Année politique Suisse 1998 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
 
Protection des sites et de la nature
La commission fédérale chargée de plancher sur l'agrandissement du Parc national suisse s'est mise d'accord sur un projet qui prévoit de partager le parc en deux zones distinctes: une zone centrale et une zone tampon. L'élargissement devrait permettre d'améliorer la protection et la biodiversité du parc. La zone centrale sera élargie de 30 km2 et sera intensivement protégée. La zone tampon consistera en une ceinture de protection de 400 km2 supplémentaires comprenant la moitié sud de la vallée de l'Engadine, de Pontresina jusqu'à la frontière avec l'Autriche [36].
Le Conseil national a transmis un postulat Semadeni (ps, GR) chargeant le Conseil fédéral de garantir les mandats de coordination des chemins pour piétons et des chemins de randonnée pédestre, concernant la planification, l'aménagement et l'entretien. Comme la nouvelle péréquation financière implique un retrait de la Confédération dans le domaine des chemins et sentiers pédestres, l'initiante craignait que ne soient plus garantis à l'avenir, ni les mandats de coordination, ni la sauvegarde des intérêts supérieurs. Elle redoutait principalement que le travail des organisations privées ne soit plus assuré par les contributions fédérales [37]. Au Conseil des Etats, un postulat, aux buts semblables, a également été transmis. Ce postulat Onken (ps, TG) charge le Conseil fédéral de veiller à ce que les objectifs nationaux à caractère contraignant, les normes et les tâches de coordination en matière d'établissement des plans, d'aménagement et de conservation des chemins pour piétons et de randonnée pédestre ne soient nullement compromis à l'avenir [38].
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Droit de recours des associations
Le Conseil national a rejeté une initiative parlementaire Scherrer (pdl, BE) relative à la suppression du droit de recours des associations. L'initiative réclamait de supprimer aux associations leur droit de recours contre les projets de planification ou de construction de particuliers ou des pouvoirs publics et contre les décisions ou les mesures prises par les autorités publiques sur ces projets. L'initiant estimait que de nombreux abus, dans l'exercice du droit des associations, entraînaient des retards dans les constructions. La majorité de la commission des affaires juridiques (CAJ) jugea que le droit de recours des associations de protection de l'environnement constituait un instrument nécessaire à l'application de la LPE. Elle estima que ce droit prévenait les risques de donner trop d'importance aux critères économiques et techniques dans les constructions. La majorité de la CAJ considéra que les retards dans les constructions n'étaient pas dus uniquement aux recours: ils étaient aussi la conséquence du manque de coordination entre les diverses procédures d'autorisation et d'approbation [39].
En outre, le Conseil fédéral a modifié l'ordonnance relative à la désignation des organisations de protection de l'environnement habilitées à recourir en matière de préservation de la nature. Alors que le projet de l'exécutif visait à élargir la liste de neuf nouvelles organisations, l'opposition des milieux économiques en modéra les ambitions. Seules trois nouvelles organisations ont été ajoutées à la liste: la «Société suisse de spéléologie», la «Société d'histoire de l'art en Suisse» et les «Médecins en faveur de l'environnement» [40].
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Convention sur la protection des Alpes
Lors de la session d'automne, le Conseil national a examiné le message du gouvernement relatif à la Convention alpine. La majorité de la Ceate a recommandé l'entrée en matière, estimant que la convention reflétait la volonté de la Suisse de tenir compte de façon équilibrée de la protection des ressources et des possibilités de développement économique de la population résidente. Pourtant, une forte minorité, menée par l'UDC, s'est opposée à l'entrée en matière. Une seconde minorité a demandé le renvoi de la convention au Conseil fédéral, avec mandat de présenter un nouveau message dès que les protocoles en cours de négociation «Transports», «Protection du sol» et «Energie» seraient prêts à être soumis à ratification. L'UDC a estimé que le droit national suffisait largement à protéger les Alpes, il a critiqué en particulier le protocole «Tourisme» qu'il considérait comme très restrictif. A l'opposé, le PS et les Verts ont soutenu avec force la convention. Selon eux, refuser la ratification nuirait gravement à l'image de la Suisse et ferait perdre à la convention tout son sens. Le PDC s’est également exprimé pour la convention, mais il souhaitait la ratifier sans les protocoles. Le PRD s'est montré sceptique et divisé quant à la décision sur l'entrée en matière. Au terme d'un débat engagé, les conseillers nationaux ont finalement accepté l'entrée en matière par 121 voix contre 59. Dans l'examen de détail, bien qu'une minorité de la Ceate a recommandé de suivre la version de l'exécutif en approuvant la convention et les cinq protocoles signés par le Conseil fédéral, les députés se sont ralliés à la majorité de la commission en acceptant, par 101 voix contre 74, de ne ratifier que la convention. Les conseillers nationaux ont également suivi la majorité de la Ceate en introduisant un nouvel article de loi qui stipule que le Conseil fédéral doit attendre la fin des négociations concernant les trois protocoles en cours, avant de soumettre les huit protocoles simultanément au parlement. Dans le vote sur l'ensemble, le plénum a donné son aval au projet par 124 voix contre 38 [41].
Au cours de la session d'hiver, le Conseil des Etats s'est également penché sur l'examen du projet d'arrêté relatif à la Convention alpine. Bien que les débats furent animés, l'entrée en matière a été décidée sans opposition. La petite Chambre s’est ralliée au National en acceptant de signer la convention sans les protocoles. Mais la Ceate a refusé que l'exécutif, dans la nouvelle disposition de loi introduite par le National, soit obligé de soumettre les huit protocoles simultanément à l'Assemblée fédérale. La Ceate a estimé que l'adoption des protocoles entrait dans la compétence du parlement qui seul devait décider la manière dont il souhaitait les examiner. De plus, comme le nouvel article mentionnait une liste exhaustive des huit protocoles, la Ceate redoutait qu'il ne soit rapidement plus applicable, si des protocoles supplémentaires étaient introduits. Deux propositions Delalay (pdc, VS) et Rochat (pl, VD), d'une teneur identique, ont demandé d'approuver l'article du National. Moritz Leuenberger a déclaré que l'intention de l'exécutif était bien de soumettre en même temps les divers protocoles. Par conséquent, il a estimé que le nouvel article de loi était inutile. En définitive, les sénateurs ont suivi le Conseil fédéral et la Ceate par 18 voix contre 9, créant ainsi une divergence avec la grande Chambre [42].
Au Conseil national, la majorité de la Ceate a proposé de se rallier à la version de la Chambre des cantons. Elle souhaitait biffer le nouvel article de loi et adopter la mesure sous la forme d'un postulat. Une minorité de la commission souhaitait maintenir la divergence. Moritz Leuenberger a réaffirmé au plénum la volonté de l'exécutif de soumettre au parlement les protocoles en même temps. A l'exception peut-être du protocole «Transports», car un accord sur la question semblait encore très difficile à obtenir. Finalement, les députés ont suivi la majorité de la Ceate par 83 voix contre 51 [43].
Au printemps, le DETEC a ouvert une procédure de consultation relative au protocole «Energie». Ce protocole additionnel à la Convention alpine vise à mettre en oeuvre des formes de production, de distribution et d'utilisation de l'énergie qui respectent la nature et le paysage et à promouvoir des mesures pour économiser l'énergie. Le protocole a été mis au point par un groupe de travail international, et le Comité permanent de la Convention alpine a accepté en début d'année qu'il soit mis en consultations nationales. Comme le droit suisse en matière d'énergie est conforme aux buts et intentions du protocole, sa signature et ratification n'entraîneront pas d'obligations supplémentaires pour la Suisse, ni d'adaptation du droit national [44].
La Suisse a accepté d'assumer la présidence de la Convention alpine, lors de la cinquième Conférence alpine des ministres de l'environnement à Bled (Slovénie), en octobre. Au cours de la rencontre, Moritz Leuenberger a signé six protocoles d'application de la Convention alpine: les protocoles «Aménagement du territoire et développement durable», «Agriculture de montagne», «Protection de la nature et entretien des paysages», «Forêts de montagne», «Tourisme» et «Protection des sols». Par contre, il a renoncé pour l'instant à signer le protocole «Energie», car la consultation nationale n’était pas terminée [45].
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Protection du paysage
Lors de la session de printemps, le Conseil national a donné suite à une initiative parlementaire de sa Ceate, demandant de prolonger, jusqu'au 31 juillet 2011, l'arrêté fédéral de 1991 qui accorde une aide financière en faveur de la sauvegarde et de la gestion de paysages ruraux traditionnels. L’initiative a également réclamé l’allocation de 50 millions de francs au Fonds suisse pour le paysage (FSP) pour cette période. La Ceate a souligné que le FSP remplissait ses tâches de manière efficace et non bureaucratique et qu'il utilisait les moyens financiers à sa disposition pour des tâches qui ne pourraient être assumées par un autre organisme. De plus, la commission a insisté sur les efforts de rationalité déployés par le FSP dans l'utilisation des fonds qui lui sont alloués (les frais administratifs ne représentent que 7,5% des dépenses totales). Une proposition Leuba (pl, VD) a demandé de ne pas donner suite à l'initiative, car le projet de 1991, lié à la célébration du 700e anniversaire de la Confédération, était prévu en tant qu'acte unique d'une durée limitée et précise. Le député Leuba estima que la Confédération ne devait pas se charger d'un nouveau subventionnement à une époque de déficits records. Les députés n'ont pas suivi cette proposition et se sont ralliés à la commission par 63 voix contre 34 [46].
A la fin mai, la Ceate du Conseil national a publié son rapport concernant l'initiative parlementaire susmentionnée. Par 15 voix contre 7 et 1 abstention, la commission a proposé d'approuver le projet d'arrêté fédéral visant à proroger de dix ans l'arrêté fédéral du 3 mai 1991, et par 16 voix contre 8 d'approuver le projet d'arrêté fédéral instituant un fonds pour la sauvegarde et la gestion de paysages ruraux traditionnels d'un montant de 50 millions de francs. Dans son rapport, la Ceate explique que le principe de l'incitation financière a été introduit par le FSP. Ce principe, destiné à des mesures volontaires de mise en valeur de paysages, de monuments naturels ou culturels, a fait ses preuves depuis la création du fonds. De plus, la commission souligne que l'action du FSP a permis d'engendrer des effets de synergie entre différents domaines, permettant d'optimiser ou même de réduire les frais pour les projets de grande envergure [47].
Le Conseil fédéral a pris position sur cette initiative parlementaire. Il a salué les résultats extrêmement positifs du FSP, relevant l'utilité de son action au service des paysages ruraux traditionnels, l'utilisation très efficace de ses moyens financiers ainsi qu'une répartition des aides financières étendue à toutes les régions du pays. Néanmoins, l'exécutif a expliqué que malgré ces éléments positifs, la situation précaire des finances fédérales restait primordiale. Pour des motifs de politique financière, l'exécutif a recommandé au parlement de rejeter l'initiative parlementaire. Le Conseil fédéral a estimé que suite à la votation populaire relative à l'objectif budgétaire 2001 et après les économies décidées par la Table ronde, l'allocation de 50 millions de francs au FSP donnerait un signal négatif, en contradiction avec tous les efforts menés jusqu'ici pour rétablir l'équilibre des finances fédérales [48].
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Catastrophes naturelles
Le Fonds national suisse de la recherche scientifique a présenté ses conclusions relatives au programme «Changements climatiques et catastrophes naturelles» (PNR 31). Le programme concerne 54 projets de recherche répartis sur cinq thèmes. Les chercheurs ont élaboré des scénarios tenant compte d'un accroissement de température de deux degrés dû à l'augmentation des gaz à effet de serre et à un regain de l'activité solaire dans les cinquante prochaines années. Selon eux, les régions de montagne devraient pâtir le plus des modifications climatiques. Le réchauffement devrait faire durer les pluies plus longtemps, impliquant une énorme augmentation de la fréquence de phénomènes comme les glissements de terrain ou les inondations. Pour les régions de montagne, ce réchauffement entraînerait aussi un recul de l'enneigement. Les chercheurs ont conclu que des efforts d'adaptation étaient nécessaires pour faire face au nombre croissant des problèmes entraînés par le réchauffement climatique. Ils ont estimé que des mesures préventives devaient être prises rapidement, notamment celle de répertorier l'ensemble des lieux présentant des risques de crue ou de glissement de terrain, afin que les communes s'abstiennent de construire dans ces zones de danger [49].
L'antenne valaisanne de l'Institut fédéral pour l'étude de la neige et des avalanches (Ifena) a inauguré, dans le vallon d'Arbaz (VS), le premier site expérimental sur la question en Europe. L'objectif est de trouver la confirmation pratique des simulations théoriques qui se fondent sur des observations effectuées dans les années 1960 à 1970. Le coût du projet s'élève à 3,6 millions de francs financés par la Confédération, le canton du Valais, les Ecoles polytechniques et les programmes européens «Same» et «Interreg 2». Dans le couloir de la Sionne, les observateurs scientifiques pourront suivre une avalanche sur l'ensemble de son parcours. Les observations effectuées permettront de mettre à jour les modèles théoriques, de déterminer les différents moyens de lutter contre le déclenchement de coulées importantes, et la manière de les diriger hors de portée des zones habitées [50].
 
[36] BZ, 5.11.98. Voir aussi APS 1997, p. 227.36
[37] BO CN, 1998, p. 1537.37
[38] BO CE, 1998, p. 1354.38
[39] BO CN, 1998, p. 2036 ss.39
[40] RO, 1998, p. 1570 s. Voir aussi APS 1997, p. 224 s.40
[41] BO CN, 1998, p. 1869 ss. Voir également APS 1997, p. 225 s.41
[42] BO CE, 1998, p. 1348 ss.42
[43] BO CN, 1998, p. 2694 s. (arrêté) et 2695 s. (postulat).43
[44] NZZ, 23.4.98.44
[45] NZZ, 17.10.98.45
[46] BO CN, 1998, p. 447 ss. Voir également APS 1997, p. 227.46
[47] FF, 1998, p. 861 ss.47
[48] FF, 1998, p. 880 s.48
[49] Presse du 25.2.98.49
[50] 24 Heures, 10.3.98.50