Année politique Suisse 1993 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Trafic aérien
Selon
un rapport prospectif de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC), le trafic dans l'espace aérien helvétique devrait augmenter de 50% d'ici à l'an 2010, tandis que le nombre de passagers croîtrait de 80%. Cela entraînerait un développement important des aéroports régionaux ainsi que de ceux de Zurich et Bâle. Le corollaire à une telle évolution serait un impact plus grand du trafic aérien sur l'environnement
[87].
Les Chambres ont adopté non sans mal le projet de révision de la loi sur la navigation aérienne. La pierre d'achoppement fut la
procédure d'autorisation pour les aéroports et les aérodromes. Au Conseil des Etats, les sénateurs décidèrent dans un premier temps, pour des raisons écologiques et fédéralistes, de s'opposer au projet gouvernemental de supprimer l'échelon cantonal dans la procédure d'autorisation. La petite chambre a cependant repoussé une proposition visant à faire des cantons l'instance prépondérante dans cette dernière. Pour sa part, le Conseil national est revenu à la proposition initiale du Conseil fédéral de ne prévoir qu'un seul niveau malgré les pressions de la gauche et des verts pour que les cantons et les communes restent impliqués dans la procédure. En fin de compte, la petite chambre s'est ralliée à cette position
[88].
L'ATE, soutenue par les verts, les socialistes, diverses organisations de protection de l'environnement ainsi que des associations de riverains des aéroports ont lancé un
référendum contre cette révision de la loi. Leurs critiques touchent deux dispositions du texte. La première concerne les prêts à des taux préférentiels pour les aéroports. Selon les référendaires, cette mesure constituerait une sorte de subventionnement du trafic aérien, mode de transport polluant, et irait à l'encontre d'une politique des transports respectueuse de l'environnement. La seconde norme contestée a trait à la perte de compétence des communes et des cantons dans la procédure d'autorisation de construire pour les aéroports. En faisant de la Confédération la seule instance décisive, la loi ne permettrait pas de prendre en compte les intérêts locaux, notamment en ce qui concerne la protection de l'environnement. Le référendum a abouti en septembre
[89].
En début d'année, Swissair, entreprise privée dont la Confédération ne détient qu'une très faible partie du capital, a entamé des pourparlers en vue de créer une alliance stratégique avec les compagnies Austrian Airlines, SAS (Scandinavie) et KLM (Pays-Bas) dans le but d'atteindre une taille suffisamment grande pour survivre au sein de la concurrence internationale. La solution choisie fut la formation d'un holding regroupant les quatre compagnies, ceci devant constituer la première étape en vue d'une fusion complète prévue pour 1997. Ce projet, baptisé «Alcazar», aurait dû aboutir à la création d'une seule et même compagnie, qui serait devenue l'une des plus grandes du monde.
Les intentions de Swissair ont provoqué moult inquiétudes; le sentiment s'est répandu qu'en cas de fusion, la compagnie perdrait une identité qui a été vue comme étant celle de la Suisse elle-même. Les menaces pesant sur Cointrin et le danger des suppressions d'emplois (de 7 à 18 000 selon les sources, sur un total de 70 000 en additionnant le personnel des quatre compagnies) dues à une fusion ou à une collaboration étroite ont également créé quelque émois. Le problème est ainsi rapidement devenu politique, en Suisse ainsi que dans les autres pays concernés.
Le
parlement s'est également inquiété du problème de la fusion de Swissair. Plusieurs interpellations urgentes ont été déposées par les groupes PDC, UDC, PS et DS/Lega. Respectivement, ces questions avaient pour but de savoir comment améliorer la capacité concurrentielle de Swissair, se souciaient de la perte d'une image de marque de la Suisse ou demandaient s'il n'existait pas d'alternatives à un tel projet. Dans sa réponse, le Conseil fédéral affirma que la compagnie devait faire au mieux pour maintenir sa situation, mais que le label Swissair devait être conservé. Il ajouta qu'il entendait suivre de près le déroulement des négociations afin de sauvegarder les intérêts suisses
[90]. Il ressortit des débats sur ces interpellations que la majorité du parlement était plutôt d'avis de laisser Swissair gérer au mieux son entreprise, que le regroupement prévu était inévitable et que la Confédération devait se limiter à mettre en place les meilleures conditions-cadres possibles pour garantir l'avenir de la compagnie. Les socialistes se sont néanmoins inquiétés des pertes d'emplois qu'engendrerait la fusion prévue
[91].
En septembre,
le Conseil fédéral donna son feu vert aux négociations de rapprochement entre les compagnies intéressées par le projet Alcazar, et s'engagea à effectuer les modifications législatives indispensables en cas d'aboutissement de ce dernier. Lors des négociations, une difficulté majeure entre les compagnies a été l'évaluation des entreprises et notamment de leur poids financier. Mais l'obstacle principal a résidé dans le choix du partenaire américain. Alors que KLM voulait maintenir sa coopération avec Northwest, compagnie pourtant déficitaire, Swissair entendait imposer Delta airlines, entreprise plus importante et en meilleure santé financière. Fin novembre, les négociations échouèrent définitivement en raison de ce désaccord sur le partenaire américain, KLM n'ayant pas accepté de délaisser Northwest. Swissair a déclaré qu'elle entendait néanmoins poursuivre sa recherche d'alliances, la voie solitaire ne pouvant mener qu'à une impasse
[92].
La société Swisscontrol, chargée de veiller sur la sécurité du trafic aérien en Suisse, s'est engagée dans l'achat d'un
nouveau système de contrôle aérien. Ce dernier, d'un prix de 70 millions de francs, a vu s'affronter les entreprises Hughes (Etats-Unis) et Thomson (France). Le débat prit en partie une tournure politique; il s'agissait en effet de choisir un produit européen ou extra-européen, ce qui pouvait peser sur les négociations menées avec la CE sur le trafic aérien. Finalement, pour des raisons techniques et financières, le système américain fut préféré
[93].
[88] BO CE, 1993, p. 120 ss., 457 ss. et 581; BO CN, 1993, p. 880 ss. et 1452; FF, 1993, Il, p. 873 ss. et 907 s.; NZZ, 6.2.93; presse des 12.3 et 2.6.93. Voir aussi APS 1992, p..172.
[89] FF, 1993, IV, p. 287; NZZ, 18.6. et 20.9.93; Bund, 19.6. et 20.9.93; SGT, 28.6.93; presse du 7.8.93; Suisse, 19.9.93.
[90] Dans un premier temps, le CF avait adopté une position plus radicale. Il avait demandé à Swissair d'étudier toutes les options possibles propres à permettre une alternative au projet Alcazar. En outre, il avait considéré qu'une perte d'indépendance de Swissair aurait été préoccupante, un tel problème touchant à la politique nationale. La position du gouvernement n'a pas été sans provoquer des critiques; pour certains, celui-ci n'avait pas à intervenir dans les affaires d'une entreprise privée.
[91] BO CN, 1993, p. 1264 ss.; presse des 28.1, 17.3, 26.3, 3.4, 7.4, 8.4, 28.4, 25-30.5, 1.6, 3.6, 4.6, 12.6, 15-17.6.93; NZZ, 2.2, 31.3, 22.5, 10.6.93; TA et Ww, 4.2.93; SGT, 20.2. et 3.4.92; JdG, 27.2, 13.3 et 21.4.93; NQ, 7.3.93; 24 Heures, 25.8.93.
[92] Presse des 2.9, 15.9, 28.9, 2.10, 6.10, 12.10, 1.11, 4.11, 6.11, 8.11, 20.11, 22-25.11 et 4.12.93; NZZ, 27.8, 22.9 et 21.10.93.
[93] Suisse, 3.8.93; presse du 5.8.93.
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