Année politique Suisse 2000 : Infrastruktur und Lebensraum / Energie
Energie nucléaire
La validité de l'arrêté fédéral de 1978 concernant la loi sur l'énergie atomique (AF/LEA) était fixée jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur l'énergie atomique, limitée au plus tard en fin de l'année 2000. Elle aurait dû être mise en vigueur avant cette échéance, mais diverses circonstances (initiatives populaires, Tchernobyl) ont causé des retards répétés dans son élaboration. Devant cette échéance et celle de l'expiration en septembre du moratoire nucléaire inscrit dans la Constitution fédérale, le Conseil fédéral a approuvé l'avant-projet de loi sur l'énergie nucléaire (LENu) et a ouvert sa consultation au printemps. Il entendait soumettre son message, une fois approuvé, au parlement au printemps 2001, en même temps que celui sur les
deux initiatives populaires "Sortir du nucléaire" et
"Moratoire plus", déposées en 1999. L'avant-projet de loi sur l'énergie nucléaire a laissé ouvert la question de la durée d'exploitation des centrales nucléaires existantes (période à durée limitée ou illimitée). Le Conseil fédéral proposait aussi l'interdiction de retraitement des assemblages combustibles usés et du transport par voie aérienne de matières nucléaires contenant du plutonium. Il voulait de plus soumettre l'autorisation de nouvelles installations nucléaires au référendum facultatif
[16].
Comme le débat parlementaire sur la LENu et celui sur les initiatives risquaient de prendre du temps, le Conseil fédéral a demandé au parlement de reprendre et prolonger une nouvelle fois de 10 ans sans changement de contenu la validité de l'AF/LEA, soit jusqu'à la fin 2010. Cette proposition a été acceptée par le parlement. La question d'une limitation de la
durée d'exploitation des centrales a été la plus controversée. Les partis bourgeois (PRD, PDC, UDC, PL), 16 cantons, ainsi que les pro atomiques et le lobby de l'électricité s'y sont opposés. Le PS, les Verts et les associations écologiques se sont exprimés en faveur d'une durée d'exploitation limitée avec des délais allant de 30 à 60 ans. D'autres milieux ont préconisé une limitation avec prolongation possible de l'autorisation d'exploiter et référendum facultatif, une proposition de compromis lancée dans le débat par le chef du DETEC. La proposition d'interdire le retraitement a été rejetée par les partisans de l'atome et les partis bourgeois. La solution de couvrir les coûts de la désaffectation et de la gestion des déchets par des versements complémentaires obligatoires (sorte de responsabilité solidaire des sociétés exploitantes pour assumer les coûts) a été acceptée majoritairement. Au sujet du modèle d'évacuation des déchets (modèle du dépôt géologique en profondeur et pendant une longue durée récupérable), il a été approuvé majoritairement. Ce modèle avait été proposé par un groupe d'experts (voir infra). Concernant la proposition d'autorisation générale d'exploitation du nucléaire assortie de la possibilité d'un référendum facultatif, elle a été approuvée majoritairement
[17].
Tirant les conclusions de la consultation de la LENu,
le Conseil fédéral a pris la décision de principe que l'exploitation des centrales nucléaires suisses ne devait pas être limitée dans le temps. Les cinq centrales pourront donc continuer de fonctionner aussi longtemps que leur sécurité sera assurée selon les critères de la Division principale de la sécurité des installations nucléaires (DSN). Dans sa réflexion, le gouvernement a considéré que la limitation à une durée inférieure à ce que la technique actuelle paraît autoriser entraînerait d'importantes pertes pour l'économie générale. De plus, selon lui, la décision de ne pas fixer de date contribuait à réduire la gravité du problème du CO2, donnant à la Suisse plus de chances de réaliser les mesures fixées dans le protocole de Kyoto et plus de temps pour développer les énergies de substitution. Par ailleurs, il a considéré que le refus populaires des taxes énergétiques du 24 septembre signifiait une acceptation de facto de la poursuite du nucléaire par le peuple. Les contours de la future loi atomique ont octroyé quelques concessions aux écologistes; ainsi la construction de toute nouvelle centrale atomique sera soumise au référendum facultatif. Il y aura aussi un ancrage dans la loi d'un fonds financé par les milieux atomiques pour couvrir les coûts de la gestion des déchets radioactifs. Quant aux déchets en eux-mêmes, la possibilité d'un enfouissement réversible sera introduite (voir infra) et le retraitement du plutonium sera interdit, néanmoins les contrats conclus avec La Hague et Sellafield seront honorés. Le message pour la loi a été prévu pour le début de l'an 2001
[18].
Dans le cadre des traitements de la loi sur le marché de l'électricité, Epiney (pdc,VS) et Maissen (pdc,GR) ont en vain proposé au Conseil des Etats une
taxe qui frapperait le nucléaire. Elle aurait été destinée à couvrir les frais de désaffectation des centrales et le dépôt des déchets. Moritz Leuenberger a rappelé qu'il existait déjà deux fonds pour financer ces tâches. Le Conseil national a ratifié par 92 voix contre 76 une proposition analogue
[19].
Après la procédure de consultation de l'année passée, le Conseil fédéral a mis en vigueur l'ordonnance concernant le
fonds de gestion des déchets radioactifs provenant des centrales nucléaires. Dès 2001, les exploitants ont l'obligation de verser des contributions annuelles au fonds
[20].
Entre l'usine de retraitement de La Hague (F) et la Suisse, les
transports d'éléments combustibles usés ont pu être effectué normalement. A cause de problèmes de sécurité dans l'installation de retraitement de Sellafield (GB), la DSN a interdit tout transport vers l'Angleterre et attendait une prise de décision de l'autorité britannique de sécurité NII pour permettre de nouveaux transports. La DSN a maintenu son interdiction d'exportation de déchets en Russie. Concernant tous ces transports d'atome hors de Suisse, Greenpeace a protesté en organisant un sit-in et en attaquant l'OFEN par le biais d'un rapport
[21].
En juin 1999, Moritz Leuenberger avait créé le groupe d'experts EKRA afin de comparer les différents modèles de gestion des déchets radioactifs (stockage final géologique, entreposage à long terme contrôlé et récupérable et stockage intermédiaire) et de proposer des démarches à adopter. Le rapport et le modèle proposés par le groupe EKRA étaient prévus pour s’inscrire dans la loi sur l’énergie nucléaire (LENu). Les travaux de l’EKRA, rendus publics en février, recommandaient un
modèle de stockage géologique durable associant le stockage final à la possibilité de récupérer les déchets: les objectifs sous-jacents étaient, d’une part, de garantir la sécurité de l’être humain et de l’environnement et, d'autre part, de laisser la liberté aux générations futures de décider de fermer le dépôt ou d'en maintenir l'accès grâce à la réversibilité. L'EKRA a toutefois souligné la précarité de faire des prévisions sur 100 000 ans. Le modèle proposé par l'EKRA prévoyait en plus du dépôt principal l'aménagement d'un dépôt test et d'un dépôt pilote, soumis à une phase d'observation prolongée. Au niveau du site type, l'EKRA concluait que
Wellenberg (NW) satisfaisait aux exigences du stockage final géologique aussi bien qu'à celles du stockage géologique durable contrôlé. Pour l'EKRA, les options de stockage à l'étranger ne constituaient pas une alternative à la solution du problème en Suisse. Ainsi d'après eux, il convenait de poursuivre le programme lié aux déchets nucléaires avec le modèle du Wellenberg actualisé comme point de départ
[22].
En mars 2000, le Conseiller fédéral Leuenberger s'est entretenu avec une délégation du gouvernement de Nidwald afin de définir les démarches à entreprendre en vue de créer un dépôt pour les déchets faiblement et moyennement radioactifs au
Wellenberg. Il a été décidé de déterminer au moyen d'une galerie de sondage les résultats obtenus et l'opportunité de principe d'implanter le dépôt au Wellenberg. Malgré l'opposition des associations locales, Moritz Leuenberger a confirmé sa volonté de poursuivre le projet Wellenberg
[23].
Etudiant la demande d'étude de forage et de dépôt, les autorités nidwaldienne, sous conseil d'experts, ont jugé qu'elle remplissait les conditions et était donc de facto recevable. La votation était prévue pour l'automne 2001. C'est la deuxième fois après le non de 1995 que le souverain nidwaldien est appelé à
retourner aux urnes sur le thème du dépôt de déchets nucléaires. Les associations écologistes et les stations touristiques ont déjà fait part de leur opposition
[24].
Le dépôt intermédiaire central pour les déchets radioactifs (ZWILAG) de
Würenlingen (AG) a été inauguré en avril. Celui-ci représentait un investissement total de 500 millions financés par les centrales atomiques suisses. Comme aucune objection n'avait été formulée lors de la procédure publique, le Conseil fédéral a pu lui accorder l'autorisation d'exploitation pour les installations de traitement de déchets (installation de conditionnement, d'incinération et de fusion). D'autre part, il a modifié l'ordonnance sur la responsabilité civile en matière nucléaire et a fixé la prime d'assurance du dépôt intermédiaire Würenlingen SA pour la couverture fédérale. Cette assurance a dû être contractée pour couvrir la différence entre la couverture assurée à titre privé (700 millions) et la couverture prescrite par la loi (1 milliard). L'assurance fédérale couvrait en outre les risques que les assureurs privés sont en droit d'exclure (événements naturels, guerre...)
[25].
Le Conseil fédéral a autorisé l'
institut Paul-Scherrer de Würenlingen (PSI) à procéder à la désaffectation (démantèlement et évacuation des déchets) du réacteur de recherche SAPHIR, demandée par le PSI en 1998. Celui a servi dans les études relevant de la science des matériaux, à la production d'isotopes et à la formation professionnelle jusqu'en 1993
[26].
Dans un vote populaire, l'initiative "
Berne sans atome", qui demandait la fermeture de la centrale de
Mülheberg (BE), a été repoussée par à 64% contre 36% de pour, avec une participation de 43%. Seule la ville de Berne s'est prononcée favorablement, ailleurs le non l'a emporté
[27].
[16]
NZZ, 7.3.00. Pour les initiatives voir
APS 1999, p. 175.16
[17]
FF, 2000, p. 1607 ss.;
BO CE, 2000, p. 662 et 722;
BO CN, 2000, p. 796 et 1209;
TA, 3.5.00;
TG, 13.6.00;
SGT, 3.7.00; presse du 3.10.00.17
[18] Presse du 3.10.00.18
[19]
BO CE, 2000, p. 1285 ss.19
[20]
NZZ, 7.3.00. Voir aussi
APS 1999, p. 176 s.20
[21]
NZZ, 6.4, 11.11 et 27.11.00. Voir également
APS 1999, p. 177.21
[23]
NZZ, 30.5 et 19.6.00.23
[24]
NLZ, 25.3.00;
NZZ, 9.6, 21.10 et 20.12.00; presse du 30.10 et 7.12.00;
TA, 30.12.00.24
[25]
NZZ, 21.3.00;
LT, 28.4.00;
AZ 28.4.00. Voir également
APS 1999, p. 178.25
[26]
NZZ, 26.1.00; OFEN, c
ommuniqué de presse, 22.11.00.26
[27]
Bund, 6.4, 22.8 et 25.9.00. Voir également
APS 1999, p. 178.27
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