Année politique Suisse 2008 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Poste et télécommunications
Début juillet, l’Office fédéral de la communication (OFCOM) a communiqué les résultats d’une
étude comparative sur le secteur des télécommunications en Suisse et dans l’UE. Il en ressort essentiellement que la facture moyenne de téléphonie mobile coûte 37,01 euros par mois en Suisse, alors qu’elle s’établit à 22,81 euros par mois dans l’UE. L’OFCOM explique l’exception suisse par la position dominante de l’opérateur historique sur le marché de la téléphonie mobile, Swisscom conservant en 2007 quelque 61,9% de parts de marché. Les tarifs de la téléphonie fixe et de l’interconnexion sont par contre tout à fait similaires, les écarts s’étant estompés ces dernières années
[46].
À la fin de l’été, la Commission de la concurrence (ComCo), le surveillant des prix et la Commission de la communication (ComCom) ont demandé au Conseil fédéral d’élaborer une
révision de la loi sur les télécommunications (LTC), de telle sorte que la ComCom soit habilitée à contrôler d’office les prix d’interconnexion et d’accès au réseau, et non plus sur demande d’un fournisseur. Les trois organes jugent ce renforcement de la régulation nécessaire pour garantir une concurrence efficace. En effet, il vise à empêcher les fournisseurs de s’entendre sur des prix surfaits, tout en permettant de procéder à des corrections tarifaires rapides et transparentes. Formellement, la modification proposée de la LTC consiste à supprimer le principe dit de la « primauté des négociations », selon lequel la ComCom ne peut intervenir dans la fixation des prix qu’à la condition que les fournisseurs aient préalablement négocié pendant trois mois et déposé une demande en ce sens auprès de la commission. Les trois organes estiment impératif d’éliminer un dispositif légitimant pareillement la collusion
[47].
Suite à la décision de la ComCom de décembre 2007, Swisscom a proposé une
baisse du tarif de raccordement au réseau fixe, soit 23,50 francs par mois au lieu de 31 francs jusqu’ici. La ComCom jugeant ce tarif encore excessif en comparaison européenne (15-16 francs/mois), elle a par conséquent exigé que Swisscom le ramène à 18,18 francs par mois. Finalement, l’opérateur historique a cédé et entériné le prix du dégroupage pour le dernier kilomètre à 18,18 francs/mois avec effet rétroactif au 1er janvier 2008
[48].
Concernant la
tarification de l’accès à haut débit, Swisscom a fait recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision de la ComCom de novembre 2007 l’obligeant à offrir à ses concurrents cet accès à prix coûtant. La ComCom avait en effet estimé que l’opérateur historique abusait de sa position dominante pour proposer à ses clients un accès ADSL sans ligne fixe grâce à un abonnement de téléphonie mobile, alors qu’elle facturait à Sunrise et Orange le raccordement au réseau fixe pour tout accès à haut débit. Dans le même dossier, le secrétariat de la ComCo a demandé à cette dernière de sanctionner Swisscom d’une amende de 237 millions de francs pour abus de position de dominante sur le marché de l’internet à haut débit. Cette requête conclut une enquête débutée en 2005
[49].
Le 20 mars, Swisscom a annoncé son intention de racheter The Phone House sans communiquer de prix. Après examen, la ComCo a donné son feu vert, jugeant que cette concentration ne créerait ni ne renforcerait une position dominante de Swisscom sur le marché
[50].
À la surprise générale, et contre l’avis de Moritz Leuenberger, le Conseil fédéral est revenu sur sa décision de l’année précédente en optant pour une
accélération du rythme de la libéralisation. Selon le projet mis en consultation en février, le monopole sera abaissé à 50 grammes dès le 1er avril 2009, puis supprimé en 2012 (au lieu de 2011 et 2014 respectivement). Estimant que la loi sur la poste (LPO) lui en donnait la compétence, le collège gouvernemental a en outre décidé de procéder par voie d’ordonnance, c’est-à-dire sans passer par le parlement. Pour l’ouverture complète, par contre, une révision de la LPO, soumise au référendum facultatif, sera nécessaire. Le service universel y sera maintenu et confié à la Poste pour la période 2012-2017. En 2017, il sera mis au concours. Sous la pression des milieux bancaires, le Conseil fédéral a finalement renoncé à proposer d’octroyer une licence bancaire à PostFinance. La Poste a réagi négativement, jugeant une réforme des conditions cadres nécessaire avant l’abaissement du monopole, afin de garantir l’égalité de traitement avec ses concurrents. Elle a en outre réitéré sa demande de licence bancaire en échange de la suppression de la garantie d’Etat. Le Syndicat de la communication a, lui, fustigé la « soumission » du Conseil fédéral à Economiesuisse et prédit à court terme la suppression de nombreux bureaux de poste et emplois
[51].
Lors de la
consultation, le PS, les Verts et les syndicats ont rejeté le projet du CF car il ne garantit pas le service universel pour tous, c’est-à-dire pour les habitants de toutes les régions, et laisse présager la suppression de nombreux emplois et la dégradation des conditions de travail dans la branche. Le PS a par ailleurs plaidé en faveur d’une véritable banque postale. À l’inverse, le PDC, le PRD, l’UDC, Economiesuisse et la Fédération des entreprises suisses se sont montrés très favorables, jugeant que la libéralisation procurera une plus grande liberté de choix, une meilleure qualité des prestations et une baisse des prix. Le projet a divisé les associations de consommateurs : alors que la FRC romande s’est déclarée hostile à la libéralisation, la Konsumentenforum a plaidé en sa faveur. Enfin, l’association des communes suisses y est opposée, car le projet du Conseil fédéral ne garantit pas le service universel généralisé
[52].
Au parlement, la manière de faire du Conseil fédéral a été vivement critiquée. Dans un premier temps, l’Assemblée fédérale a biffé l’abaissement dès 2009 du monopole de la Poste sur les lettres de 100 à 50 grammes du programme de législature. En dépit de cet avertissement, le Conseil fédéral a décidé, le 22 octobre, d’
abaisser, par voie d’ordonnance, la limite du monopole pour les lettres de 100 à 50 grammes dès le 1er juillet 2009. S’il a rappelé sa volonté de libéraliser totalement le marché postal, il a toutefois renoncé à fixer une échéance précise. De plus, la version définitive du projet dissocie clairement la révision prochaine de la législation postale et la libéralisation. Cette dernière fera en effet l’objet d’un arrêté fédéral distinct, soumis au référendum facultatif. Enfin, le gouvernement a renoncé à soumettre à terme le service universel à un appel d’offres, ralliant l’opinion fréquemment émise lors de la consultation qu’aucun concurrent de la Poste ne pourrait offrir ce service
[53].
Lors de la session d’automne, la CTT-CE a déposé une motion contraignant le gouvernement à revenir sur sa décision et à la
soumettre à l’Assemblée fédérale sous la forme d’un projet de révision de la LPO. Après avoir invoqué la compétence que lui confère la LPO en cette matière, le Conseil fédéral a réaffirmé que cet abaissement de la limite du monopole ne menaçait pas le financement du service universel, rappelant les résultats de l’étude commandée par ses soins l’année précédente. En plénum, le président de la CTT-CE, Peter Bieri (pdc, ZG), a précisé que la motion ne remettait pas en cause la libéralisation du marché postal, mais exigeait seulement que cette décision importante soit prise par le parlement et s’inscrive dans une discussion sur les conditions cadres fixées par la LPO. Par 20 voix contre 15, les sénateurs se sont ralliés à la position de principe de leur CTT
[54].
Le Conseil national a rejeté, par 112 voix contre 65, une motion de sa CTT exigeant que l’ordonnance sur la poste (OPO) soit révisée, de sorte à garantir que tous les offices de poste proposent l’ensemble des prestations du service universel. Cette révision aurait impliqué la fermeture des agences postales dans les commerces des villages
[55].
Le président de la ComCom, Marco Furrer, qui assurait l’intérim à la tête de
PostReg suite au départ de Martin Kaiser, a été confirmé dans cette fonction par le Conseil fédéral. Il y consacrera 20% de son temps de travail, les autres 80% restant dévolus à sa présidence de la ComCom. Le Conseil fédéral a en outre nommé Claude Béglé à la présidence du
conseil d’administration de la Poste en remplacement de Anton Menth. Enfin, en décembre, le conseil d’administration de la Poste a nommé Michel Kunz, jusque là numéro 2 de l’entreprise et chef de la division lettres et logistique, à la direction de la Poste où il succède à Ulrich Gygi, nouveau président du conseil d’administration des CFF (cf. supra)
[56].
La ComCo a mis en cause les
mesures d’exception dont bénéficie la Poste en matière de transport le dimanche et la nuit. Estimant qu’elles procurent un avantage injustifié à l’entreprise publique par rapport à ses concurrents, elle a demandé au Conseil fédéral de les supprimer
[57].
En 2008, La Poste a bouclé son bilan avec un
bénéfice
consolidé
de 825 millions de francs, inférieur de 84 millions à celui de l’exercice précédent (909 millions). En progression de 3% par rapport à 2007, les produits d’exploitation s’établissent à 8,980 milliards de francs. Cet excellent résultat provient presque exclusivement de la croissance de PostFinance (+254 millions de francs de chiffre d’affaires), ainsi que de recettes extraordinaires consécutives à des transactions immobilières (+133 millions). Toutes les unités proposant des produits ont contribué, à des degrés divers, au bénéfice consolidé. Malgré un recul des produits d’exploitation causé par la suppression de la subvention de la Confédération pour le transport des journaux et la diminution du volume de courrier B (2,916 contre 3,008 milliards de francs), PostMail affiche un bénéfice supérieur à 2007 – 249 contre 236 millions de francs –, grâce à des gains de productivité et à la réduction des indemnités versées à l’unité Réseau postal. À l’inverse, PostLogistics a vu son chiffre d’affaires passer de 1,461 à 1,516 milliard de francs, mais son résultat a fondu pratiquement de moitié (39 millions) en raison de la croissance des coûts des salaires et des carburants. Le résultat de Swiss Post International s’est quant à lui amélioré de 2 millions pour atteindre 36 millions de francs, tandis que celui de CarPostal a légèrement régressé pour s’établir à 27 millions de francs (2007 : 32 millions), à cause des coûts salariaux et des tarifs des carburants. Enfin, malgré la poursuite de la croissance de ses produits d’exploitation (2,191 contre 1,937 milliards de francs en 2007), PostFinance n’a pas été épargné par la crise financière internationale et sa marge bénéficiaire est ainsi passée à 229 millions de francs (2007 : 318 millions). Grâce au bénéfice réalisé, la Poste entend augmenter ses fonds propres, assainir sa caisse de pension à hauteur de 250 millions de francs et, pour la deuxième fois, redistribuer une partie du bénéfice à la Confédération (170 millions de francs)
[58].
[48] Presse des 18.3, 25.9 (ComCom) et 12.11.08. Cf.
APS 2007, p. 178.
[49]
NZZ, 11.1.08 (ComCom),
LT et
TA, 14.11.08 (ComCo). Cf.
APS 2007, p. 179.
[50] Presse des 21.3 et 5.6.08 (ComCo).
[51] Presse du 28.2.08. Cf.
APS 2007, p. 180 s.
[52]
TA, 5.3.08 (PS);
LT, 16.6.08;
LT et
NZZ, 17.6.08;
LT, 4.7.08 (communes).
[53] Presse du 17.9.08;
LT, 19.9.08 (AF); presse du 23.10.08 (CF).
[54]
BO CE, 2008, p. 1007 ss. Cf.
APS 2007, p. 180 s.
[55]
BO CN, 2008, p. 560 ss. Les groupes UDC, radical-libéral, unanimes, et la très grande majorité du groupe démocrate-chrétien ont rejeté la motion.
[56]
NZZ, 9.4.08 (Furrer);
LT, 26.6.08 (Béglé); presse du 16.12.08 (Kunz).
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