Année politique Suisse 2010 : Chronique générale / Défense nationale
 
Défense nationale et société
Au mois de mars, le Conseil des Etats a adopté une motion Hess (plr, OW) chargeant le gouvernement de garantir une disponibilité opérationnelle du service de police aérienne en dehors des heures de travail normales. Le conseiller aux Etats a estimé que le service de surveillance passive permanente de l’espace aérien ne suffit pas et donc que la disponibilité des moyens d’intervention doit également être assurée de manière permanente. Le Conseil fédéral a proposé d’accepter la motion en précisant que l’efficacité maximale de telles mesures ne serait atteinte qu’à moyen terme. Au Conseil national, une minorité Birrer-Heimo (ps, LU) a estimé la mesure inutile au vu de l’absence d’incident à déplorer, et des coûts sont disproportionnés relativement aux objectifs concernés et a considéré que la motion étend les engagements de l’armée alors que celle-ci fait déjà face à de nombreux problèmes financiers. La chambre basse a accepté la motion par 98 voix contre 47. La gauche l’a unanimement rejetée [1].
Le Conseil national a adopté un postulat Segmüller (pdc, LU) chargeant le Conseil fédéral de mettre en place un groupe de coordination sur la sécurité intérieure au niveau fédéral. Le député a estimé que les forces d’intervention chargées de la sécurité intérieure ne peuvent plus exécuter leurs tâches en raison d’exigences toujours plus élevées [2].
Les résultats de l’enquête « Sécurité 2010 », une enquête d’opinion menée chaque année par le Centre de recherches sur la politique de sécurité et l’Académie militaire de l’Ecole polytechnique fédérale de Zürich (EPFZ), ont été rendus publics. Les personnes interrogées se sentent un peu moins en sécurité que l’année précédente. Seules 88% d’entre elles se déclarent sereines et optimistes concernant la sécurité personnelle et seulement 69% le sont au sujet de l’avenir du pays. Pareillement, 48% d’entre elles estiment que la situation internationale ne changerait pas. S’agissant de l’armée, 74% des sondés estiment que l’armée est nécessaire et 71% d’entre eux considèrent qu’il est utile qu’elle soit bien instruite et bien équipée. Toutefois, 46% la jugent trop volumineuse. La moitié des personnes interrogées estiment encore que le budget de la Défense doit se maintenir au même niveau que les années précédentes, alors qu’un cinquième juge qu’il doit augmenter et un autre cinquième qu’il doit diminuer. Par ailleurs, le modèle de l’armée de milice est soutenu par 50% des sondés alors que celui d’une armée professionnelle par 44%. La suppression de l’obligation générale de servir a été défendue par 45% des personnes consultées (+1% par rapport à 2009). Au demeurant, les sondés semblent méfiants face aux engagements à l’étranger, seulement 56% d’entre eux les ont approuvés. A ce sujet, ils ne sont pas unanimes concernant les questions touchant le nombre, l’utilisation des armes, ainsi que l’impact sur la neutralité et la solidarité internationale. Les rapprochements politiques avec l’UE et l’OTAN sont vus avec scepticisme. Ils sont exclusivement appuyés par respectivement 50% et 40% de la population interrogée. Les adhésions à ces mêmes organisations ne sont soutenues respectivement que par 31% et 21% des citoyens consultés. Ainsi, leur majorité semble souhaiter le maintien d’une collaboration internationale sans lien institutionnel qui touche à la souveraineté helvétique. Du reste, 72% des personnes interrogées sont favorables au libre choix entre le service civil et militaire et 59% d’entre elles considèrent nécessaire de devoir justifier l’incorporation au service civil par des problèmes de conscience. Finalement, si la confiance en l’armée a augmenté de 0,2% par rapport à 2009, elle reste modeste tout en étant au-dessous de la moyenne des années précédentes [3].
Au mois de juin, le Conseil des Etats a accepté un postulat Recordon (pe, VD) invitant le Conseil fédéral à élaborer un rapport sur les capacités helvétiques à faire face à une attaque cybernétique dans ses conséquences civiles et militaires. Le conseiller aux Etats souligne que ces attaques peuvent bloquer totalement ou partiellement les infrastructures et réseaux vitaux d’un pays et paralyser l’armée [4].
En cours d’année, le DDPS a lancé un programme d’assainissement concernant 8000 sites pollués, dont 2500 sont considérés comme relativement pollués. Le tir est la principale source de pollution. La présence d’antimoine est particulièrement préoccupante. Cet assainissement doit durer 25 ans et coûter un milliard de francs [5].
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Rapport sur la politique de sécurité
Le Conseil fédéral a finalement publié son rapport sur la politique de sécurité. Ce dernier table consensuellement sur la continuité de la politique en place mais sans ligne politique claire. La défense du pays consiste toujours à protéger la capacité d’agir, l’autodétermination et l’intégrité de la Suisse, de sa population et de ses conditions d’existence, et de contribuer à la stabilité en dehors de ses frontières. L’évaluation de la menace n’a pas changé et cible les catastrophes naturelles et industrielles, le terrorisme, l’espionnage et le crime organisé. Le gouvernement a toutefois intégré les menaces de cyberattaque, mais sans proposer de mesures de défense. La menace militaire est considérée comme faible et les ennemis potentiels difficilement identifiables. S’agissant de l’analyse stratégique, la coopération internationale de sécurité a été supprimée au profit de la création d’un réseau national de sécurité et de collaboration avec d’autres Etats. Au niveau international, le gouvernement souhaite augmenter les capacités de l’armée destinées à la promotion de la paix à travers des contributions de plus grande qualité auprès de la communauté internationale. Au niveau national, il introduit des mesures afin de remédier aux problèmes rencontrés dans la gestion des crises de grande envergure tout en rationnalisant les coûts. Il propose de la sorte d’optimiser la coopération entre la Confédération, les cantons et les communes et d’améliorer la coordination entre les différents instruments nationaux de sécurité. Le rapport donne encore les lignes directrices du développement, des tâches et des moyens de l’armée sans établir de ligne détaillée. Cette dernière ainsi que les pistes d’adaptations des forces militaires, notamment dans le cadre du remplacement de la flotte aérienne, doivent être présentées dans le rapport sur l’armée (voir infra). Ainsi, la priorité de l’armée consiste comme par le passé en des engagements d’appui auprès des autorités civiles. Les engagements de surveillance, de protection et de sûreté deviennent par contre subsidiaires. Du reste, si le nombre de militaires vise à être réduit, le système de milice et l’obligation de servir sont maintenus. Une première version du rapport avait été présentée au Conseil fédéral en avril. Elle avait été accompagnée de cinq corapports très critiques émanant d’autres membres du gouvernement. Le Conseil fédéral avait alors demandé des informations complémentaires au DDPS afin de l’améliorer. Le texte avait fait l’objet de fuites et avait été fortement critiqué pour son manque de perspective.
Le rapport n’a pas suscité l’enthousiasme des partis. L’UDC a déclaré être agréablement surprise par un rapport consensuel maintenant l’armée de milice. Toutefois, elle s’est opposée aux engagements à l’étranger. Les autres partis se sont montrés déçus constatant une absence de vision et le renvoi à une politique de sécurité dépassée. Ils ont ainsi fortement critiqué le travail d’Ueli Maurer. L’ASIN a estimé que le rapport contrevient à la neutralité suisse et le GSsA a regretté l’absence de décision concernant le remplacement des avions de combat. Selon certains observateurs, Ueli Maurer souhaiterait d’une part dégager des financements pour une armée de milice classique en excluant l’achat de nouveaux avions de combat, et d’autre part ne pas être responsable d’un rapport promouvant une conception de l’armée opposée à celle de son parti.
Au Conseil des Etats, la CPS-CE a estimé que le rapport ne présente aucune priorité, ni hiérarchie des risques. Il ne permet en outre aucunement d’envisager l’avenir en matière de politique de sécurité et ne propose aucune ligne politique. La commission a considéré qu’il présente un état de la situation sans donner d’impulsion ni prendre de décision contraignante concernant, notamment, l’architecture européenne de défense et de sécurité. Elle a donc demandé des remaniements au gouvernement afin de définir plus clairement l’orientation de la politique de sécurité, les priorités et les conséquences des menaces, et de préciser les intentions du gouvernement en ce qui concerne la coopération internationale. Toutefois, la commission a estimé que le rapport constitue une base appropriée pour poursuivre la discussion. La chambre haute a pris acte du rapport avec scepticisme [6].
 
[1] BO CE, 2010, p. 248; BO CN, 2010, p. 1267 ss.
[2] BO CN, p. 555.
[3] Lit. Szvircsev; LT, 29.5.10.
[4] BO CE, 2010, p. 550.
[5] Lib., 9.9.10.
[6] BO CE, 2010, p. 1301 ss. LT, 19.3.10; NZZ, 27.3.10 (fuites); LT, 30.3 (fuites) et 5.6.10 (CPS-CE); presse du 1.4 au 23.4.10 (rapport et réactions). Voir APS 2009, p. 84.