Année politique Suisse 2004 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
Protection des sites et de la nature
Croulant sous les requêtes, l’UNESCO a demandé aux Etats membres de lui fournir une liste indicative des candidatures au Patrimoine mondial. La Conseil fédéral a mis en place un concours et
cinq candidats ont été retenus
pour l’inscription : l’horlogerie et la forme urbaine de La Chaux-de-Fonds/Le Locle, l’œuvre du Corbusier, le vignoble de Lavaux (VD)
[31], les sites préhistoriques lacustres et les Chemins de fer rhétiques avec le paysage culturel de l’Albula-Bernina (GR). Les cinq nominés devront constituer un dossier avec l’Office fédéral de la culture et postuler ensuite au label UNESCO. La Suisse, tout comme les autres pays, ne pourra présenter à l’UNESCO qu’un dossier par année. La prochaine liste ne devrait pas intervenir avant six à sept ans
[32].
N’ayant pas rencontré d’oppositions lors de sa mise en consultation, le DETEC a publié les
14 recommandations concernant les négociations menées dans le cadre du droit de recours des associations. Celles-ci s’adressent aux maîtres d’ouvrage, aux organisations de protection de l’environnement habilitées à recourir et aux autorités impliquées
[33].
Le Conseil fédéral a adopté un rapport de l’OFEFP sur la
mise en œuvre de l’étude d’impact sur l’environnement (EIE) et des procédures d’autorisation. Celui-ci émanait d’un postulat de 2001 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national demandant d’en rendre compte. Le rapport répond également indirectement à une motion Hofmann (udc, ZH) de 2001 sur les mêmes questions. Les experts indépendants arrivent à la conclusion que l’EIE est un instrument de coordination qui contribue largement à l’application correcte du droit environnemental dans le cadre des procédures d’autorisation de construire et de la prévention des atteintes à l’environnement. L’EIE permet aussi de réduire, dès la phase de planification, les impacts que les projets de construction pourraient avoir sur l’environnement. L’évaluation des experts propose toutefois des
mesures d’amélioration de l’EIE. Le Conseil fédéral a ainsi été invité à remanier la liste contenant tous les projets soumis à l’EIE
[34]. Il envisagera en outre diverses mesures visant à simplifier l’EIE et l’établissement du rapport d’impact. Les aspects environnementaux dans l’aménagement du territoire devront mieux être intégrés, en appliquant par exemple le droit environnemental dès la phase de planification générale. Le gouvernement devra aussi renforcer le suivi environnemental, grâce auquel des spécialistes s’assurent que les mesures de protection de l’environnement prévues par l’EIE sont appliquées et concrétisées lors de travaux
[35].
L’utilisation et la raison d’être du droit de recours par les associations environnementales ont à nouveau été attaquées durant l’année sous revue par les milieux économiques et les partis de droite. Le blocage de trois projets d’envergure – la rénovation du stade du Hardturm (voir part. I, 7b Sport), l’implantation d’une usine chimique à Galmiz (FR) (voir part. I, 7c Raumplanung) et la construction d’un centre commercial en Argovie – a mis le feu aux poudres. Les milieux économiques, par la voix d’Avenir Suisse, ont reproché aux associations environnementales de freiner la croissance économique par un
« usage immodéré » du droit de recours. Ils s’en sont pris en particulier à l’ATE (Association Transports et Environnement) et à ses recours contre le Hardturm et Galmiz. Ils l’ont accusée de les déposer afin d’en monnayer les retraits. Afin de clarifier l’utilisation du droit de recours et le cas litigieux du Harturm, divers actes parlementaires ont été déposés (voir infra). Répondant à leurs détracteurs, onze associations environnementales ont plaidé pour le maintien de leur droit de recours contre les projets de construction, mais elles ont accepté de le préciser. L’ATE a également réfuté les accusations de marchandage. A cet effet, une fiduciaire a vérifié les comptes des sections cantonales. L’association a tenu à préciser que seuls ses frais judiciaires sont défrayés par les promoteurs. Au niveau parlementaire, le Conseil fédéral a proposé de rejeter une motion Giezendanner (udc, AG), cosignée par 80 députés UDC, PDC et PRD, voulant lui ôter son droit de recours en tant qu’organisation écologiste. Selon le motionnaire, l’association ne répond plus aux critères fixés dans la loi, car elle exerce une activité lucrative (vente de billets de train et de voyages)
[36].
Compte tenu de « l’explosivité » de la question,
le Conseil fédéral a pris position sur les interventions parlementaires concernant le droit de recours des associations de protection de l’environnement et du patrimoine. Il a rejeté l’idée de renoncer à cet instrument « qui a fait ses preuves au cours des ans ». D’après lui, sa suppression n’accélérerait pas les procédures, car les oppositions sont avant tout le fait de particuliers. Moritz Leuenberger a souligné que les cantons ont aussi une part de responsabilité dans la durée excessive des procédures et qu’ils doivent adapter leur législation. Le conseiller fédéral considère néanmoins que
le fonctionnement du droit de recours peut être amélioré [37].
Le CAJ-CN a rendu son projet qui répond à l’initiative parlementaire déposé par Hofmann (udc, ZH) et l’a mis en consultation. Celui-ci
porte révision aux lois sur la protection de l’environnement et de la nature. Les modifications concernent le statut des organisations et leur marge de manœuvre. Pour être habilités à recourir, les associations environnementales devront être nationales et poursuivre un but non lucratif. Leur droit de recours sera limité aux domaines figurant dans leurs buts statutaires depuis dix ans au moins. Seul l’organe dirigeant d’une organisation sera compétent pour déposer recours. Les associations pourront habiliter leurs sections cantonales ou intercantonales à s’opposer à des projets situés dans leur champ d’activité. Il faudra toutefois que celles-ci soient indépendantes sur le plan juridique et que le canton concerné n’exclu pas ce droit. Pour pouvoir recourir, les associations écologistes devront intervenir lors de la phase d’aménagement du territoire et ne pourront plus le faire ultérieurement. Il en ira de même pour les griefs rejetés. Afin d’éviter des blocages, les travaux de construction devront pouvoir être entrepris avant la fin de la procédure, pour certaines parties non contestées de l’ouvrage en tout cas. La justice ne devra en outre plus entrer en matière sur un recours abusif ou si le maître de l’ouvrage prouve que le recourant prétend à des « prestations illicites »
[38]. Le CAJ-CN propose que les organismes déboutés supportent les frais de procédure. Les organisations devront rendre compte des rapports déposés et de l’avancement des procédures. La commission entend aussi alléger et limiter les EIE. Elle souhaite réexaminer régulièrement la liste des constructions soumises à l’obligation d’une EIE ainsi que les valeurs seuils admises
[39].
Le blocage de la construction du nouveau stade du Hardturm par l’ATE a été à l’origine d’une initiative populaire fédérale issue du PRD zurichois. Soutenu par 13 sections cantonales du PRD
[40], l’initiative « Droit de recours des associations : assez d’obstructionnisme, davantage de croissance pour la Suisse » vise à
réduire le droit de recours des associations environnementales. Elle veut l’interdire lors des projets de construction qui ont reçu l’aval d’un organe législatif ou du peuple suite à une votation, cela aussi bien au niveau fédéral, cantonal ou communal. L’initiative a le soutien du PRD Suisse
[41]. La mise en suspend d’un centre commercial en Argovie a poussé la section radicale a agir au Grand Conseil. Celui-ci lui a donné raison en acceptant une initiative parlementaire cantonale visant à
limiter le droit de recours cantonal. Le texte demande aux Chambres fédérales de modifier la loi afin de permettre dans certains cas d’exclure les associations du droit de recours. Cette initiative veut aussi rendre la procédure de recours plus compliquée
[42].
Chargée par le Conseil des Etats d’examiner individuellement les protocoles de la Convention sur la protection des Alpes, sa commission de l’environnement lui a recommandé de n’en ratifier que trois sur les neuf. Il s’agit des dossiers « aménagement du territoire et développement durable », « protection des sols » et « transports ». Suivant les recommandations de sa commission plutôt que celles du Conseil fédéral, le
Conseil des Etats a approuvé, par 24 voix contre dix,
trois des neuf protocoles d’application de la Convention sur la protection des Alpes. Les sénateurs les ont acceptés car ils considéraient que la politique suisse était déjà compatible dans ces domaines avec la Convention. Ils ont toutefois exigé du Conseil fédéral qu’il établisse un rapport sur le
développement durable des régions de montagne et les mesures nécessaires dans ce domaine. Tergiversant sur la convention, la commission de l’environnement du Conseil national a décidé de suspendre ses travaux en attendant le rapport gouvernemental. Le Conseil national a transmis tacitement une motion du Conseil des Etats demandant au Conseil fédéral d’établir les éventuelles mesures à prendre en cas de ratification des protocoles de mise en œuvre de la Convention alpine
[43].
En début d’année, le Conseil fédéral a
rayé la révision partielle de la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN)
du programme de législature 2004-2007. Il a fondé sa décision sur la faiblesse des finances fédérales, malgré que le projet ait été favorablement accueilli en consultation. L’économie prévue est de 10 millions de francs. La révision de la loi prévoit la création de 1 ou 2 parcs naturels, 8 à 10 parcs régionaux et 3 à 5 parcs de loisirs. Ce report a entraîné le dépôt d’une série objets parlementaires pour forcer le Conseil fédéral à reprendre le dossier. Une pétition du Groupement suisse pour les régions de montagne, soutenue par la Commission internationale pour la protection des Alpes, le Club alpin suisse et les communes membres de l’Alliance des Alpes, a été déposée à Berne. Paraphée par les présidents de 340 communes suisses, elle tentait de convaincre le parlement de remettre le dossier parmi ceux prioritaires. Saisies par une motion Marty (prd, TI), les chambres ont désavoué le Conseil fédéral et l’ont obligé à présenter immédiatement la révision de la LPN
[44].
Le Conseil fédéral a adopté la révision de l’ordonnance sur les bas-marais et de celle sur les sites marécageux, afin d’y inscrire et protéger le
bas-marais de Mederlouwenen et le site marécageux du Grimsel (BE). La limite de la zone protégée de Mederlouwenen n’a pas été touchée. Situé plus bas que ce dernier, le périmètre du Grimsel a été réduit de 5%, afin de permettre aux Forces motrices de l’Oberhasli (KWO) d’améliorer et développer les installations de production d’énergie en hiver. Les KWO prévoient d’augmenter le volume de stockage du lac en rehaussant le barrage de 23 mètres. La révision des ordonnances contient également plusieurs petits changements de périmètres d’autres sites marécageux
[45].
Afin d’assurer une meilleure
organisation des transports en cas de catastrophes et de situations d’urgence, le Conseil fédéral a approuvé l’ordonnance sur la coordination des transports en cas d’événement. Celle-ci est entrée en vigueur au 1er octobre 2004. La Confédération devra coordonner tous les efforts pour que les ressources disponibles soient employées judicieusement et dans l’ordre des priorités, tandis que les cantons se concentreront sur les mesures propres à faire face à l’événement
[46].
Le Service sismologique suisse a établi une nouvelle
carte sismologique de la Suisse. Le Valais et Bâle-Ville sont les deux régions les plus exposées. Une zone de risque plus modérée s’étend sur l’arc alpin de Vevey aux Grisons. Le Plateau et le Tessin apparaissent comme des zones à faible danger
[47].
[31] Le parlement a accepté durant l’année sous revue une motion Zysiadis (pdt, VD) qui demandait au CF de prendre les mesures nécessaires pour inscrire les vignobles en terrasses de Lavaux au patrimoine de l’UNESCO (
BO CE, 2004, p. 896 s;
BO CN, 2004, p. 1224).
[32]
24h, 19.4.04; presse du 11.12.04 (liste).
[33]
24h, 21.4.04; DETEC,
communiqué de presse, 20.4.04; voir
APS 2003, p. 194.
[34] La liste comprend plus de 70 types d’installations relevant des domaines tels que les transports, l’énergie, la construction hydraulique, l’élimination des déchets, les constructions et les installations militaires, le sport, le tourisme et les loisirs et, les exploitations industrielles.
[35]
FF, 2004, p. 731 ss. , 818 ss. et 1475 ss.;
NZZ, 19.2.04; DETEC,
communiqué de presse, 18.2.04. Voir
APS 2001¸ p. 164.
[36] Mo. Giezendanner : 04.3456; presse du 26.4, 7.5 et 18.8.04;
LT, 15.5 et 17.7.05;
CdT, 17.9.04;
AZ, 24.9.04 (Giezendanner);
QJ, 16.11.04;
Lib., 1.12.04 (Giezendanner).
[37]
BO CN¸ 2004, p. 1768; non encore traités : 04.3270, 04.3237, 04.3236, 04.3328, 04.3333, 04.3386, 04.3285, 04.3244, 04.3278; presse du 2.10.04; DETEC,
communiqué de presse¸ 1.10.04.
[38] La commission a défini comme illicites les accords sur des prestations destinées à imposer des obligations de droit public, à réaliser des mesures non prévues par le droit ou non liées au projet ainsi qu’à indemniser la renonciation au recours.
[39]
QJ, 16.11.04 (présentation);
LT, 14.12.04 (mise en consultation). Voir également
APS 2003, p. 193 s.
[40] Sections de Zurich, Bâle-Ville, Genève, Vaud, Valais, Fribourg, Grisons, Nidwald, Uri, Saint-Gall, Thurgovie, Zoug et Tessin.
[41]
FF, 2004, p. 6255 ss.
[42]
NZZ, 22.9.04;
QJ, 17.11.04.
[43]
BO CE, 2004, p. 352 ss., 363 ss. (vote) et 367 (motion);
BO CN, 2004, p. 1294 ss.;
Lib., 21.4.04 (CEN-E);
LT, 15.6, 18.8 (CEN-N) et 22.9.04 (motion); presse du 16.6.04 (CE); voir
APS 2003, p. 194.
[44]
BO CE, 2004, p. 368 ss.;
BO CN, 2004, p. 1299 ss. et 1303 ss.; presse du 26.2 (suppression), du mois de mars et du 2.6.04 (pétition). Pour faire plus de pression sur le CF, le PDC, le PS, les Verts et Hassler (udc, GR) ont déposé des initiatives parlementaires (04.406, 04.407, 04.408 et 04.411). Voir
APS 2003, p. 194.
[45]
Lib., 26.2.04; DETEC,
communiqué de presse, 25.2.04.
[46] DETEC,
communiqué de presse, 1.9.04.
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