Année politique Suisse 2002 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Constructions routières
Le Conseil fédéral a rendu la version définitive de son contre-projet à l'initiative Avanti. Les éléments de l'ébauche esquissée en 2001 ont été repris intégralement. L'accent a été mis sur les problèmes posés par les trafics privé et public aux abords des grandes villes, ainsi que sur des dispositions permettant d'augmenter la capacité autoroutière sur les tronçons les plus encombrés de l'A1 entre Genève et Lausanne d'un côté, et entre Berne et Zurich de l'autre. Sur ce dernier point, le Conseil fédéral donnait raison aux initiants.
Le contre-projet rejetait la construction d'une nouvelle galerie routière au Gothard. Elle contrevenait à l'article constitutionnel sur la protection des Alpes, adopté en votation populaire en 1994. De plus, aux yeux du Conseil fédéral, celle-ci mettait en péril la rentabilité des NLFA et affaiblissait le transfert du transit alpin sur le rail. Les dispositions transitoires du contre-projet précisaient en outre que le Conseil fédéral présentera un an après l'acceptation de ce nouvel article constitutionnel, un programme destiné à accroître la capacité du réseau des routes nationales et à améliorer la fluidité du trafic dans les zones urbaines. Le programme sera conçu de manière à ce que les projets urgents puissent être mis à l'enquête publique au plus tard huit ans après l'acceptation dudit article. Les principaux problèmes de circulation se posaient dans les agglomérations de Bâle, Berne, Genève, Lausanne, Lucerne, Lugano, Saint-Gall, Winterthour et Zurich, ainsi que sur certains tronçons de l'axe est-ouest du réseau des routes nationales. Les tronçons critiques seront examinés de concert avec les cantons. Ensuite, il s'agira de décider dans quelle mesure les problèmes seront résolus par des investissements en faveur du rail ou de la route. Le financement de ces mesures dépendra du sort réservé à la modification constitutionnelle présentée dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (voir supra, part. I, 1d). Elle permettrait d'investir les recettes du produit de l'impôt sur les huiles minérales et de la vignette autoroutière dans les projets ferroviaires et routiers dans les agglomérations
[15].
Se penchant sur l'initiative Avanti, la
CTT-CN a proposé au terme d'un vote serré (14 à 11) un
contre-projet qui englobait toutes les revendications d'Avanti (doublement du Gothard et extension à six pistes de l'A1) et allait même plus loin que le texte des milieux routiers. Les membres de la commission y ont en effet intégré le financement du trafic dans les villes et dans les agglomérations que le gouvernement proposait en charge. Et en prime, ils ont ajouté la création d'un
fonds routier juridiquement autonome. Celui-ci serait financé par le transfert des recettes des taxes sur les carburants – 3,7 milliards de francs étaient à disposition. Le fonds, limité dans le temps, et ne serait pas soumis au principe du frein à l'endettement. L'idée d'un tel fonds était d'assurer un financement aux travaux prévus. Concernant l'initiative des Alpes, la commission maintenait le texte, mais une exception était faite à l'interdiction d'augmenter la capacité des routes alpines de transit: elle touchait la construction de voies de circulation supplémentaires entre Erstfeld et Airolo (Gothard). Réagissant, la gauche et les associations environnementales ont fait part de leur opposition. Kaspar Villiger en a fait de même quant à un éventuel transfert des taxes de carburant au fonds routier
[16]. En votation, le Conseil national a accepté par 94 voix contre 83 et 7 abstentions le contre-projet de la CTT-CN et repoussé l'initiative Avanti. L'UDC, le PRD et le PL ont été les artisans de la victoire du contre-projet, au grand dam du PS et des Verts. Le PDC a tenté de proposer une solution médiane au doublement du Gothard: il demandait de ne pas inscrire le deuxième tunnel directement dans le contre-projet, mais de préciser qu'il fallait quand même en prévoir la planification. Cette proposition a été rejetée par 87 voix contre 37 et 59 abstentions (socialistes et écologistes). Sur le fonds routier, le National a décidé que le solde devra toujours rester positif et qu'aucun versement d'intérêts ne sera prévu en cas d'utilisation d'une partie des montants disponibles à d'autres fins
[17].
Dans le cadre de l'initiative parlementaire Giezendanner (udc, AG), la CTT-CN a approuvé la proposition de sa sous-commission d'ouvrir une
procédure de consultation sur le doublement du tunnel routier du Gothard. Lors de la présentation de son contre-projet à Avanti, la CTT-CN a dévoilé les résultats. Quatre cantons (Appenzell Rhodes Intérieures, Bâle-Campagne, Obwald, Tessin), le PL, le PRD, l'UDC, Economiesuisse et le lobby de la route (TCS, FRS, ASTAG) se sont déclarés favorables à une planification immédiate d'un deuxième tube, puis une construction en coordination avec celle du réseau autoroutier suisse. Treize cantons (Bâle-Ville, Berne, Grisons, Jura, Lucerne, Neuchâtel, Nidwald, Schaffhouse, Schwyz, Soleure, Uri, Vaud, Zoug, Zurich) se sont opposés au doublement. Le PCS, le PS, l'UDF et les Verts, ainsi qu'une pléiade d'organisation environnementales (ATE, WWF) et l'Initiative des Alpes, ont également manifesté leur opposition. Argovie, Appenzell Rhodes Extérieures, Fribourg, Genève, Glaris, Uri, Valais et le PDC étaient d'accord avec un début immédiat de la planification, mais sous conditions. Il est à noter qu'Uri s'est déclaré défavorable à une dérogation de l'article constitutionnel sur la protection des Alpes sous couvert d'une modification constitutionnelle. St Gall et Thurgovie ont renoncé à donner un avis. Les résultats de cette consultation n'ont toutefois pas été utilisés, car le traitement par la commission de l'initiative Giezendanner a été gelé. L'initiative Avanti (voir supra) avait la priorité des membre de la commission, alors que Moritz Leuenberger souhaitait que le parlement les traite ensemble
[18].
Afin de pouvoir cofinancer l'infrastructure des
centres destinés à l'intensification des contrôles poids lourds, le Conseil fédéral a adopté la modification de l'Ordonnance sur les routes nationale (ORN). Cette mesure s'inscrit dans l'optique du transfert des marchandises sur le rail, dont l'intensification des contrôles est l'une des mesures d'accompagnement. Les centres seront désormais considérés comme des éléments des routes nationales, tout comme les voies et les aires de stationnement nécessaires à la gestion du trafic lourd. Les cantons recevront des contributions fédérales pour leur construction, leur exploitation et leur entretien. Quant aux contrôles policiers, ils demeureront réglés par les accords de prestations conclus entre la Confédération et les cantons, les dépenses étant financées par une partie des recettes de la RPLP. Une quinzaine de centres, principalement situés sur les accès au Gothard, ont été prévus. Chacun coûtera 20 millions. Ils permettront d'effectuer des contrôles plus ou moins détaillés, par exemple des freins, du contenu du chargement et du poids. Parallèlement à cette décision, le Conseil fédéral a fixé l'ajustement, prescrit par la loi, des taux de la participation de la Confédération à l'exploitation des routes nationales
[19]. Berne, Fribourg et le Valais sont parmi les neuf cantons gagnants. Neuchâtel, Schwyz et Vaud sont dans le camp des neuf perdants. Les taux de six cantons sont demeurés inchangés. Les modifications de l'ORN entreront en vigueur le 1er janvier 2003
[20].
Sous l'égide de l'OFROU, les cantons du Valais et de Vaud, ainsi que les partenaires locaux ont négocié les derniers détails de la route Villeneuve (VD)-Le Bouveret (VS). La
"Transchablaisienne" avait été prévue dans un arrêté du Conseil fédéral de 1961. Initialement conçu comme une rectiligne coupant à travers la réserve des Grangettes, son élaboration avait été bloquée et confiée à un comité de pilotage. Par le biais d'une analyse multicritère détaillée, une esquisse et un compromis s'étaient dégagés en 1999. Lors des dernières négociations, le comité de liaison mis en place par les associations écologistes a obtenu l'aménagement de quatre petites zones humides supplémentaires destinées à certains oiseaux d'eau. Le tronçon vaudois de la route coûtera 72,6 millions de francs, alors que la partie valaisanne est devisée à 70 millions. La Confédération paiera près des deux tiers de la facture
[21].
Un nouveau tronçon de l'
A5 a été ouvert entre Vaumarcus et Bevaix (NE). Sur 7,5 kilomètres, 4,6 km sont sous terre et environ 1800 mètres sont des tranchées couvertes ou semi-couvertes. Avec ses deux tunnels (Sauges et Gorgier), la facture s'élève à 730 millions de francs. Pour l'Expo 02, le tronçon de l'A5 de 23 kilomètres entre Bienne et Soleure a été inauguré. Même s'il n'y avait pas d'obstacle naturel à franchir, 6,4 kilomètres ont été enterrés dans cinq tunnels afin de préserver la faune. Le tunnel de Witi (SO) sert ainsi à protéger l'escale des oiseaux migrateurs. Le coût de ces 23 kilomètres était de 1,5 milliard de francs
[22].
[15]
FF¸ 2002, p. 4187 ss.; presse du 15.5 et 16.5.02. Voir aussi
APS 2001¸ p. 130 s.
[16] Presse du 23.10.02 (contre-projet CTT-CN);
CdT, 20.11.02 (réactions).
[17]
BO CN, 2002, p. 2015 ss. et 2045 ss.; presse du 11.12 et 12.12.02.
[18]
LT, 8.1.02 (sous-commission); presse du 29.1 et 18.5.02 (Leuenberger);
QJ, 23.10.02 (gel). Les résultats de la consultation ont été publiés sur la page Internet de l'OFROU. Pour plus de détails, voir également
APS 2001, p. 131 s.
[19] Ces pourcentages sont calculés en fonction des charges et de l'intérêt que représentent les routes nationales pour les cantons et la capacité financière de ces derniers.
[22]
LT, 18.4.02 et
24h, 19.4.02 (Bienne-A5);
NZZ, 23.11.02 (A7); presse du 3.4.02 (Vaumarcus-A5).
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