Année politique Suisse 2002 : Economie / Agriculture
Produits alimentaires
Le Conseil national a accepté, durant la session de printemps, deux motions allant dans le sens d’une amélioration de la sécurité alimentaire. Le premier texte intitulé
« Soumettre à déclaration tous produits issus de méthodes de productions interdites en Suisse » a été déposé par la socialiste bernoise Simonetta Sommaruga. La présidente de la Fédération pour la protection des consommatrices et consommateurs a insisté sur le fait que sa proposition protégerait non seulement les consommateurs mais mettrait aussi les paysans suisses et étrangers sur un pied d’égalité. Elle a rappelé que les méthodes de production interdites en Suisse l’étaient pour des raisons éthiques, écologiques et de santé publique. Le radical bernois et directeur de l’USAM Pierre Triponez s’est opposé à ce texte en raison de la difficulté de l’appliquer. Seuls le bœuf et les oeufs, et encore ne devaient-ils pas être intégrés dans des préparations, étaient jusqu’alors soumis à une déclaration obligatoire. Le conseiller fédéral Pascal Couchepin, qui proposait de transformer la motion en postulat, a été désavoué par la Chambre basse qui a accepté la motion par 128 voix contre 35 (avant tout des radicaux). La deuxième proposition, émanait du groupe PDC et portait le titre suivant :
« Négociations de l’OMC. Promouvoir la sécurité des denrées alimentaires ». Elle chargeait le gouvernement de prendre des mesures visant à garantir la sécurité ainsi que la transparence de la déclaration de provenance et des méthodes de production des denrées alimentaires au sein de cette organisation internationale. Pascal Couchepin, demandant une nouvelle fois de transmettre le texte sous forme de postulat, a été battu et le texte approuvé par 133 voix contre 17. Une troisième motion, également proposé par le PDC, intitulée
« Denrées alimentaires. Sécurité et qualité », a été acceptée par 116 voix contre quatre au National. Elle chargeait le Conseil fédéral de garantir de manière optimale la sécurité et la qualité des denrées alimentaires et d'assurer la transparence envers les consommatrices et les consommateurs. La motion proposait avant tout qu’un seul service de l’administration soit responsable du traitement des questions relatives à la protection des consommateurs, à l'alimentation et à l'agriculture. Lors de la session d’hiver, la Chambre haute a transmis les trois textes sous forme de postulat au gouvernement
[25].
La cote des
produits biologiques n’a cessé d’augmenter depuis quelques années et le produit de leur vente devrait, dans le courant de l’année sous revue, dépasser le milliard de francs selon Bio Suisse, organisation faîtière des paysans bio. Cette augmentation de la demande, qui a doublé depuis 1997, a poussé de nombreux agriculteurs à adopter ces méthodes de production. Le nombre d’exploitations respectant le cahier des charges était de 6213 début mars 2002, dont 600 fermes reconverties en 2001. Un fossé entre la Suisse alémanique et la Suisse romande a été constaté, bien que l’augmentation moyenne de 26% du nombre d’exploitations romandes soit supérieure à la moyenne suisse (11%) et a permis un rattrapage progressif. Si des régions comme les Grisons se trouvaient à la pointe avec une ferme sur deux, la Suisse romande est demeurée en retrait avec des parts de fermes bio oscillant entre 2,7 % à Genève et 6,4% en Valais. La viande a peiné à se profiler sur le marché (2% du marché global) alors que le pain (9%), le lait (9%), les légumes (11%) et les œufs (13%) sont devenus de sérieux concurrents pour les produits non labellisés
[26].
Le gouvernement a approuvé la révision du
droit sur les denrées alimentaires, entrée en vigueur le 1er mai 2002. Ces changements, les plus importants depuis 1995, concernent l’ordonnance sur les denrées alimentaires et d’autres ordonnances touchant aux denrées alimentaires et aux objets usuels. Outre la nécessité de suivre les évolutions proposées par les chercheurs, ces adaptations découlent aussi d’une volonté de se conformer aux engagements pris à l’Organisation mondiale du commerce et de maintenir la compétitivité du marché suisse. Concrètement, des nouveautés en matière de reconnaissance des additifs et d’indications sur les produits (notamment concernant les produits allergènes) ont été introduites.
[27].
Deux fromages ont obtenus une Appellation d’origine contrôlée (AOC) durant l’année sous revue. Tout d’abord le
Sbrinz, dont la demande déposée en janvier n’a fait l’objet d’aucune opposition. Ce fromage à pâte dure fabriqué à base de lait cru est avant tout produit en Suisse centrale
[28]. Le
Formaggio d’alpe ticinese, fromage d’alpage tessinois, a obtenu la cinquième AOC fromagère à la fin du mois de mai
[29]. L’OFAG a également annoncé, en fin d’année, l’attribution d’une AOC à l’
Abricotine / Eau-de-vie d’abricots du Valais. Présentée en mars 2000 par la Chambre valaisanne d’agriculture, elle a été inscrite officiellement au Registre des appellations d’origine et des indications géographiques le 6 janvier 2003
[30].
La lutte pour l’utilisation de l’appellation « Raclette du Valais » et « Raclette » s’est poursuivie durant l’année sous revue. Déposée par la Fédération laitière valaisanne (FLV) et publiée par l’OFAG en novembre 2001, la demande d’AOC a été contestée en février par les cantons de Vaud et Fribourg, ainsi que par l’Association Raclette Suisse. Cette dernière, regroupant les producteurs de fromage à raclette non valaisans (soit environ 87% du volume total produit en Suisse), s’est opposée à l’usage exclusif de l’appellation
« Raclette » pour le fromage produit en Valais, estimant que le mot raclette était un terme générique. Elle a invoqué les réalités du marché et le faible volume de la production annuelle valaisanne (1700 tonnes) qui ne permettrait pas de faire face à la consommation suisse (15 000 tonnes, dont deux d’importation). L’enregistrement d’une AOC pour la « Raclette du Valais » n’a cependant pas été contesté par l’Association Raclette Suisse, tant que le terme Raclette pouvait être utilisé dans le reste du pays. La Fédération laitière valaisanne a rappelé que son but n’était pas d’empêcher les autres de produire mais bien de faire reconnaître, et de protéger, le mode de production artisanal à partir de lait cru face aux fromages produits à échelle industrielle et à base de lait pasteurisé ou thermisé. La FLV a obtenu le soutien de la Fédération romande des consommateurs à la fin du mois d’avril
[31].
La
Saucisse d’Ajoie est la deuxième
Indication géographique protégée (IGP) pour les produits carnés, après la viande séchée des Grisons. Ce produit de charcuterie à base de viande et de gras de porc se caractérise par un assaisonnement à base de cumin entier. A la différence des AOC, les IGP ne doivent pas obligatoirement se composer de matières premières provenant de la région de production
[32]. La demande d’IGP pour la saucisse aux choux vaudoise, déposée par l’Association charcuterie vaudoise, a été contestée par l’entreprise Micarna, filiale de production de la Migros. Contestant officiellement le lien au terroir et la provenance du produit, il semblait toutefois que la motivation soit plutôt d’ordre commerciale. Une extension de l’aire géographique initialement prévue permettrait en effet à une des usines de Micarna de faire partie de la zone couverte par l’IGP
[33].
Un certain nombre de requêtes pour l’obtention de ces dénominations ont été déposées. Une demande d’enregistrement AOC
Emmental, déposée par l’interprofession Emmentaler Switzerland, a été publiée au début du mois d’août. Plus de 60 oppositions sont parvenues à l’Office fédéral de l’agriculture, dont 13 de l’étranger
[34].
Après le Conseil des Etats, c’est le National qui a traité le
projet Gen-Lex. Lors de sa session d’automne, la Chambre basse s’est saisie du dossier. Ce sont principalement deux blocs qui se sont affrontés : d’un côté, les défenseurs d’une Suisse ouverte aux développements des biotechnologies et proche des milieux économiques et de la recherche (principalement radicaux et libéraux), de l’autre, une coalition hétéroclite formée de la gauche (socialistes et verts) et des milieux agricoles qui estimaient que les incertitudes liées à ces technologies appelaient à une certaine prudence. Un
moratoire explicite de cinq ans sur la production et la commercialisation en Suisse de produits contenant des Organismes génétiquement modifiés (OGM) a été refusé par 90 voix contre 83. Une proposition des écologistes de moratoire intégral interdisant toute sortie à l’air libre d’OGM, y compris pour la recherche, a été balayée. Les écologistes, la gauche et une partie des milieux agricoles ont toutefois obtenu des garde-fous très stricts pour la mise en circulation d’OGM. La question de la
responsabilité civile a suscité un débat intense. Les partisans d’une responsabilité du fabricant (l’industrie agroalimentaire) uniquement en cas de défaut objectif du produit ont affronté ceux d’une canalisation de la responsabilité sur ce seul fabricant. C’est finalement la première solution qui a été retenue. Le vote sur l’ensemble a reflété les résultats souvent serrés enregistrés lors de l’examen de détail. Le projet a été accepté par 67 parlementaires (dont 27 pdc, 17 prd, 16 udc et 5 pl), rejeté par 48 (dont 28 ps, 9 pe et 9 udc) et 48 abstentions (dont 18 ps, 14 prd, 13 udc)
[35].
Le Conseil des Etats a repris le dossier en décembre pour
l’examen des divergences. Concernant la question de la responsabilité, il s’est rapproché du National tout en apportant quelques précisions concernant le « privilège des agriculteurs ». La responsabilité des conséquences que peuvent avoir ces substances ne devrait pas être assumée par les agriculteurs (dans ce cas utilisateurs), mais par les producteurs et importateurs de semences génétiquement modifiées. Un droit de recours a été prévu en cas de mauvaise utilisation
[36].
Pour des précisions concernant le projet dans son ensemble voir également la partie consacrée à la recherche (partie I, 8a, Forschung).
Suite à la décision du National de ne pas introduire de moratoire en matière d’utilisation d’OGM,
les paysans et les grands distributeurs ont fait une déclaration commune dans laquelle ils
renoncent volontairement aux produits contenant des OGM. Les grands distributeurs (Migros, Coop, Carrefour Suisse), l’USP, Biosuisse, les Producteurs suisses de lait (PSL) et l’Association suisse des patrons boulangers-pâtissiers ont élaboré le label « Suisse Qualité » signalant les produits agricoles et transformés garantis 100% suisses et sans OGM. Les grands distributeurs se sont engagés à ne plus offrir d’aliments génétiquement modifiés. Les associations de défense des consommateurs, tout en saluant la démarche, ont regretté l’absence du secteur de la restauration et de dispositions concernant les conditions d’élevage du bétail dans la déclaration. Elles ont également rappelé leur préférence pour des contrôles étatiques plutôt que par les producteurs et regretté la multiplication de labels rendant l’information opaque pour les consommateurs
[37].
L’OFEFP a finalement autorisé l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich à effectuer sa
dissémination expérimentale de blé transgénique sur un site d’essai se trouvant à Lindau (ZH). L’OFEFP avait été désavoué par son conseiller fédéral de tutelle, Moritz Leuenberger, dont le département avait admis un recours de l’EPFZ. Le conseiller fédéral avait expliqué, dans le courant du mois de septembre, que la décision d’interdiction prononcée par l’office n’avait pas respecté le droit en vigueur. Il avait également reproché à son administration de s’être détachée de la décision de la Commission fédérale d’experts pour la sécurité biologique (CFSB). Des critères précis ont été édictés pour assurer une sécurisation maximale du site et éviter toute dissémination des pollens dans la nature. De plus, un suivi régulier des recherches, sous la surveillance des autorités zurichoises, devra être assuré. L’organisation Greenpeace et des habitants de Lindau ont annoncé leur intention de recourir contre cette décision.
[38].
Le Conseil national a accepté, à l’unanimité, l’arrêté fédéral concernant le
Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique. Il s’agit du premier instrument légal international visant à garantir que les OGM susceptibles de présenter un danger soient transférés, manipulés et utilisés en toute sécurité. Tout pays aura le droit de refuser l’importation de semences ou de produits agroalimentaires, grâce à la procédure d’accord préalable
[39].
[25]
BO CN, 2002, p. 235 ss. (motion Sommaruga), 241 s. (motion du groupe pdc, OMC) et 739 s. (motion du groupe pdc, sécurité et qualité);
BO CE, 2002, p. 1278 s.
[27] Communiqué de presse du DFI du 27.3.02;
24h, 28.3.02.
[28] Presse du 11.1.02; communiqué de presse de l’OFAG du 22.4.02.
[29] Communiqué de presse du DFE du 31.5.2;
CdT 1.6.02.
[30]
NF, 18.12.02;
Registre des appellations d’origine et des indications géographiques publié par l’OFAG et disponible sur le site Internet de l’Office.
[31]
NF, 22.1 et 19.2.02; presse des 13.2 et 14.2.02; communiqué de presse de la Fédération Romande des Consommateurs du 29.4.02. Voir également
APS 2001, p. 93 s.
[34] Communiqué de presse de l’OFAG du 5.8.02;
LT, 11.12.02.
[35]
BO CN, 2002, p.1522 ss., 1544 ss. et 1575 ss. Voir également
APS 2001, p. 94.
[36]
BO CE, 2002, p. 1141 ss.
[38] Presse des 14.9, 21.12 et 23.12.02. Voir également
APS 2001, p. 94.
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