Année politique Suisse 1999 : Infrastructure, aménagement, environnement / Transports et communications
Poste et télécommunications
Le Conseil national a donné suite à une initiative parlementaire Hämmerle (ps, GR) demandant à La
Poste, les CFF et Swisscom d’offrir des postes de travail et des places d’apprentissage dans tout le territoire suisse. Elle réclame également que les plans de compression des effectifs ne touchent pas uniquement les régions périphériques et de montagne
[96].
Le DETEC a mis en
consultation en février un projet d’
ordonnance
sur la protection contre les rayonnements non ionisants. La nouvelle ordonnance reprend les valeurs limites d’immission reconnues sur le plan international pour les rayons électromagnétiques. Mais les connaissances étant limitées sur les effets à long terme, la Suisse prévoit des dispositions supplémentaires, à titre préventif. Des valeurs limites plus sévères sont fixées pour les lieux où des personnes sont exposées aux rayonnements de manière prolongée. Lors de constructions de lignes à haute tension, de stations de transformation, de voies de chemins de fer ou d’antennes émettrices, on respectera des distances minimales contraignantes par rapport à ces lieux de séjour exposés. Les lignes à haute tension devront être construites à une distance minimale de 20 à 60 mètres des écoles, hôpitaux et habitations. Pour les antennes de téléphonie mobile, la valeur limite est de 4 à 6 volts par mètre, en fonction du réseau. Converti en mètres, cela donne une distance d’éloignement des lieux d’habitation pouvant aller jusqu’à 40 voire 50 mètres pour une antenne puissante. Comme le rayonnement vers le bas est plus faible, la limite diminue fortement pour les antennes placées sur des toits. Dans les installations existantes, le rayonnement sera réduit autant que possible grâce à des mesures techniques
[97].
Les
résultats
de la procédure de consultation ont montré que l’édiction d’une réglementation nationale concernant la protection contre le rayonnement non ionisant était considérée comme nécessaire par presque tous les organismes consultés. Deux pôles bien distincts se sont toutefois dégagés. L’un se souciait de protéger la santé de la population, l’autre des intérêts de l’économie. Les milieux économiques ont considéré en général les valeurs limites internationales comme suffisantes, refusant des limitations qui iraient au-delà. En revanche, les cantons ont accueilli dans l’ensemble favorablement l’ordonnance, estimant que les peurs de la population et le manque de connaissances dans le domaine à long terme justifiaient des prescriptions sévères. Les organisations de protection de l’environnement et de la santé ont insisté sur l’urgence d’agir. Elles ont réclamé des valeurs limites d’immissions nettement plus faibles et plus faciles à appliquer, et proposé la mise en place d’un fonds pour financer les mesures de l’ordonnance, qui serait alimenté par les exploitants
[98]. En décembre,
l’exécutif a adopté l’ordonnance en question, reprenant pour l’essentiel les dispositions contenues dans le projet mis en consultation. Les médecins en faveur de l’environnement et les Verts l’ont dénoncée, jugeant qu’elle protégeait plus les intérêts de la puissante branche des télécommunications que les conditions de vie et la santé de la population
[99].
Au cours de l’année, de nombreuses voix se sont élevées dans tout le pays pour
protester contre la construction de nouvelles antennes permettant aux opérateurs de téléphonie mobile de faire fonctionner leur réseau. Des oppositions provenant d’habitants ou d’associations écologistes ont été déposées contre des autorisations de construction d’antennes. Un grand nombre d’habitants s’est en outre plaint de problèmes de santé qui auraient pour cause les ondes électromagnétiques émises par les antennes de téléphonie mobile. A Zurich, les autorités de la Ville ont décidé de soumettre chaque pose d’antenne à une enquête publique. Le canton de Genève a émis un règlement qui stipule que l’installation d’une antenne doit être préalablement approuvée par les autorités cantonales en matière d’environnement. Dans plusieurs cantons, notamment Neuchâtel, Berne, Argovie et aux Grisons, les services d’aménagement du territoire ont demandé aux différents opérateurs (Swisscom, DiAx et Orange) de coordonner leurs efforts pour installer un maximum d’antennes conjointes
[100].
En avril,
Swisscom a annoncé la suppression d’environ 6000 emplois dans les vingt mois suivants et la création de quelque 2000 autres. Dirigeants et syndicats ont ouvert des négociations afin d’éviter les licenciements. En mai, un accord a été trouvé entre les partenaires sociaux. Pour la fin 2001, les emplois devront avoir diminué de 4000 places pour passer de 22 000 collaborateurs à 18 000. 6300 postes disparaîtront, dont 2200 par préretraite. 2300 autres emplois seront toutefois créés. Swisscom a refusé une réduction générale du temps de travail, au regret du syndicat de la communication. En novembre, les syndicats du personnel de Swisscom ont organisé des manifestations de soutien à Genève, Fribourg et Neuchâtel suite au licenciement abrupt d’une quinzaine de collaborateurs. Les syndicats ont accusé Swisscom de ne pas appliquer le plan social qui devait permettre des préretraites ou des replacements de personnel au sein de l’entreprise, ainsi que de repousser ces mesures jusqu’en 2001, lorsque le statut de fonctionnaire des collaborateurs aura disparu
[101].
Suite à la plainte de Sunrise contre les tarifs trop élevés d’interconnexions de Swisscom, les deux opérateurs ont conclu un
accord sur une baisse des prix d’interconnexions sous l’égide de l’Office fédéral de la communication (OFCOM) pour 1998 et 1999. Les deux sociétés ont négocié sur la base des analyses détaillées du calcul des coûts de Swisscom, effectuées par l’OFCOM. Par rapport aux tarifs fixés par Swisscom en 1998, les prix d’interconnexions sont en moyenne de 18% (pour 1998) et de 26% (pour 1999) meilleur marché. En mars, Swisscom et Diax se sont également entendus pour reprendre les tarifs d’interconnexions nouvellement établis. Les deux opérateurs se sont aussi mis d’accord sur les tarifs pour l’établissement et la terminaison des appels au moyen de raccordements numériques
[102]. En novembre, Swisscom a annoncé une baisse de ses tarifs d’interconnexion d’en moyenne 12% pour le début 2000
[103].
Le Tribunal fédéral n’est pas entré en matière sur le
recours de droit administratif
de Sunrise qui n’avait pas obtenu de licence pour la téléphonie mobile en 1998
[104].
A la mi-année, l’entrée sur le marché de la téléphonie mobile d’un troisièrme opérateur,
Orange Communications SA, a entraîné une baisse des tarifs chez les deux concurrents Swisscom et Diax. Orange a démarré avec une couverture de 90% de la population grâce à un accord d’itinérance nationale (roaming) signé avec Swisscom, qui lui permet d’utiliser le réseau de l’opérateur dominant. Cet accord sera prolongé jusqu’à ce qu’Orange ait terminé de mettre en place son propre réseau, prévu pour fin 2001. Diax a saisi la ComCom pour demander un examen de la légalité de l’itinérance nationale, estimant que cet accord contrevenait à la législation sur les télécoms et sur la concurrence. La ComCom a donné tord à Diax, jugeant l’accord légal
[105].
La société zurichoise
Commcare avait déposé en 1998 une plainte auprès de la ComCom afin que Swisscom renonce à tout bénéfice dans la location de lignes pour la transmission de données. L’entreprise zurichoise demandait à la commission de prendre des mesures provisionnelles. La ComCom a estimé que les conditions d’une telle requête n’étaient pas réunies. En décembre, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de la société Commcare contre la ComCom
[106].
Swisscom a ensuite annoncé l’acquisition de 58% de l’opérateur allemand Debitel pour 2,6 milliards de francs, s’emparant ainsi du plus grand fournisseur de téléphonie en Europe. En décembre, Swisscom se séparait de sa participation dans Cablecom, principal distributeur de télévision par câble, pour le vendre au britannique NTL. Après déduction des dettes de Cablecom, Swisscom devrait encaisser près de 1,2 milliard de francs. En fin d’année, le conseil d’administration de Swisscom décidait de transformer son fournisseur de services Internet Blue Window en société anonyme afin de lui donner une plus grande marge de manœuvre en matière de partenariat
[107].
Le
bénéfice net de Swisscom pour l’exercice 1999 a progressé de 54% à 2,39 milliards de francs. Un bond spectaculaire obtenu grâce à d’importantes ventes de participations. Toutefois, en raison de la forte concurrence sur le marché, le bénéfice d’exploitation avant charge de restructuration et amortissement a baissé de 0,7% à 4,441 milliards de francs
[108].
La mise en service de trois nouveaux
centres de tri informatisés des colis de La Poste («Colis 2000»), situés à Daillens (VD), Frauenfeld (TG) et Härkingen (SO) et devant remplacer les centres de tri manuels, a connu de multiples problèmes au cours de l’année. Les trois centres ont fonctionné à titre expérimental depuis le début avril, mais de nombreux incidents, notamment informatiques, se sont produits. A cause de l’extrême complexité du système, la mise en service totale des centres a été retardée. La Poste a dû remettre d’urgence en service les anciens centres de tri manuels pour faire face à la situation
[109].
A Genève, l’annonce de la fermeture d’un bureau postal, prévue pour la fin de l’année, a entraîné une mobilisation des habitants du quartier et pris des allures de revendication nationale. L’association ATTAC (Association pour une taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens) a également été à l’origine de petites manifestations à Fribourg, Delémont ainsi que dans la plupart des grandes villes du pays pour
protester contre le projet de restructuration «Optima» et
contre le démantèlement des offices de poste. Le Conseil d’Etat fribourgeois a par ailleurs vivement réagi au projet de fermeture de plusieurs dizaines de bureaux de poste dans le canton et jugé le programme «Optima» inacceptable et excessif
[110]. En fin d’année, la presse informait que
La Poste envisageait de prendre des mesures drastiques pour rationaliser son réseau de distribution. Selon un document interne, elle
envisagerait de fermer la moitié de ses succursales dans les villes, soit 188 sur les 338 succursales présentes dans les villes suisses. A terme, 600 offices de poste sur les 3600 que compte la Suisse devraient être supprimés. 1800 bureaux de campagne n’offriraient plus que les services de base. Le syndicat de la communication s’est opposé avec virulence à ce projet, craignant un démantèlement du service public
[111].
La Poste a conclu une alliance avec son homologue hollandais entièrement privatisé TNT Post Group (TPG), deuxième compagnie européenne de distribution express
[112].
L’enquête du Ministère public de la Confédération engagée contre Jean-Noël Rey,
ex-directeur général de La Poste, a confirmé les soupçons de
gestion déloyale réitérée des intérêts publics. Le Ministère public a transmis le dossier aux autorités de poursuite pénale du canton de Berne qui devront compléter l’instruction pour préciser les reproches et la responsabilité pénale de Jean-Noël Rey
[113].
Par la suite, la commission de gestion (CdG) du Conseil des Etats a publié son
rapport
concernant les mesures prises par le DETEC lors des événements survenus à la tête de la direction générale de La Poste, qui avaient conduit le directeur général à démissionner de ses fonctions et à résilier ses relations de service avec la Confédération. La CdG était chargée d'évaluer l’exercice du devoir de surveillance du DETEC sur La Poste et d'apprécier les mesures prises. Ses conclusions ont établi que le DETEC avait exercé correctement son mandat dans le cas Haymoz, ayant intervenu rapidement auprès des responsables pour blâmer leur comportement et exiger la restitution de l'indemnité de départ octroyée. En renonçant à une enquête administrative ou disciplinaire, le DETEC avait fait usage de la marge d'appréciation que la loi lui confère. Concernant les critiques publiques adressées à M. Rey, la CdG a estimé que le DETEC avait exercé son mandat de surveillance avec trop de retenue. Il avait renoncé à une enquête disciplinaire à son sujet alors qu'existait un soupçon de violation des devoirs de fonction. En outre, le DETEC avait fait siennes les conclusions du CA de La Poste, sans se soucier de les soumettre à contre-examen, selon la CdG. Finalement, concernant le fait que le DETEC avait renoncé à dénoncer au Ministère public un prêt octroyé en 1994 à un collaborateur de l'entreprise non solvable, la CdG a estimé que le Département avait fait preuve d'imprudence dans l'examen du volet pénal de l'octroi du prêt, n’ayant pas examiné attentivement si les conditions légales étaient remplies pour déférer l'affaire au Ministère public de la Confédération. Pour sa part, le DETEC a rejeté catégoriquement toutes ces critiques
[114].
Pour l’année sous revue, la Poste a affiché
une forte baisse de son bénéfice à 167 millions de francs (– 30,1%), principalement en raison des problèmes rencontrés avec «Colis 2000». La division «colis» a ainsi bouclé l’exercice sur une perte de 214 millions de francs. Par contre, les divisions «courrier» et «Postfinance» ont affiché des bénéfices de respectivement 220 millions et 128 millions de francs. Le chiffre d’affaires net a augmenté de 4,1% pour s’établir à 5,7 milliards de francs
[115].
[96]
BO CN, 1999, p. 1830 ss. 96
[97] Presse du 17.2.99;
TG, 27.3.99. Voir également
APS 1997, p. 170. 97
[98]
NZZ, 25.5.99;
24h, 31.5.99. 98
[99] Presse du 24.12.99;
RO, 2000, p. 213 ss. 99
[100]
NZZ, 12.3 et 2.11.99;
AZ, 18.3.99;
Lib., 22.3.99;
LT, 26.3.99;
TG, 27.3.99. 100
[101] Presse du 15.4 et 5.5.99;
TG, 20.10.99;
Lib., 4.11.99. Pour le statut de fonctionnaire, voir supra, part. I, 1c (Verwaltung). 101
[102] OFCOM,
communiqué de presse du 2.3.99;
NZZ, 3.2 et 4.5.99. Voir également
APS 1998, p. 198 s. 102
[104] Presse du 15.5.99. Voir également
APS 1998, p. 198. 104
[105] Presse du 29.6.99;
NZZ, 9.10.99. 105
[107] Presse du 10.7 et 14.12.99;
LT, 18.12.99. 107
[109]
24h, 22.5 et 13.11.99. 109
[110]
LT, 2.12.99;
Lib., 23.12.99;
QJ et
NZZ, 23.12.99. 110
[111] Presse du 10.12.99. 111
[113] Presse du 30.1.99. Voir également
APS 1998, p. 199. 113
[114] Presse du 23.6.99;
FF,
1999, p. 8099 ss. 114
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