Année politique Suisse 2008 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
Energie nucléaire
Le Conseil des Etats a approuvé sans discussion deux échanges de lettres entre le Conseil fédéral et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) relatifs à la participation de la Suisse au
projet de
recherche sur la fusion nucléaire ITER. Ces échanges ne visent en fait qu’à concrétiser la participation suisse à ce projet de recherche dont le principe a été entériné par le parlement. Le Conseil fédéral est cependant contraint de solliciter l’approbation des chambres, faute de base légale lui en attribuant la compétence
[24].
En 2007, une recherche du Registre allemand du cancer de l’enfant a conclu à un risque accrû de leucémie chez les enfants vivant dans un rayon de cinq kilomètres autour d’une centrale nucléaire. La publication de ces résultats dans la presse suisse au printemps a suscité un émoi certain en plein débat sur la place du nucléaire dans la stratégie énergétique suisse. Afin de disposer d’informations comparables sur la Suisse, Les chambres ont approuvé une motion Rudolf Rechsteiner (ps, BS) chargeant le Conseil fédéral de commander à des experts indépendants une
étude sur la leucémie chez les enfants vivant à proximité des centrales nucléaires suisses. Dans le même registre, le Conseil national a transmis au Conseil fédéral un postulat Hans-Jürg Fehr (ps, SH) lui donnant mandat de faire analyser les effets du rayonnement de faible intensité émis par les installation nucléaires sur les humains, les animaux et les plantes
[25].
Outre l’inquiétude suscitée par un éventuel lien entre énergie atomique et cancer, d’autres éléments ont semblé attester une relative
perte de confiance de la population dans l’option nucléaire. Selon une enquête Eurobaromètre commandée par la Confédération, la majorité des citoyens suisses (52%) rejette l’énergie nucléaire. Une plus grande proportion encore (58%) s’estime mal informée sur le problème des déchets nucléaires. De plus, le 30 novembre, en ville de Zurich, une initiative du camp rose-vert visant à inscrire dans le règlement communal l’abandon du nucléaire à moyen terme et le principe de la société 2000 Watt a été approuvée par 76,4% des votants. Des initiatives similaires ont été déposées dans les villes de St-Gall et de Berne
[26].
À la suite du Conseil des Etats l’année précédente, le Conseil national s’est saisi du projet d’arrêté concernant la mise en œuvre des conventions relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l’énergie nucléaire. Au nom d’une minorité rose-verte de la CEATE-CN, Rudolf Rechsteiner (ps, BS) a demandé le renvoi du projet au Conseil fédéral avec le mandat d’en présenter un nouveau prévoyant une couverture maximale de 500 milliards de francs en lieu et place des 1,8 milliard plus 10% proposés. Citant une étude de l’Office fédéral de la protection civile, Rechsteiner a fait valoir que cette couverture de 1,8 milliard représentait moins d’un millième du coût total des dégâts qu’occasionnerait un accident comparable à celui de Tchernobyl (coût estimé à 4200 milliards de francs). Les chefs des groupes libéral-radical et UDC ont dénoncé une instrumentalisation de la question de la responsabilité civile contre l’énergie nucléaire. L’entrée en matière a été approuvée par 116 voix contre 65, résultat traduisant le clivage entre partis bourgeois, d’une part, et groupes des Verts et socialiste, d’autre part. Dans la discussion par article, la
majorité bourgeoise a rejeté plusieurs propositions de la minorité rose-verte visant à augmenter le montant de la couverture d’assurance et à étendre le délai de prescription pour les demandes de dommages et intérêts de 30 à 60 ans, ainsi qu’une proposition Nordmann (ps, VD) visant à reconnaître une responsabilité illimitée aux actionnaires de sociétés anonymes exploitant des centrales nucléaires, afin que leur participation aux risques ne soit plus limitée à leur engagement financier. En votation finale, la révision de la LRCN et l’arrêté fédéral approuvant les Conventions de Paris et Bruxelles ont été adoptés sans le moindre amendement par 30 voix contre 2 et 9 abstentions au Conseil des Etats et par 125 voix contre 37 et 25 abstentions au Conseil national
[27].
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours du DETEC concernant la
suppression de la limitation dans le temps de l’autorisation d’exploitation de la centrale de Mühleberg (BE). La cour suprême a estimé que le DETEC devait soumettre la requête présentée par les Forces motrices bernoises (FMB) à une procédure de réexamen. Le département s’est réjoui de la clarification apportée par les juges. La procédure a ainsi pu reprendre après deux ans de suspension. En juin, l’OFEN a mis la demande des FMB à l’enquête publique et 1900 oppositions ont été déposées, émanant notamment de l’exécutif de la ville de Berne, du Conseil d’Etat fribourgeois et d’organisations antinucléaires. Les opposants ont particulièrement mis en cause la sécurité déficiente de la centrale, conséquence de sa vétusté. Le DETEC statuera sur cette question en 2009
[28].
Atel, en juin, puis Axpo et les FMB, en fin d’année, ont déposé auprès de l’OFEN leur dossier pour
le remplacement des centrales de Gösgen (SO), Beznau (AG) et Mühleberg (BE). Si les entreprises ont planifié la mise en service en 2020, Verts, socialistes et organisations antinucléaires ont déjà annoncé que, le moment venu, un référendum sera lancé
[29].
Au printemps, le Conseil fédéral a approuvé la partie
« Conception générale » du plan sectoriel « Dépôts en couches géologiques profondes » et donné son feu vert à la recherche de sites de dépôts. Suite à la consultation de l’année précédente, l’échéancier a été légèrement révisé. Désormais, le gouvernement veut disposer d’un dépôt pour déchets faiblement à moyennement radioactifs (DFMR) en 2030 et d’un dépôt pour déchets hautement radioactifs (DHR) en 2040, soit un raccourcissement global des délais de 5 ans. Le gouvernement a en outre introduit une obligation de prévoir, dans les projets de dépôts, des volumes de réserve pour les déchets générés par les nouvelles centrales nucléaires. Concernant la procédure de recherche de sites, d’une durée estimée à dix ans, elle se décompose en trois étapes. Tout d’abord, la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (CEDRA
[30]) se verra confier l’identification de sites satisfaisant aux exigences géologiques et aux critères de sécurité arrêtés par la DSN. Après sélection par l’OFEN des sites retenus parmi les propositions de la CEDRA, cette dernière conduira l’élaboration de projets de dépôts concrets avec la participation des populations concernées. Elle présentera au moins deux projets par catégorie de déchets que l’OFEN soumettra à des examens comparatifs approfondis. Le Conseil fédéral a également prévu la possibilité de réunir un DHR et un DFMR sur un unique site de stockage, solution qui permettrait notamment de réduire le nombre de mécontents et donc d’oppositions. La procédure se conclura logiquement par le dépôt d’une demande d’autorisation générale soumise à l’approbation du Conseil fédéral et de l’Assemblée fédérale, ainsi que, le cas échéant, du peuple. Préalablement, l’OFEN aura étudié les conséquences sociales, économiques et écologiques des projets et réglé la question des indemnités
[31].
À l’automne, l’OFEN, la DSN et la CEDRA ont communiqué la
liste des régions qui remplissent les critères géologiques pour accueillir un DFMR ou un DHR. Le Weinland zurichois (ZH et TG), le Bözberg (AG) et la partie nord du Lägeren (AG et ZH) sont pressentis pour un DHR, alors qu’un DFMR est envisageable dans le Wellenberg (NW et OW), au pied du Jura sud (SO et AG) et dans le Südranden (SH). L’annonce a suscité une vague d’indignation dans ces régions et les autorités cantonales concernées ont vivement exprimé leur refus d’accueillir des déchets nucléaires dans leur sous-sol
[32].
[24]
FF, 2008, 3137 ss.;
BO CE, 2008, p. 588 s. Cf.
APS 2005, p. 137.
[25]
BO CN, 2008, p. 466 (Rechsteiner) et 1957 (Fehr);
BO CE, 2008, p. 1048. Le CN a également adopté, sans discussion, un postulat Girod (pe, ZH) allant dans le même sens que la motion Rechsteiner (
BO CN, 2008, p. 1006);
TA, 11.1.08;
AZ, 23.2.08;
BaZ, 28.2.08 (recherche).
[26]
LT, 24.9.08 (sondage);
NZZ, 1.12.08 (Zurich);
SGT, 1.11.08 (St-Gall);
Bund, 30.11.08 (Berne).
[27]
BO CN, 2008, p. 534 ss. et 1025, ainsi que Annexes III, 07.045-1/903;
BO CE, 2008, p. 533;
FF, 2008, p. 4805 et 4843 ss. Cf.
APS 2007, p. 159 s.
[28]
FF, 2008, p. 4548;
Bund et
NZZ, 13.2.08 (TF);
NZZ, 10.7.08;
LT et
Lib., 16.7.08 (oppositions). Cf.
APS 2007, p. 160.
[29]
BaZ, 11.6.08 (Atel);
TG, 5.12.08 (Axpo et FMB).
[30] N.B.: l’acronyme allemand NAGRA est aussi régulièrement utilisé dans la presse et les publications officielles en langue française.
[31] Presse du 3.4.08. Cf.
APS 2007, p. 160 s.
[32] Presse du 7 au 20.11.08.
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