Année politique Suisse 1989 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
 
Energie hydro-électrique
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Débits minimaux
La révision totale de la loi sur la protection des eaux proposée par le Conseil fédéral constitue le contre-projet indirect du gouvernement à l'initiative populaire déposée en 1984. Cette dernière demandait la protection intégrale des cours d'eau encore proches de l'état naturel ainsi que la garantie d'un débit minimal suffisant pour ceux utilisés à des fins de production d'électricité. Estimant ces sollicitations trop extrêmes, le Conseil fédéral les a rejetées, notamment en vertu de la sauvegarde de l'économie hydraulique. Néanmoins, il a été incité à légiférer et a introduit, dans la nouvelle norme fédérale, une obligation quant aux débits minimaux des torrents. Cherchant à réaliser un équilibre entre les intérêts de la nature et ceux de l'économie, ce programme améliore de surcroît la protection des biotopes [34].
Si le Conseil national a, comme le Conseil des Etats, refusé l'initiative et adopté le projet de loi, il a considérablement renforcé la réglementation – issue des débats de la chambre haute – en ce qui concerne les débits minimaux. Dans un premier temps, il a refusé d'entériner un alinéa qui aurait permis aux autorités cantonales de réduire ces débits en certaines circonstances, abondant ainsi dans le sens du Conseil fédéral pour qui ils constituent un minimum absolu. Dans un second temps, la chambre basse a accepté de verser des compensations financières aux cantons et communes abandonnant l'exploitation de l'énergie hydraulique afin de protéger l'environnement et le paysage. Cette sévérité accrue est allée dans le sens désiré notamment par le groupe écologiste, d'ailleurs favorable à l'initiative populaire – comme les indépendants, les évangélistes, les POCH et les socialistes. Les démocrates-chrétiens, les radicaux, les libéraux et les agrariens ont refusé le texte de l'initiative populaire. Cependant, l'ensemble du processus législatif n'est pas encore achevé puisque la phase d'élimination des divergences entre les deux Conseils est en cours [35].
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Barrages
Le Conseil fédéral a refusé de prendre position sur l'extension, très controversée, des installations hydro-électriques du Grimsel (BE). Ce projet, devisé à environ deux milliards de francs et développé par les Forces motrices de l'Oberhasli, vise à augmenter les capacités de stockage de l'actuel lac artificiel. Lors du débat suscité à ce sujet au Conseil national par le postulat Leutenegger Oberholzer (poch, BL) et l'interpellation Bär (pes, BE), ont été évoqués tant l'absurdité de ce développement que son gigantisme technocratique. Si l'UDC le défend, le PES, l'AdI et le PS sont opposés à un tel concept. Ce débat a été, par ailleurs, jugé comme étant trop précoce par Adolf Ogi car les autorités bernoises ne se sont pas encore prononcées de facto au sujet de Super-Grimsel [36]. Néanmoins, deux rapports affirment que le projet n'est pas compatible avec l'environnement et que sa réalisation n'est pas indispensable à l'approvisionnement énergétique du canton et du pays [37].
Le projet Cleuson-Dixence (VS), visant à augmenter la puissance de turbinage de la Grande-Dixence afin d'obtenir une offre énergétique suivant les pointes de consommation, est également contesté. Si le département cantonal valaisan de l'énergie a donné son accord – assorti de conditions telles que la compensation des défrichements et l'aménagement de biotopes – la commune de Bagnes (VS) et le WWF lui sont hostiles. Ce dernier constate notamment les lacunes des études d'impact ainsi que les effets sur le débit du Rhône [38].
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Lignes à haute tension
Si le Conseil fédéral a rejeté le recours du WWF concernant la réalisation de la ligne à haute tension Galmiz (FR)-Verbois (GE), il lui a cependant partiellement donné raison en demandant à la société promotrice EOS (Energie de l'Ouest Suisse SA) d'étudier la mise en câble souterrain des tronçons du parcours affectant la région vaudoise de La Côte. Parmi les adversaires d'une telle mise sous terre figure le canton de Vaud pour qui elle est actuellement irréalisable, tant techniquement qu'économiquement. Pour EOS, appartenant à ces antagonistes, une ligne souterraine n'offrirait pas la même sécurité d'approvisionnement qu'une ligne aérienne et provoquerait, elle aussi, de graves atteintes à l'environnement [39]. Cependant, il leur faudra peut-être tenir compte des résultats de l'initiative cantonale «Pour que Vaud reste beau» lancée en automne par les opposants à ce tronçon. Celle-ci veut obliger le groupe promoteur à enterrer la ligne sur La Côte par le biais de l'inscription des treize sites vaudois concernés dans l'inventaire fédéral des paysages [40].
Le projet Froloo de nouvelle ligne à très haute tension (400 000 Volts) entre Therwil (BL) et l'Alsace suscite une large opposition transfrontalière. Du côté helvétique, elle critique tant la destruction du paysage que l'orientation de la politique énergétique fédérale occasionnant une dépendance accrue face au courant étranger [41].
 
[34] Cf. aussi APS 1988, p. 177 s.
[35] Le CN a rejeté l'initiative populaire par 60 voix contre 37 (BO CN, 1989, p. 932 ss., 1012 ss., 1074 ss. et 1804). A noter qu'en votation finale, l'initiative a été rejetée de façon plus serrée (79 voix contre 69). Le CE l'a rejetée par 37 voix contre 6 (BO CE, 1989, p. 622); FF, 1989, III, p. 859 s.; presse du 29.4.89; 24 Heures, 17.6.89; TA, 23.6.89; RFS, 27.6.89; JdG, 9.9.89. Pour les autres aspects de la loi sur la protection des eaux, cf. supra, part. I, 4c (Politique agricole) et infra, part. I, 6d (Protection des eaux).
[36] En vertu de quoi le postulat Leutenegger Oberholzer a été refusé et l'interpellation Bär renvoyée (BO CN, 1989, p. 382 ss.). Cf. APS 1988, p. 135 s.
[37] Suisse et NZZ du 5.7.89. Etude d'impact effectuée par le Service cantonal bernois de coordination pour la protection de l'environnement; rapport sur le rendement énergétique élaboré par la société Electrowatt.
[38] Lib., 30.3.89; NF, 3.5. et 22.12.89; Suisse, 22.12.89.
[39] 24 Heures et Lib. du 27.1.89.
[40] Suisse, 27.6. et 21.9.89.
[41] BaZ, 1.8.89; SZ, 25.8. et 29.8.89.