Année politique Suisse 2012 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
 
Principes directeurs
Au début de l’année sous revue, Didier Burkhalter est devenu le nouveau chef du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). Il a emmené avec lui le directeur de l’Office fédéral des assurances sociales, Yves Rossier, ainsi promu secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. Cette nomination a soulevé des questions dans la presse, notamment relatives au réseau international d’Yves Rossier. En effet, le poste de secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères est généralement l’apanage de diplomates issus du sérail [1].
Le nouveau chef de la diplomatie suisse, Didier Burkhalter, a ensuite présenté ses priorités en matière de politique extérieure dans le « Rapport sur les axes de la politique étrangère 2012-2015 ». Ce rapport répond à une demande du Conseil fédéral, mais aussi à une motion Walter Müller (plr, SG), qui réclamait plus de clarté en matière de politique extérieure. Le rapport fixe quatre axes stratégiques. Premièrement, la politique extérieure suisse doit se concentrer sur les relations avec ses pays voisins, ainsi que sur les relations transfrontalières. Cet objectif s’est concrétisé en cours d’année notamment dans un texte prenant position contre la peine de mort cosigné par six ministres des pays voisins de la Suisse à l’occasion du dixième anniversaire de la journée contre la peine de mort. Deuxièmement, il s’agit de renforcer les relations avec l’Europe en suivant le modèle bilatéral. Plus précisément, l’accent sera mis sur la recherche de solutions aux questions institutionnelles et fiscales, ainsi que sur l’avancement des dossiers spécifiques, notamment l’électricité et l’énergie. Le troisième axe se concentre sur la stabilité d’abord en Europe, puis élargie aux portes de l’Europe. Cette stabilité doit ‘être garantie grâce à la coopération internationale, la promotion de la paix, le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Finalement, la volonté de renforcer et de diversifier l’engagement multilatéral de la Suisse forge le dernier axe. En parallèle, et pour répondre aux défis posés par la mondialisation, la stratégie visera un meilleur encadrement des Suisses de l’étranger [2].
Au parlement, le Conseil des Etats a transmis en début d’année un postulat de sa Commission des institutions politiques (CIP-CE) appelant le Conseil fédéral à rédiger un rapport sur la situation des interdictions d’entrées sur le territoire suisse, plus particulièrement quant au nombre, aux motifs, aux conséquences et aux éventuels abus en la matière [3].
Les chambres ont doublement manifesté leur soutien au rôle de la Suisse en tant que place arbitrale attrayante au niveau international. Premièrement, l’initiative parlementaire Lüscher (plr, GE), à laquelle les chambres avaient donné suite en 2009 et 2010, demandant que le tribunal suisse laisse en premier lieu les arbitres se prononcer sur leur propre compétence, a bénéficié d’une prolongation de délai de mise en œuvre suite aux travaux des consultations universitaires et des travaux d’une sous-commission. Deuxièmement et à cette même fin, les chambres ont transmis une motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) appelant le Conseil fédéral à procéder à un examen critique des dispositions de la loi fédérale sur le droit international privé en tenant compte des autres législations européennes et de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cet examen doit permettre de renforcer l’attrait de la Suisse en tant que place arbitrale internationale [4].
Dans le domaine judiciaire, le Tribunal pénal fédéral a débouté l’ancien ministre algérien de la défense, Khaled Nezzra, accusé de crimes contre l’humanité entre 1992 et 1999 dans son pays. Avec ce jugement, le tribunal a clairement refusé l’immunité de l’ancien ministre. Khaled Nezzra pourrait ainsi être le premier accusé de tels crimes jugé en Suisse [5].
Les chambres fédérales ont adopté le crédit d’engagement pour la participation de la Suisse à l’exposition universelle 2015 à Milan sur le thème « Nourrir la planète. Energie pour la vie ». Le crédit s’élevant à 23,1 millions de francs a été accepté à l’unanimité par la chambre haute et à l’unanimité moins 4 abstentions à la chambre basse [6].
Afin de préciser les compétences en matière de conclusion de traités internationaux, le Conseil fédéral a proposé de garder ses compétences pour la conclusion de contrats internationaux, mais de donner une dimension coercitive à l’avis des deux commissions. Ainsi, il propose que tout accord refusé par les deux tiers des membres de chacune des commissions ne puisse pas faire l’objet d’une application provisoire. La Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-CN) a clairement manifesté son scepticisme en refusant la proposition à l’unanimité. Selon elle, ce projet n’apporte aucune clarification en matière de répartition des compétences. De plus, le principe d’une majorité de deux tiers serait problématique du point de vue politique et juridique. Les chambres devront encore se prononcer [7].
Après opposition, le Conseil national a approuvé de peu le postulat du conseiller national von Graffenried (verts, BE). Ce postulat recommande au gouvernement de proposer un projet d’application de la stratégie Ruggie, qui selon les principes « protéger, respecter et réparer », demande une redéfinition du concept de responsabilité sociale et écologique des entreprises, une meilleure application du respect des droits de l’homme et enfin une minimisation des conflits entre affaires économiques extérieures et droits de l’homme. En ne récoltant que 95 voix contre 97, l’opposition émanant principalement des membres de l’UDC, du PBD et du PLR n’a pas réussi à faire pencher la balance [8].
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Rapport sur la politique extérieure
Au début de l’année sous revue, le Conseil fédéral a présenté son rapport de politique étrangère 2011. Le rapport relate premièrement les bouleversements du printemps arabe qui ont amené la Suisse à accroître son engagement en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Si la commission a déploré la passivité de la communauté internationale et de la Suisse avant le commencement des mouvements révolutionnaires, elle se montre satisfaite de l’engagement helvétique notamment en matière d’aide humanitaire, de lutte contre la pauvreté et de soutien au développement démocratique et économique. En commission, la discussion autour du printemps arabe a mis en lumière deux préoccupations: l’afflux migratoire et le futur de l’approvisionnement énergétique. Concernant la politique européenne, le rapport gouvernemental a mentionné l’impact de la crise de la dette et de la politique migratoire commune sur la Suisse. La discussion au parlement a également abordé le futur des accords bilatéraux, qui, selon l’UE, auraient atteint leurs limites. Cette nouvelle position de Bruxelles a ainsi ralenti les négociations dans divers domaines, tels l’agriculture, l’électricité, la sécurité des aliments et la santé publique. Au niveau mondial, l’année 2011 a permis à la Suisse de renforcer ses relations avec les grandes puissances émergentes, notamment l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde, la Russie et la Chine. Le rapport fait également mention des pressions exercées sur le secret bancaire suisse ainsi que sur le secteur financier au cours de l’année sous revue. Enfin, la tradition humanitaire suisse, soit son engagement contre les conflits violents, son rôle de médiateur et son aide humanitaire particulièrement sollicitée au Japon et au Maghreb en 2011, a été maintes fois saluée par les parlementaires. Au final, les deux chambres ont pris acte du rapport [9].
Au mois de mai, la Suisse a participé à l’Expo internationale de Yeosu en Corée du Sud. Le pavillon Suisse a connu un beau succès en valorisant les montagnes et les réserves d’eau suisses et particulièrement en exposant un morceau de glacier du Mont Rose. Le président du Conseil national Hansjörg Walter (udc, TG) s’est aussi rendu sur place afin de célébrer le jubilaire des relations entre la Corée du Sud et la Suisse [10].
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Suisses de l’étranger
En février, la statistique des Suisses de l’étranger a recensé 703 640 citoyens suisses vivant dans un autre pays. Ce nombre représente environ 10% de la population suisse. La progression 2011 (+1,23%) se situe principalement en Asie (+ 4,49%) [11].
En début d’année, les commissions des institutions politiques des deux chambres ont donné suite à l’initiative parlementaire Lombardi (pdc, TI) qui réclame la création d’une loi pour les Suisses de l’étranger. Les deux commissions ont déploré les dispositions légales actuelles qui sont dispersées dans pas moins de douze lois et ordonnances fédérales. La création d’une base légale uniforme et la mise en place d’une stratégie globale envers les Suisses de l’étranger ont donc été reconnues comme nécessaires par les deux commissions [12].
Lors de la tenue du Conseil des Suisses de l’étranger, les expatriés ont adopté à l’unanimité une résolution demandant à bénéficier des mêmes conditions que leurs compatriotes restés au pays dans les établissements bancaires. Suite au désaccord fiscal avec les Etats-Unis, certaines banques refusent de traiter avec ces clients. Cependant, en réponse à une question de Luzi Stamm (udc, AG), le Conseil fédéral avait déjà pris position sur ce dossier déclarant que les banques étaient libres dans leurs pratiques commerciales [13].
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Droits populaires en politique étrangère
L’année sous revue a été marquée par la votation sur l’initiative concernant les droits populaires en matière de traités internationaux déposée par l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN). Placée sous le slogan « La parole au peuple !», l’initiative demande que le droit de référendum obligatoire soit étendu aux traités internationaux. En effet, la législation suisse prévoit que les traités internationaux soient soumis au référendum facultatif ou qu’ils ne soient pas soumis au peuple si une loi autorise déjà le Conseil fédéral à les conclure lui-même. Le Conseil fédéral a lancé sa campagne au mois de mars, soit trois mois avant la votation. Epaulé par la quasi-totalité des partis et des organisations économiques, le gouvernement a fait valoir un argument financier en notant que l’acceptation de l’initiative générerait 30% de votations en plus. Le chiffrage de cette augmentation a généré des débats sur un plan purement juridiques. En effet, le texte de l’ASIN prévoit que les traités internationaux « importants » soient soumis au peuple, une qualification qui laisse place à une large marge d’interprétation. Critiquée pour son faible engagement lors de la campagne contre les minarets ou le renvoi des délinquants étrangers, economiesuisse a débloqué d’importants moyens pour cette campagne. Les raisons de cet engagement relèvent principalement de la peur de voir le Conseil fédéral affaibli lors de la conclusion d’accords économiques internationaux. Les initiants ont reçu un soutien attendu de l’UDC, ainsi qu’un soutien plus imprévu de petites formations régionales de gauche. Cette position s’explique par le refus de ces groupements de voir imposer au peuple un diktat des grandes organisations économiques. Le 15 juin de l’année sous revue, soit deux jours avant la votation, l’ASIN a clairement donné corps à sa position en lançant trois référendums contre les accords fiscaux avec l’Allemagne, l’Autriche et la Grande-Bretagne adoptés quelques heures auparavant par le parlement. Les référendums n’aboutiront cependant pas pour quelques milliers de signatures.
Le peuple suisse s’est exprimé à 75.3% contre l’initiative. Les cantons les plus sceptiques se retrouvent du côté romand, notamment Neuchâtel (17.6%), Vaud (17.6%) et Jura (18.2%). Les initiants ont séduit principalement au Tessin (38.4%), à Schwyz (34.0%) et à Schaffhouse (33.3%), où ils ont dépassé les 30%. Selon l’analyse VOX, les bulletins déposés dans l’urne par les votants ont reflété les positions prises par les partis. En effet, 83% des membres du PLR, 87% du PDC et 90% du PS ont refusé l’initiative. Les sympathisants UDC ont quant à eux suivi les consignes de leur parti à 67%. L’ASIN a également reçu un soutien principalement jeune puisque 47% des 18-29 ans ont soutenu l’initiative. L’argument qui a principalement fait mouche chez les 24.7% soutenant l’initiative a été la volonté d’avoir un droit de regard sur les traités internationaux. Dans le camp opposé, c’est la trop grande sollicitation démocratique qui a convaincu. L’analyse VOX a également noté que les opposants au texte exprimaient en général une plus grande confiance envers le gouvernement [14].
Initiative populaire „Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère“
Votation du 17 juin 2012

Participation: 37.8%
Oui: 480 173 (24.7%) / cantons: 0
Non: 1 462 659 (75.3%) / cantons: 20 6/2

Mots d’ordre:
Oui: UDC ; ASIN.
Non: PLR, PDC, PS, PEV, PCS, PES, PEL, PBD, eco, SGV, SGB, TravS.
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Place financière
L’année sous revue a été marquée par une pression croissante sur le secret bancaire provenant notamment des Etats-Unis et de l’UE. Ces questions sont traitées dans les sous-chapitres « EU et Relations Bilatérales ». Leur aspect technique est également discuté dans la partie I, 4b (Geld, Währung und Kredit).
Au cours de l’année sous revue, la Suisse a conclu ou modifié de nombreux accords de double-imposition (CDI). Les détails de ces accords se trouvent dans le sous-chapitre « Relations Bilatérales ».
 
[1] LT, 12.1.12; 24H, 12.1.12.
[2] Communiqué du DFAE du 2.3.12; Lib, 3.3.12; LT, 10.10.12; APS 2010, p. 73s.
[3] Po. 12.3002: BO CE, 2012, p. 82.
[4] Mo. 12.3012: BO CN, 2012, p. 847s.; BO CE, 2012, p. 921; Iv. Pa. 08.417: BO CN, 2012, p. 847s.; BO CE, 2012, p. 921; APS 2009, p. 30; APS 2010, p.34.
[5] LT, 7.8.12.
[6] MCF 12.055: FF, 2012, p. 5035ss.; BO CN, 2012, p. 1463ss.; BO CE, 2012, p. 942ss.; cf. supra part I, 1a (Grundsatzfragen).
[7] MCF 12.064: FF, 2012, p. 6959ss., 6991s.; Communiqué de presse de la CIP-CN du 16.11.12.
[8] Po. 12.3503: BO CN, 2012, p. 1793.
[9] MCF 12.014: FF, 2012, p. 2677ss.; BO CN, 2012, p.172ss.; BO CE, 2012, p.134ss.
[10] Communiqué du DFAE du 14.5.12 et 21.5.12.
[11] Communiqué du DFAE du 17.2.12.
[12] Iv. Pa. 11.446: Communiqué de presse de la CIP CE du 13.1.12; Communiqué de presse de la CIP-CN du 24.2.12.
[13] TG, 26.3.12.
[14] LT, 20.3., 21.3. et 19.6.12; NF, 22.5.12; 24H, 16.6.12; NZZ, 18.06.12; LM, 03.10.12; cf. Lit. Milic et Vatter; APS 2011, p. 137s.; cf. supra part I, 1c (Volksrechte)