Année politique Suisse 1989 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Principes directeurs
La politique étrangère suisse se caractérise notamment par une constante préoccupation dans le domaine de la normalisation des différents droits régissant les relations internationales. L'adoption à l'unanimité, par les Chambres, des deux Conventions de Vienne sur le droit des traités et sur ce dernier entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales, traduit la volonté des autorités de développer ce système judiciaire. Cette décision confirme l'une des grandes orientations de la politique étrangère helvétique, à savoir la.construction de la paix par le biais du règlement pacifique des différends. Elaborées sous l'égide des Nations Unies, ces deux conventions poursuivent un même but: la codification du droit international coutumier, particulièrement dans la rédaction et le maniement des traités. Elles règlent la conclusion, l'entrée en vigueur, l'application, l'interprétation, l'amendement et l'extinction de ces derniers. La densité du réseau des relations conventionnelles de la Suisse avec d'autres nations ainsi que ses nombreuses participations à des organismes internationaux rendaient indispensables une telle adhésion
[2].
De même, le Conseil national a accepté, après le Conseil des Etats en 1988, de ratifier les Protocoles à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires. Ces textes visent à empêcher que les membres de la mission diplomatique ou consulaire et les personnes de leur famille n'acquièrent la nationalité de l'Etat accréditaire par le seul effet de sa législation
[3].
En réponse aux postulats Muheim (pdc, UR) de 1984 et Pini (prd, TI) de 1988, le gouvernement présenta, l'an dernier, un rapport sur la politique de paix et de sécurité. Cette dernière comprend l'ensemble des moyens mis en oeuvre en vue d'assurer l'indépendance du pays tels que la politique étrangère, l'armée, la protection civile, les relations économiques extérieures et la protection de l'Etat. Mais elle englobe aussi les efforts visant à édifier un ordre mondial stable et équitable. Pour le Conseil fédéral, la paix se construit donc tant à l'intérieur du pays – le rapport revendique le maintien de la neutralité armée – qu'à l'extérieur
[4].
En cette année de votation sur l'initiative «Pour une Suisse sans armée et une politique globale de paix», le Conseil national a, tout comme l'a fait le Conseil des Etats en 1988, pris connaissance de ce rapport d'actualité, non sans quelques critiques. Ainsi, sa commission des affaires étrangères a-t-elle souligné une certaine superficialité dans quelques thèmes abordés. Si le groupe démocrate-chrétien s'est interrogé sur des points non évoqués par ce texte tels que le processus en cours dans les pays de l'Est, certains conflits régionaux et le terrorisme, les écologistes ont spécifié la préséance de la politique de paix sur celle de défense et la nécessité d'un large consensus populaire dans ce domaine
[5].
Lors de son intervention dans ce débat, René Felber a, d'une part, promis un second rapport sur ce sujet et, d'autre part, annoncé la création, au sein de la direction politique du département fédéral des affaires étrangères (DFAE), d'une division politique III, chargée de traiter les problèmes relatifs à la paix et à la sécurité
[6]. Si, dans son compte rendu, le Conseil fédéral a rejeté l'idée d'un corps mondial permanent pour la paix, il s'est par contre déclaré prêt à soutenir des actions ad hoc dans ce domaine. Appuyé par une motion du député Spielmann (pdt, GE) souhaitant .un accroissement des activités de la Suisse dans le désarmement, le gouvernement s'est résolument engagé dans cette voie, notamment à la demande du secrétaire général de l'ONU, Javier Perez de Cuellar
[7].
Doté d'un statut civil mais structuré militairement, le
Corps sanitaire suisse en Namibie a concrétisé cette intention gouvernementale. Composé de 155 personnes – dont 40 à 50 femmes – et engagé pour une année, il a pour but d'apporter une aide médicale au Groupe d'assistance des Nations Unies pour la période de transition en Namibie. Conjointement mis sur pied par le DFAE et le département militaire fédéral (DMF), sa logistique sanitaire comprend l'installation de quatre cliniques médicales ainsi que la création d'un réseau de transports. Pour ce faire, le gouvernement a débloqué un crédit de 50 millions de francs. Un montant de 32 millions de francs a également été prévu en cas de prolongation éventuelle de l'engagement de ce corps ainsi que pour la surveillance des élections dans ce territoire: En se lançant dans une telle opération, le Conseil fédéral a pris un double risque: politique d'une part, puisque le peuple suisse, dont on connaît la méfiance à l'égard de l'ONU, devait être convaincu de la pertinence d'un tel soutien et physique, d'autre part, pour les volontaires appartenant à cette «Swiss medical unit». La collaboration entre deux départements, les conflits potentiels entre statut civil, engagement humanitaire et structure militaire ainsi que les conditions très dures de la Namibie (situation de guerre, mauvais moyens de communication et de transport, problèmes de matériel) n'ont de surcroît pas facilité, selon le responsable de l'opération au DMF André Huber, le déploiement de l'équipe
[8].
Par ailleurs, dans le cadre de la politique helvétique des bons offices, le Conseil fédéral a mis à disposition de l'ONU 31 observateurs civils pour la surveillance des premières élections libres en novembre 1989 en Namibie; ils devaient en garantir la régularité
[9].
Dans un contexte plus général, le gouvernement a adopté une
ordonnance réglant le statut des observateurs militaires non armés que la Suisse mettra à disposition de l'ONU au plus tard au début de l'année 1990. Cette décision, prise en juin 1988 après bien des hésitations, concerne cinq officiers volontaires qui devront suivre un cours de trois semaines en Finlande. Le moment et le lieu de leurs engagements dépendront des besoins de l'organisation internationale. Ils auront pour tâche de surveiller l'application d'accords de cessez-le-feu ou le retrait de troupes
[10]. Dans ce cadre, le Conseil national a transmis le postulat Ott (ps, BL) demandant la formation de contingents de casques bleus helvétiques
[11].
Le gouvernement a également décidé de prolonger jusqu'à fin 1989 son appui au groupe d'observateurs militaires des Nations Unies en Iran et en Irak, qui se traduit par la mise à disposition d'un avion et de son équipage
[12]. Enfin, le Conseil fédéral a adopté un second train de mesures de soutien à des actions de maintien de la paix, concernant notamment les forces des Nations Unies à Chypre et au Liban. Ces mesures entreront en vigueur en 1990
[13].
Institué en 1988 par René Felber, le groupe de travail chargé de réfléchir sur les
obstacles à l'adhésion de la Suisse à la Communauté européenne (CE) a rendu son rapport. Celui-ci, a priori confidentiel mais connu de la presse, contient quelques points intéressants quant à la neutralité helvétique. D'après ces experts, les raisons qui ont conduit à la neutralité (l'autonomie cantonale en matière de politique extérieure, les tensions confessionnelles et culturelles) tout comme les conditions européennes la justifiant n'existent, dans une large mesure, plus aujourd'hui. Dès lors, «la neutralité ne constitue plus», selon ce rapport, «un obstacle insurmontable à l'entrée de la Suisse dans la Communauté européenne»
[14].
La
redéfinition de la politique de neutralité par rapport à un engagement actif aux niveaux européen et international a été au centre des préoccupations des ministres des affaires étrangères des quatre pays neutres européens (Autriche, Finlande, Suède et Suisse) réunis, pour la première fois, en octobre à Yverdon-les-Bains (VD). Initiée par René Felber lors de son voyage officiel en Suède et en Finlande en mai, cette rencontre répondait aussi aux détracteurs scandinaves de la Suisse, l'accusant d'être timorée et de freiner le processus de renforcement de l'AELE ainsi que les négociations sur l'Espace économique européen (EEE)
[15]. Les ministres ont décidé de coordonner leurs actions en faveur des pays de l'Est dans un contexte de neutralité efficiente et de poursuivre désormais leurs rendez-vous informels. Pour René Felber, il ne s'agit en aucun cas de créer une politique de «bloc» mais de renforcer des liens existants et de dynamiser le concept de neutralité
[16].
[2] FF, 1989, II, p. 697 ss. et III, p. 1624 s.; BO CE, 1989, p. 702 et 846; BO CN, 1989, p. 1275 s. et 2279.
[3] FF, 1987, III, p. 344 ss. et 1990,1, p. 1538 s.; BO CN, 1989, p. 1463.
[4] Cf. APS 1988, p. 60 s. Cf. aussi infra, part I, 3 (Défense nationale et société).
[5] FF, 1989, 1, p. 642 ss.; BO CN, 1989, p. 1258 ss.; BO CE, 1988, p. 786 ss.; presse du 19.9.89.
[6] BO CN, 1989, p. 1270; NZZ, 25.8.89.
[7] Délib. Ass. 1989, V, p. 109; cf. APS 1988, p. 70.
[8] Presse des 4.3. et 2.5.89 (conditions de travail en Namibie); 24 Heures et NZZ, 18.5.89; TA, 24.5. et 26.5.89. Cf. APS 1988, p. 66.
[9] 24 Heures, 18.8.89; JdG, 30.9. et 28.10.89; NZZ, 28.10.89.
[10] 24 Heures et Suisse, 23.3.89.
[11] BO CN, 1989, p. 600.
[13] Rapp.gest. 1989, p. 29 ss.
[14] 24 Heures, 20.10. et 23.10.89; JdG, 21.10.89; Suisse, 25.10.89.
[15] Cf. infra, Europe. Presse du 24.5.89 (voyage de R. Felber); Suisse, 7.6.89. Cf. aussi infra, Visites officielles.
[16] Suisse, 29.10.89; NZZ, 30.10.89.
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