Année politique Suisse 1991 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Politique économique extérieure
La publication du rapport sur la politique économique extérieure de 1990 donna lieu à un long débat sur l'avenir des relations économiques extérieures de la Suisse, qui a porté avant tout sur l'état des négociations du traité de l'EEE. A cette occasion, les deux Chambres ont adopté à l'unanimité un arrêté fédéral approuvant l'accord entre la Suisse et la CE relatif à la facilitation des contrôles et des formalités lors du transport des marchandises
[78].
Le total des montants couverts par la GRE s'est élevé, en 1991, à 1676,8 millions de francs contre 1885,1 millions l'année précédente. Dans le compte global, les recettes se sont montées à 252,9 millions de francs et les dépenses à 462,6, ce qui donne un excédent des dépenses de 209,7 millions. Les dépenses résultent en particulier de paiements pour dommages politiques et de transferts (372,3 millions de francs) et d'intérêts sur l'avance de la Confédération (74 millions). Afin de compenser les besoins en liquidités de la GRE, un acompte de la Confédération de 335 millions de francs a été sollicité, portant ainsi à 2266 millions de francs le total des avances.
Les engagements de la garantie contre les risques de l'investissement (GRI) s'élevaient à 28,6 millions de francs à la fin de l'année. Les excédents de recettes ont fait croître les réserves de 28,2 millions de francs; les engagements de la GRI sont ainsi couverts à raison de 98%
[79].
A cause de la guerre civile et de la difficulté de la Yougoslavie à honorer l'accord de rééchelonnement de sa dette en faveur de la Suisse, les exportations en direction de ce pays ne bénéficient plus de la GRE depuis le mois de juillet, et ce jusqu'à nouvel avis
[80].
Malgré les oppositions de la Déclaration de Berne pour des raisons politiques et écologiques, le Conseil fédéral a accepté d'accorder une GRE d'un montant de 480 millions de francs aux deux entreprises helvétiques Sulzer/Escher-Wyss et Asea Brown Boveri pour leur contribution à la construction du
barrage Karrun III en Iran, projetée par un consortium comprenant des entreprises allemandes, autrichiennes et suisses. D'autre part, le Conseil fédéral a élargi la commission de la GRE, en admettant deux nouveaux membres, l'un provenant de la direction de la coopération au développement et de l'aide humanitaire (DDA) et l'autre des syndicats. Alors qu'elles réclamaient depuis dix ans d'être représentées au sein de la commission, les principales oeuvres d'entraide ont protesté auprès du chef du DFEP contre la décision de ne pas les avoir admises
[81].
Les Chambres fédérales ont approuvé à l'unanimité les modifications de la loi sur le tarif des douanes et de l'arrêté fédéral sur les préférences tarifaires
[82].
Les deux Chambres ont adopté, également à l'unanimité, une autre
modification de la loi sur le tarif des douanes proposée par le Conseil fédéral, qui faisait suite à une motion du conseiller national Mauch (prd, AG). Selon cette disposition, il s'agit de suspendre temporairement les droits de douane sur certaines marchandises, comme les produits de base, afin d'éviter, ou au moins d'atténuer, les désavantages concurrentiels de l'économie suisse par rapport à d'autres pays qui pratiquent régulièrement ce genre d'abaissements tarifaires
[83].
Après l'éclatement de la guerre du Golfe, le Conseil fédéral a interdit, comme il l'avait déjà fait pour les autres pays de la région, l'exportation de matériel de guerre vers la Turquie. Cela n'a pas manqué de susciter les critiques de la part du ministère turc des affaires étrangères. Par contre, les entreprises suisses ont été autorisées à continuer à livrer du matériel militaire aux pays engagés dans la guerre mais extérieurs à la région du Golfe, comme la France ou les Etats-Unis, à condition que ceux-ci garantissent qu'ils n'utiliseront pas ces armes dans le conflit.
L'interdiction d'exportation de matériel de guerre vers la
Turquie a été levée au mois de juin par le Conseil fédéral; mais face aux opérations menées par l'armée turque contre les combattants kurdes à la frontière de l'Irak, les autorités fédérales ont décidé de bloquer toutes les exportations d'armes jusqu'à ce qu'il soit procédé à une clarification du droit international. Après l'adoption de cette mesure, les autorités turques n'ont pas caché leur intention de renoncer aux commandes d'armes suisses et de s'adresser à d'autres fournisseurs au cas où l'embargo se prolongerait
[84].
Plusieurs
entreprises suisses sont soupçonnées d'avoir aidé l'Irak à développer son potentiel militaire et notamment des armes chimiques et bactériologiques. La commission des affaires étrangères du Sénat américain a publié une liste recensant les noms de onze entreprises suisses ayant au cours de l'année 1990 livré à l'Irak des technologies de pointe. Sur les trois entreprises (Von Roll, Schmiedmeccanica et Schäublin) présumées avoir contrevenu à la loi fédérale sur le matériel de guerre et qui étaient soumises à une enquête du ministère public, le Conseil fédéral a autorisé l'ouverture de
poursuites pénales contre les responsables de Von Roll. Les pièces envoyées en Irak par cette entreprise saisies à Francfort et à Berne présentaient des caractéristiques ne correspondant pas à l'utilisation indiquée dans la déclaration de douane; il s'agissait bien de matériel pouvant servir à la construction d'un "supercanon", et non de presses à forger. Les responsables de Von Roll ont fait savoir qu'ils n'étaient pas au courant que leur client allait utiliser ces pièces pour fabriquer des armes. L'enquête a été étendue à une entreprise vaudoise qui a joué le rôle d'intermédiaire lors de la transaction
[85].
D'autre part, l'enquête sur les deux autres entreprises a mis en évidence certaines lacunes dans l'ordonnance sur l'énergie atomique. Ces investigations ont ainsi incité le Conseil fédéral à modifier ce texte au niveau des définitions et des autorisations dans le domaine de l'énergie atomique
[86].
Suite à l'implication de certaines entreprises suisses dans le développement du potentiel militaire de l'Irak, le Conseil fédéral a décidé de renforcer le contrôle dés exportations des technologies de pointe utilisables à des fins militaires (
matériel à double usage). Ces mesures vont dans le sens d'une extension de la notion de matériel de guerre. Plutôt que de proposer une nouvelle loi, dont les procédures d'adoption devraient durer deux à trois ans, le Conseil fédéral s'est contenté pour l'instant de préparer une ordonnance qui devrait entrer en vigueur au début de l'année 1992
[87].
Le
PS a lancé une initiative populaire demandant l'interdiction de l'exportation de matériel de guerre. Son texte prévoit notamment d'interdire la possibilité aux entreprises suisses de recourir à des firmes étrangères pour exporter leur matériel
[88].
Le postulat Braunschweig (ps, ZH), demandant au Conseil fédéral de mettre au point des procédures de vérification de l'application du traité sur les armes biologiquès et toxiques, a été refusé par le Conseil national
[89].
Suivant l'avis de sa commission, la même Chambre a rejeté une initiative parlementaire Borel (ps, NE) proposant l'interdiction d'importer du matériel de guerre provenant des pays où la Suisse n'est pas autorisée à exporter des armes, ainsi que trois initiatives parlementaires — Seiler (pdc, ZH), groupe socialiste, et Spielmann (pdt, GE) —, visant à interdire toute exportation suisse de matériel de guerre. Le débat a donné lieu au clivage traditionnel entre les partis bourgeois et la gauche, soutenue par les écologistes. Toutefois, le postulat proposé par la commission, qui invite le Conseil fédéral à renforcer les règles d'exportation de tout équipement militaire, a été accepté par la chambre basse. Il prévoit d'étendre la loi au matériel civil susceptible de servir à des fins militaires et d'examiner la question de l'élargissement du champ d'application de la loi au matériel de guerre qui ne touche pas le sol suisse
[90].
Au cours de l'année 1990, le Ministère public de la Confédération a ouvert 153 enquêtes pour infraction à la loi sur le matériel de guerre, le nombre le plus élevé depuis dix ans. Cette brusque augmentation des délits est due principalement aux armes semi-automatiques, autorisées à la vente mais souvent transformables en armes automatiques interdites
[91].
Pour les mesures urgentes contre la vente d'armes prises par le Conseil fédéral et les propositions du parlement en faveur d'une réglementation fédérale de la vente des armes: Cf. supra., part. I, 1b (Strafrecht).
Les sanctions économiques envers le Koweit ont été levées après la libération du pays en mars 1991. L'ordonnance du 7 août 1990 a ainsi été modifiée et ne s'applique plus désormais qu'à l'Irak. L'embargo contre l'Irak a toutefois été quelque peu allégé; le Conseil de sécurité de l'ONU l'a ainsi autorisé à exporter une certaine quantité de pétrole pour financer l'achat de nourriture et de médicaments
[92].
Immédiatement après que les Etats-Unis, ayant estimé que les progrès vers la démocratie étaient irréversibles, ont décidé de lever les sanctions économiques à l'égard de l'Afrique du Sud, le Conseil fédéral a demandé à la Banque nationale suisse
d'abroger toutes les dispositions limitant les exportations de capitaux vers ce pays. Ainsi, leur plafonnement à 300 millions de francs par an et l'obligation pour les banques helvétiques d'obtenir une autorisation de la BNS pour l'octroi de crédits appartiennent au passé
[93].
[78] BO CN, 1991, p. 245 ss.; BO CE, 1991, p. 170 ss.
[79] Rapp.gest. 1991, p. 247. Voir aussi APS 1990, p. 77.
[81] Presse du 3.12. (barrage de Karrun III) et 10.12.91 (commission de la GRE).
[82] FF, 1991, I, p.218 ss. ; BO CN, 1991, p. 267; BO CE, 1991, p. 179; APS 1990, p. 78.
[83] FF, 1991, I, p. 1092 ss.; BO CN, 1991, p. 1287 s.; BO CE, 1991, p. 820 s.; FF, 1991, III, p. 1545; cf. APS 1990, p. 78 s.
[84] Presse du 18.1. (interdiction d'exporter du matériel de guerre), 21.1. (critiques de la Turquie) et 28.6.91 (levée de l'interdiction); TA, 10.8.91; Suisse. 21.11.91.
[85] Presse du 29.1. et 19.3.91 (Von Roll). Voir aussi APS 1990, p. 80.
[87] Bund, 30.7.91; Suisse, 31.7.91; presse du 8.8.91.
[88] FF, 1991, II, p. 438 ss.; Vr, 28.1.91; Suisse, 4.3.91.
[89] BO CN, 1991, p. 1511 ss.
[90] BO CN, 1991, p. 2416 ss.; presse du 13.12.91.
[91] 24 Heures et Lib., 8.1.91.
[92] RO, 1991, p. 784 ss.; NZZ, 17.10.91; FF, 1992, I, p. 1123 s.; cf. aussi le rapport du CF sur l'embargo (presse du 8.8.91).
[93] Suisse, 11.7. et 12.7.91.
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