Année politique Suisse 1968 : Grundlagen der Staatsordnung / Rechtsordnung
 
Droits fondamentales
La protection de la liberté et des droits des citoyens a été au centre des préoccupations législatives de 1968, sans pourtant que le rapport sur les « grandes lignes » ne lui accorde une importance prépondérante [30]. Les différents projets approuvés par les Chambres au cours de l'année étaient, il est vrai, pendants depuis plus longtemps. Par ailleurs, le débat consacré dans la presse et dans les milieux politiques à l'adhésion éventuelle de la Suisse, sous réserves, à la Convention européenne des droits de l'homme, a pris une nouvelle ampleur, dès que fut connu le revirement d'attitude survenu au sein du Conseil fédéral en faveur d'une signature [31]. 1968, vingtième anniversaire de la Déclaration universelle adoptée par les Nations Unies, avait été proclamée Année des droits de l'homme, et ce revirement officiel n'est donc pas sans rapports avec des considérations de politique étrangère [32]. Après que M. Spühler eut annoncé que le Conseil fédéral se préoccupait de la question [33], ce dernier adressa aux Chambres un rapport recommandant l'adhésion avec des réserves touchant au suffrage féminin, aux articles d'exception de la Constitution, à l'internement administratif, sans jugement, pratiqué dans certains cantons, pour ne citer que les plus importantes [34]. La ratification entrainerait l'introduction dans le droit suisse de normes nouvelles, compatibles avec lés principes qu'il défend; elle devrait, selon les autorités, stimuler les réformes nécessaires; elle procurerait enfin aux citoyens des voies juridiques supplémentaires pour faire valoir leurs droits. L'opposition à la signature a cependant été très vive, et notamment dans les milieux féministes, qui craignent qu'une signature avec réserves n'endorme la volonté de réformes au lieu de la stimuler [35]. Les partisans de la signature ont jugé que ce problème tactique pouvait être résolu par l'engagement moral que prendraient les autorités de tout mettre en oeuvre pour lever les réserves aussi vite que possible, mais ont invité le Conseil fédéral à hâter les révisions [36].
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Droit de vote
La cause du suffrage féminin n'a pas fait de grands progrès sur le plan fédéral, malgré la position ferme du Conseil fédéral sur le principe de son introduction. On a préféré continuer à attendre le résultat de l'évolution sur le plan cantonal [37]. Une motion Tanner (ind., ZH), invitant le Conseil fédéral à préparer un nouveau projet, déposée le 4 juin, n'avait pas encore été discutée au Conseil national à la fin de l'année [38]. Sur le plan cantonal, Vaud, Genève, Neuchâtel et Bâle-Ville ont été rejoints par Bâle-Campagne qui a accordé aux femmes les droits de vote et d'éligibilité en matière cantonale [39]. Berne a, pour sa part, introduit le suffrage féminin facultatif en matière communale; à fin 1968, plus du tiers des communes avaient déjà fait usage de cette possibilité [40]. Dans les Grisons, où les communes jouissaient déjà de ce droit, Coire a introduit le suffrage féminin, alors qu'une proposition visant à accorder le droit de vote en matière cantonale a été rejetée par le peuple [41]. Le canton de Soleure a pour sa part rejeté deux propositions visant l'une à l'introduction du suffrage féminin cantonal, l'autre à celle du suffrage féminin communal [42].
Rien de concret n'a été entrepris en ce qui concerne les articles d'exception de la Constitution fédérale. Le rapport demandé au professeur Kägi n'a pas été remis [43]. Le Conseil fédéral a réaffirmé sa volonté de réviser la Constitution à cet égard, préalablement à la révision totale; il a été suivi sur ce point par la plupart des orateurs qui se sont exprimés à ce sujet dans le débat sur les « grandes lignes » [44].
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Droit de cité
Le droit de cité, fondement de la nationalité suisse, dépend essentiellement de compétences cantonales. Le Conseil fédéral, soucieux de faciliter l'assimilation des étrangers établis en Suisse, notamment des enfants et des réfugiés, a invité les cantons à se montrer plus souples et plus généreux dans l'octroi de la naturalisation. Une enquête n'a pas donné de résultats très encourageants à cet égard, mais des efforts ont été entrepris ici et là pour alléger les procédures et les taxes [45].
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Protection des données
La protection de la vie privée contre les abus résultant de l'emploi d'appareils de prise de vues, d'enregistrement ou d'écoute a fait l'objet d'une révision du Code pénal, à la suite d'une intervention parlementaire de 1966 [46]. Le projet présenté par le Conseil fédéral a été renforcé par les Chambres qui ont débordé le cadre prévu de la protection du domaine personnel secret pour y introduire des normes plus générales [47]. Une motion Broger (ccs, AI), adoptée par le Conseil national, a en outre demandé que la personnalité soit protégée contre les abus de la presse, par une révision du Code civil [48].
Dans un domaine voisin, celui de la défense des citoyens contre des abus commis par l'Etat et ses organes, plusieurs révisions ont été menées à chef en 1968. La question des écoutes téléphoniques et du respect du secret postal avait beaucoup ' agité l'opinion [49]. Le Conseil fédéral proposa au début de 1968 de restreindre le nombre des autorités habilitées à violer le secret postal, et de le réserver aux organes d'instruction pénale, à l'exclusion du pouvoir politique et de la justice civile; il ne prévit pas d'instance de contrôle même a posteriori [50]. Les propositions d'établir un contrôle furent repoussées par les Chambres; celles-ci restreignirent encore les cas en ne maintenant que la répression et la prévention des crimes, ainsi que des délits contre l'Etat et la défense nationale; elles supprimèrent aussi la compétence directe des commandants de police cantonaux, qui devront passer par leur chef de Département ou un juge d'instruction. Seuls restent ainsi compétents les organes fédéraux d'instruction pénale et de police, les juges d'instruction militaires, les organes cantonaux d'instruction pénale et de surveillance de la police [51].
La loi fédérale sur la procédure administrative et l'extension de la juridiction administrative, proposées aux Chambres en 1965 déjà [52], ont été enfin adoptées après la liquidation de nombreuses divergences. En ce qui concerne la procédure, le Conseil des Etats a fini par admettre le refus de témoigner des journalistes [53]. Dans l'autre projet de loi, la divergence la plus importante a eu trait au statut du Tribunal fédéral des assurances qui, sans être entièrement intégré au Tribunal fédéral, lest devenu une Cour des assurances sociales du Tribunal fédéral, organisée de manière autonome [54].
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F.R.
 
[30] Cf. FF, 1968, I, p. 1224 et 1237 s.
[31] Cf. APS, 1966, p. 13.
[32] Cf. plus bas, p. 40.
[33] Cf. NZZ, 73, 2.2.68; PS, 27, 2.2.68. Voir aussi FF, 1968, I, p. 1226, et l'exposé de M. H. Langenbacher à l'Association suisse pour le suffrage féminin, in Ostschw., 140, 18.6.68.
[34] Cf. FF, 1968, II, p. 1069 ss. Le rapport, très fouillé, contient le texte de la Convention et des protocoles additionnels, ainsi qu'une importante bibliographie. Voir aussi WERNER KÄGI, Die Menschenrechte und ihre Verwirklichung, Aarau 1968 (Faire des droits de l'homme une réalité, Neuchâtel 1968).
[35] Cf. PS, 140, 21.6.68; 179, 7.8.68; 212, 14.9.68; NZZ, 376, 21.6.68; 573, 17.9.68; 592, 25.9.68; 701, 12.11.68; 768, 11.12.68; Tat, 153, 2.7.68; Lb, 152, 2.7.68; 293, 13.12.68; Vr, 16, 2.10.68; 294, 14.12.68; 295, 16.12.68; TdG, 280, 28.11.68; JdG, 282, 2.12.68; Lib., 49, 27.11.68.
[36] Cf. NZZ, 193, 26.3.68; 665, 28.10.68; 710, 15.11.68; GdL, 74, 28.3.68; 86, 11.4.68; 289, 10.12.68.
[37] Cf. FF, 1968, I, p. 1237 s. et Rapp. gest., 1968, p. 187. Voir plus bas, p. 135.
[38] Cf. Dé/ib. Ass. féd., 1968, IV, p. 35. Voir aussi postulat Cevey (rad., VD), ibid., p. 20. Cf. en outre Vr, 25, 1.1.68; Lib., 26, 1.2.68; Lb, 27, 1.2.68; TdG, 113-115, 14.-16.5.68; NZZ, 362, 16.6.68; GdL, 233, 5.10.68.
[39] Votation du 23 Juin 1968: 9374 oui contre 4395 non; cf. BN, 258, 21.6.68; NZ, 285, 24.6.68.
[40] Votation du 18 février 1968; 64.118 oui contre 58.805 non. La forte majorité enregistrée dans les districts du Jura a été décisive. Cf. Bund, 41, 19.2.68; Tw, 41, 19.2.68; TdG, 42, 19.2.68.
[41] Votation du 20 octobre 1968: 8616 oui contre 13.522 non. Cf. NBüZ, 278, 21.10.68. A Coire, votation du 7 avril 1968: 2432 oui contre 2276 non; cf. NBüZ, 92, 8.4.68.
[42] Votation du 18 février 1968. Suffrage cantonal, 14.990 oui contre 20.304 non; suffrage communal, 16.684 oui contre 18.595 non; cf. NZZ, 108, 19.2.68.
[43] Cf. Rapp. gest., 1968, p. 183, et APS, 1966, p. 14.
[44] Cf. FF, 1968, I, p. 1237; Bull. stén. CN, 1968, p. 240 (M. Spühler), p. 246 (P. Graber, soc., VD), p. 249 (K. Furgler, ccs, SG), p. 257 (O. Reverdin, lib., GE), p. 260 (J. Schwarzenbach, ZH), p. 273 (P. Schmitt, rad., GE); Bull. stén. CE, 1968, p. 169 (A. Lusser, ccs, ZG).
[45] Cf. FF, 1968, I, p. 1233; Rapp. gest., 1968, p. 154 s.; NZ, 40, 25.1.68; NZZ, 155, 10.3.68; 622, 9.10.68; Bund, 209, 6.9.68; GdL, 235, 8.10.68, ainsi que plus bas, p. 103 ss. Ce sont essentiellement les milieux conservateurs chrétiens-sociaux qui ont été les plus actifs à ce sujet.
[46] Postulat Müller (ccs, LU), cf. APS, 1966, p. 14.
[47] Cf. FF, 1968, I, p.609 ss.; II, p. 1258 ss.; Bull. stén. CN, 1968, p. 335 ss., 629 ss., 669, 689; Bull. stén. CE, 1968, p. 185 ss., 299 ss., 375, ainsi que NZZ, 136, 1.3.68; 155, 10.3.68; 254, 25.4.68; 305, 19.5.68; 537, 1.9.68; GdL, 51, 1.3.68; Lib., 53, 4.3.68.
[48] Cf. Bull. stén. CN, 1968, p. 616 ss., et plus bas, p. 133.
[49] Cf. APS, 1966, p. 14; 1967, p. 17.
[50] Cf. FF, 1968, 1, p. 411 ss., ainsi que JdG, 43, 21.2.68; GdL, 59, 11.3.68; NZZ, 114, 21.2.68; NZ, 87, 21.2.68; 139, 24.3.68; Bund, 48, 27.2.68; Lb, 79, 3.4.68.
[51] Cf. FF, 1968, II, p. 1281 ss.; Bull. stén. CN, 1968, p. 346 ss.; 546 s.; 659 s.; 689; Bull. stén. CE, 1968, p. 208 ss.; 260 s.; 375.
[52] Cf. FF, 1965, II, p. 1301 ss. et 1383 ss., ainsi que APS, 1965, in ASSP, 6/1966, p. 145; APS, 1966, p. 13; 1967, p. 18.
[53] Cf. plus bas, p. 132 s.
[54] Procédure administrative, cf. FF, 1968, II, p. 1236 ss.; Bull. stén. CN, 1968, p. 314 ss., 611 ss., 668 et 689; Bull. stén. CE, 1968, p. 194 ss., 289 ss. et 375. Juridiction administrative (organisation judiciaire), cf. FF, 1968, II, p. 1215 ss.; Bull. stén. CN, 1968, p. 324 ss., 614 ss., 689; Bull. stén. CE, 1968, p. 202 ss., 290 ss., 374. Voir aussi GdL, 29, 5.2.68; NZZ, 47, 23.1.68; Ostschw., 232, 5.10.68. Une proposition touchant au droit d'asile a été rejetée par le CN, cf. plus bas, p. 43.