Année politique Suisse 2010 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
 
Politique des transports
Le Conseil fédéral a présenté un projet d’arrêté fédéral concernant un crédit-cadre de cautionnement destiné à l’acquisition de moyens d’exploitation dans les transports publics. Cet arrêté concrétise la possibilité pour la Confédération d’octroyer des garanties pour les investissements des entreprises de transport, ainsi que les chambres en ont décidé lors de l’adoption de la loi sur le transport de voyageurs, l’année précédente. Si seuls les CFF jouissaient de cette possibilité jusqu’alors, le parlement a étendu ce cautionnement à toutes les entreprises de chemin de fer et de bus du trafic régional, de sorte à ce qu’elles bénéficient toutes de conditions de prêts avantageuses. À cette fin, le gouvernement sollicite un crédit-cadre de 11 milliards de francs. Ce projet d’arrêté n’a suscité aucune discussion, ni opposition lors de son traitement par les chambres, qui l’ont toutes deux adopté à l’unanimité [1].
Le Conseil des Etats a adopté tacitement une motion de sa commission des transports (CTT-CE) en faveur d’une extension de la politique de transfert du trafic de marchandises de la route vers le rail à l’ensemble du territoire national. Concrètement, la motion charge le Conseil fédéral de regrouper et réorganiser les actuelles mesures spécifiques d’encouragement en une stratégie globale visant à maintenir, voire accroître la part du rail [2].
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Transit à travers les alpes
Le rapport concernant le transfert du trafic transalpin pour l’année 2009 a confirmé la tendance observée l’année précédente. La crise économique a induit un fort recul du trafic marchandises en 2009 (-7,4% par rapport à 2008), sur la route comme sur le rail. La récession a particulièrement affecté les chemins de fer, qui ont enregistré une baisse de 17,7% du volume de marchandises affrétées. La part des marchandises transportées par rail est ainsi passée de 64% en 2008 à 61% en 2009. Cela résulte d’une part de la forte baisse des coûts des transports routiers et d’autre part du fait que la route prend essentiellement en charge le transport des biens destinés à la satisfaction des besoins quotidiens, pour lesquels la demande n’est guère sensible à la conjoncture économique. Le rapport a montré que les mesures en vigueur ne permettraient d’atteindre ni l’objectif intermédiaire d’un million de courses transalpines annuelles en 2011, ni l’objectif définitif de 650 000 courses annuelles au plus tard deux ans après l’ouverture du tunnel ferroviaire du Gothard. Afin d’inverser la tendance, le DETEC a indiqué que de nouveaux instruments seraient nécessaires et plaidé une nouvelle fois en faveur d’une bourse du transit alpin. Le département a indiqué œuvrer dans cette perspective avec les autres pays alpins (cf. infra) [3].
Sur la base de ce rapport, la CTT-CE a déposé une motion chargeant le Conseil fédéral de présenter une stratégie et les mesures complémentaires nécessaires afin de hâter le transfert de la route au rail. Le gouvernement a accueilli favorablement la motion, tout en relevant que la mise en œuvre de mesures supplémentaires exige du temps. Prenant l’exemple de la bourse du transit alpin, telle que prévue dans la loi sur le transfert du transport de marchandises (LTTM), il a souligné la nécessité de négociations avec les autres pays alpins et avec l’UE préalablement à son instauration. Les chambres ont suivi la CTT-CE et transmis tacitement la motion au Conseil fédéral [4].
Concrétisant la décision prise lors de la rencontre des ministres des transports des pays alpins l’année précédente à Vienne (A), l’Office fédéral des transports (OFT) a lancé une étude approfondie concernant la bourse du transit alpin, le marché des droits d’émission et les péages différenciés selon la demande (Toll+), afin de réunir des données scientifiques, techniques et opérationnelles comparables pour chacun de ces trois instruments de régulation du trafic alpin. Ces données doivent servir à l’élaboration de divers scénarios, appliquant individuellement ou combinant ces instruments, dont les effets régulatoires et les conséquences financières seront ensuite analysés. L’OFT a par ailleurs entrepris deux autres études, l’une portant sur la compatibilité de ces systèmes de gestion du trafic alpin avec le droit européen, avec l’accord bilatéral Suisse/UE sur les transports terrestres et avec le droit interne des Etats concernés, tandis que l’autre examine l’impact socioéconomique de ces systèmes sur les régions et les pays impliqués. Ces trois études fourniront la base pour les décisions de la rencontre ministérielle d’octobre 2011 présidée par la Suisse [5].
Le Conseil national a jugé prioritaire le transfert de la route au rail du transport transalpin de marchandises dangereuses pour des raisons de sécurité. En ce sens, il a tacitement transmis au Conseil fédéral un postulat Schmidt (pdc, VS) afin de hâter la recherche et la mise en œuvre de mesures complémentaires, qu’il s’agisse de nouveaux instruments (par exemple, une bourse du transit alpin) ou de normes sécuritaires plus sévères [6].
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Coûts et financement
Lors de l’examen des projets d’arrêtés relatifs aux programmes d’agglomération et au programme d’élimination des goulets d’étranglement (cf. infra), la CTT-CE a constaté que le fonds d’infrastructure ne disposait pas des ressources nécessaires. Aussi a-t-elle présenté une initiative parlementaire en faveur du versement d’une contribution extraordinaire de 850 millions de francs au fonds d’infrastructure, de telle sorte qu’il puisse remplir ses engagements sans que les projets ne soient retardés et, si possible, sans recours au préfinancement par les cantons. Ce montant est prélevé sur le financement spécial pour la circulation routière (FSCR). Cette modification de la loi fédérale sur le fonds d’infrastructure (LFInfr) n’apporte cependant qu’une solution provisoire, la CTT-CE estimant en effet qu’un nouvel apport sera nécessaire dès 2014.
Le Conseil fédéral a émis un avis favorable sur le projet de la CTT-CE, tout en mettant en garde contre ses conséquences potentiellement négatives pour les finances de la Confédération. En vertu du mécanisme de frein à l’endettement, cette contribution extraordinaire doit en effet être compensée par des excédents structurels du budget fédéral, c’est-à-dire des mesures d’économie d’un montant correspondant. En outre, le prélèvement sur le FSCR nécessitera probablement une hausse anticipée de l’impôt sur les huiles minérales. À ces réserves près, le gouvernement a jugé que la proposition de la CTT-CE constituait la solution la plus opportune pour permettre au fonds de verser aux cantons la contribution que la Confédération s’est engagée à leur fournir.
Au Conseil des Etats, l’entrée en matière n’a pas suscité d’opposition. Lors de la discussion par article, une minorité de la CTT emmenée par Hans Hess (plr, OW) a proposé de ramener le montant de la contribution extraordinaire à 570 millions de francs, craignant que les autres projets en matière de transports (notamment l’achèvement du réseau des routes nationales et les routes principales des régions périphériques et de montagne) ne pâtissent de ce soutien aux programmes d’agglomération et d’élimination des goulets d’étranglement. Par 23 voix contre 13, les sénateurs ont préféré suivre la majorité de la commission. Au vote sur l’ensemble, ils ont adopté cette modification de la LFInfr à l’unanimité.
Au Conseil national, une minorité Gabi Huber (plr, UR) de la CTT-CN a présenté une proposition identique à celle défendue par la minorité Hess à la chambre des cantons. Malgré le soutien d’une majorité du groupe UDC et de la moitié du groupe PLR, cet amendement a été rejeté par 116 voix contre 57. Au vote sur l’ensemble, la chambre du peuple a approuvé le projet de la CTT-CE par 153 voix contre 23. En votation finale, les deux chambres ont confirmé leur décision, respectivement à l’unanimité et par 179 voix contre 6 [7].
Lors des entretiens de Watteville, à l’automne, les partis gouvernementaux ont convenu de l’objectif à long terme d’instaurer une taxation de la mobilité (« Mobility Pricing ») afin de financer l’entretien et le développement des infrastructures de transports. Une contribution accrue des usagers est notamment privilégiée par rapport aux diverses taxes et fonds dont dépendent la route, le rail et l’aviation actuellement et qui forment un système jugé excessivement complexe. Des propositions en ce sens sont attendues du Conseil fédéral dès 2011 et le message concernant Rail 2030 (cf. infra) [8].
Economiesuisse a plaidé pour une réforme globale du système de financement des transports routiers et ferroviaires. L’association faîtière du patronat a fustigé le régime actuel et ses diverses taxes, en raison de sa complexité et de son manque de transparence. Elle a préconisé de le remplacer par une nouvelle tarification des différents modes de transports en fonction du principe de causalité, c’est-à-dire mettant plus fortement à contribution les usagers. Dans la perspective du remplacement de Moritz Leuenberger à la tête du DETEC, economiesuisse a par ailleurs clairement exprimé, à plusieurs reprises, son souhait que le successeur du socialiste accorde plus d’attention aux besoins de l’économie, accusant au passage ce dernier d’avoir privilégié le rail au détriment de la route et de l’aviation par idéologie [9].
À l’automne, l’initiative populaire fédérale « pour les transports publics », lancée l’année précédente par l’ATE, avec le soutien du PS, des Verts, des Verts libéraux et du parti évangélique, a abouti. Elle propose une réforme de la répartition du produit des taxes routières (vignette autoroutière exceptée) afin d’en attribuer la moitié aux transports publics, contre un quart actuellement. L’ATE a estimé qu’un montant de 800 millions de francs par an pourrait ainsi être investi pour développer l’offre des transports publics. L’USAM et le TCS ont réaffirmé leur rejet catégorique du texte, au motif qu’il induirait une hausse insupportable des taxes sur les carburants [10].
Sur préavis favorable du Conseil fédéral, la chambre des cantons a adopté tacitement un postulat Bieri (pdc, ZG) chargeant le gouvernement d’étudier les moyens d’améliorer la transparence du système de prix des transports publics et la possibilité d’instaurer une billetterie électronique [11].
Dans le cadre du programme de consolidation des finances fédérales, le Conseil fédéral a annoncé, en début d’année, des coupes dans les subventions de la Confédération pour les lignes régionales de transports publics effectives dès le budget 2011. À compter de 2011, seules les lignes comptant au minimum 100 passagers par jour continueront de bénéficier du soutien fédéral, alors que la limite minimale était jusque là fixée à 32 passagers en moyenne par jour. Cette mesure doit permettre d’alléger les charges de l’Etat fédéral de quelque 15 millions de francs par an. Les cantons, l’Union des villes suisses et l’ATE ont vigoureusement réagi, dénonçant un transfert de charges et rappelant les engagements pris par la Confédération lors des négociations concernant la nouvelle répartition des tâches (RPT). L’ATE a estimé que près de 160 lignes régionales étaient menacées par cette mesure d’économie. Lancée par diverses associations et soutenue par des parlementaires écologistes et socialistes, une pétition munie de 34 000 signatures a été adressée au Conseil fédéral pour qu’il revienne sur sa décision. Face à cette levée de boucliers, le gouvernement a finalement renoncé en fin d’année à ces mesures d’économie [12].
En début d’année, l’Union des transports publics (UTP) a annoncé une hausse de 6,4% en moyenne des tarifs des transports publics à partir du 12 décembre de l’année sous revue. Cette hausse est particulièrement forte pour l’abonnement demi-tarif et les cartes journalières. L’UTP et les CFF l’ont justifiée par l’augmentation de l’offre et des coûts y relatifs en personnel et en énergie, ainsi que par l’ampleur des investissements à venir en matière de matériel roulant (20 milliards de francs d’ici à 2030). Afin de décharger les trains transportant les pendulaires vers leur lieu de travail, l’UTP et les CFF ont en outre décidé de restreindre la validité des cartes journalières proposées par les communes. À compter de l’entrée en vigueur de l’horaire 2011, les titulaires de ces cartes ne pourront plus voyager en bus et en train avant 9 heures du matin du lundi au vendredi. L’annonce de cette décision a suscité un véritable tollé auprès des communes. La hausse des prix a quant à elle essuyé les critiques des organisations de défense des consommateurs (FRC), qui l’ont jugée très préjudiciable pour le pouvoir d’achat. Au terme de six mois de négociations entre l’UTP et le surveillant des prix, la hausse des prix a été ramenée à 5,9%. La hausse des billets et abonnements de parcours a ainsi été abaissée de 3,4 à 2,4%. L’augmentation des tarifs des abonnements général (+6,7% en moyenne) et demi-tarif (+10-20% selon la durée de validité) a par contre été maintenue. Si le renchérissement des cartes journalières demeure tel que souhaité par les CFF, ces derniers ont toutefois renoncé à restreindre la validité des cartes proposées par les communes. Le surveillant des prix a par ailleurs obtenu de l’UTP et des CFF la publication de données concernant le système de prix afin d’en améliorer la transparence [13].
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Programmes d’agglomération
Lors de la session d’été, le Conseil des Etats s’est saisi du message relatif à l’arrêté fédéral sur la libération des crédits du programme en faveur du trafic d’agglomération, par lequel le Conseil fédéral a proposé d’investir 1,51 milliard de francs pour la réalisation des programmes d’agglomération urgents entre 2011 et 2014. Les sénateurs ont salué le projet présenté, tout en soulignant le problème du financement pour lequel la commission des transports (CTT-CE) a proposé une solution par voie d’initiative parlementaire (cf. supra). Si l’entrée en matière n’a suscité aucune opposition, des propositions de minorité visant à augmenter les moyens alloués aux projets de Zurich et de Bâle ont été présentées. Leurs auteurs les ont toutefois retirées, après que le président de la CTT-CE a rappelé que le succès de toute l’entreprise dépendait de l’équilibre d’ensemble que le gouvernement était parvenu à trouver, réussissant ainsi à concilier les intérêts de toutes les agglomérations présentant des problèmes urgents de trafic. Sur proposition de sa commission, la chambre haute a amendé le texte afin de préciser les conditions de préfinancement par les agglomérations. Au vote sur l’ensemble, les sénateurs ont approuvé à l’unanimité le projet d’arrêté ainsi modifié.
Au Conseil national, l’entrée en matière a également été décidée sans la moindre opposition. Lors de la discussion par article, des propositions de minorité en faveur d’un soutien accrû aux projets d’agglomération de Berne et de Bâle ont été présentées par des députés issus des cantons concernés. Elles ont été rejetées, respectivement par 145 voix contre 22 et par 142 voix contre 20. Aucun autre point n’ayant prêté à discussion, les députés ont suivi le Conseil des Etats et adopté le projet d’arrêté à l’unanimité [14].
 
[1] FF, 2010, p. 3841 ss.; BO CE, 2010, p. 911; BO CN, 2010, p. 2042 ss.; FF, 2010, p. 263 s. Concernant la loi sur le transport de voyageurs, cf. APS 2009, p. 163.
[2] BO CE, 2010, p. 1047.
[3] Presse du 16.3.10. Cf. APS 2009, p. 154. À l’été, le DETEC a communiqué une hausse du trafic alpin de marchandises au premier semestre, en particulier par le rail (+16,5% par rapport à la période correspondante de 2009), qui demeure toutefois en deçà du niveau record enregistré en 2008 (presse du 24.8.10).
[4] BO CE, 2010, p. 171 ss.; BO CN, 2010, p. 1002.
[5] NZZ, 24.7.10; OFT, communiqué de presse, 14.6.10. Cf. APS 2009, p. 153.
[6] BO CN, 2010, p. 1134.
[7] FF, 2010, p. 3099 ss. (CTT-CE) et 3111 ss. (CF); BO CE, 2010, p. 677 ss., 689 ss. et 1012; BO CN, 2010, p. 1408 ss., 1417 ss. et 1677; FF, 2010, p. 5977 ss.
[8] LT, 13.11.10.
[9] LT et, SZ, 30.6.10; SoS, 10.7.10; NZZ, 13.8.10.
[10] FF, 2010, p. 6049 s.; presse du 7.9.10. Cf. APS 2009, p. 155 s.
[11] BO CE, 2010, p. 1325.
[12] SoS, 26.2.10; NZZ, 27.2.10; Exp. et Lib., 4.3.10; 24h, 5.3.10; Lib. et SGT, 6.3.10; QJ, 16.3.10; LT, 22.3.10; presse du 13.8.10 (ATE); NF et SoS, 25.8.10 (pétition); NZZ et TA, 27.8.10 (UVS); presse du 10.11.10.
[13] Presse des 15 et 16.1, du 5.3, du 23.4 (communes) et du 5.8.10.
[14] BO CE, 2010, p. 677 ss. et 685 ss.; BO CN, 2010, p. 1408 ss. et 1413 ss.; FF, 2010, p. 6293 s. Cf. APS 2009, p. 156.