Année politique Suisse 2007 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
Energie nucléaire
Au printemps, le
Conseil des Etats s’est penché sur le projet de loi sur l’inspection fédérale de la sécurité nucléaire (LIFSN). En application de la Convention internationale du 17 juin 1994 sur la sûreté nucléaire et de la loi fédérale du 21 mars 2003 sur l’énergie nucléaire (LENu), le projet du Conseil fédéral prévoit l’autonomisation juridique de la Division principale de la Sécurité des Installations Nucléaires (DSN) vis-à-vis de l’OFEN. Cette autonomisation doit permettre une séparation claire entre l’utilisation et l’économie, d’une part, et la protection et la sécurité, de l’autre. Sur proposition de sa commission, la Chambre haute a apporté trois modifications au projet du gouvernement. Elle a d’abord décidé d’introduire des dispositions en matière d’assurance qualité (art. 3a). Les sénateurs ont ensuite approuvé une modification de l’art. 70 al. 1 LENu qui transfère les tâches de l’OFEN relevant de la sécurité (notamment la protection contre le sabotage) à l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Enfin, le Conseil des Etats a préféré à la suppression pure et simple de la Commission fédérale de la sécurité des installations nucléaires (CSA) son remplacement par une Commission de sécurité nucléaire (CSN), de taille réduite (5 à 7 membres), comme organe de conseil du gouvernement. Le Conseil national a adhéré au projet modifié par la Chambre haute. En votation finale, le Conseil des Etats l’a adopté à l’unanimité et la Chambre basse par 183 voix contre 2
[18].
En fin d’année, le Conseil des Etats s’est saisi du projet d’arrêté fédéral concernant l’approbation et la mise en œuvre des conventions relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire. Ce projet comporte d’une part l’approbation des
Conventions de Paris (1960) et de Bruxelles (1963), du Protocole commun de 1988 et des protocoles d’amendement de 2004, et d’autre part l’adaptation en conséquence du droit suisse par une révision totale de la
loi du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN). Les révisions de ces deux conventions internationales survenues entre 1998 et 2004 (protocoles d’amendements) ont principalement débouché sur la fixation d’un
montant minimal de couverture des risques nucléaires et l’institution d’un
système d’indemnisation. Ce dernier comporte trois tranches : la première, d’un montant de 700 millions d’euros (environ 1050 millions de francs), provient des ressources des exploitants d’installations nucléaires, le cas échéant de leur assurance ; la deuxième, de 500 millions d’euros (environ 750 millions de francs), est fournie par l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’installation ; la troisième, de 300 millions d’euros (environ 450 millions de francs), est à la charge de l’ensemble des Etats parties aux conventions, en fonction d’une clé de répartition. L’adaptation de la législation, quant à elle, se traduit par l’augmentation du montant de la couverture d’assurance obligatoire qui passe de 1 milliard de francs plus 10% pour les intérêts et frais de procédure à 1,8 milliard de francs plus 10%. Suivant la proposition de sa commission, le Conseil des Etats a décidé d’entrer en matière. Par 33 voix contre 11, il a rejeté une proposition Fetz (ps, BS), soutenue par les socialistes et les Verts, de renvoyer le projet au Conseil fédéral avec le mandat de déterminer concrètement et de façon chiffrée les dégâts potentiels que pourrait provoquer un accident nucléaire de faible, moyenne, forte ou très forte gravité dans une centrale nucléaire suisse, de sorte à ce qu’un nouveau projet comporte un montant de garantie « réaliste ». Si les dispositions relatives à l’approbation des conventions et protocoles ont été adoptées sans discussion, celles concernant la révision de la LRCN ont quant à elles suscité des désaccords. Par 23 voix contre 17, les sénateurs ont refusé une proposition de minorité Sommaruga (ps, BE) et Lombardi (pdc, TI) visant à augmenter le montant total de la couverture de 1,8 à 2,25 milliards de francs plus 10%. Par 27 voix contre 9, la Chambre haute a également rejeté deux propositions Fetz (ps, BS) visant à une hausse, d’une part, de la couverture privée prise par l’exploitant de „au moins 1 milliard“ à 50 milliards de francs et, d’autre part, de la couverture assurée par la Confédération d’au moins 500 milliards de francs au lieu de 1,8 milliard. Au final, le Conseil des Etats a adopté le projet du Conseil fédéral sans amendement par 27 voix contre 8 et 2 abstentions
[19].
En début d’année, le Tribunal administratif fédéral s’est prononcé sur le recours interjeté par les Forces motrices bernoises (FMB BKW Energie AG) contre la décision du DETEC refusant la suppression de la limitation de l’autorisation d’exploiter la
centrale nucléaire de Mühleberg (BE). Les juges ont annulé la décision du DETEC au motif que ce dernier aurait dû soumettre la requête de l’entreprise à une procédure de réexamen. Convaincu qu’une demande de suppression de limitation relève de la procédure d’autorisation, au sens de la loi sur l’énergie nucléaire (LENu), le DETEC a saisi le Tribunal fédéral afin qu’il règle définitivement ces questions de procédure. Dans l’attente de ce jugement, l’autorisation d’exploiter la centrale de Mühleberg demeure limitée à 2012
[20].
Les Forces motrices bernoises ont par ailleurs rendu public leur souhait de construire une
nouvelle centrale nucléaire sur le site de Mühleberg en remplacement de l’actuelle. En novembre, à l’occasion de la célébration des 35 ans d’existence de cette dernière, le directeur des FMB, Kurt Rohrbach, a annoncé qu’une demande d’autorisation générale était en préparation sur la base des résultats positifs des premières études de faisabilité
[21].
En début d’année, le Conseil fédéral a mis en consultation sa
conception générale du plan sectoriel « Dépôts en couches géologiques profondes. La procédure de sélection des sites de stockage débute par le choix d’une région, puis d’au moins deux sites potentiels, et enfin d’un site définitif. D’ici à 2020, le parlement devra entériner ce choix, avec possibilité de référendum, de telle sorte que, en cas d’acceptation, le dépôt pour déchets faiblement à moyennement radioactifs soit opérationnel dès 2035, et celui pour les déchets hautement radioactifs à l’horizon 2045. Thomas Ernst, directeur de la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (CEDRA
[22]), a critiqué les délais excessivement longs prévus pour la réalisation d’un dépôt des déchets hautement radioactifs. La CEDRA souhaite en effet qu’un lieu de dépôt soit trouvé d’ici à 2015. Les partis bourgeois et les entreprises électriques souhaitent également une réduction des délais, afin que la question de l’entreposage des déchets ne constitue plus un obstacle à la construction de nouvelles centrales nucléaires. En effet, l’argumentation antiatomique de la gauche, des Verts et des organisations écologistes mobilise régulièrement l’absence de solution au problème des déchets pour discréditer le nucléaire. En ce sens, et malgré l’opposition de la gauche et des Verts, la majorité bourgeoise aux Chambres a adopté une motion du conseiller aux Etats Hofmann (udc, ZH) visant à
garantir le déroulement rapide de la procédure prévue par le plan sectoriel pour le stockage géologique des déchets radioactifs. Le Conseil fédéral doit dès lors assurer à l’OFEN des ressources en personnel suffisantes pour coordonner et mettre en œuvre ladite procédure. Le PS a conditionné son soutien pour un projet de dépôt à la décision préalable de l’Assemblée fédérale de sortir du nucléaire. Les autorités des cantons et les habitants de régions retenus par la CEDRA pour accueillir des dépôts ont largement participé à la consultation. Le gouvernement argovien a ainsi demandé au Conseil fédéral de garantir la participation des populations concernées. Son homologue zurichois a critiqué le manque de transparence de la procédure de sélection des sites et réclamé le recours à des experts indépendants pour mener à bien cette procédure. À Bözberg (AG), les habitants se sont mobilisés contre un éventuel projet de la CEDRA. Face à ces prises de positions fortement divergentes, Moritz Leuenberger a rappelé qu’il souhaite que le choix des sites soit fait en accord avec les autorités cantonales et les populations concernées, quitte à ce que la procédure prenne sept à dix ans comme le prévoit le plan sectoriel
[23].
[18]
FF, 2006, p. 8383 ss.;
BO CE, 2007, p. 62 ss. et 662;
BO CN, 2007, p. 649 ss. et 1164; cf.
APS
2006, p. 140.
[19]
FF, 2007, p. 5125 ss.;
BO CE, 2007, p. 1174 ss. et 1187 ss.; cf.
APS 2004, p. 122 et
2005, p. 137.
[20]
NZZ, 17.3 (jugement TAF) et 28.4.07 (DETEC); DETEC,
communiqué de presse, 27.4.07; cf.
APS
2005, p. 137 s. et
2006, p. 140.
[21]
Bund, 30.3.07 ;
BZ et
NZZ, 7.11.07 ;
QJ, 8.11.07.
[22] N.B.: l’acronyme allemand NAGRA est aussi régulièrement utilisé dans la presse et les publications officielles en langue française.
[23]
FF, 2007, p. 385; OFEN,
communiqué de presse, 23.4.07; presse du 13.1.07;
LT, 5.3.07;
AZ et
BaZ, 24.4.07 (Bözberg);
Lib., 16.5.07;
NZZ, 16.10.07 (Leuenberger). Motion:
BO CE, 2007, p. 67 ss.;
BO CN, 2007, p. 657 s.
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