Année politique Suisse 1989 : Bildung, Kultur und Medien / Bildung und Forschung
Ecoles obligatoires
Les effectifs actuels des différents degrés de l'enseignement reflètent l'évolution démographique de la société suisse des deux dernières décennies. Si ceux du degré tertiaire (universités, écoles polytechniques) connaissent un fort accroissement, car fréquentés par les personnes nées durant le baby-boom des années soixante, ceux du degré secondaire I stagnent ou sont en léger recul puisque leurs élèves sont les adolescents venus au monde durant la période de dénatalité caractérisant le début des années septante. Par contre, ils sont en reprise dans les écoles enfantines et les premiers degrés du primaire, suivis par les enfants nés depuis 1978. Corollaire de cette situation, certains cantons sont actuellement confrontés à une pénurie d'enseignants
[1]. Afin de palier à ces manques ou de les prévenir, certains procèdent à des réformes tant de la formation des maîtres que de la structuration de leurs écoles. Ainsi, la réduction de la semaine scolaire et la répartition entre degrés primaire et secondaire sont d'actualité. Une énumération complète des politiques cantonales dans le domaine de l'enseignement est disponible, dans cet ouvrage, dans la part. II, chapitres 6a, b, c et d.
Après les votations zurichoise et thurgovienne de l'an passé, ayant conduit à l'acceptation de l'enseignement précoce du français, le résultat du scrutin populaire
saint-gallois était attendu avec impatience. Par 63 213 non contre 39 586 oui, le souverain du canton de Saint-Gall a refusé l'initiative «Pour une école primaire sans enseignement d'une langue étrangère». Alors que les partisans de l'initiative – se recrutant principalement dans les rangs des enseignants (Association cantonale, Conférence des écoles secondaires) et de l'AdI – invoquèrent la surcharge scolaire des enfants, ses adversaires – réunissant le gouvernement et le parlement cantonaux, le PDC, le PRD et le PS – arguèrent de l'amélioration des capacités de communication entre les générations et du climat politique entre les différentes régions linguistiques. Ils firent également part de leur crainte.d'un isolement langagier après les décisions de leurs voisins zurichois et thurgovien
[2]. Cette inquiétude a par ailleurs été partagée par le canton de
Schaffhouse puisque le parlement de ce dernier a accepté – malgré l'opposition de l'AdI et d'une partie de l'UDC — le principe de l'introduction du français en cinquième primaire dès la rentrée scolaire de 1992/93. Rappelons qu'en 1985, le législatif cantonal s'était montré fort sceptique quant à cette instruction, les enseignants et les parents lui étant hostiles
[3].
La connotation ludique d'un enseignement étant particulièrement importante dans les premiers degrés primaires, le canton de Schwyz rendra obligatoire l'apprentissage du français en cinquième et sixième primaire dès l'année scolaire 1993/94 mais sans notes, sans devoirs à domicile et sans être une branche de sélection. Ce principe est partagé par le département de l'éducation du canton d'Obwald, qui a élaboré un enseignement basé sur la compréhension orale, la discussion et la lecture, l'écriture n'étant qu'un soutien au processus d'acquisition des connaissances
[4]. Une idée directrice similaire animera l'enseignement précoce du français dans le canton de Bâle-Campagne, tel que proposé, après beaucoup de tergiversations, par le Conseil de l'éducation dans le cadre du nouveau plan d'enseignement pour les écoles primaires. Dès 1990/91, trois à quatre heures de français par semaine pourraient être dispensées aux classes de quatrième et cinquième primaire, sous réserve de l'approbation par le parlement et, peut-être, par le peuple, des crédits y afférants. Il s'agirait là d'un compromis puisque le Conseil souhaitait initialement une telle introduction en troisième année
[5].
A l'heure actuelle, la plupart des cantons alémaniques, sous la probable influence de Zurich et Saint-Gall, se sont prononcés favorablement à l'introduction précoce du français en primaire, à l'exception d'Appenzell Rhodes-Intérieures, dont on attend toujours la décision, d'Argovie, où existe une classe pilote, et des Grisons, caractérisés par un système mixte complexe
[6].
A la totalité de ces choix, propices à une meilleure entente confédérale, a correspondu l'échec, dans le canton de Genève, de l'initiative populaire «Contre la suprématie de l'allemand». Lancée en 1988 par le Rassemblement démocratique genevois (RDG), elle n'a pu recueillir les 10 000 signatures nécessaires pour aboutir
[7].
Dans la plupart des cantons, les horaires scolaires n'ont pas été notablement modifiés depuis de nombreuses années. On leur reproche d'être totalement déphasés par rapport à l'évolution sociétale. Quel que soit le nombre de jours envisagés (5, 4 I/z ou 4), le problème central reste le bien-être de l'enfant et son corollaire, le plan horaire des élèves. La réduction de la durée hebdomadaire de l'enseignement impliquerait une redéfinition des matières enseignées. Mais une telle démarche – tendant à une diminution des disciplines – n'est, aujourd'hui, pas ou peu envisagée.
Dès lors, la modification de l'horaire conduit automatiquement à une nouvelle répartition des leçons, envisageable selon trois axes: le report sur les autres jours scolaires, la suppression de l'après-midi de libre ou le raccourcissement des vacances. Actuellement, la plupart des projets visant à l'introduction de la
semaine de cinq, quatre ou quatre jours et demi s'oriente vers la première ou la troisième solution. Cependant, la décision d'une telle restructuration est délicate, tant les arguments des partisans et des opposants, que ce soit du point de vue familial, scolaire ou pédagogique, sont pertinents. Une vie où les temps de liberté des uns et des autres sont harmonisés, où les pères peuvent également profiter de leurs enfants qui, eux, peuvent vraiment et pleinement «décompresser» ainsi que l'adaptation de l'école au rythme professionnel parlent en faveur d'une redéfinition des horaires. Mais un stress scolaire accru – notamment dans les degrés supérieurs – pénalisant particulièrement les élèves les plus faibles, la marginalisation croissante des disciplines artistiques, environnementales et religieuses ainsi que des activités extra-scolaires, la suppression des possibilités de rencontre parents-enseignants et l'abandon à eux-mêmes des enfants ne disposant pas d'une cellule familiale «traditionnelle» parlent en sa défaveur
[8].
Néanmoins, plusieurs cantons se sont lancés dans de tels projets. Dans le canton de Schaffhouse, les autorités se sont prononcées contre la semaine de cinq jours. Le gouvernement du canton de Zurich a conseillé de rejeter l'initiative populaire «Pour une semaine de cinq jours dans les écoles primaires et secondaires», déposée en septembre 1987. S'il ne refuse pas le principe en tant que tel, il s'oppose par contre à son introduction générale rapide. Le gouvernement cantonal argovien a également rejeté l'initiative populaire en faveur du samedi sans école, lancée en 1988 par une association de parents
[9].
Le Conseil d'Etat valaisan, sous réserve de l'approbation du législatif, a décidé d'introduire la semaine de quatre jours et demi dans les écoles du canton. Les milieux enseignants se sont montrés favorables à ce projet, sous réserve de ses conditions d'application qui ne devront pas porter préjudice à la qualité de l'instruction. Il en va de même pour les associations de parents et la plupart des milieux politiques. Afin de compenser cette mesure, l'année scolaire sera rallongée de deux semaines
[10]. Dans le canton de Genève, le projet visant à supprimer les cours un samedi sur deux, introduisant ainsi une semaine de quatre jours, a rencontré l'assentiment des milieux enseignants, néanmoins lié à un réel allégement des programmes. Par contre, les parents d'élèves lui sont hostiles et lui préféreraient des congés le mercredi après-midi et le samedi
[11].
La bataille autour de la répartition des années d'étude entre secteurs primaire et secondaire s'est poursuivie dans le canton de
Berne. En discussion depuis plus de quinze ans, elle pourrait néanmoins s'achever en 1990. Si le parlement bernois s'est prononcé, en seconde lecture, en faveur du modèle scolaire 6/3 (six ans de primaire, trois ans de secondaire) — et ce par une majorité de 78 voix contre 77 — il a repoussé la date de la votation populaire, initialement prévue en automne 1989, au printemps 1990. La raison de cette décision est à rechercher dans une demande de clarification du législatif concernant les méthodes de sélection en secondaire. Le décret du gouvernement stipule ainsi que les cinquième et sixième années seront des degrés d'observation où, par le biais d'une différenciation interne de l'enseignement, les capacités scolaires, les intérêts et les besoins de chaque élève devront être découverts et pris en compte. Ainsi, à la fin de la sixième année, un jugement d'ensemble pourra être émis par les enseignants, en collaboration avec les parents, et permettra tant le passage que l'orientation dans le secondaire sans examen ponctuel
[12].
La nouvelle
loi scolaire jurassienne suscitera de notables modifications du système d'enseignement si elle est adoptée par le parlement en 1990. Ainsi, elle supprimera le clivage entre écoles primaires et secondaires puisqu'elle introduira le modèle 6/3. Tous les élèves passeront six années en primaire puis trois en secondaire où les cours seront à option et à niveau. Par ailleurs, les enseignants ne seront plus ni élus par les citoyens ni soumis à réélection tous les six ans. De surcroît, les parents seront associés à la vie scolaire
[13]. En consultation, toutes les forces politiques ainsi qu'une très large majorité des organismes interrogés ont approuvé le modèle 6/3, bien que d'aucuns estiment que cette réforme provoquera un nivellement par le bas. Deux points ont cependant été controversés. Les milieux autres qu'enseignants ont refusé d'abandonner l'élection des maîtres au profit d'une nomination définitive par les commissions scolaires. Les cercles enseignants, en revanche, se sont inquiétés à propos de la participation plus intensive des parents. S'ils ont dénoncé le risque d'un interventionnisme partial, ils ont également revendiqué le maintien d'une délégation de confiance et.de compétence
[14].
Durant une quinzaine d'années, la Suisse a connu une situation de «trop de maîtres, pas assez d'élèves». Aujourd'hui, selon une enquête de l'Association suisse des enseignants, la tendance s'inverse. Dans les prochaines années, plusieurs cantons – dont Argovie, Lucerne, Soleure, Vaud et Zurich – connaîtront une
pénurie d'enseignants primaires. Actuellement, la situation est déjà particulièrement tendue dans le canton de Zurich où, pour l'année scolaire 1989/90, cinquante postes n'étaient pas pourvus en juillet. En raison de la haute conjoncture économique, la profession d'enseignant a perdu de son attraction, notamment au niveau de sa rémunération. Pour pallier à ces déficits ou afin de les prévenir, plusieurs cantons ont pris un certain nombre de mesures, améliorant les salaires, les conditions sociales, les possibilités de formation continue et revalorisant le statut de l'enseignant. Par exemple, Zurich a développé des cours de réinsertion professionnelle, a élargi les lieux géographiques de recrutement en reconnaissant les diplômes d'enseignement d'autres cantons et pratique le dédoublement des postes. La Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) a cependant minimisé la situation en spécifiant que si l'on pouvait observer sectoriellement des carences, il existait aussi des degrés où il y a suffisamment, voire trop, de professeurs
[15].
L'avant-projet vaudois de loi sur la formation des maîtres innove dans deux domaines. Tout d'abord, il crée une section secondaire à l'Ecole normale. Ensuite, il institue une politique d'éducation permanente. Un concept de formation continue est adjoint aux recyclages obligatoires. Les réactions ont été positives chez les enseignants primaires et secondaires, pour qui les possibilités d'avancement sont réelles. Par contre, elles ont été négatives chez les enseignants licenciés universitaires, auxquels la loi n'offre rien, ainsi que dans les rangs du parti libéral, lui reprochant de proposer des conceptions de formation dépassées
[16].
Dans le cadre de la seconde révision partielle de la loi 'sur l'instruction publique, trois voies de formation sont envisagées dans le canton du Valais. Premièrement, l'Ecole normale prolongée: six ans afin d'obtenir une maturité de type D (langues modernes) et une année de pratique. Deuxièmement, l'Ecole normale supérieure consistant en l'obtention d'une maturité en cinq ans et deux ans de formation pédagogique et pratique. Troisièmement, une amélioration de l'Ecole normale actuelle instituant un accès facilité aux hautes écoles mais n'étant pas subordonnée à l'acquisition d'une maturité. En consultation, cette dernière solution a été soutenue par le Haut-Valais (qui l'avait d'ailleurs proposée) alors que le Valais romand s'est prononcé en faveur des deux premières, plus particulièrement en faveur de la seconde voie, dite fractionnée. Les deux positions semblant difficilement conciliables, un compromis pourrait résider dans la coexistence de deux types de formation
[17].
Le peuple du canton de Bâle-Campagne a refusé, par près de 70% des voix, une initiative – lancée par un petit comité composé de politiciens de droite – visant à octroyer au souverain un droit d'intervention dans le temps horaire hebdomadaire d'enseignement des maîtres. La majorité du parlement cantonal ainsi que le gouvernement s'étaient opposés à ce texte qui, non seulement niait la confiance mise dans le corps professoral, mais était aussi contraire au principe de l'égalité de traitement
[18].
Après trois ans de travaux préparatoires, la Conférence des associations suisses d'enseignants (KOSLO) et l'Association suisse des enseignants (SLV) ont fusionné sous le nom de «Schweizer Lehrerinnen und Lehrer» (LCH). Les buts de la nouvelle organisation sont multiples, tels que la revalorisation de l'image générale des enseignants, l'encouragement de l'autonomie des écoles locales, la reconnaissance inter-cantonale des diplômes d'enseignement ainsi que la réduction du temps de travail. Tant les Romands que les Tessinois sont absents de ce nouvel organisme, par crainte d'une prédominance alémanique peut-être, mais aussi en raison de la non-acceptation de membres collectifs dans la nouvelle association
[19].
[1] OFS, Annuaire statistique de la Suisse 1990, p. 288 et 291.
[2] SGT, 1.5., 17.5., 23.5. et 5.6.89. Cf. aussi APS 1988, p. 224 ss.
[4] LNN, 24.1.89 (OW); Var., 2.6.89 (SZ).
[5] BaZ, 12.7. et 27.10.89. Cf. aussi APS 1988, p. 226.
[6] Bund, 28.6.89. Cf aussi APS 1988, p. 225.
[7] JdG et Suisse du 12.4.89. Cf. aussi supra, part. I , 1d (Beziehungen zwischen Bund und Kantonen).
[8] Pour une énumération de quelques-uns des arguments en la matière, cf. APS 1988, p. 226 s.
[9] SH : NZZ, 1.12.89. ZH : NZZ, 9.3.89 ; TA, 19.8.89; cf. aussi APS 1988, p. 226. AG: AT, 5.9.89.
[10] NF, 9.9.89; Lib., 22.9.89.
[11] Suisse, 7.12., 12.12. et 14.12.89.
[12] Bund, 28.3., 11.8. et 8.11.89; BZ, 28.3., 24.5., 26.5. et 6.7.89; TW, 26.5.89. Cf. aussi APS 1988, p. 228.
[14] Dém., 25.1. et 27.6.89; Suisse, 27.6.89; JdG, 21.12.89.
[15] Bund, 1.7.89; BZ, 3.7.89; TA, 12.7.89.
[17] NF et Lib., 22.9.89.
[18] NZZ, 22.2.89; BaZ, 25.2. et 6.3.89.
[19] NZZ, 11.12.89; Lib., 22.12.89.
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