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Chronique générale
Résumé
Cette année a vu un nouveau remaniement gouvernemental. Après onze ans de fonction, le libéral-radical Pascal Couchepin s’est retiré du Conseil fédéral. Le PDC a essayé de profiter de cette opportunité, aux dépens du PLR, pour récupérer le siège perdu en 2003 au profit de l’UDC. Les démocrates-chrétiens se sont ainsi appliqués à obtenir le soutien de la gauche en accusant le PLR d’avoir glissé vers l’UDC et en affirmant que seul le PDC incarnait le centre politique en Suisse. Ils ont également justifié cette revendication de manière chiffrée : le PLR a certes obtenu une plus grande partie des votes lors des dernières élections fédérales, mais le groupe composé du PDC, du PEV et des Verts libéraux forme un plus grand groupe parlementaire. De la sorte, ils ont proposé la candidature germanophone du conseiller aux Etats fribourgeois Urs Schwaller. Bien que l’UDC se considérait sous-représentée au gouvernement depuis la non réélection de Christoph Blocher et l’exclusion du parti de la conseillère fédérale Evelyne Widmer-Schlumpf, les démocrates du centre ont renoncé à présenter un candidat. Le PLR a lui présenté deux candidatures avec le neuchâtelois Didier Burkhalter et le genevois (anciennement libéral) Christian Lüscher. Le 16 septembre, l’Assemblée fédérale a élu Didier Burkhalter à la succession de Pascal Couchepin. Urs Schwaller s’est nettement incliné, n’ayant pas obtenu le soutien de toute la gauche en raison de sa vision plutôt conservatrice en matière de politique sociale et de politique étrangère.
En politique étrangère, la Suisse a subi de fortes pressions internationales liées au secret bancaire. La crise financière et économique mondiale a effectivement conduit à une hausse des dépenses publiques et à un accroissement de l’endettement. La conséquence de cette conjoncture fut un renforcement des efforts étatiques vers une meilleure maîtrise de la perception fiscale et vers la recherche des fonds non déclarés déposés à l’étranger. Cela a donc entraîné des pressions accrues des Etats et d’organisations internationales comme l’OCDE ou l’UE sur des pays comme la Suisse, dont le secret bancaire ne permettait pas la transmission d’informations concernant les fonds suspectés d’évasion fiscale. Après la menace de l’OCDE de mettre la Suisse sur une liste noire, ainsi que d’autres Etats qui appliquaient les mêmes règles, le Conseil fédéral a cédé. Le 13 mars, il a adopté une nouvelle stratégie : à l’avenir, la Suisse se référera sans réserve aux standards de l’OCDE et autorisera l’entraide administrative dans les cas de soustraction d’impôt qualifiée de personnes résidents à l’étranger et ayant des comptes en Suisse. Auparavant, la Belgique et le Liechtenstein s’étaient déjà alignés à cette position ; le Luxembourg et l’Autriche ont franchi ce pas en même temps que la Suisse. En conséquence, de nouvelles conventions de double imposition furent négociées dans les mois qui suivirent. Le PS s’est réjoui d’une décision gouvernementale attendue de longue date. L’organisation faîtière de l’économie, Economiesuisse, et les associations bancaires se sont également rangées derrière le Conseil fédéral. Par contre, l’UDC a émis de virulentes critiques, accusant le gouvernement d’avoir capitulé face à un chantage de l’étranger et menaçant de mener des référendums contre les nouvelles conventions de double imposition.
En politique européenne, le peuple a approuvé la continuation de la voie bilatérale. Lors d’une votation référendaire, il s’est prononcé, contre l’avis de l’UDC, en faveur de la reconduction de la libre circulation avec l’UE et de son extension à deux nouveaux membres de l’UE, la Bulgarie et la Roumanie.
La crise financière internationale s’est atténuée. La Confédération a pu mettre fin à son engagement d’un montant de 6 milliards de francs pour sauver la grande banque UBS et a réalisé au passage un bénéfice net de 1,2 milliard. L’engagement de la Banque nationale pour sauver UBS fut par contre maintenu. Toutefois, la Banque nationale ne devait plus couvrir que 40 milliards de dollars de papiers valeurs à hauts risques (contre 60 milliards précédemment). Elle pouvait déjà en revendre la moitié sur des marchés redevenus fluides.
La crise économique mondiale s’est fait pleinement ressentir en Suisse, un modeste retour de la croissance a cependant été enregistré au second semestre. Globalement, le recul du produit intérieur brut réel pour l’année 2009 s’est élevé à -1,9% selon les premières estimations. Moins marqué que dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale, il s’agit toutefois de la plus forte baisse depuis 1975. Le taux de chômage a crû de 2,6% à 3,7% au cours du premier semestre ; en fin d’année, il s’est établi à 4,2%. En complément de la politique monétaire expansive de la Banque nationale, la Confédération est montée au front avec des programmes de relance conjoncturelle. Mais ces derniers sont demeurés modestes en comparaison internationale, suscitant les critiques des syndicats, des Verts et du PS.
Les finances publiques ont affiché une santé surprenante. La chute des recettes fiscales s’est révélée bien moins forte que redouté. Les comptes 2009 de la Confédérations se sont soldés par un excédent de recettes de 2,7 milliards de francs. Dans l’ensemble, les cantons ont également enregistré des résultats positifs d’un ordre de grandeur similaire. Pour 2010, la Confédération et les cantons s’attendent toutefois à des déficits. Tant l’Assemblée fédérale que les législatifs cantonaux ont adopté des allégements fiscaux pour les familles et les PME. Les chambres fédérales ont aussi décidé une simplification de la taxe sur la valeur ajoutée. Elles ont ainsi remis à plus tard la décision concernant l’introduction d’un taux unique de TVA, telle que proposée par le Conseil fédéral.
En matière de politique sociale, le peuple a approuvé la hausse temporaire de la TVA en faveur de l’assainissement financier de l’AI. Le parlement a débattu de mesures d’économie et de financements additionnels pour l’AVS et l’assurance chômage.
Le concordat pour l’harmonisation des systèmes de formation cantonaux (Harmos) a été approuvé par deux nouveaux cantons (Berne et Tessin) et a pu ainsi entrer en vigueur dans les onze cantons qui l’ont adopté. Il est demeuré indésirable en Suisse centrale, où quatre cantons supplémentaires ont rejeté l’adhésion.
À la surprise générale, les votants ont approuvé à près de 58% l’initiative populaire « contre la construction de minarets » le 29 novembre. Après la suppression de l’article sur les évêchés en 2001, la Constitution fédérale comporte à nouveau une disposition discriminant une communauté religieuse particulière. Pour les initiants, comme pour l’UDC et les petits partis de droite qui soutenaient le texte, il ne s’agissait pas d’un problème de droit des constructions. Pour l’heure, des quelques 160 mosquées et lieux de prière à la disposition des 400 000 musulmans vivant en Suisse, seuls quatre comportent un minaret et rares sont les projets d’en construire de nouveaux. Le malaise vis-à-vis des immigrés musulmans, principalement originaires des Balkans, et surtout vis-à-vis des représentations culturelles et juridiques propagées par certains intégristes a joué un rôle central. La campagne, fortement marquée par le style provocateur coutumier de l’UDC, et l’acceptation de l’initiative ont eu un fort retentissement à l’étranger. On s’accorda à penser que, dans les autres pays d’Europe occidentale où les musulmans représentent une proportion importante de la population (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne), un vote populaire aurait connu une issue similaire.
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