Année politique Suisse 2007 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Trafic routier
À l’occasion de la Conférence européenne des ministres des transports de Sofia (Bulgarie), Moritz Leuenberger a réaffirmé sa conviction dans les bienfaits de
l’introduction de péages routiers dans les agglomérations afin de lutter contre les problèmes d’engorgement dans les villes. Il a cependant rappelé que la décision d’introduire de tels dispositifs de « Road Pricing » ne relevait pas de la compétence de la Confédération, mais de celle des villes concernées. À la demande de la commission des transports du Conseil national, le Conseil fédéral a présenté un rapport sur cette question en mars. Les exemples de Londres, Singapour et Stockholm y sont présentés. Sans prendre position sur le fond, le gouvernement souligne que l’introduction de péages dans les villes suisses nécessiterait une révision partielle de la Constitution. En effet, son actuel article 82 interdit la perception de taxes pour l’utilisation des routes publiques. L’Assemblée fédérale peut cependant autoriser des exceptions, comme elle l’a fait dans le cas du tunnel du Grand-Saint-Bernard. Mais, d’un point de vue juridique, ces exceptions ne pourraient s’appliquer qu’à un ouvrage particulier ou à une route déterminée, pas à une ville entière. Selon un avis de droit de l’Office fédéral de la justice, il serait toutefois possible d’instaurer un péage routier à l’essai au moyen d’une loi fédérale limitée dans le temps et soumise au référendum facultatif. Cette solution s’est avérée fructueuse à Stockholm, où après un temps d’essai le peuple a approuvé l’introduction définitive du péage. En fin d’année, le Conseil fédéral a décidé de confier au DETEC l’élaboration de la base légale nécessaire pour que les villes et agglomérations le souhaitant puissent introduire à l’essai un système de tarification de la mobilité
[4].
Le parlement cantonal zurichois n’a pas attendu le feu vert des autorités fédérales pour inscrire dans son plan directeur des transports le principe de
l’introduction à moyen terme d’un tel système de taxe pour la ville de Zurich, voire son agglomération. Principaux promoteurs de cette innovation, les députés écologistes et socialistes ont souligné qu’il s’agissait d’une taxe environnementale, selon le principe du pollueur-payeur, dont le produit devrait servir au développement des transports publics, et non à la construction de nouvelles routes. À l’opposé, UDC et PRD ont dénoncé le caractère antisocial de cette taxe qui empêcherait les personnes de conditions modestes de se déplacer en automobile en ville de Zurich. Suite à la décision du Conseil fédéral, les autorités de la
ville de Berne ont pour leur part communiqué qu’elles privilégiaient une solution au niveau de l’agglomération bernoise, et non uniquement de la capitale, en concertation avec le canton. Le PS bernois a déposé des propositions en faveur du Road Pricing au Grand conseil et au législatif de la capitale
[5].
En
Suisse romande, les péages urbains suscitent plutôt
le doute, voire l’hostilité. Si la ville de Genève n’a pas encore pris position, le conseiller d’Etat écologiste Robert Cramer en rejette le principe, le jugeant antisocial et privilégiant le développement des transports publics pour désengorger la capitale cantonale. Le syndic de Lausanne et conseiller national écologiste Daniel Brélaz s’est quant à lui montré sceptique au sujet des chances du projet de franchir à la fois les obstacles parlementaire et référendaire au niveau fédéral. Il a en outre émis des doutes sur la faisabilité et les coûts de l’introduction d’un tel système
[6].
Le TCS, Economiesuisse et l’Union suisse des arts et métiers (USAM) se sont élevés contre le projet gouvernemental. Economiesuisse a estimé qu’un tel dispositif ne s’attaquait pas aux véritables problèmes du trafic routier, qui ne peuvent être résolus qu’au niveau de la planification régionale des transports. L’USAM a pour sa part insisté sur les
conséquences néfastes pour les petits commerces de quartier, relevant à l’inverse que cette nouvelle taxe serait une aubaine pour les grands centres commerciaux situés en périphérie des villes. Enfin, le TCS a considéré qu’une telle mesure n’était pas nécessaire en Suisse, la lutte contre l’engorgement des villes et agglomérations étant l’apanage du fonds d’infrastructure. En se référant à l’exemple londonien, ces groupes d’intérêts ont de surcroît souligné que le
renchérissement des transports privés et professionnels pourrait atteindre 50%
[7].
Le Conseil national a approuvé à l’unanimité l’accord du 31 octobre 2006 entre le Conseil fédéral et le gouvernement italien relatif au
non-assujettissement des péages du tunnel du Grand-Saint-Bernard à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cet accord bilatéral vise à éliminer l’inégalité de traitement entre les péages italiens, soumis à la TVA depuis 2003, et les péages suisses qui en sont exonérés, afin de supprimer la distorsion de concurrence qui en résulte
[8].
À la suite du Conseil des Etats l’année précédente, le Conseil national a approuvé, par 93 voix contre 64, la motion Hess (prd, OW) demandant au Conseil fédéral de réviser l’ordonnance sur les concessions pour le transport des voyageurs afin d’autoriser le
transport professionnel privé de voyageurs entre les aéroports suisses et les régions touristiques en complément des transports publics. Cette libéralisation partielle est censée procurer une souplesse profitable pour l’économie touristique. Par la même occasion, la Chambre basse a adopté une motion Amstutz (udc, BE) allant dans le même sens. Socialistes et Verts ont rejeté les deux motions, jugeant la mise en concurrence des transports publics et privés incompatible avec les politiques des transports et de protection de l’environnement de la Confédération
[9].
Le parlement a transmis au Conseil fédéral une seconde motion du conseiller aux Etats Hess (prd, OW) visant à autoriser le
transport conjoint de grues et de leurs accessoires par l’inclusion de ces derniers dans l’autorisation spéciale (dérogation aux limites de poids). Suite à l’approbation d’une motion Schmid-Sutter (pdc, AI) par la Chambre basse, le gouvernement devra en outre assouplir les dispositions applicables en matière de
charge par essieu pour les camions de telle sorte que le dépassement de la charge autorisée ne sera sanctionné que dans les cas où le véhicule incriminé viole également les prescriptions concernant le poids total autorisé
[10].
En fin d’année, le Conseil national a décidé de donner suite à une motion Triponez (prd, BE) en faveur de l’envoi groupé des cartes de conducteur pour le tachygraphe numérique aux entreprises de transport routier afin de réduire les frais de port à la charge de ces dernières. Il a également approuvé une motion Walter Müller (prd, SG) chargeant le Conseil fédéral d’intervenir auprès des autorités autrichiennes afin de défendre les intérêts de la population du Rheintal (SG) dans le cadre du projet autrichien « Korridorvignette Pfänder »
[11].
Donnant suite à une motion Darbellay (pdc, VS), le Conseil fédéral a décidé d’
interdire
toute nouvelle immatriculation pour les véhicules disposant de banquettes latérales à compter du 1er janvier 2008. Dans un second temps, ces banquettes seront bannies de tous les véhicules en circulation à partir de 2010. Lors d’essais réalisés par des experts (crash-tests), ces sièges se sont en effet révélés particulièrement dangereux, indépendamment de l’usage de ceintures de sécurité. Le Conseil fédéral a de plus décidé qu’à partir de 2008 les conducteurs frappés d’un retrait de permis ne pourraient plus recourir à une voiture bridée à 45 km/h et que la conduite de tels véhicules serait réservée aux personnes âgées de 18 ans et plus, contre 16 précédemment
[12].
Dans un jugement rendu en juin de l’année sous revue, le Tribunal fédéral a constaté que la loi fédérale sur la circulation routière (LCR) ne fournissait pas de base légale suffisante pour procéder au
retrait du permis de conduire suisse à une personne ayant enfreint les règles de la circulation routière à l’étranger. Cette pratique cantonale, établie depuis de nombreuses années, vise à sanctionner les infractions routières graves, indépendamment du lieu où elles sont commises, afin de lutter efficacement contre la récidive. Estimant la poursuite de cette pratique comme essentielle au renforcement de la sécurité routière, le Conseil fédéral a présenté un projet de révision partielle de la LCR de sorte à combler cette lacune juridique
[13].
Le Tribunal fédéral a donné raison à l’Office fédéral des routes (OFROU) dans une affaire concernant la
gravité du non respect des prescriptions en matière d’usure des pneus. Un automobiliste schwytzois s’était vu retirer son permis de conduire pour une durée d’un mois au motif que trois des quatre pneus de sa voiture présentaient un profil inférieur à 1,6 millimètre. Aucun accident n’ayant résulté de la négligence du conducteur, le Tribunal administratif cantonal a jugé que l’infraction revêtait une faible gravité et méritait seulement un avertissement, et non un retrait de permis. Saisi par l’OFROU, la cour suprême a toutefois estimé que l’état des pneus constituait bel et bien un facteur essentiel pour la sécurité routière et que la violation des prescriptions en ce domaine était par conséquent moyennement grave et justifiait pleinement un retrait du permis de conduire pour une durée d’un mois
[14].
Suite à une série d’accidents mortels impliquant des jeunes en état d’ébriété, Moritz Leuenberger a fait part de son intention d’instaurer une
tolérance zéro en matière d’alcool au volant pour les nouveaux conducteurs, ainsi que pour les chauffeurs professionnels. L’instauration d’un taux d’alcoolémie de zéro pour mille pour ces deux catégories d’usagers de la route s’inscrira dans un ensemble de nouvelles prescriptions reprises du paquet de mesures proposé en 2005 dans le cadre du projet Via Sicura. Parmi les autres mesures figurent notamment le renforcement des contrôles, l’obligation de circuler avec les phares allumés de jour et l’assainissement des tronçons dangereux
[15].
[4] La RPLP et la vignette autoroutière font l’objet de dispositions constitutionnelles spécifiques et ne tombent donc pas sous le coup de l’interdiction de l’art. 82. Presse du 17.3.07 (rapport);
LT, 1.6 et
24h, 1.12.07 (Leuenberger); presse du 8.12.07 (décision du CF). Cf.
APS 2006, p. 146 s.
[5]
TA, 24.1.07;
Bund, 8.12.07.
[8]
FF, 2007, p. 4673 ss.;
BO CN, 2007, p. 2011.
[9]
BO CE, 2006, p. 173 s.;
BO CN, 2007, p. 1095 ss.
[10]
BO CE, 2007, p. 260 ss.;
BO CN, 2007, p. 1837 s. (Hess) et 1553 ss. (Schmid-Sutter).
[11]
BO CN, 2007, p. 2061 (Triponez) et 2062 (Walter Müller). Dans la mesure où il vise à modérer le transit dans la région de Bregenz (A), ce projet du gouvernement du Land du Voralberg et du Ministère autrichien des transports va générer une importante hausse du volume de trafic dans les zones transfrontalières, notamment à Diepoldsau (SG).
[12]
NF, 29.3.07. Cf.
APS 2005, p. 143.
[13]
FF, 2007, p. 7167 ss.;
NZZ, 29.9.07.
[15]
BZ, 6.11.07;
Bund, 28.11.07. Concernant le projet Via Sicura, cf.
APS 2004, p. 128 et
2005, p. 143.
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