Année politique Suisse 1989 : Enseignement, culture et médias / Enseignement et recherche
Hautes écoles
En février 1989, le Conseil fédéral a proposé une réorganisation d'importance du Département fédéral de l'Intérieur (DFI) par la
constitution d'un groupement de l'éducation et de la recherche. Celui-ci, réunissant les deux écoles polytechniques fédérales, les instituts de recherche du Conseil des EPF ainsi que l'Office fédéral de l'éducation et de la science, permettrait une gestion unifiée, cohérente et efficace des domaines précités, puisque toutes les activités y afférantes seraient réunies dans une même ligne de commandement
[28].
Si les deux Chambres ont approuvé la constitution de ce groupement, elles ont par contre désavoué sa forme, soutenues en cela par la CDIP, la Conférence universitaire suisse ainsi que par celle des recteurs. Deux aspects ont été principalement critiqués. Le premier réside dans la désignation même du groupement dit «de l'éducation et de la recherche». Pour la plupart des milieux susmentionnés, le terme «éducation» fait référence aux compétences cantonales en la matière, en aucun cas à une quelconque compétence fédérale. Ce point de vue a été pris en compte par le Conseil des Etats puisque celui-ci, s'il a accepté la création d'un tel groupement, en a modifié la dénomination – suivant en cela une proposition Cavadini (pl, NE) – au profit de l'intitulé «groupement de la science et de la recherche»
[29].
Le second aspect fustigé, et ce violemment, a trait au
cumul des fonctions de président du Conseil des EPF et de directeur du groupement, initialement prévu par le gouvernement. Tant les milieux universitaires que la commission de la science et de la recherche du Conseil national s'opposèrent vivement à une telle structure administrative. Un déséquilibre dans le poids respectif des EPF et des universités, la mise en danger de l'autonomie de ces dernières, la concentration des compétences en mains zurichoises et des écoles poly-techniques, le risque de voir privilégier les sciences techniques au détriment de celles sociales et humaines ont conduit la commission du Conseil national à subordonner son acceptation non seulement à la renonciation à un tel cumul mais aussi à l'abandon, par le futur directeur du groupement, de toute fonction directrice au sein d'une haute école cantonale ou fédérale. Devant cette opposition, soutenue par l'ensemble des partis à l'exception de l’UDC – en raison du fédéralisme et des coûts financiers suscités – F. Cotti décida de délaisser l'union personnelle des tâches directives. Ainsi, la grande chambre put accepter le projet à l'unanimité. Elle a par ailleurs transmis une motion de sa commission de la science, demandant que le directeur de ce groupement puisse porter le titre de secrétaire d'Etat afin de renforcer son statut au niveau international
[30].
Dans le contexte du second train de mesures pour une nouvelle répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, le gouvernement a proposé une révi
sion totale de la loi sur l'aide aux universités. Deux buts sont principalement poursuivis par ce projet: une collaboration accrue entre Confédération et cantons afin d'instaurer une politique universitaire nationale et un renforcement de la responsabilité des cantons universitaires. Pour cela, quatre innovations sont introduites. La planification pluriannuelle des besoins des écoles étant de plus en plus aléatoire, la révision prévoit la possibilité d'allouer des subventions extraordinaires, pour autant que celles-ci aient trait à un projet d'intérêt national répondant à un besoin urgent. Par ailleurs, les crédits aux investissements des universités se caractérisant par une disproportion entre leur importance financière et leurs coûts administratifs, la Confédération désire les limiter à des projets égaux ou supérieurs à 300 000 francs. Enfin, la procédure d'allocation et de paiement des subventions est simplifiée et les attributions des organes de la politique universitaire (Conférence universitaire et Conseil suisse de la science) sont précisées
[31].
Le Conseil des Etats a adopté à l'unanimité ce projet de loi mais l'a néanmoins modifié. S'il a refusé de suivre les recommandations des milieux estudiantins concernant le subventionnement du logement des étudiants ainsi que leur participation au sein de la Conférence universitaire, il a par contre pris en considération les demandes ayant trait à leur mobilité. Ainsi a-t-il accepté d'encourager la reconnaissance réciproque des semestres d'étude et des examens, de même que la coordination universitaire. II a par ailleurs renforcé la connotation fédéraliste de la loi telle que définie par son premier article. Tenant compte des craintes des petites et moyennes universités concernant l'élévation du minimum requis pour l'obtention de subventions aux investissements — minimum que ces dernières craignent de ne pas atteindre souvent — il a accepté la proposition Cavadini (pl, NE) souhaitant majorer de 6% le montant total des subventions de base
[32].
Les deux Chambres ont
adopté à l'unanimité les crédits relatifs à la septième période de subventionnement des universités. Initialement, le Conseil fédéral estimait que la nouvelle loi sur les universités pourrait les régenter. En raison du retard pris par cette révision, le gouvernement a décidé de planifier ces nouveaux financements pour les années 1990 et 1991 et a prévu leur extension possible en 1992. Ainsi, les subventions de base s'élèveront à 649 millions de francs pour 1990 et 1991 et à 348 millions de francs pour 1992, fixant la contribution de la Confédération à19,3% des dépenses d'exploitation des universités. Les subventions aux investissements se situeront à 155 millions de francs sur deux ans et seront majorées de 75 millions de francs si une troisième année s'avère indispensable
[33].
Lors du semestre d'hiver 1988/89, la barre des
80 000 étudiants a été franchie en Suisse (80 629 étudiants, +3% par rapport à 1987/88), alors que le nombre des nouveaux étudiants a crû de 4% par rapport à l'an dernier. Cette évolution, étonnante en raison de la dénatalité des deux dernières décennies ainsi que du nombre stagnant des maturités délivrées depuis 1983, s'explique — selon l'Office fédéral de la statistique — par la progression du nombre des universitaires étrangers. Les filières les plus prisées ont été les sciences économiques (+9%) et l'informatique (+10%). La
représentation des femmes dans les universités suisses ne s'est en revanche pas améliorée et est restée inférieure à 37%
[34]. Par exemple, à Genève, les femmes constituent 52% des étudiants mais ne forment que le 3,5% des professeurs. Afin d'encourager la participation féminine à l'ensemble du système universitaire, un projet de loi a été déposé, dans ce canton, par un groupe de parlementaires. Il vise à obtenir 40% de femmes dans tous les secteurs académiques et ce en 32 ans. Pour cela, il fixe des quotas précis. Par tranche de quatre ans, chaque faculté et école doit accroître de 5% la proportion de postes attribués à des femmes, et ce dans chaque catégorie d'enseignants
[35].
La constitution progressive de l'Europe et la liberté de déplacement des étudiants et des professeurs qui s'en suivra préoccupent les milieux suisses de la formation. Ainsi la CDIP a-t-elle recommandé au Conseil fédéral de ratifier les quatre accords du Conseil de l'Europe relatifs à l'équivalence des diplômes donnant accès aux établissements universitaires, l'équivalence des périodes d'étude, la reconnaissance académique des qualifications et le maintien du paiement des bourses aux étudiants poursuivant leurs cours à l'étranger. En consultation, tous les cantons suisses se sont prononcés en faveur d'une telle ratification, à l'exception de ceux de Vaud et Zurich qui redoutent une limitation de leur autonomie
[36].
Le système fédéraliste helvétique pose un problème supplémentaire aux étudiants: leur mobilité à l'intérieur du pays. Afin de l'encourager, la Conférence des recteurs des universités suisses (CRU) a adopté un projet de convention visant à
harmoniser les modalités d'admission ainsi que les transferts d'élèves et créant le statut d'étudiant hôte, qui permettra à celui accomplissant une partie de ses études dans une autre université de rester immatriculé dans celle d'origine
[37].
Le Conseil des Etats a approuvé, à l'unanimité, la
nouvelle loi sur les EPF. S'il a modifié le projet initial du gouvernement, l'esprit voulu par ce dernier — une structure forte, une définition claire des compétences — a subsisté. La Société Université et Recherche a vu sa demande d'autonomie financière totale des deux écoles écartée par la commission de la petite chambre. Consciente de la très forte opposition venant notamment de l'UNES (Union nationale des étudiants de Suisse), elle a par contre accordé un droit de requête à l'Assemblée du domaine des EPF — seul organe où sont représentés les étudiants — et modifié les voies de recours en vue d'assurer une sécurité de droit plus forte des élèves. Ces deux ajouts ont été entérinés par le plenum du Conseil. Néanmoins, toutes les propositions alternatives du sénateur Onken (ps, TG) visant à élargir le droit de participation des étudiants aux décisions ont été rejetées par la chambre des cantons. Elle a également refusé, contre l'avis de sa commission et du gouvernement, que la loi mentionne les dérogations possibles à l'orthodoxie financière de la Confédération. Par contre, elle a accepté un nouvel article définissant les buts généraux des EPF, bien que plusieurs conseillers aux Etats romands l'aient jugé totalement incompréhensible dans sa version française
[38].
D'entrée de causé, la commission de la science et de la recherche du Conseil national a adopté une position plus tranchée. Pour elle, les buts définis par le message du gouvernement à propos de la loi sur les EPF éveillent des espoirs qui ne sont pas atteints par le projet proposé. C'est pour-quoi, après être néanmoins entrée en matière, elle a décidé de renoncer à l'échelon de direction dans le domaine des EPF, de décentraliser les compétences et de prévoir un poste à plein temps pour le président du Conseil des EPF. Elle s'est également prononcée en faveur d'un droit concret et effectif de participation des différentes catégories de personnel des deux écoles
[39].
Les Chambres fédérales ont approuvé, à l'unanimité, les
projets de construction des EPF et débloqué, à ce titre, 248 millions de francs. Initialement, le gouvernement avait sollicité plus de 300 millions de francs. La différence provient du renoncement provisoire, tant par le Conseil fédéral que par l'EPFL, à un parking situé sur le nouveau site de l'école polytechnique de Lausanne. La commission de la science du Conseil national, à qui le projet a été renvoyé, a demandé — par le biais d'un postulat, par ailleurs transmis — que l'on examine les possibilités d'amélioration de la desserte de l'EPFL par les transports publics
[40].
Quoi qu'il en soit, ces crédits serviront, à Lausanne, à la poursuite du transfert de l'EPFL (4e phase de la 2e étape) à Ecublens (VD) et à la rénovation de son centre sportif de Dorigny. A Zurich, ils permettront la construction d'un nouveau bâtiment pour les instituts oeuvrant dans les domaines de la mécanique ainsi que l'aménagement de l'édifice d'agronomie ouest. De surcroît, 4,2 millions de francs ont été attribués au laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (EMPA) chargé de l'application des nouvelles prescriptions sur les gaz d'échappement des moteurs diesel. Enfin, près de 11 millions de francs ont été octroyés à l'Institut fédéral de recherches forestières (IFRF) afin que celui-ci puisse faire face à ses nombreux devoirs issus du problème du dépérissement des forêts
[41].
[28] FF, 1989, I, p. 1021 ss.
[29] BO CE, 1989, p. 391 ss.; BZ, 21.6.89.
[30] BO CN, 1989, p. 2099 ss.; JdG et NZZ, 6.9.89; TA, 18.10.89.
[31] FF, 1989, II, p. 1302 et 1324 ss.
[32] BO CE, 1989, p. 816 ss.; 24 Heures, 2.9.89.
[33] FF, 1989, I, p. 1029 ss. et III, p. 908 s.; BO CE, 1989, p. 251 ss. et 622; BO CN, 1989, p. 1466 ss. et 1804; 24 Heures, 13.6.89.
[34] OFS, Annuaire statistique de la Suisse 1990, p. 295 s.; SHZ, 6.4.89; presse du 8.4.89.
[35] 24 Heures, 2.3.89; JdG, 10.4.89; cf. aussi APS 1988, p. 230.
[36] Presse du 8.4.89; cf. aussi APS 1988, p. 229.
[38] BO CE, 1989, p. 23 ss.; presse des 18.2. et 2.3.89; JdG, 11.2.89 (Société Université et recherche); cf. aussi APS 1988, p. 231.
[39] NZZ, 20.5. et 25.10.89; 24 Heures, 25.10.89.
[40] Ce débat trouve son origine dans la prochaine mise en service du Tramway du sud-ouest lausannois (TSOL), spécialement créé afin de desservir l'EPFL et le site universitaire de Dorigny.
[41] FF, 1989, I, p. 1345 ss.; BO CE, 1989, p. 247 ss. et 583 s.; BO CN, 1989, p. 1381 ss. et 1392.
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