Année politique Suisse 1989 : Infrastructure, aménagement, environnement / Protection de l'environnement
Qualité de l'air
Le rapport de l’OFEFP présentant les résultats enregistrés en 1988 par le réseau national de mesure des polluants atmosphériques (NABEL) relatif à la qualité de l'air en Suisse montre une légère amélioration par rapport aux années précédentes mais constate tout de même un taux de pollution trop élevé, justifiant par là la poursuite de la stratégie d'assainissement de l'air qui reste un des points forts de la politique de protection de l'environnement de la Confédération. Les valeurs limites d'émission de
dioxydes d'azote (NO2) furent souvent très fortement dépassées en moyenne annuelle ou à court terme dans certaines villes ou agglomérations, même s'il apparaît malgré tout que les mesures d'assainissement commencent à faire effet. En ce qui concerne l'ozone de basse altitude (formé par l'action du soleil à partir des oxydes d'azote (NOx) et des hydrocarbures (HC)), les valeurs de concentration les plus élevées ont été observées à la campagne. L'importance de cette pollution est restée constante par rapport aux observations antérieures
[17].
Le groupe socialiste déposa une motion – classée par la suite – au Conseil national proposant au Conseil fédéral de réviser l'ordonnance sur la protection de l'air (OPair) aux fins d'attribuer à la Confédération la tâche de planifier la lutte contre les immiscions d'ozone qui relève actuellement des cantons. Le Conseil fédéral répondit que les plans de mesures des cantons sont indispensables car le problème se pose également de façon régionale mais que la Confédération avait toutes les compétences requises pour se battre contre les substances entrant dans la composition de l'ozone de basse altitude (limitation des vitesses ou réduction des gaz d'échappement, par exemple)
[18].
Le début de l'année 1989 a vu se développer sur les villes suisses un important smog. L'absence de vent et le beau temps dû à un anticyclone pratiquement immobile ont maintenu à basse altitude toutes les émanations polluantes telles que, principalement, le dioxyde de soufre (SO2) - provenant des installations de chauffage – et le NO2 – provenant du trafic automobile –. Contrairement aux hivers précédents, c'est le NO2 qui fut la cause majeure de ce smog
[19]. Ceci conduisit à une série de recommandations de la part des autorités, notamment en vue de protéger les personnes sensibles (enfants, personnes âgées)
[20]. A Genève, le Conseil d'Etat avait pris la décision de limiter la circulation des voitures non équipées de catalyseurs (plaques minéralogiques impairs les jours impairs, plaques pairs les jours pairs) si le taux de NO2 se maintenait 3 jours au-dessus de 160 microgrammes/m3, ce qui, de justesse, ne se produisit pas
[21].
L'OPair donnait aux cantons jusqu'au ler mars 1989 pour établir leurs plans de mesures des polluants atmosphériques – basés sur un inventaire, sorte de cadastre des émissions polluantes – qui doivent être ensuite appliqués pour pouvoir réaliser les objectifs fixés, c'est-à-dire respecter les valeurs limites d'immissions à partir du ler mars 1994. Ces plans doivent préciser quels sont les moyens, adaptés aux conditions locales, susceptibles d'y parvenir. Aucun canton n'a livré son projet à temps. F. Cotti, mécontent tout comme les organisations de protection de l'environnement et les partis de gauche, leur demanda d'accélérer leurs travaux, estimant que de tels retards pourraient remettre en question les objectifs de la Confédération
[22].
Malgré que le conseil fédéral ait publié en 1986 son rapport sur «la stratégie de lutte contre la pollution de l'air», les Chambres, en 1987, lui avaient demandé un programme précis sur la manière d'atteindre les buts fixés en la matière (ramener d'ici 1995 les émanations de SO2 à leur niveau de 1950 et celles des NOx et des HC à celui de .1960) et avaient assorti leur demande de 54 suggestions diverses. Dans un
rapport intermédiaire commandé par l’OFEFP, l'entreprise d'ingénieurs-conseils Elektrowatt estimait, fin 1988, que cela ne suffirait pas et s'engageait à étudier des propositions supplémentaires. Au début de l'année 1989, le Conseil fédéral présenta quelques mesures à envisager (abaissement de la teneur en soufre de l'huile de chauffage, introduction d'une taxe d'incitation sur les HC, réduction des pertes par évaporation des carburants etc.) et se réservait la possibilité de dresser un catalogue complet des mesures à prendre une fois qu'il aurait eu connaissance du rapport final d'Elektrowatt
[23].
Cette entreprise présenta une série de mesures drastiques au Conseil fédéral, conditions sine qua non pour retrouver un air aussi pur qu'il y a trois décennies. Parmi celles-ci, figurent une proposition d'augmentation de 30% du prix des carburants et des combustibles fossiles ainsi qu'une série de taxes sur les composés organiques volatils (solvants et vernis), des fixations de valeurs limites plus sévères pour les émissions de NOx et un contingentement des produits énergétiques. Après étude de ce rapport, le Conseil fédéral a arrêté un plan de 27 mesures et dont la décision définitive d'application sera prise au milieu de l'année 1990. Même s'il a renoncé à une taxe sur les énergies fossiles et au contingentement des agents énergétiques, politiquement difficiles à faire accepter, il propose néanmoins plusieurs options importantes: l'introduction de l'écobonus (idée énoncée en 1985 par l'Association suisse des transports (AST)), une taxe supplémentaire pénalisant les poids lourds qui polluent trop ainsi qu'une taxe établie par rapport aux kilomètres parcourus, une taxe d'incitation sur les combustibles et sur les composés organiques volatils, le maintien des limitations de vitesse à 80/120 km/h, l'amélioration thermique des bâtiments, l'encouragement des énergies renouvelables, l'ICHA sur les combustibles etc.
[24].
Une
polémique s'est développée entre l'OFEFP et le Touring club suisse (TCS) autour de ces mesures. Les milieux routiers ont accusé I'OFEFP d'exagérer la pollution due au trafic automobile et les mesures y afférent et de se montrer trop clément avec les autres pollueurs. Opposé aux restrictions envisagées par le Conseil fédéral contre les voitures individuelles, le TCS s'est appuyé sur plusieurs études pour conclure que l’OFEFP se basait, d'une part, sur des données surannées pour estimer la pollution due au trafic routier et, d'autre part, fixait des limites beaucoup trop faibles pour les chauffages et les stations d'incinération par rapport à leurs possibilités techniques. La situation ne s'est pas débloquée lors d'une rencontre organisée entre le TCS et l'OFEFP en vue de trouver un compromis; le TCS est resté persuadé que grâce à l'utilisation croissante des pots catalytiques, les émissions de NOx seront identiques à celles de 1960 alors que l'OFEFP maintenait que le train de mesures proposé par le Conseil fédéral ne sera pas de trop pour parvenir à ce résultat
[25].
La
modification de l'ordonnance sur les émissions de gaz d'échappement des voitures automobiles lourdes (OEV 2) va dans le sens d'une dépollution accrue. Ces normes sont accompagnées d'une nouvelle méthode de mesure des gaz et particules d'échappement. Lors de la procédure de consultation, deux tests différents s'étaient affrontés; un système européen (ECE 49) et un système américain (Transient-test) défendu par les organisations écologistes. C'est finalement le système ECE 49 qui fut choisi pour permettre aux autorités de travailler sur des normes européennes. Cette modification d'ordonnance est entrée en vigueur le ler mai 1989, mais ne seront soumis aux nouvelles valeurs limites d'émission de particules, de monoxyde de carbone, de HC et de NOx que les véhicules importés ou construits en Suisse à partir du ler octobre 1991
[26].
Réunissant les ministres concernés de 69 Etats, dont des pays de l'Est et du Tiers-monde, la
conférence sur le climat de Noordwijk (Pays-Bas) avait pour but l'élaboration d'une future convention sur le climat et l'établissement d'un fonds international pour une meilleure protection de l'atmosphère. Malgré le souhait de certains ministres, dont F. Cotti, d'accélérer la rédaction et la signature du texte ainsi que la définition précise de la mission de ce fonds, la conférence se solda, selon les mouvements écologistes, par un échec car rien de concret n'y fut décidé. Néanmoins, elle permit de dégager un consensus autour de la nécessité reconnue de stabiliser dans un premier temps les émissions d'oxyde de carbone (CO2) – principal responsable de l'augmentation de l'effet de serre et des bouleversements climatiques qui y sont consécutifs – puis, dans un deuxième temps de les diminuer
[27]. Elle rencontra également un accord général dans l'intention d'éliminer rapidement les CFC. Elle fixa, en outre, la tenue d'une deuxième conférence internationale sur le climat, à Genève, en novembre 1990
[28].
Le 1er janvier 1989 a vu
l'entrée en vigueur du protocole de Montréal relatif à la protection de la couche d'ozone pour 25 pays signataires dont la Suisse. Le deuxième volet international de la protection de la stratosphère fut la Conférence de Londres. Initiée par M. Thatcher, elle fut organisée sous l'égide du programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et convia les ministres et fonctionnaires concernés de 150 pays. Cette conférence avait pour but de sensibiliser surtout les pays non-signataires du protocole de Montréal – en particulier ceux du Tiers-monde – à l'urgence du problème et à stimuler la recherche dans le domaine des produits de substitution aux CFC
[29].
La Suisse a
ratifié le protocole du 31.10.88 à la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la lutte contre les émissions d'oxydes d'azote ou leurs flux transfrontières. Adopté à Sofia, il constitue le troisième protocole à cette Convention. Ce texte engage les signataires à ramener d'ici fin 1994 leurs émissions annuelles de NOx ou leurs flux transfrontières au niveau de 1987 pour ensuite les geler. Une seconde phase du protocole sera amorcée dès 1996 en vue, cette fois-ci, d'une réduction des NOx. Comme en ce qui concerne le protocole de Montréal, la Suisse devrait avoir une avance certaine par rapport aux autres pays pour la réduction des oxydes d'azote; de par les mesures déjà prises et celles envisagées, elle devrait voir, selon l’OFEFP, ses émissions de NOx diminuer de 35% d'ici 1995
[30].
[17] Presse du 30.9.89. Problèmes du smog estival (ozone): NZZ, 21.4.89; presse du 27.5. et 22.8.89; 24 Heures, 26.8.89; Vr, 13.10.89. Voir aussi APS 1988, p. 175 et Bulletin de l’OFEFP, 1989, no 2.
[18] BO CN, 1989, p. 1699 ss. '
[19] La Société suisse pour la protection de l'environnement et l'association des «médecins pour l'environnement» ont critiqué les recommandations contre le smog hivernal du Conseil fédéral qui, selon elles, ne se préoccupent pas des dioxydes d'azote (presse du 10.2.89).
[20] TA, 24.1.89; Vat. et 24 Heures, 6.2.89; BaZ, 7.2.89; Suisse et 24 Heures, 8.2.89; BaZ et TW, 11.2.89 ainsi que DP, 939, 16.2.89 et L'Hebdo, 9.2.89.
[21] Presse du 8.2.89. Notons que la ville de Bâle a innové technologiquement en installant un canon à rayons laser afin de mieux étudier le smog et de pouvoir prendre immédiatement les mesures qui s'imposent (BaZ, 7.1 2.89). Un système de mesure de la pollution atmosphérique par le laser est également à l'essai à l'EPFL (presse du 14.7.89).
[22] Finalement, cinq cantons devaient présenter leurs plans en été (GE, GR, SH, SO, UR), onze à la fin de l'année (BE, BL, BS, GL, LU, NE, OW, SG, TI, ZG, ZH) et les dix derniers (AG, AI, AR, FR, JU, NW, SZ, TG, VD, VS) dans le courant de l'année 1990: TA, 20.1.89; Bund, 22.2.89; NZZ, 25.2., 2.3. et 5.4.89; presse du 1.3. et 19.4.89; BaZ, 4.3.89; BZ, 11.3.89. Voir aussi APS 1988, p. 175 et Bulletin de l'OFEFP, 1989, no 2.
[23] TW et TA, 11.2.89; SGT, 14.2.89; presse du 15.2.89; VO, 7, 16.2.89; WoZ, 7, 17.2.89.
[24] Mesures préconisées par le CF: presse du 24.8.89; Suisse, 1.5.89. Rapport Elektrowatt: NZZ, 13.6. et 21.6.89; presse du 29.6. et 26.7.89. Voir aussi supra, part. I, 6b (Trafic routier) et APS 1988, p. 144 et 175.
[25] BaZ, 17.6. et 23.6.89; presse du 26.-29.7. et du 9.-11.8.89; NZZ, 2.8., 3.8., 14.8. (F. Cotti), 15.8. (B. Böhlen), 1.9. et 7.9.89; Bund, 5.8. et 19.8.89. Voir aussi RFS, 35, 29.8.89 et DP, 960, 24.8.89.
[26] RO, 1989, p. 496 ss.; NZZ, 14.2.89. Voir aussi APS 1988, p. 176.
[27] Cette mesure donnerait également la possibilité aux pays du Sud de se développer sans accroître le niveau global de pollution de la terre.
[28] NZZ, 2.11. et 7.11.89; JdG, 4.11.89; Bund et BaZ, 8.1 1.89. La volonté de collaboration Est-Ouest en matière d'environnement s'était déjà manifestée à la conférence sur la sécurité et la collaboration en Europe de Sofia: presse du 17.10.89; BaZ, 19.10.89; NZZ, 4.11.89.
[29] RO, 1989, I, p. 477; NZZ, 5.1.89; JdG, 2.3.89; BaZ, 3.3.89; presse du 5.3., 6.3. et 8.3.89. Voir aussi APS 1988, p. 177.
[30] FF, 1990, I, p. 19 ss.; NZZ et BaZ, 23.11.89; TW, 24.1 1.89 (problème des émissions de NOx par les avions). Voir aussi APS 1988, p. 177.
Copyright 2014 by Année politique suisse
Ce texte a été scanné à partir de la version papier et peut par conséquent contenir des erreurs.