Année politique Suisse 2010 : Economie / Agriculture
Expérimentation animale et protection des animaux
Le Conseil des Etats a modifié une motion de la commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national (CEATE-CN) concernant les mesures visant à
réguler la population des oiseaux piscivores et à indemniser les dégâts causés à la pêche professionnelle. Elle charge désormais l’office fédéral compétent de réviser les ordonnances correspondantes afin de prévenir les dommages causés à la pêche professionnelle mais sans élaborer de mesures d’indemnisation. La chambre basse a adhéré à la proposition de la chambre haute. Parallèlement, l’Association suisse pour la protection des oiseaux et Helvetia Nostra ont fait recours contre l’ordonnance de l’Office fédéral de l’environnement qui a autorisé les cantons concernés à intervenir. Ils demandent l’élaboration d’une étude scientifique sur la question. En mai, les pêcheurs professionnels du lac de Neuchâtel ont organisé une manifestation exigeant la régulation de la population de cormoran
[35].
En décembre, le Conseil national a décidé de donner suite par 87 voix contre 64 à une initiative parlementaire Bruderer Wyss (ps, AG) qui souhaite
interdire l’importation de fourrures provenant d’animaux victimes de mauvais traitements lors de leur élevage, de leur capture ou de leur mise à mort
[36].
En mars, le Conseil national a adopté une motion de sa CSEC visant une
interdiction totale de tout commerce de produits dérivés du phoque sauf en ce qui concerne les produits issus de la chasse traditionnelle des populations Inuits et des autres communautés indigènes. Le Conseil fédéral a estimé, d’une part, que la motion est problématique au niveau du droit régissant le commerce international et, d’autre part, que celle de la CSEC-CE adoptée l’année précédente entrave moins le commerce international en répondant aux mêmes attentes. La CSEC-CN a rappelé que l’UE a interdit tout commerce issu de la chasse non traditionnelle et a considéré sa motion comme étant plus efficace. La chambre basse a rejeté, presque à l’unanimité, la motion de la CSEC-CE et a adopté celle de la CSEC-CN par 147 voix contre 2. Toutefois, le Conseil des Etats a rejeté cette dernière par 19 voix contre 16 pour les mêmes raisons que celles invoquées par le Conseil fédéral. Les deux objets ont ainsi été liquidés
[37].
Le parlement a beaucoup discuté de la question des grands prédateurs et de leur régulation. Ces discussions ont fait suite au
développement des populations de loup et de lynx dans le pays. Le Conseil des Etats a ainsi adopté par 18 voix contre 13 une motion Fournier (pdc, VS) chargeant le gouvernement de négocier une
modification de la
Convention de Berne pour permettre à la Suisse d’exprimer une réserve afin de considérer le loup comme une espèce pouvant être chassée. L’objectif est de prévenir ses nuisances sur les autres espèces, sur les animaux de rente, sur les autres biens ainsi que sur les activités cynégétiques et touristiques. Dans le cas où la modification de la Convention serait refusée par les autres Etats, la motion charge le gouvernement de dénoncer la Convention afin de formuler des réserves lors d’une nouvelle adhésion. Le motionnaire a prédit une dispersion en meute du loup en Suisse et a insisté sur le fait que les mesures envisageables de protection et de prévention sont coûteuses, irréalisables et non adaptées au loup. Le Conseil fédéral a recommandé de rejeter la motion estimant une dénonciation disproportionnée pour réguler une espèce en particulier. Il a également rappelé que la Convention autorise la prise de mesures contre les animaux causant des dégâts importants et a affirmé soutenir une procédure commune aux pays alpins. Appuyant le gouvernement, les opposants ont estimé, d’une part, que la centaine de moutons tués par année par le loup, et pour lesquels les éleveurs reçoivent des compensations financières, est sans commune mesure avec les 10 000 moutons qui meurent chaque année de maladies ou d’accidents. D’autre part, ils ont rappelé que sur les 15 à 20 loups présents sur le territoire suisse, 5 ont déjà été abattus, ce qui fait de la Suisse le pays abattant le plus de loup en Europe. Le Conseil national n’a pas suivi la recommandation de sa commission et a adopté la motion par 91 voix contre 79. La gauche, soutenue par quelques députés issus du PLR et du PDC, a combattu le texte en vain
[38].
Par la suite, le Conseil d’Etat valaisan a
autorisé le tir d’un loup dans les alpes. Un couple d’individus avait attaqué trois génisses estivant en alpage et s’était repu d’une quinzaine de moutons. C’est la première attaque de bovins depuis le retour de l’animal en 1995 et le plan loup ne prévoit aucune mesure à ce sujet
[39].
Enfin, le Conseil national a adopté trois motions, émanant respectivement de la CEATE-CN ainsi que des députés Lustenberger (pdc, LU) et Schmidt (pdc, VS), chargeant le Conseil fédéral de modifier l’
ordonnance sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages. Elles visent les dégâts causés par le loup et le lynx et exigent l’octroi de plus de compétences aux cantons dans l’élaboration de
mesures temporaires pour réguler les populations d’espèces protégées en cas de dégâts importants aux animaux de rente et de pertes considérables sur la chasse. Les groupes écologiste et socialiste se sont opposés quasi unanimement aux trois objets
[40].
Le Conseil national a adopté une motion Hassler (pbd, GR) chargeant le Conseil fédéral d’élaborer une
gestion à long terme des grands prédateurs en concertation avec les pays voisins et de mettre en place une législation adéquate allant dans ce sens. La motion vise à minimiser de manière durable les dégâts engendrés par le loup, le lynx et l’ours tout en respectant les engagements internationaux
[41].
Le Conseil national a adopté par 94 voix contre 85 une seconde motion du même député chargeant le gouvernement de soutenir la
protection des troupeaux contre les grands carnivores. Il a estimé que le monde paysan ne doit pas assumer les coûts supplémentaires occasionnés par la croissance du nombre de grands carnivores en Suisse. La motion charge donc la Confédération d’assumer les coûts de protection des troupeaux et de prendre plus de responsabilités dans le domaine de la gestion des chiens de protection. L’UDC, les verts ainsi qu’un forte proportion de radicaux ont rejeté la motion sans succès
[42].
En mars, le Conseil des Etats a traité d’une initiative parlementaire Kohler (pdc, JU) adoptée par la Conseil national l’année précédente visant à
interdire les pitbulls en Suisse en proposant une modification de la Constitution (projet 1) et une révision de la loi sur les chiens (projet 2). S’il a adhéré à la position du Conseil national concernant le premier projet, il a par contre apporté une série de modifications à la révision de la loi sur les chiens. Il a ainsi proposé de mettre en place une procédure d’autorisation pour la détention de certaines races de chiens, d’introduire la possibilité pour les cantons d’interdire certains lieux publics aux chiens, et d’élargir le nombre de lieux publics potentiellement soumis à l’obligation de tenir les chiens en laisse. Toutefois, il a rejeté l’interdiction de laisser les chiens dans l’espace public sans surveillance et a refusé d’octroyer aux cantons le pouvoir de légiférer plus strictement. Il a adopté ce projet ainsi modifié par 21 voix contre 12. Lors de l’
élimination des divergences, les deux chambres ont maintenu leur désaccord relatif à l’octroi aux cantons du pouvoir d’édicter des règles plus strictes et à la mise en œuvre d’une procédure d’autorisation pour la détention de certaines races de chien. Une
conférence de conciliation a ainsi été convoquée. Elle a recommandé au Conseil national d’adhérer à la position du Conseil des Etats. La chambre du peuple l’a rejetée par 95 voix contre 81 et a de la sorte liquidé le projet de révision de la loi sur les chiens. En
votation finale et suite à cette liquidation, le projet 1 a également été rejeté par les deux chambres
[43].
En mars, le Conseil national a traité d’un projet de modification de la loi sur la protection des animaux élaborée par la CSEC-CN et concrétisant l’initiative parlementaire Marty Kälin (ps, ZH) ainsi que diverses initiatives cantonales visant à rendre plus exigeantes les
conditions de transports des animaux. Le projet a donc proposé d’ajouter dans la loi une disposition interdisant, dans le cadre de transports internationaux, le transit d’animaux destinés à l’abattage autrement que par voie ferroviaire ou aérienne. Une minorité de la commission a souhaité revenir à un projet antérieur interdisant le transport des bovins et animaux à onglons seulement. La chambre basse a adopté le projet par 173 voix contre 2. Contre l’avis de la CSEC-CE, le Conseil des Etats a décidé par 19 voix contre 18 de ne pas entrer en matière. Les deux chambre ayant maintenu leur divergence, le projet a été liquidé
[44].
En mars, 70,5% des votants et tous les cantons ont rejeté l’initiative de la Protection suisse des animaux (PSA) intitulée « Contre le mauvais traitement envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers (Initiative pour l’institution d’un avocat de la protection des animaux) ». L’initiative visait à inscrire dans la Constitution l’obligation pour les cantons de mettre en place un avocat chargé de défendre les intérêts des animaux. Les initiants estimaient nécessaire de représenter les intérêts des animaux afin de permettre l’application effective de la loi sur la protection des animaux. Le Canton de Zurich avait déjà mis en place de telles procédures. Le Conseil fédéral et le parlement ont recommandé de rejeter l’initiative et l’ont soumise au peuple sans contre-projet.
La
campagne a été la plus coûteuse lancée par la PSA. De multiples personnalités issues des mondes culturel, sportif ou médiatique se sont positionnées sur la question. De nombreux exemples concrets ont été mis en avant, tantôt pour montrer le besoin de l’instauration d’un avocat cantonal pour les animaux tantôt pour en souligner les excès. Les vétérinaires cantonaux ont constaté qu’ils manquent de moyen pour agir, ils n’ont toutefois pas donné de mot d’ordre en raison des forts désaccords. Les partis de droite et les associations agricoles ont généralement rejeté le texte en le considérant comme inutile, superficiel, bureaucratique et politiquement non prioritaire. Par ailleurs, certains opposants ont considéré que les procédures judiciaires pour les animaux sont plus rapides que celles concernant les êtres humains. Ils ont ainsi affirmé ne pas vouloir octroyer encore plus de droits aux animaux. La gauche et les associations de protection de l’environnement ont globalement soutenu le texte estimant d’une part, que les sanctions sont souvent favorables aux persécuteurs d’animaux et que, d’autre part, la défense des animaux est reléguée au second plan par les juristes malgré les dénonciations des sociétés de protection. Par ailleurs, le seul avocat pour animaux en Suisse, Antoine Goetschel du canton Zurich, s’est fortement engagé en faveur de l’initiative. De nombreuses recommandations cantonales n’ont pas suivi celles nationales. Ainsi, le PDC bernois et l’UDC tessinoise ont soutenu l’initiative tandis que les socialistes vaudois, les écologistes fribourgeois et les évangélistes thurgoviens l’ont rejetée. Les partis socialistes de Neuchâtel, du Valais et de Bâle campagne, ainsi que les écologistes valaisans et les verts-libéraux lucernois se sont abstenus de toute recommandation
[45].
Le 7 mars, 70,5% des votants et la totalité des cantons ont rejeté l’initiative.
Votations fédérales « Contre le mauvais traitement envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers »
Votation du 7 mars 2010
Participation : 45,82%
Oui : 671 731 (29,5%)
Non : 1 605 141 (70,5%)
Mots d’ordre :
– Oui : PS (4*), PES (2*), PEL (1*), PEV (1*), DS
– Non : PRD, PDC (1*), PBD, PCS, UDF, UDC (1*), PCS, USP
* Recommandation différente des partis cantonaux.
L’
analyse VOX a montré que l’appartenance politique a joué un rôle important dans l’issue du vote. Les citoyens s’identifiant à la gauche et à l’extrême gauche ont soutenu le texte, respectivement par 31% et 56% des voix, alors que ceux se reconnaissant dans la droite et l’extrême droite par 18% et 17%. Les sympathisants du parti socialiste l’ont soutenu à 45%, tandis que ceux du PDC et du PLR l’ont fait à 19%, et ceux de l’UDC à 14%. Au niveau des valeurs, si 37% des individus défendant des valeurs favorables à la protection de l’environnement ont soutenu l’initiative, seuls 25% de ceux privilégiant la tranquillité et l’ordre, ainsi que 20% des défenseurs d’une armée forte l’ont fait. Finalement, les indicateurs sociodémographiques tels l’âge et le genre ont joué un rôle modéré dans ce scrutin
[46].
[35]
BO CE, 2010, p. 186 ss.;
BO CN, 2010, p. 998 s.;
LT, 24.4.10 (recours);
Lib., 25.5.10 (manifestation);
Exp., 28.5.10 (TF). Voir
APS 2009, p. 123.
[36]
BO CN, 2010, p. 1782 ss.
[37]
BO CE, 2010, p. 944 ss.; BO
CN, 2010, p. 311 ss. Voir
APS 2009, p. 123.
[38]
BO CE, 2010, p. 447 ss.;
BO CN, 2010, p. 1622 s. et 1626. Voir
APS 2009, p. 124.
[39]
LT,
4, 11 et 12.8.10;
TA, 4.8.10;
24h, 21.8.10.
[40]
BO CN, 2010, p. 1611 ss. et 1622.
[41]
BO CN, 2010, p. 1611 ss. et 1623.
[42]
BO CN, 2010, p. 1611 ss. et 1623.
[43]
BO CE, 2010, p. 214 ss., 848 ss., 1064 ss. et 1352 s.;
BO CN, 2010, p. 1220 ss., 1516 s., 1835 s., 1844 s. et 2180. Voir
APS 2009, p. 126.
[44]
BO CN, 2010, p. 19 ss. et 1845 s.;
BO CE, 2010, p. 939 ss. et 1239 ss. Voir
APS 2008, p. 121.
[45] Presse du 16.1 au 7.3.10. Voir
APS 2009, p. 124 s. et
APS 2005, p. 111 ss.
[46] Lloren, Anouk / Nai, Alessandro / Gavilanes, Amanda / Ballmer-Cao, Than-Huyen,
Analyse VOX de la votation fédérale du 7 mars 2010, Genève, 2010.
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