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Chronique générale
Résumé
Au cours de l’année sous revue, la Suisse a célébré le 150e anniversaire de la Constitution fédérale de 1848. Celle-ci n’a pas seulement fait passer la Suisse d’une Confédération d’Etats à un Etat fédéral, mais elle a également permis de poser les fondements, toujours actuels, de l’édification d’un Etat démocratique (parlement issu du suffrage universel, gouvernement élu par le parlement et organisé selon le système départemental, révisions de la Constitution soumises au verdict populaire). C’est donc à point nommé que le parlement a pu, en cette année d’anniversaire, mettre sous toit la révision totale de la Constitution fédérale.
D’un point de vue global, le parlement s’en est largement tenu au concept de continuité de la Constitution, décidé en 1987 et a renoncé aux nouveautés matérielles importantes (sauf quelques exceptions sur la protection des enfants et l’article sur les personnes handicapées). La gauche, qui souhaitait expressément introduire des réformes matérielles fondamentales, s’est opposée en vain à cette limitation. L’objectif principal de la majorité du parlement a été la structuration claire et la lisibilité de la Constitution qui, depuis 1874, avait été partiellement révisée pas moins de 140 fois. Par exemple, les droits fondamentaux et les buts sociaux, qui jusqu’ici étaient dispersés dans la Constitution ainsi que dans différentes conventions internationales, ont été rassemblés de manière cohérente dans un catalogue. Même si quelques passages de la révision de la Constitution ont entraîné des débats passionnés au parlement (comme le préambule, la formulation exacte de l’interdiction de discrimination ou l’admission du droit de grève dans les droits fondamentaux), l’intérêt public suscité par les délibérations parlementaires sur la révision est resté plutôt faible.
Par ailleurs, le traitement des projets concernant les droits populaires et la réforme de la justice, faisant partie des divisions B et C du projet de révision totale, a été retardé. A la fin de l’année sous revue, la réforme de la justice se trouvait encore dans la phase du règlement des divergences entre les deux Chambres fédérales. Par contre, les délibérations parlementaires sur la réforme des droits populaires n’ont pas pu être entamées cette année. Le motif de ce retard a résidé dans l’incapacité des commissions constitutionnelles à trouver un terrain d’entente sur la question de la hausse du nombre de signatures nécessaires pour une initiative populaire et un référendum.
Après quatre années, les négociations entre la Suisse et l’Union européenne ont finalement abouti à la conclusion d’un accord bilatéral. Le paquet consiste en une ouverture réciproque du trafic de marchandises par route, du trafic aérien, du marché du travail et des marchés publics. Il s’agit également de la reconnaissance réciproque des normes techniques des produits, de l’ouverture partielle et réciproque du marché agricole ainsi que de la participation de la Suisse aux programmes de recherche de l’UE. En réalité, au cours de l’année sous revue, il ne restait plus qu’à régler le dossier du transport routier, c’est-à-dire la hauteur maximale de la taxe de transit pour une traversée de la Suisse. En hiver, le commissaire européen aux transports, Neil Kinnock, et le chef du DETEC, Moritz Leuenberger, se sont mis d’accord pour un montant de 325 Fr. (la Suisse avait réclamé à l’origine 600 Fr.). Jusqu’à l’automne, ce compromis faisait encore l’objet de réticences, en particulier du côté de l’Allemagne. Avec la victoire électorale du SPD, un accord définitif a finalement pu se profiler. Le 11 décembre, les représentants des gouvernements des deux parties contractantes ont déclaré que les négociations bilatérales étaient conclues avec succès. Toutefois, la ratification de cet accord ne se fera certainement pas sans accroc: en effet, les parlements de l’UE et de la Suisse devront l’approuver, ainsi que l’ensemble des pays membres de l’Union. En Suisse, il est fort probable qu’une ou plusieurs votations populaires auront lieu à ce propos (des menaces de référendum sont venues de partis de droite et de milieux écologistes). Le Vorort, en tant que partisan d’une vaste libéralisation des marchés, a intensifié ses relations publics en faveur de l’accord. Le point noir du processus de ratification réside dans le fait que l’accord ne peut entrer en vigueur que de manière globale, ainsi une décision négative du peuple sur une seule partie de l’accord pourrait faire capoter l’ensemble du paquet.
Dans les deux votations populaires relatives à la politique des transports, les votants ont montré qu’ils étaient disposés à soutenir les mesures actives et coûteuses permettant de favoriser le transfert du transport de marchandises de la route au rail. Ces résultats ont impressionné les représentants de l’UE, intéressés par ces votations en vue des négociations bilatérales. C’est avec des majorités significatives qu’ont été approuvés, d’une part, le prélèvement d’une redevance poids lourds liée aux prestations, et d’autre part, la construction et le concept de financement des deux tunnels ferroviaires de base du Gothard et du Lötschberg.
La reprise économique, qui se dessinait l’année précédente, s’est renforcée au cours de l’année sous revue. La croissance du produit intérieur brut réel s’est élevée de 1,7% à 2,1%. Une même évolution favorable s’est produite dans le cadre du marché du travail. Le nombre des actifs a progressé de 1,3% et celui des chômeurs a baissé d’un tiers. Avec un taux de chômage de 3,2% à la fin de l’année, en comparaison internationale, la Suisse est en état de reconquérir sa place de leader. Cependant, le dynamisme de l’économie suisse n’a pas entraîné une hausse des prix. L’inflation a même atteint son plus bas niveau depuis 1958, avec un chiffre de 0,0%.
L’endettement de la Confédération est resté l’un des thèmes politiques majeurs, même si les programmes d’économies au niveau des cantons et des communes ont commencé à faire leur effet avec une forte réduction des déficits. Sur le plan fédéral, une table ronde a été mise en place par le gouvernement. Les représentants des partis gouvernementaux, des syndicats et des associations patronales se sont entendus avec lui sur diverses mesures concrètes d’économies. Bien que non tenue de s’y conformer juridiquement, la majorité du parlement a suivi ces mesures, dans le cadre des délibérations sur le budget 1999. En outre, une majorité de citoyens s’est montrée persuadée de la nécessité d’assainir les finances publiques. En votation populaire, elle a approuvé à 71% “l’objectif budgétaire 2001”. Cet objet, combattu par le PS et les syndicats, consiste en une disposition constitutionnelle posant les bases pour réduire le déficit budgétaire, à l’échéance de 2001.
En début d’année, le doyen du Conseil fédéral, Jean-Pascal Delamuraz, s’est retiré de ses fonctions pour des raisons de santé. Une demi-année plus tard, il décéda à l’âge de 62 ans. Le radical valaisan Pascal Couchepin a été élu pour lui succéder à ce poste. Le parlement a également supprimé la disposition constitutionnelle stipulant que deux conseillers fédéraux ne pouvaient pas provenir du même canton. Cette clause cantonale a été remplacée par une disposition notifiant que la constitution du gouvernement devait tenir compte d’une représentation conforme aux régions géographiques et linguistiques du pays. Ruth Dreifuss a été élue à la présidence de la Confédération pour 1999, selon le principe de la rotation. Ainsi, l’Assemblée fédérale a élu pour la première fois une femme à la tête du gouvernement.
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