Année politique Suisse 2005 : Chronique générale / Défense nationale
Armement
Après le sérieux revers subi par le programme d’armement 2004 lors de son examen par les chambres fédérales en fin d’année passée, ces dernières se sont saisies à nouveau de cet objet au début de l’année sous revue, sans pour autant que les divergences entre les conseils ne parviennent à s’aplanir. Refusé par le Conseil national fin 2004, l’achat de deux avions de transport de type CASA (pour un total de 109 millions de francs) a été approuvé au mois de janvier par la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats (CPS-CE), par 9 voix contre 1. Les conseillers aux Etats ont d’ailleurs réitéré à la fin du mois de février, par 37 voix contre 3, leur soutien à l’acquisition des deux avions de transport, malgré l’opposition de quelques députés UDC. Transmis à nouveau au Conseil national, le dossier n’a pas trouvé les appuis nécessaires. Confirmant la position qu’elle avait tenu en novembre 2004, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national (CPS-CN) a approuvé début mars l’achat en question par 14 voix contre 9, et proposé de se rallier ainsi à la décision du Conseil des Etats. Les conseillers nationaux se sont toutefois opposés derechef, contre l’avis de leur commission, à l’achat des deux avions de transport, par 91 voix contre 79. Socialistes, Verts et UDC se sont à nouveau alliés, pour des raisons cependant différentes – la gauche voulant que l’armée réalise plus d’économies, alors que l’UDC se positionnait contre toute coopération militaire internationale –, afin de refuser cet achat. Cela n’a pas empêché le Conseil des Etats de se prononcer quelques jours plus tard encore une fois en faveur de l’acquisition des avions contestés, sur avis de sa commission.
Le blocage, qui paraissait alors total, a été confirmé lors d’un nouvel examen de cet objet par le
Conseil national. La majorité des députés (99 voix contre 81) s’est prononcée, pour la troisième fois consécutive, contre le crédit de 109 millions de francs destiné à l’achat des deux avions de transport CASA, la gauche et l’UDC confirmant leur précédente alliance. Envoyé dès lors en
conférence de conciliation, plusieurs parlementaires, ainsi que Christophe Keckeis, le chef de l’armée, ont fait part de leurs inquiétudes quant à un rejet définitif du programme d’armement 2004. De conciliation il n’y a pourtant pas eu, puisque les chambres ne sont finalement pas parvenues à trouver un compromis pour voter le budget d’armement. La gauche et l’UDC se sont à nouveau alliées au Conseil national, afin de rejeter celui-ci (97 voix contre 82). L’objet a par conséquent été liquidé. Bien que Samuel Schmid, le chef du DDPS, se soit efforcé de dédramatiser cet échec, le rejet du programme d’armement 2004 constitue une première dans l’histoire parlementaire suisse. À ce titre, radicaux et démocrates-chrétiens n’ont pas manqué de critiquer très vivement l’attitude de la gauche et des démocrates du centre, les renvoyant fermement à leurs responsabilités. Comme pour se dédouaner, l’UDC a immédiatement déposé une motion au Conseil national, demandant au gouvernement de présenter, d’ici à la session parlementaire suivante, un programme d’armement allégé 2004bis dans lequel ne figureraient plus que les objets du programme 2004 n’ayant pas été contestés. Deux autres motions, déposées par le conseiller national Wasserfallen (prd, BE) et le conseiller aux Etats Maissen (pdc, GR), avaient le même objectif
[32].
Le Conseil fédéral a présenté à la mi-avril son message relatif au
programme d’armement 2004 modifié. La nouvelle mouture ne contenait que les éléments non contestés, pour un montant total de 409 millions de francs. Sur proposition de sa CPS, le
Conseil national s’est prononcé en faveur de celle-ci par 109 voix contre 44, malgré la tentative de la gauche de couper encore dans ces achats, évoquant les difficultés financières de la Confédération. Les Verts, par la voix du député écologiste zougois Josef Lang, ont quant à eux demandé d’adopter un moratoire sur les achats d’armes, plaidant pour la promotion civile de la paix. Le
Conseil des Etats a également donné son aval au programme d’armement 2004 révisé, par 33 voix contre 2. Ce dernier ne comprend finalement plus que l’intégration du système Data Link dans le système FLORAKO de surveillance aérienne, deux plate-formes de simulation de tir au laser, 105 000 casques de protection balistique et 49 containers de ravitaillement en carburant
[33].
Le programme d’armement 2005 a été examiné en fin d’année par les chambres fédérales. Lors du passage de cet objet en commission – et malgré les critiques émises par une sous-commission de la commission des finances –, seule la gauche a contesté celui-ci. Malgré cela, la
CPS-CN lui a donné son aval par 15 voix contre 5, et n’a rien retranché au devis de 1,02 milliards de francs. Parmi les achats prévus dans le programme, les deux les plus contreversés ont été les vingt nouveaux hélicoptères légers destinés au transport et à l’instruction de type Eurocopter (310 millions de francs), ainsi que le nouveau système intégré d’exploration et d’émission radio IFASS (395 millions de francs). Alors que, dans le cadre du premier achat, la procédure d’évaluation inhabituellement courte et des surcoûts onéreux ont été mis en cause, c’est l’origine israélienne d’une partie du matériel qui a suscité la polémique au niveau du second. Les choses n’en sont cependant pas restées là, puisque la Commission des finances du Conseil des Etats (
CdF-CE) a contesté peu après l’achat des hélicoptères en question. Elle a proposé de réduire l’enveloppe en question de 50 millions de francs, jugeant l’offre d’Eurocopter trop élevée (notamment par rapport à celle de la firme américano-italienne concurrente Augusta)
[34].
En tant que premier conseil, le Conseil national a adopté le principe de l’achat des 20 hélicoptères après de longs débats. Malgré l’opposition du PS et des écologistes, le programme d’armement 2005 a facilement passé le cap, en recueillant 114 voix contre 61. De nombreuses propositions de minorité, qui réclamaient la suppression de certains équipements ou la réduction des montants affectés, ont toutes été rejetées dans des rapports de deux voix contre une. Les députés ont cependant accepté une proposition de l’UDC qui demandait que certaines questions soient encore éclaircies avant que le crédit de 310 millions de francs nécessaire à cette acquisition soit débloqué. Cela impliquait que le programme d’armement 2005 refasse un passage devant le Conseil national, quelle que soit la décision prise par le Conseil des Etats. Malgré les réserves exprimées dans un premier temps, la CPS-CE a finalement recommandé au plénum d’accepter le crédit de 310 millions de francs pour l’achat des 20 nouveaux hélicoptères. Par 21 voix contre 4, la CPS-CN a suivi cet avis peu de temps après. Début décembre, le Conseil des Etats a finalement accepté, sans retouche, l’acquisition des hélicoptères militaires, par 34 voix contre 8. Il a pour cela refusé la proposition du vaudois Michel Béguelin (ps), qui prévoyait de renvoyer l’objet au Conseil fédéral, en le chargeant de revenir avec un projet devisé à seulement 210 millions de francs, et assorti d’un concept global de gestion de toute la flotte d’hélicoptères. Les conseillers aux Etats ont en outre repoussé, par 35 voix contre 8, la proposition du député socialiste Pierre-Alain Gentil (JU) de biffer du programme d’armement 2005 l’achat de matériel israélien.
Le
Conseil national n’a pas tout à fait suivi la position de la chambre haute. En effet, malgré le fait que celui-ci ait accepté, par 100 voix contre 81, de débloquer les 310 millions de francs nécessaires à l’achat des 20 hélicoptères de type Eurocopter, il a toutefois décidé que le crédit en question devait également servir à l’acquisition ou à la modification du simulateur pour hélicoptères Super Puma, prévue initialement au programme d’armement 2006. Le Conseil des Etats, qui avait accepté ledit crédit sans y intégrer le simulateur pour Super Puma, devait donc se prononcer à nouveau. Les conseillers nationaux ont refusé plusieurs propositions, dont celle du démocrate du centre Theophil Pfister (SG), qui réclamait une enquête du Contrôle fédéral des finances pour confirmer que la procédure suivie dans le choix des Eurocopter allemands (au lieu de ceux de la société Augusta) avait été pertinente, notamment en matière de prix (93 voix contre 86). Celle du zougois Josef Lang (pe), qui demandait de renoncer purement et simplement à l’acquisition d’hélicoptères militaires, a subi le même sort (106 voix contre 62). Suivant l’avis du Conseil des Etats, les députés de la chambre du peuple ont en outre accepté l’achat de matériel israélien. En toute fin d’année,
le Conseil des Etats a éliminé la dernière divergence de la liste d’achat du programme d’armement 2005, en adoptant le principe que l’enveloppe de 310 millions de francs prévue pour l’achat des hélicoptères devait également servir à acquérir un simulateur pour le Super Puma
[35].
La gauche a manifesté, lors des débats relatifs au programme d’armement 2005, son opposition à l’achat du système intégré d’exploration et d’émission radio (IFASS) d’origine israélienne – pour un total de 150 millions de francs –, à l’aune de la situation aggravée dans le conflit israélo-palestinien. Cette opposition a notamment été soutenue par une pétition, signée par près de 25 000 personnes et soutenue par 45 organisations. Elle exigeait une suspension de la collaboration militaire avec les pays du Proche-Orient. Le DDPS, qui avait cessé ses importations de
matériel de guerre d’origine israélienne depuis 2002, a justifié cette reprise par une amélioration de la situation sur place, et par le fait que cet achat ne représentait qu’une petite partie des recettes israéliennes générées par les exportations d’armement. Le conseiller national écologiste Geri Müller (AG) s’est opposé à cette décision, en déposant une motion visant à faire interdire toute exportation ou importation de matériel de guerre depuis des pays qui occupent notamment des territoires étrangers, comme Israël ou la Chine
[36].
C’est dans ce contexte relativement tendu que le conseiller national neuchâtelois Burkhalter (prd) a déposé en fin d’année une initiative parlementaire qui demandait une modification de la loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire (LAAM), de sorte que le Conseil fédéral ne présente plus à l’Assemblée fédérale que des
programmes d’armement sous forme de crédits-cadre couvrant une période de quatre ans. Dans sa réponse à une motion Joder (udc, BE) quasi identique – celle-ci demandait également que les programmes d’armement soient prévus sur quatre ans avec l’enveloppe financière nécessaire –, le Conseil fédéral a déclaré que le DDPS était en train d’examiner l’introduction d’une nouvelle procédure qui fixerait à un rythme bisannuel le passage du message sur l’armement
[37].
L’
exportation d’anciens chars militaires – non utilisés par l’armée – vers des pays du Proche-Orient (Irak, Emirats Arabes Unis), ainsi que vers le Pakistan, a suscité de nombreuses réactions. Une dizaine d’interventions parlementaires ont ainsi été déposées au cours de l’année sous revue par des députés socialistes, sauf une par un démocrate du centre. La CPS-CN a de son côté déposé une motion demandant au Conseil fédéral de renoncer à ces exportations. Le gouvernement, suite à des désistements de la part de pays intéressés, a finalement dû y renoncer provisoirement
[38].
[32] Voir
APS 2004, p. 76 s.;
BO CE, 2005, p. 1 ss., 206 et 309;
BO CN, 2005, p. 178 ss., 184 ss., 306 ss. et 394 ss.;
BO CN, 2005, p. 654 et Annexes II, p. 532 (motion UDC);
BO CE, 2005, p. 533. Ces trois motions, dont le CF recommandait l’acceptation en avril, ont finalement été retirées suite à l’adoption par les chambres du programme d’armement 2004 modifié au mois de juin.
[33]
FF, 2005, p. 2551 ss.;
BO CN, 2005, p. 650 ss. et 659;
BO CE, 2005, p. 530 ss.;
FF, 2005, p. 4043 s.
[34]
Bund, 8.8.05 (sous-commission); presse du 17.8.05 (CPS-CN et achats controversés);
BZ, 23.7.05 (CdF-CE).
[35]
FF, 2005, p. 3371 ss.;
BO CN, 2005, p. 1409 ss. et 1773 ss.;
BO CE, 2005, p. 998 ss. et 1094;
FF, 2006, p. 333 s.
[36]
NF et
QJ, 30.9.05 (pétition). Le CF a répondu en ce sens à une interpellation dudit député:
BO CN, 2005, Annexes IV, p. 462 s. Mo. Müller: 05.3219. Voir entre autres:
TA, 19.2.05;
NZZ et
QJ, 21.2.05;
AZ, 19.5.05;
Bund, 26.5.05.
[37] Iv. parl. Burkhalter: 05.436;
LT, 4.10.05;
BZ, 8.11.05. Mo. Joder: 05.3318;
LT et
NZZ, 9.11.05.
[38] Mo. CPE-CN: 05.3710. Voir par exemple:
NZZ, 30.6.05; presse du 17.8;
Lib., 6.10.05.
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