s’était prononcée auparavant pour une limite minimale de 80 centimes
[25].
Au parlement, ces préoccupations ont été formulées sous la forme d’une motion de Josef Kunz (udc, LU), qui est aussi le président du Mouvement paysan suisse. Elle a toutefois été rejetée par le Conseil national. La motion demandait que le prix cible du lait soit fixé à 82 centimes au minimum par kilo pour une teneur en matières grasses et en protéines de 71 grammes. Dans sa réponse écrite,
le Conseil fédéral a expliqué que selon la nouvelle loi sur l’agriculture,
la fixation du prix cible du lait était de sa compétence et qu’il considérait que le montant de 77 centimes par kilo de lait avec une teneur en matières grasses et protéines de 73 grammes était une base réaliste pour entrer dans le nouveau marché laitier. Il a de nouveau rappelé qu’avec l’entrée en vigueur de ce marché plus concurrentiel, le prix du lait ne serait plus garanti par l’Etat
[26].
Toutefois, durant une période transitoire de cinq ans, la Confédération interviendra si le prix effectif sur le marché descend de plus de 10% en dessous du prix cible. Afin d’adoucir un tant soit peu cette mesure, le Conseil fédéral n’inclura pas le supplément pour lait produit sans ensilage (4 centimes) dans le calcul du prix cible. Les producteurs toucheront également 12 centimes supplémentaires pour le lait transformé en fromage, puis 20 centimes dès l’an 2000. Le Conseil fédéral a également rappelé qu’il n’était pas dans l’intérêt des producteurs de maintenir des prix élevés, puisque
les accord bilatéraux passés avec l’UE prévoient un accès libre au marché du fromage après un délai de cinq ans. La Migros et la COOP ont promis de répercuter la baisse sur les consommateurs
[27].
Avec la
disparition programmée
de l’Union suisse du fromage (USF) en mai 1999, ce sera dorénavant aux
interprofessions à assurer la promotion et la vente de leurs produits. Celle du
gruyère réunissant producteurs laitiers, fromagers et marchands affineurs a pris les devants et a déposé une demande d’homologation d’appellation d’origine contrôlée (AOC) à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Cette demande a soulevé l’indignation de plusieurs producteurs de gruyère alémaniques, exclus de la future région de production quasi exclusivement romande et condamnés ainsi à stopper leur production à terme.
Le critère de cohérence géographique est en effet déterminant pour l’OFAG dans la procédure d’attribution des AOC. Or, le gruyère est avant tout produit en Suisse romande à raison de 23 500 tonnes sur une production totale de 25 000 tonnes. Le canton de Fribourg produit à lui seul la moitié du gruyère suisse. Il faut signaler que depuis le milieu de l’année, la Confédération recense toutes les demandes d’appellations (AOC, AOP, AO, IG, IGP). A terme, ce procédé doit permettre de protéger les dénominations d’origine suisse par rapport au marché européen et éviter des cas comme le fromage d’Emmental qui est produit six fois plus dans l’UE qu’en Suisse
[28].
Le groupe Toni Holding SA et l’entreprise Säntis Holding SA ont annoncé leur fusion. La nouvelle entité s’appellera
Swiss Dairy Food et devrait permettre aux producteurs de lait suisses de regrouper leurs forces dans la perspective de l’ouverture des marchés européens. Ce groupe dominera largement l’économie laitière suisse avec plus du double de chiffre d’affaires que son principal concurrent Emmi
[29].
De nouvelles affaires de
fromages au noir ont été découvertes par l’OFAG. Au mois de janvier, 18 tonnes de vacherin et de gruyère ont été séquestrés dans le canton de Fribourg. L’enquête a débouché sur 24 mandats de répression et trois sanctions administratives pour les producteurs qui n’avaient pas déclaré quelques 160 000 kilos de lait
[30]. Au mois de mai, une fromagerie également fribourgeoise a été démasquée pour avoir transformé illégalement 1,5 million de kilos de lait
[31].
La
fraude imputable à l’USF
concernant l’exportation de fromages au sein de l’UE a été chiffrée dans un rapport de la Cour des comptes européenne à quelques 75 millions de francs. Le contentieux a d’ores et déjà été réglé avec la France et l’Allemagne pour lesquels l’USF a déboursé un total de 9 millions, sous réserve toutefois d’une négociation ultérieure entre la Suisse et l’UE sur l’interprétation des dispositions tarifaires en cause. Par contre, dans le cas plus complexe et plus grave de l’Italie, la résolution de l’affaire pourrait prendre encore plusieurs années
[32].
En Suisse, selon une étude de l’OFS, près de trois quarts des exploitations et des emplois agricoles sont liés à l’élevage bovin. Celui-ci représente plus de la moitié de la production. De 1990 à 1996, le nombre d’exploitations de production bovine a toutefois reculé de 8100 unités et celui de leurs emplois de 19 000
[33].
Contrairement aux prévisions,
la maladie de la vache folle (ou encéphalite spongiforme bovine, ESB)
n’a pas reculé aussi vite que prévu. L’Office vétérinaire fédéral en a recensé encore 38 en 1997, soit seulement 7 de moins que l’année précédente. Plus de la moitié des cas d’ESB étaient des animaux dits BAB (Born After Ban), soit nés après l’interdiction d’affouragement du bétail par des farines animales en 1990. Cette constatation a fait dire à l’OFV que l’on était presque en présence d’une seconde épidémie, alors que la première disparaissait peu à peu, les animaux nés avant l’interdiction se faisant rares. Selon l’OFV,
aucune nouvelle infection ne devrait avoir lieu après 1996, soit le moment auquel fut interdite définitivement l’importation des farines animales destinées aux porcs et à la volaille. L’Office a ainsi quasiment écarté la possibilité d’une possible transmission verticale (de la vache au veau) ou horizontale (d’un animal à un autre) de la maladie
[34].
Les
relations sont restées
tendues entre la Suisse et l’Allemagne consécutivement à l’affaire de la maladie de la
vache folle. En 1997, la Confédération a fait abattre plusieurs bovins suite à des fausses informations fournies par son voisin allemand qui prétendait avoir décelé du prion caractéristique de l’ESB chez un spécimen de la race du Simmental. Or une contre-expertise menée en Suisse a permis de constater que ce n’était pas le cas. L’OFV avait toutefois déjà ordonné l’abattage du troupeau suisse incriminé. La Suisse a demandé des explications à l’Allemagne. Une accalmie a toutefois eu lieu dans les tensions entre les deux pays avec la permission à nouveau accordée aux bovins suisses de passer l’été dans les prairies d’Allemagne du Sud. L’importation de viande de provenance helvétique y est par contre toujours interdite comme dans sept autres pays de l’UE. A ce sujet, la Suisse a exigé la levée de cet «embargo de fait» lors d’une séance du comité mixte Suisse – Communauté européenne à Bruxelles. La délégation suisse a demandé l’analyse objective des efforts qui ont été consentis par la Confédération. Elle a notamment fait remarquer que la Suisse avait pris les mêmes mesures que l’Irlande du Nord, dont la viande ne fait plus l’objet d’aucune sanction
[35].
L’OFV a annoncé qu’à partir du premier janvier 1999
, l’importation de viande bovine en provenance du Portugal serait interdite, en raison de la recrudescence dans ce pays des cas observés de maladie de la vache folle
[36]. La Suisse a également fait savoir qu’elle ne lèvera pas son embargo sur la viande de bœuf originaire de Grande-Bretagne, malgré l’autorisation d’exporter à nouveau délivrée par l’UE, aussi longtemps que sa propre production sera interdite dans huit pays européens
[37].
Un point annexe de la réforme «Politique agricole 2002» consistait en
une modification de la loi sur les épizooties. Suite notamment aux évènements liés à l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), le Conseil fédéral avait jugé opportun d’introduire un système d’identification et d’enregistrement qui permette d’identifier les animaux et de reconnaître leur exploitation d’origine ainsi que leur parcours. En votation finale, le Conseil national a adopté la modification par 116 voix contre 46 et le Conseil des Etats a fait de même à l’unanimité
[38].
[26]
BO CN, 1998, p. 2839 s.26
[27]
24 Heures, 8.12.98.27
[28]
LT, 7.9.98 (gruyère);
NZZ, 1.12.98. AOC (appellation d’origine contrôlée), AOP (appellation d’origine protégée), AO (appellation d’origine), IG (indication géographique), IGP (indication géographique protégée).28
[29] Presse du 18.11.98.29
[30] Presse du 27.6.98.30
[32]
LT, 21.11.98;
APS 1997, p. 137.32
[34]
BZ, 9.1.98. Cf. aussi
APS 1997, p. 138 ss.34
[35]
NQ, 18.2.98 et
BaZ, 25.3.98 (Allemagne);
24 Heures, 21.10.98 (embargo).35
[38]
BO CN, 1998, p. 1639;
BO CE, 1998, p. 840;
FF, 1996, p. 401 ss.38
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