Année politique Suisse 2008 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Trafic routier
En début d’année, le Conseil fédéral a adopté son message concernant la
loi relative à la vignette autoroutière. Ce projet vise d’abord à conformer le dispositif juridique de la redevance pour l’utilisation des routes nationales de première et de deuxième classe aux exigences de la nouvelle Constitution fédérale, dont l’art. 164 stipule que toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d’une loi fédérale. Or, jusqu’ici, le système institué en 1985 n’est encadré que par des dispositions de rang constitutionnel (art. 36quinquies ancienne Constitution). Mais son objectif principal a trait au renforcement de la lutte contre les abus. Le projet gouvernemental prévoit ainsi le doublement du montant de l’amende pour les contrevenants (200 francs au lieu de 100), ainsi que la possibilité de déléguer à des tiers, par contrat, les contrôles et la poursuite pénale en procédure simplifiée à la frontière. Pour le reste, le système en vigueur demeurerait inchangé
[8].
Le chef du DETEC, Moritz Leuenberger, a réaffirmé sa conviction dans la pertinence des mesures de
Road Pricing pour juguler l’engorgement des agglomérations. Il s’est toutefois heurté à la résistance des partis bourgeois et du lobby routier. En effet, tant à la chambre du peuple qu’à celle des cantons, une majorité issue des rangs PDC, PRD et UDC a décidé d’exclure du programme de législature la création de la base légale nécessaire à l’introduction de péages urbains à l’essai. La question a conservé son actualité dans la Ville de Zurich, où le parlement a confié à l’exécutif le mandat d’étudier la faisabilité de l’introduction d’un tel péage, malgré une décision en sens inverse du parlement cantonal en début d’année
[9].
À la suite du Conseil national l’année précédente, le Conseil des Etats a approuvé, sans discussion, ni opposition, l’Accord du 31 octobre 2006 entre le Conseil fédéral et le gouvernement italien relatif au
non-assujettissement des péages du tunnel du Grand-Saint-Bernard à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cet accord bilatéral vise à éliminer l’inégalité de traitement entre les péages italiens, soumis à la TVA depuis 2003, et les péages suisses qui en sont exonérés, afin de supprimer la distorsion de concurrence qui en résulte
[10].
Le Conseil des Etats a approuvé et transmis au Conseil fédéral trois propositions individuelles adoptées par le Conseil national l’année précédente. Il a tout d’abord soutenu une motion Walter Müller (prd, SG) chargeant le gouvernement d’intervenir auprès des autorités autrichiennes, afin de défendre les intérêts de la population du Rheintal (SG) dans le cadre du
projet autrichien « Korridorvignette Pfänder ». Ce projet de régulation du transit dans la région de Bregenz (A) génère en effet une très forte croissance du volume de trafic routier dans les zones frontalières suisses. La chambre des cantons a en outre transmis la motion Triponez (prd, BE) en faveur de l’envoi groupé des
cartes de conducteur pour le tachygraphe numérique aux entreprises de transport routier, afin de réduire les frais de port à la charge de ces dernières. Enfin, les sénateurs ont approuvé la motion du conseiller national Adrian Amstutz (udc, BE) en faveur de la
libéralisation du transport professionnel privé de voyageurs entre les aéroports suisses et les régions touristiques
[11].
Le Conseil national a adopté sans discussion un postulat Pierre Triponez (prd, BE) confiant au Conseil fédéral le mandat de comparer les
émoluments perçus par l’Office fédéral des transports (OFT) pour l’octroi et le renouvellement des licences professionnelles dans le domaine du transport routier avec ceux perçus dans les pays européens. S’ils sont supérieurs à la moyenne européenne, le gouvernement doit examiner l’opportunité de les baisser afin de ne pas pénaliser les entreprises suisses par rapport à leurs concurrentes étrangères
[12].
Concernant l’initiative populaire « Pour des véhicules plus respectueux des personnes et de l’environnement », cf. infra, partie I, 6d (Politique de protection de l’environnement).
Après six années de préparation, le DETEC a mis en consultation le
programme d’action « Via Secura » visant à renforcer la sécurité routière. Le chef du DETEC a rappelé la gravité de la situation des routes suisses, citant les chiffres de l’année 2007 (384 morts et 5235 blessés graves). Le programme contient une soixantaine de mesures allant du port obligatoire du casque pour les cyclistes à la destruction du véhicule des conducteurs ayant commis de graves infractions. Les règles proposées concernent tant la formation et le contrôle de l’aptitude des conducteurs, que l’élimination des sites à risque sur le réseau routier et le durcissement des sanctions et peines infligées aux usagers coupables de violations graves des règles de la circulation. Le projet du gouvernement propose en outre trois modes de financement. Le premier suppose l’augmentation du supplément sur la prime d’assurance responsabilité civile de 0,75% pour atteindre 5% (environ 100 millions de francs) et le recours à la moitié du produit des amendes (200 millions de francs). Le deuxième n’implique que la hausse du supplément de prime et les 100 millions à disposition obligeraient par conséquent à réduire l’objectif de moitié. Enfin, la troisième variante prévoit une hausse plus modeste du supplément compensée par la perception de 45 millions de francs prélevés sur les recettes des amendes
[13].
Les Chambres se sont saisies du projet de modification de la loi sur la circulation routière (LCR) visant à y inscrire le principe du
retrait du permis de conduire suisse à une personne ayant enfreint les règles de la circulation routière à l’étranger. Pour rappel, le Conseil fédéral a élaboré ce projet pour combler la lacune juridique constatée par le Tribunal fédéral l’année précédente, de sorte que les cantons puissent conserver cette pratique, établie depuis de nombreuses années, consistant à sanctionner les infractions routières graves, indépendamment du lieu où elles sont commises, afin de lutter efficacement contre la récidive.
Au
Conseil national, une minorité UDC de la Commission des transports (CTT-CN) a proposé de ne pas entrer en matière. Elle a mis en doute l’efficacité de cette mesure, eu égard au fait que les pays voisins ne l’appliquaient pas, avant de dénoncer une tentative du Conseil fédéral de remplir les caisses de la Confédération aux frais des automobilistes. Cette proposition a été écarté par 80 voix contre 75, malgré le soutien, large, du groupe radical-libéral et unanime du groupe UDC. Lors de la discussion par article, le plénum a adopté, par 99 voix contre 58, un amendement Thomas Müller (pdc, SG) stipulant que la durée d’interdiction de conduire décidée par l’autorité cantonale compétente ne peut pas dépasser la durée prononcée sur le lieu de l’infraction, malgré l’opposition unanime des groupes socialiste et écologiste. Le plénum a rejeté de justesse (88 voix contre 85 et 3 abstentions) une proposition Flückiger-Bäni (udc, AG) demandant le rétablissement de l’obligation, abolie en 1994, pour les piétons de signaler par un signe de main leur intention de traverser la chaussée. Au vote sur l’ensemble, le projet modifié a été approuvé par 94 voix contre 72, les groupes socialiste et écologiste l’approuvant unanimement à l’inverse du groupe UDC et d’une majorité du groupe radical-libéral.
Suivant l’avis de sa CTT, le
Conseil des Etats a refusé, par 28 voix contre 8, la limitation de la durée d’interdiction introduite par le Conseil national. Après que ce dernier a réitéré sa prise de position, les sénateurs unanimes ont approuvé une solution de compromis élaborée par la CTT-CE selon laquelle la limitation de la durée d’interdiction à la durée prononcée sur le lieu d’infraction à l’étranger ne s’applique que pour « les personnes qui ne figurent pas dans le registre des mesures administratives », c’est-à-dire qui ne sont pas reconnues comme menaçant la sécurité publique. La chambre basse s’étant finalement ralliée de justesse, par 89 voix contre 88, à ce compromis, la modification de la LCR a finalement été approuvée à l’unanimité par la chambre haute et par 100 voix contre 92 à la chambre basse, le groupe UDC, une large majorité du groupe radical-libéral et un quart du groupe démocrate-chrétien la rejetant
[14].
Afin de renforcer la sécurité routière et de mieux protéger l’environnement, le Conseil fédéral a décidé, en début d’année, de
modifier les ordonnances concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers et pour les remorques (OETV et OETV 1). Ces modifications visent d’abord à améliorer la visibilité au sein du trafic. Ainsi, les camions immatriculés à partir du 1er juillet 2011 devront être munis de bandes réfléchissantes qui marquent leurs contours. Dès le 31 mars 2009, les camions et les tracteurs lourds seront obligatoirement pourvus de rétroviseurs supplémentaires (miroir grand angle). Les véhicules et remorques limités à 45 km/heure et immatriculés à partir du 1er juillet 2008 devront porter une plaque d’identification arrière rétroréfléchissante, triangulaire et de couleur rouge. Pour améliorer la protection des piétons et des conducteurs de deux-roues, le Conseil fédéral a en outre décidé qu’à compter du 1er janvier 2010 seuls les pare-buffles conformes aux normes européennes pourront équiper les voitures de tourisme immatriculées en Suisse. Cette prescription, qui ne s’applique pour l’heure qu’aux véhicules nouvellement immatriculés, sera étendue à tous les véhicules d’ici à 2020. Enfin, pour lutter contre la pollution de l’air, les véhicules automobiles légers devront satisfaire à la norme européenne en matière de gaz d’échappement EURO 5 dès 2009-2011, puis à celle EURO 6 dès 2014-15. Par ailleurs, les camions dont la vitesse est limitée à 45 km/heure et d’un poids total de 7,5 tonnes seront soumis aux mêmes normes que les voitures automobiles de travail. Ils bénéficieront cependant d’une marge de tolérance concernant leurs émissions de gaz, pour autant qu’ils soient équipés de filtre à particules homologués
[15].
Suite à une série d’accidents survenus en début d’année sur le col du Simplon et impliquant des poids lourds, le Conseil des Etats a approuvé une motion René Imoberdorf (pdc, VS) chargeant le Conseil fédéral de prendre des mesures afin de renforcer la
sécurité routière dans les régions de montagne. Le gouvernement est notamment invité à édicter des normes techniques plus strictes pour les poids lourds (en particulier, concernant les freins) et renforcer les contrôles
[16].
Le Tribunal fédéral a confirmé que
l’utilisation d’un « global positioning System » (GPS) pour repérer les radars et pour en prévenir autrui est illégale. Les juges lausannois ont ainsi débouté un automobiliste qui contestait une sanction infligée par les autorités argoviennes
[17].
En fin d’année, l’association des victimes de la route Roadcross a annoncé le lancement, début 2009, d’une
initiative populaire en faveur d’un durcissement des peines à l’encontre des conducteurs s’adonnant aux courses sauvages. Cette annonce est survenue dans le contexte d’une série d’accidents et de procès liés à de telles courses qui a suscité un large débat dans la presse
[18].
[8]
FF, 2008, p. 1215 ss.
[9]
FF, 2008, p. 676 ss.;
BO CE, 2008, p. 254 ss.;
BO CN, 2008, p. 720 ss.;
LT et
NZZ, 29.4.08 (CE); presse du 4.6.08 (CN);
TA, 26 et 27.2.08 (ZH);
NLZ, 16.8.08 (Leuenberger);
LT, 12.9.08 (ville de Zurich). Cf.
APS 2007, p. 167 s.
[10]
BO CE, 2008, p. 48. Cf.
APS 2007, p. 168.
[11]
BO CE, 2008, p. 146 (Triponez et Amstutz) et 282 s. (Müller) Cf.
APS 2007, p. 168 s.
[12]
BO CN, 2008, p. 469.
[13] Presse du 6.11.08. Cf.
APS 2004, p. 128,
2005, p. 143 et
2007, p. 169 s.
[14]
BO CN, 2008, p. 167 ss., 282 ss., 414 ss. et 487;
BO CE, 2008, p. 126 ss., 180 et 210;
FF, 2008, p. 2115 s. Cf.
APS 2007, p. 169.
[16]
BO CE, 2008, p. 459 s.;
Lib., 10.5.08. Le CN a pour sa part transmis au CF un postulat Roberto Schmidt (pdc, VS) allant dans le même sens (
BO CN, 2008, p. 1007).
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