Année politique Suisse 1998 : Chronique générale / Défense nationale
Armement
Cent-quarante-huit chars Léopard et 108 obusiers blindés M-109 ont été retirés du service actif et seront immobilisés pendant huit ans dans des entrepôts spécialement aménagés pour éviter toute corrosion. Ils seront ensuite réutilisés et d’autres chars prendront leur place. Cette mesure a été prise afin d’économiser quelques quatre millions de francs par année qui devraient être réaffectés dans l’instruction. Par ailleurs, l’armée a
testé trois nouveaux types de chars suédois, anglais et allemand. Il s’agit de pourvoir au remplacement des M-113, achetés en 1961. A la place des 400 M-113, quelques 300 autres chars devraient être acquis
[35].
La Suisse continue à liquider
la munition inutilisée qu’elle a accumulé pendant la guerre froide. Au total, ce sont quelques cent milles tonnes d’obus, de grenades et de bombes qui doivent être détruits entre 1998 et 2005. Le coût de l’opération est évalué à 235 millions de francs
[36].
Le système «Bloodhound» de missiles sol-air a été désactivé avant la date prévue de 2005. Les compressions budgétaires et l’introduction des F/A-18 a précipité la mise à la casse de ces fusées anglaises introduites dans les années soixante
[37].
Le Conseil fédéral a mis en vigueur les textes de la reconversion
des entreprises fédérales d’armement. Les quatre entreprises suisses d’électronique, d’aéronautique et de systèmes, de munitions et d’armement sont ainsi transformées en sociétés anonymes de droit public le 1er janvier 1999. Désormais, elles peuvent coopérer et conclure des alliances au niveau national et international. Le statut de fonctionnaire est maintenu jusqu’à l’an 2000
[38].
Le Conseil fédéral a présenté un
programme d’armement 1998 d’un montant total de 1,315 milliard de francs (soit 58 millions de moins que l’année précédente). Les postes les plus importants sont l’acquisition d’un nouveau système de surveillance de l’espace aérien et de conduite des avions Florako (489 millions de francs) et l’achat de 12 nouveaux hélicoptères de transport Super-Puma ( 320 millions) ainsi que de 9 systèmes d’exploration électroniques tactiques (166 millions). Soixante-deux millions seront consacrés à l’équipement des postes sanitaires. Initialement estimé à 1,6 milliard, le programme a dû être
revu à la baisse suite aux arrêtés imposant des mesures d’économie. La conséquence directe de cette diminution a été le report à une date ultérieure de plusieurs projets figurant dans un premier temps à ce programme. L’artillerie est particulièrement touchée puisqu’elle ne disposera pas des nouvelles munitions cargo de 12 cm pour les lance-mines ainsi que d’une deuxième série de canons de forteresse de 15,5 cm Bison. L’acquisition de petits appareils radios SE-135 et SE-138 a également été différée
[39].
Contrairement à ce qui s’était produit l’année précédente,
le parlement n’a pas réduit le programme d’armement. Le fait que celui-ci soit déjà le plus bas depuis 1987 a été abondamment mis en avant par ses partisans. Néanmoins, des voix se sont fait entendre au Conseil national pour que le nombre de nouveaux hélicoptères Super Puma soit diminué de quelques unités. Le problème de la comptabilité de Florako avec l’aviation civile suisse et les systèmes étrangers a également été évoqué, mais sans conséquences sur le vote final. Quant au Conseil des Etats, il a accepté le programme sans aucune opposition
[40].
Le Conseil national, à une confortable majorité, n’a pas donné suite à une initiative parlementaire du socialiste vaudois Pierre Chiffelle qui préconisait d’inscrire dans la Constitution un
droit de référendum en matières de dépenses d’armement. Le projet prévoyait que tout crédit de plus de 200 millions de francs destiné à l’armement pourrait être soumis à la sanction du peuple suisse. La CPS a refusé de se rallier aux arguments de l’initiant par 14 voix contre 9. Elle a notamment souligné qu’il ne serait pas très souhaitable de créer un référendum financier dans un seul domaine des dépenses de la Confédération, ni d’affaiblir le parlement en lui ôtant une de ses prérogatives. De plus, elle a considéré que le législatif était tout à fait à même de s’opposer à certaines dépenses d’armement, comme il l’avait fait en 1997 en refusant un crédit pour des obusiers blindés
[41].
Le ministre des Transports du gouvernement français, Jean-Claude Gayssot, a décidé de renoncer à la réalisation d’un
centre franco-suisse de contrôle aérien à Genève sous la pression des milieux syndicaux français. Or cette collaboration avait été promise par la France en échange de la participation de la société française Thomson au nouveau projet de
système de surveillance militaire de l’espace aérien Florako. Initialement, seule l’entreprise américaine Hughes s’était adjugé le contrat. Devant ce dédit, la Confédération n’a pas désiré remettre en cause la participation de Thomson, mais s’est réservé le droit d’en tenir compte dans des achats d’armements ultérieurs au moment du choix des fournisseurs
[42].
Au début de juillet 1998, les chefs du DETEC et du DDPS ont signé une déclaration concernant l’intégration des services de la navigation aérienne civile et militaire de la Suisse. Il s’agissait face à l’accroissement du trafic dans le ciel helvétique de mieux collaborer pour assurer une sécurité optimale. A terme, cette collaboration a pour but de développer des synergies dans le domaine, par exemple, de l’exploitation et de la maintenance et d’éviter des investissements parallèles. Du côté de l’armée, la mise sur pieds du système Florako est décrite comme une des conditions-cadres pour la gestion uniforme de l’espace aérien global. Or l’adoption de ce système de surveillance Florako a déclenché toute une série de réactions qui ont été relayées dans la presse et au parlement. Il a été reproché à l’armée de faire main basse sur la sécurité de l’espace aérien suisse. Car de son côté, Swisscontrol, l’organe civil de la surveillance de l’espace aérien, se trouvait également dans un processus de modernisation dénommé «Adapt» et avait déjà acquis la première phase de renouvellement de son matériel. L’étape suivante intitulée ATMAS (Air Trafic Management System) constituant un doublon avec Florako, elle a été diminuée de plus de moitié, sous la pression de la Confédération qui possède quelques 90% du capital de Swisscontrol. «ATMAS» devrait être opérationnel en 2003 et coûter environ 80 millions de francs.
Au
Conseil national, la CPS qui devait rendre un avis sur ce projet de réunion des deux entités de surveillance civile et militaire a été fortement divisée. La majorité de celle-ci a proposé un postulat qui a été transmis et qui invite le Conseil fédéral à assurer la coordination de l’opération et à présenter un rapport annuel sur l’état de l’avancement du projet. La minorité de la Commission, réunie autour du socialiste soleurois Banga, a présenté une motion qui se voulait plus contraignante en demandant notamment que le Conseil fédéral édicte une base légale en modifiant l’ordonnance sur le service de la navigation aérienne et en s’assurant que des investissements parallèles ne soient pas entrepris. La chambre basse a toutefois refusé cette motion par 91 voix contre 52
[43].
[35] Presse du 8.9 (entrepôts) et du 17.8 au 20.8.98 (M-113).35
[37]
24 Heures, 15.12.98.37
[38]
LT, 26.3.98. Voir également
APS 1997, p. 100 ss.38
[39]
FF, 1998, p. 2443 ss.;
APS 1997, p. 104.39
[40]
BO CN, 1998, p. 2043 ss. et 2054 ss.;
BO CE, 1998, p. 808 ss. et 818 ss.40
[41]
BO CN, 1998, p. 1483 ss.41
[42]
LT, 7.10, 9.10 et 29.10.98.42
[43]
BO CN, 1998, p. 2069 ss.;
LT, 26.6.98;
Lib., 21.11.98. Cf. aussi infra, I, 6b (Trafic aérien) et supra (programme d’armement).43
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