Année politique Suisse 1998 : Chronique générale / Politique étrangère suisse
Autres institutions européennes
Une année après le Sommet de Strasbourg, la
réforme des structures et la concrétisation du plan d’action qui y avait été défini ont été une des occupations principales du Conseil de l’Europe en 1998, selon le rapport annuel du Conseil fédéral sur les activités de la Suisse au sein de l’organisation. Un «Comité des Sages» – duquel faisait partie Gret Haller, l’ancienne représentante permanente de la Suisse auprès du Conseil de l’Europe – a présenté au Conseil des Ministres son rapport final sur les réformes structurelles à entreprendre. Parmi ses principales recommandations, on note la volonté de mieux respecter les normes et principes chez les Etats membres et particulièrement chez les nouveaux membres, un désir d’amélioration de la coordination des activités avec les autres organisations, une concentration des activités en raison des ressources limitées et une visibilité accrue vis-à-vis du public. L’année a également été marquée par le début des activités de la
nouvelle Cour permanente des Droits de l’Homme, l’ouverture à la signature du protocole additionnel sur l’interdiction du clonage humain, l’entrée en fonction de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (voir infra), la création du Comité européen pour la cohésion sociale et le renforcement de la lutte contre la corruption et le crime organisé. A relever également que si plusieurs pays ont déposé une demande d’adhésion au Conseil de l’Europe, seule la Géorgie est sur le point d’ y accéder
[19].
Le parlement suisse a ratifié à la quasi-unanimité la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la
protection des minorités nationales. Signée par la Suisse en 1995, cette convention-cadre vise à éviter ou apaiser les tensions que pourrait générer une absence de protection des minorités, en particulier en Europe centrale et orientale. Les parties se sont notamment engagées à lutter contre la discrimination des minorités, à promouvoir et conserver leurs cultures et à assurer leurs libertés linguistique et religieuse. L’entrée en vigueur pour la Suisse est programmée en1999. Cette convention est le premier instrument juridique multilatéral contraignant traitant des minorités nationales
[20].
Le Conseil national a transmis une motion Baumberger, (pdc, ZH) qui demande au gouvernement de soumettre au parlement la ratification du Protocole additionnel de 1952 à la Convention européenne des
droits de l’homme. La Confédération avait signé ce protocole additionnel en 1976, mais n’avait pas encore franchi l’étape supplémentaire de la ratification
[21].
L’association européenne de libre-échange (AELE) a poursuivi sur la voie de l’
expansion, notamment vis-à-vis des pays du
bassin méditerranéen. Elle a débuté des négociations avec l’Egypte, la Jordanie et Chypre et poursuivi celles avec la Tunisie. Elle a également signé un accord intérimaire avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et entamé pour la première fois des négociations outre-Atlantique avec le
Canada. Cette dernière opération revêt une grande importance puisqu’elle ouvrirait à l’AELE les portes de l’espace économique nord-américain (ALENA) et ceci avant l’UE. C’est sur l’initiative du Canada que ce rapprochement a été effectué. Ce dernier cherche en effet à diversifier sa politique économique extérieure afin de diminuer sa dépendance vis-à-vis du marché des Etats-Unis. L’accord de libre-échange avec Ottawa portera sur les produits industriels, le poisson, les produits agricoles transformés et probablement les services. L’agriculture fera l’objet d’accords bilatéraux. Lors des deux réunions ministérielles de Reykjavik et de Loèche-les-Bains (VS), les membres de l’AELE ont statué sur le libre-échange dans le domaine des poissons d’eau douce et du tabac. La Suisse a notamment renoncé à une disposition de 1989 relative au maintien de droits de douane sur les poissons d’eau douce
[22].
Le Conseil fédéral a pris la décision d’envoyer au Kosovo cinquante à cent observateurs civils et militaires non-armés. Ces derniers devraient être intégrés dans le cadre de la mission d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Par ailleurs, la mission des 55 bérets jaunes suisses en Bosnie a été prolongée pour douze mois à la demande de l’OSCE
[23].
Le Conseil fédéral a présenté un rapport sur le
renforcement de la coopération avec l’Europe de l’Est et les pays de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) dans le cadre du deuxième crédit de programme 1992-1997. Un quart de ce crédit a été utilisé dans le cadre de la coopération technique ( 350 millions de francs) et trois quarts dans le cadre de l’aide financière (1050 millions de francs). Selon le rapport, la coopération technique a obtenu des résultats largement positifs notamment dans les domaines de la formation et de l’éducation, de l’évolution des mentalités, de la création d’entreprises et d’organisations, de la réorganisation des institutions publiques et services publics, de l’environnement, des médias et enfin de la sécurité du droit. Elle a également permis de nouer de nombreux contacts. Le point noir réside dans une surestimation de la capacité des Etats à créer de nouvelles institutions aptes à gérer la démocratisation et la libéralisation. Pour ce qui est de la coopération financière (aide financière non remboursable, aide à la balance des paiements, actions de désendettements, garanties de crédits, promotion commerciale et des investissements), le bilan est globalement positif. La Suisse a également fourni une aide aux pays de l’Est dans le cadre de la coopération multilatérale
[24].
Le deuxième crédit de programme touchant à sa fin (voir bilan ci-dessus), le gouvernement a également publié son message sur la poursuite de la coopération renforcée avec l’Europe de l’Est et les pays de la CEI. A cette fin, il a proposé un projet d’arrêté fédéral attribuant un crédit de programme de 900 millions de francs pour une période minimale de quatre ans (1999-2002) en vue de soutenir les réformes dans ces régions. Sur ce total, 200 millions de francs sont attribués pour les garanties de crédits et 700 millions pour la coopération technique et financière, ainsi que pour la promotion du commerce et des investissements. Des 700 millions, 310 millions sont prévus pour des activités relevant de la DDC et 390 millions pour des tâches de l’OFAEE. L’Europe du Sud-Est obtiendra 50 à 55% de cette aide, les Etats européens de la CEI 25%, le Caucase et l’Asie centrale 15% et l’Europe centrale et les Etats baltes 5 à 10%. Ce montant comprend les coûts importants de la reconstruction en Bosnie-Herzégovine, mais pas celui du retour éventuel des réfugiés bosniaques de Suisse.
Les buts stratégiques du maintien de cette aide sont avant tout la promotion de la paix, des droits de l’homme, de l’Etat de droit, de la démocratie, un accroissement de la prospérité commune et la protection des ressources naturelles et de l’environnement. La finalité de l’action consiste en une amélioration de la stabilité et de la sécurité sur le continent européen. Plus concrètement, le Conseil fédéral désire encore mieux ajuster ses activités de coopération en les concentrant sur les Etats ou les secteurs qui présentent des intérêts concrets pour la Suisse en matière de politique et de relations économiques extérieures. Il ne s’agit toutefois pas de les diminuer. La Suisse fait en effet déjà office de mauvais élève avec seulement 0,04% de versements nets au titre de la coopération publique avec l’Europe de l’Est ( en % du PNB) contre 0,09% en moyenne dans l’Union européenne. Désormais
, le Conseil fédéral
désire faire bénéficier en priorité les pays de l’Europe du Sud-Est (Roumanie et Bulgarie notamment),
ainsi que ceux de la CEI. Quant aux pays du centre de l’Europe, plus avancés sur le chemin des réformes, la manne qui leur était attribuée sera progressivement réduite et remplacée par des relations politiques, économiques et culturelles traditionnelles. Le fait que la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie se soient portés candidates à l’adhésion à l’UE a également fait pencher la balance pour une redistribution de l’aide suisse. Une extension géographique de la coopération technique et financière devrait donc être réalisée en direction du Caucase et de l’Asie centrale. La Suisse veut en effet faire profiter de son aide les pays membres de son groupe de vote au sein des institutions de Bretton Woods et de la BERD, à savoir l’Azerbaïdjan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan
[25].
[19]
FF, 1999, p. 942 ss. Voir aussi
APS 1997, p. 77 et
BO CN, 1998, p. 322 ss. (rapport de la délégation parlementaire auprès du CE). Par ailleurs, c’est le Suisse Luzius Wildhaber qui a été élu par l’Assemblée parlementaire du CE à la présidence de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Professeur de droit à Bâle, il occupait depuis 1991 la fonction de juge au sein de cette institution.19
[20]
FF, 1998, p. 1033 ss.;
BO CE, 1998, p. 636 s.;
BO CN, 1998, p. 1684 ss.20
[21]
BO CN, 1998, p. 2814 s.21
[22]
FF, 1999, p. 1013 s. (Rapport du CF sur la politique économique extérieure 98/ 1+2). Voir aussi
BO CN, 1998, p. 495 ss. sur les activités des Comités parlementaires AELE (rapport de la délégation AELE/Parlement européen);
TG, 5.6.98 (Canada).22
[23] Presse du 22.10.98. Voir aussi
BO CN, 1998, p. 339 ss. (rapport de la délégation auprès de l’Assemblée interparlementaire de l’OSCE).23
[24]
FF, 1998, p. 4453 ss.24
[25]
FF, 1998, p. 4381 ss.25
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