Année politique Suisse 2002 : Infrastructure, aménagement, environnement / Energie
Politique énergétique
Après avoir décidé d’un quatrième report, le Conseil fédéral a fixé au 22 septembre la date du vote sur la loi sur le marché de l’électricité (LME). Cet ajournement a permis au nouveau directeur de l’OFEN de relancer le dialogue avec les milieux qui étaient fondamentalement favorables à la LME, mais qui avaient été déçus par l’ordonnance sur le marché de l’électricité (OME). Les opposants de la première heure n’ont en revanche pas été associés à ces discussions
[1]. Le DETEC a donc procédé, de janvier à mars, à de nouvelles consultations avec les cantons, l’économie, les arts et métiers, la branche électrique, les organisations de travailleurs, de consommateurs et de protection de l’environnement, ainsi qu’avec des représentants des partis gouvernementaux.
A la fin mars, le Conseil fédéral a clôturé les discussions et a adopté l’OME.
Sept dispositions précisent et complètent la LME et les autres bases juridiques de la politique énergétique. La première contient les règles essentielles à un
acheminement non-discriminatoire au réseau. Ce sont les exploitants de réseaux qui fixent les exigences minimales pour l’accès au réseau et son exploitation. En cas de désaccord ou de conditions discriminatoires, le DETEC peut intervenir. La seconde disposition concerne les
coûts imputables. Le calcul des rétributions d’acheminement – les amortissements et les intérêts calculés – se base sur la valeur résiduelle des coûts d’acquisition, respectivement de construction des installations du réseau. Il s’agit d’une solution à mi-chemin entre la valeur de remplacement préconisée par l’industrie électrique et la valeur comptable en partie arbitraire ou soumise à des influences politiques. Les rétributions d’acheminement ne pourront pas être augmentées dans les six années qui suivent l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Un relèvement des prix demeure toutefois possible dans des cas exceptionnels et dûment approuvés par la commission d’arbitrage ; si la situation économique l’exige et si la responsabilité de l’exploitant ne peut être mise en cause. Inversement, la commission d’arbitrage, suite à ses comparaisons d’efficacité entre les exploitants, peut décider d’une réduction par étapes des prix et de remboursements des consommateurs si l’exploitation du réseau n’est pas efficace ou en cas d’abus en matière des prix. La troisième disposition touche à l’
adaptation des rétributions de l’acheminement. Les différences dues à des critères structurels (topographie, densité de la clientèle) seront réduites. Une fois les mesures cantonales de compensation des différences des rétributions épuisées, la Confédération interviendra en imposant, par exemple, la création de sociétés intercantonales d’exploitation ou l’institution d’un fonds. Par ailleurs, les coûts moyens d’acheminement au sein d’un canton ne devront pas dépasser la moyenne suisse de plus de 25%. La quatrième disposition a trait à la
transparence des rétributions de l’acheminement et au marquage distinctif de courant. Sous une forme accessible à tous, les exploitants sont tenus de communiquer à la commission d’arbitrage et aux cantons concernés leurs coûts d’acheminement. Les consommateurs recevront des factures mentionnant séparément la rétribution de l’acheminement, l’électricité et les autres prestations. S’agissant de la facturation et des offres, le type de production et la provenance du courant sont à préciser. La cinquième disposition porte sur la
garantie de la sécurité de l’approvisionnement. La LME oblige les exploitants de réseaux à assurer l’existence d’un réseau sûr et fiable, c’est-à-dire l’obligation de raccorder tous les consommateurs quel que soit leur lieu de domicile. En cas de perturbation ou de menace de la sécurité d’approvisionnement, l’OME contient des dispositions s’inspirant des mesures préventives inscrites dans la loi sur l’approvisionnement économique. En outre, l’OME renforce l’observation du comportement des entreprises ayant une position dominante. La sixième disposition évoque les
mesures d’accompagnement en faveur du personnel de l’industrie électrique. Afin de le soutenir en cas de restructurations, l’OME contraint les entreprises à prévoir des mesures de perfectionnement, de reconversion et de placement. La septième disposition concerne les
mesures d’accompagnement en faveur des énergies renouvelables. Les conditions d’injection décentralisée et la production de courant dans les microcentrales alimentées par des énergies renouvelables ont été améliorées en ceci que les coûts supplémentaires dus à leur reprise pourront être répercutés sur le réseau de transport. Ainsi, ces coûts ne seront désormais plus à la charge de l’entreprise électrique locale, mais de tous les consommateurs en Suisse. Au demeurant, les coûts supplémentaires qui en résultent sont très limités (quelques pour-mille des coûts totaux de l’approvisionnement en électricité). Pour terminer, l’ordonnance fixe les conditions d’octroi de prêts aux centrales hydroélectriques en proie à des difficultés économiques (s’agissant des investissements non amortissables) ou qui nécessitent un renouvellement dans les 10 à 20 prochaines années
[2].
La nouvelle mouture de l’OME a réussi le tour de force de
réconcilier les partisans de la libéralisation et de rallier d’autres acteurs autour d’un consensus relatif. Parmi les partis gouvernementaux, les démocrates-chrétiens, les radicaux et l’UDC ont apporté un soutien déterminé, avec néanmoins certaines déviances cantonales. Economiesuisse, l’USAM et pratiquement tous les milieux économiques, dont un comité proche des PME, ont fait de même. Longtemps hésitante avant la publication de l’ordonnance, l’Association des entreprises électriques suisses s’est rangée derrière la LME. C’est également le cas de l’Entente suisse pour une politique énergétique raisonnable, de la Fondation suisse pour l’énergie, du Forum suisse de l’énergie et de l’Association des petites centrales électriques. La Fédération romande des consommateurs et son pendant alémanique, le Konsumentinnenforum, ont rejoint les rangs des partisans à la loi après avoir obtenu la création d’un poste d’ombudsman. Les cantons, avec l’appui de la Conférence des directeurs cantonaux de l’énergie et celui de la Conférence des cantons de montagne, ont aussi apporté leur soutien. Tous ces acteurs soutenaient la loi cadre (LME) et ses directives d’application (OME). Parmi les avantages directs de la LME, ils citaient la
garantie d’une ouverture politiquement et légalement contrôlée. Sans cette loi, ils craignaient que la libéralisation ne se fasse de façon sauvage selon les affres du marché et sous le diktat des grandes entreprises. De plus, le service public était préservé par l’obligation de desservir chaque région. La Confédération et les cantons y veilleraient et pourraient intervenir, de même que pour le contrôle des prix et la sécurité de l’approvisionnement. Un autre avantage majeur de la libéralisation aux yeux de ses partisans était le nivellement des variations des prix entre les différentes localités suisses et la baisse générale des coûts de l’électricité. Jusqu’alors, le client était captif d’un fournisseur local ; avec la LME, il continuerait d’en dépendre pour l’acheminement final mais serait libre d’acheter du courant de son choix (vert, hydraulique, nucléaire) au producteur de son choix. Le transport par lignes à haute tension resterait un monopole géré par une société privée mise sur pied et sous contrôle de la Confédération. La libre concurrence permettrait également de mettre à jour les prélèvements pour les taxes et impôts communaux, ainsi que de mettre fin à des tarifs librement décidés. Les consommateurs et l’économie pourraient donc immédiatement profiter de cette baisse de prix. Pour les milieux économiques, cet argument était extrêmement important, car les entreprises suisses, en particulier les PME, payaient trop cher leur électricité en comparaison avec leurs concurrents immédiats. Une libéralisation permettrait donc d’accentuer la compétitivité de la place économique suisse. L’acceptation de la libéralisation du marché de l’électricité était aussi importante pour les partisans en regard avec celle qui se mettait progressivement en place dans les différents pays européens. La Suisse étant exportatrice de courant de pointe, un rejet de la LME pouvait entraîner des mesures de rétorsion. La promotion des énergies renouvelables via l’achat ou l’acheminement gratuit était également citée comme point positif de la LME
[3].
Alors que la droite faisait bloc en faveur de la libéralisation, la
gauche montrait des signes de division. Le WWF, l’Agence des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (AEE), les protagonistes des énergies nouvelles et renouvelables comme SOFAS et Swissolar pour l’énergie solaire, SVW pour l’éolienne, SGG pour la géothermie, ainsi que les antinucléaires comme Gewaltfreie Aktion Kaiseraugst (GAK) et le Komitee gegen Atomkraftwerke (NWA) apportaient un appui ferme à la LME. Ces associations estimaient qu’un rejet de la LME n’arrêterait pas la libéralisation et voyaient dans cette législation des règles du jeu protégeant les consommateurs et favorisant les énergies nouvelles. Sur ce dernier point, la LME prévoyait la gratuité de l’acheminement du courant provenant de l’énergie solaire, éolienne ou du biogaz pendant dix ans. Certains ténors socialistes (Simmonetta Sommaruga (BE), Rudolf Strahm (BE) et Rudolf Rechsteiner (BS)), ainsi que le groupe parlementaire socialiste, se sont alignés sur leur représentant au Conseil fédéral – Moritz Leuenberger, en charge du dossier – et ont rejoint un comité rose-vert qui plaidait en faveur de la libéralisation. Le PS, suivant sa direction, a toutefois émis un mot d’ordre négatif envers LME. En votation finale, ce sont les Romands, en persuadant une majorité d'Alémaniques, qui ont fait basculer la balance. Les Verts se sont également opposés à la LME. Ils ont estimé que la loi ne changerait pas les rapports de forces entre énergies "propres" et énergies non renouvelables. Au clan des référendaires, emmené par l’USS, l’Alliance de gauche, le Syndicat Industrie publics (SIB) et le Syndicat des services publics (SSP), sont venus s’ajouter les maires de Lausanne, Berne, Delémont et Granges (BE). Les opposants
reprochaient à la LME de vouloir remplacer un système performant, où les prix sont stables et des réserves constituées compte tenu de la planification connue de la demande,
par une situation chaotique. D’après eux, la libéralisation entraînerait une hausse des prix pour les petits et moyens consommateurs et ceci malgré l’offre, alors qu’ils baisseraient pour les grandes entreprises. Ils déploraient que la LME ne prévoie ni de limite maximale des prix, ni de contrôle sévère pour éviter les fluctuations qu’engendreraient le marché et les spéculateurs. Autre défaut ; la loi n’obligeait pas suffisamment les producteurs à entretenir des réserves de courant. Un vrai devoir d’approvisionnement n’y figurait pas et les mesures imaginées par la Confédération étaient inapplicables face à un marché où l’offre s’adapte à la demande. Les opposants à la LME craignaient également qu’un oui permette aux géants étrangers d’écouler du courant à des prix de dumping afin de conquérir le marché suisse. Face à cette brutale intrusion, les compagnies suisses seraient trop petites pour résister, d’où une complète réorganisation de l’industrie électrique suisse et des alliances avec des grandes compagnies étrangères. La conséquence directe serait la suppression de 6000 des 25 000 emplois du secteur. Les opposants déploraient que l’ordonnance n’ait prévu aucune mesure sociale contraignante. Quant à l’évolution du marché suisse, ils imaginaient une situation de privatisation d’abord partielle puis complète. Le
service public, dont il n’était pas fait mention dans la loi, serait ainsi progressivement
démantelé par les privatisations. Les communes perdraient tout contrôle sur la production et une hausse des pannes et un abaissement dans la sécurité des installations seraient à craindre. Les référendaires se montraient aussi perplexe quant aux avantages de la loi pour l’électricité "verte". Le coup de pouce – acheminement gratuit – n’était pour eux que de la poudre aux yeux. Quant à l’argument que la libéralisation était déjà en cours, ils le contestaient fermement en rappelant qu’il fallait un acte législatif pour le rendre effectif. Les changements intervenus étaient uniquement pour certains gros consommateurs qui avaient réussi à négocier des précontrats plus favorables avec leur fournisseur dans la perspective d’une acceptation de la LME
[4].
A une semaine de la votation, la Commission de recours pour les questions de concurrence (organe de recours pour la Comco) a jeté un pavé dans la mare en ordonnant aux Entreprises électriques fribourgeoises (EEF) d’ouvrir leur réseau à la concurrence. Elle rejetait le recours des EEF qui arguait que l’on ne pouvait ouvrir le réseau sans posséder les règles du jeu. Motifs de l’organe de recours : les EEF jouissent d’une position dominante sur le marché au regard de la loi sur les cartels. Le paradoxe était de taille à l’approche du vote, car cette décision indiquait que la libéralisation du marché de l’électricité était effective et s’opposait donc à un des arguments clés d’une partie des référendaires
[5].
Loi sur le marché de l’électricité (LME)
Votation du 22 septembre 2002
Participation : 44,8%
Oui: 972 770 (47,4%)
Non: 1 078 412 (52,6%)
– Oui: PRD (1*), PDC, UDC (4*), PL, PE, UDF ; UCAPS, USAM, Economiesuisse.
– Non: PS (4*), PE (1*), PCS, PST, DS ; USS.
– Liberté de vote : USP, CSC.
* Recommandations différentes des partis cantonaux
Les votants ont refusé la loi sur le marché de l’électricité par 52,6%. La Suisse romande et le Tessin l’ont rejeté en bloc. Huit cantons suisses alémaniques (Appenzell AR, Appenzell AI, Glaris, Schaffhouse, Soleure, St-Gall, Thurgovie, Zurich) se sont montrés tout aussi sceptiques. L’analyse VOX constatait que les votants – spécialement en Suisse romande –, ont principalement retenu l’aspect de la libéralisation et de la privatisation, bien que ce dernier point ne faisait pas partie de l’objet de la LME. La LME a principalement été rejetée par les votants qui font peu confiance au gouvernement et par les adversaires de la privatisation. Ces derniers se sont prononcés bien plus nettement en Suisse romande qu’en Suisse alémanique pour le maintien d’entreprises d’Etat. Parmi les arguments avancés chez les opposants à la LME, ce sont les motifs économiques qui prédominaient : un refus de la libéralisation et de la privatisation, ainsi que la crainte des désavantages de la concurrence et des augmentations de prix. Quant aux partisans de la LME, ils ont cité les mêmes motifs que les opposants, avec cependant une connotation positive : l’inéluctabilité de la libéralisation et son adaptation au marché suisse et européen, ainsi que les avantages de la concurrence et une baisse des prix. Il est à noter le peu d’importance accordé aux motifs écologiques par les deux camps.
Moritz Leuenberger, prenant acte du résultat, a tenu à préciser le rôle du Conseil fédéral. Celui-ci
agira sur la base du droit en vigueur, en l’occurrence la loi sur les cartels, qui lui permet de passer outre s’il estime que l’intérêt public justifie le maintien d’un monopole. Concernant d’éventuels accords entre les entreprises électriques ou en cas de conflit entre producteurs et distributeurs d’électricité, le rôle du Conseil fédéral se limitera à celui d’arbitre ou de médiateur. Compte tenu de la distorsion des conditions de concurrence entre opérateurs suisses et européens résultant du refus de la libéralisation du marché électrique, l’UE a exigé la réciprocité en la matière. Les EEF ont également réagi en faisant recours au Tribunal fédéral dans l’affaire les opposant à la Comco (voir supra). La procédure est suivie de très prêt, car le dossier, quelle que soit son issue, sera un cas d’école
[6].
Le groupe stratégique de SuisseEnergie, dans lequel sont représentés la Confédération, les cantons, l’économie et les organisations écologistes, a tiré un premier bilan du programme et a défini les lignes directrices pour la suite. La première constatation concerne les émissions de CO2 ; à moins d’un renforcement drastique des mesures librement consenties, des incitations ainsi que des directives légales, une taxe sur le CO2 apparaît inévitable pour que la Suisse atteigne ses objectifs énergétiques et environnementaux. En 2001, la consommation globale d’énergie a augmenté de 2%, le parc automobile s’est une fois de plus accru et la consommation de mazout a enregistré une hausse de 5%. Pourtant, le programme SuisseEnergie a permis de nouveaux progrès dans la même période. Les économies réalisées au niveau de la consommation d’énergie ont atteint 5,2% en 2001 (contre 4,6% lors du dernier exercice d’Energie 2000).
SuisseEnergie a donc bien pris le relais d’Energie 2000. Le groupe stratégique a jeté les bases des travaux à venir, à savoir le renforcement et l’extension des volets du programme. Il s’agira de soutenir activement la stratégie des cantons dans le secteur du bâtiment, ainsi que les conventions dans le secteur de la mobilité (avec Auto-suisse), avec l’économie (AEnEc) comme avec les branches des énergies renouvelables (AEE). En outre, des incitations supplémentaires s’imposent pour réduire la consommation d’énergie dans le bâtiment et dans les transports. Enfin, il faudra intensifier la mise en application des résultats de la recherche. La priorité pour 2003 concernera la mobilité – en particulier l’étiquetteEnergie destinée aux automobilistes – et, pour 2004, ce sera le tour du secteur du bâtiment, où les cantons s’engageront aux côtés de SuisseEnergie
[7].
Le DETEC, par l’entremise de Moritz Leuenberger, et l’Association des importateurs suisses d’automobiles (Auto-suisse) ont signé une
convention visant à diminuer la consommation normalisée de carburant des nouvelles voitures. Leur consommation moyenne devra diminuer en moyenne de 0,25 litre aux 100 km par année jusqu’en 2008 (passer de 8,4 litres à 6,4 litres aux 100 km – baisse de 24%). Il s’agit là de la première convention d’objectifs jamais signée mettant en œuvre, dans le cadre de SuisseEnergie, les dispositions prévues par la loi sur le CO2 et celle sur l’énergie. Si l’écart entre les résultats enregistrés année après année et ce qui avait été convenu devait être supérieur à 3%, le Conseil fédéral se réserverait le droit de dénoncer la convention à partir de 2005 et d’imposer d’autres mesures. Les calculs seront opérés dès 2004. En contrepartie, le DETEC s’engageait, dans le cadre de SuisseEnergie, à soutenir les efforts d’Auto-suisse. A cet égard, plusieurs initiatives ont été envisagées : l’introduction d’une étiquette énergétique pour les automobiles (voir infra), la promotion de véhicules diesel présentant un meilleur rendement énergétique, associée à l’introduction du carburant sans soufre, le soutien à de nouvelles technologies en matière de conception des moteurs et l’encouragement de concepts de circulation novateurs. A noter qu’il sera également tenu compte de l’impact de la convention dans le calcul d’une éventuelle taxe sur le CO2. Comme les différentes mesures ne permettront pas de remplir les buts de la loi sur le CO2, le Conseil fédéral souhaitait renforcer les mesures volontaires, comme le car-sharing, la promotion du trafic lent, le transfert route-rail, ainsi que la promotion d’un style de conduite plus écologique. Quant aux cantons, ils auront le loisir d’édicter les prescriptions sur les économies de carburant ou d’aménager la taxe sur les véhicules à moteur
[8].
S’inscrivant dans le droit fil de la convention signée entre le DETEC et Auto-suisse (voir supra), le Conseil fédéral a approuvé l’introduction d’une
étiquette énergétique pour les automobiles neuves. Celle-ci veut rendre les consommateurs attentifs au rendement énergétique des voitures. Concrètement, l’étiquette énergétique – analogue à celle introduite pour les appareils électriques – précise, à la l’aide des catégories allant de A à G, si une automobile consomme peu ou au contraire beaucoup de carburant. L’étiquette sera visible sur tous les véhicules exposés à la vente. Les listes de prix et le matériel publicitaire devront également mentionner la catégorie de consommation des modèles présentés. Le nouvel appendice de l’ordonnance de l’énergie est entré le 1er octobre en service. Les importateurs d’automobiles et les garagistes ont jusqu’au 1er janvier 2003 pour s’y conformer
[9].
L’OFEN a lancé une campagne nationale de
promotion des deux-roues électriques. Placée sous l’égide de SuisseEnergie, elle vise à favoriser l’utilisation des vélos et scooters électriques. L’OFEN espère la vente de 1000 deux-roues électriques. Inauguré en 2001 dans le canton de Berne, ce programme a été étendu à la ville de Zurich et au demi-canton de Bâle-Ville. Les cantons et les communes qui y participent encouragent les entreprises à promouvoir ces moyens de locomotion écologiques
[10].
Comme la loi sur l’énergie l’y autorise, l’OFEN a confié des mandats de prestations à des organisations privées. Ainsi, deux
contrats cadres ont été signés avec l’Agence de l’énergie pour les appareils électriques (eae)
[11] et l’Agence suisse pour l’efficacité énergétique (S.A.F.E.)
[12]. Ceux-ci veulent donner un coup de pouce aux appareils électriques à bon rendement énergétiques par l’entremise de la promotion de leurs modèles et une utilisation parcimonieuse des appareils. Objectif minimum :
contrebalancer l’augmentation de la consommation due à l’accroissement des ventes des appareils électroménagers qui engloutissent environ 60% du courant consommé en Suisse
[13]. En vertu du contrat, les associations affiliées à l’eae s’engagent à contribuer activement à la réduction de la consommation d’énergie en Suisse en prenant des mesures volontaires touchant à la commercialisation et à l’usage des appareils électroménagers. Une mesure envisagée consiste à établir une base de données publique, qui, en rendant le marché plus transparent, permettrait aux consommateurs de prendre connaissance des caractéristiques énergétiques de chaque modèle disponible dans le commerce. Comme pour l’eae, le contrat cadre conclu avec la S.A.F.E. porte jusqu’en 2006. Cette agence est chargée avant tout de
modifier le comportement d’achat des consommateurs et d’élaborer des incitations afin d’étoffer la gamme d’appareils peu gourmands en énergie disponibles sur le marché. Ce projet comprend notamment la surveillance du marché, le benchmarking et l’information
[14].
Selon une enquête de l’Alliance énergie consommation, l’
étiquetteEnergie, introduite en 2002 et obligatoire dès 2003, peinait à s’imposer. Seule la moitié des appareils électroménagers et des lampes étaient correctement étiquetés
[15].
Pour l’année sous revue, la Confédération a octroyé
13 millions de francs pour financer des projets énergétiques dans 24 cantons. Manquent à l’appel Schwyz et Obwald, qui n’ont pas encore élaboré de programme d’encouragement. Comme le veut la loi sur l’énergie, les tâches de promotion de l’utilisation rationnelle de l’énergie, des énergies renouvelables et de la récupération de chaleur relèvent, depuis 2000, essentiellement des cantons. Le rôle de la Confédération est limité au versement chaque année, dans le cadre de SuisseEnergie, des contributions globales à ceux d’entre eux qui mettent sur pied leur propre programme d’encouragement. Seuls les projets d’importance nationale ou supracantonaux reçoivent encore une aide directe de la Confédération. Chaque canton a l’obligation d’injecter dans son programme d’encouragement un montant au moins équivalent à l’aide fédérale
[16].
Les Suisses ont consommé davantage d’électricité en 2002 que l’année précédente; une
hausse de 0,5% ou 0,3 milliards de kWh pour un total de 54 milliards de kWh. En revanche, la production indigène a diminué, notamment en raison du recul des exportations. En cette période de stagnation économique, le principal facteur explicatif de cette augmentation est la croissance démographique – la population résidente a augmenté de quelque 90 000 individus (+1,2%) –, alors que l’activité économique, mesurée par le PIB, n’a progressé que de 0,1%. La production des centrales (tout types confondus) a baissé de 7,4% par rapport à 2001 pour atteindre 65 milliards de kWh. Cette baisse s’explique notamment par la variation de l’offre disponible dans les pays voisins et par l’évolution des conditions climatiques en Suisse. Les centrales hydroélectriques ont fourni un peu plus de la moitié de l’apport électrique (56,2%), contre 39,5% pour les centrales nucléaires. Les centrales thermiques conventionnelles et les autres installations fournissant les quelque 4,3% restants. Les cinq centrales nucléaires suisses, utilisées à 91,7% de leur capacité, ont établi un nouveau record en produisant 25,7 milliards de kWh
[17].
Lors de la procédure de consultation, une majorité d’échos négatifs ont été adressés au projet d’Agence nationale de la sécurité. Ce dernier était jugé comme superflu, trop compliqué et trop centralisé. Dans le contexte de la polémique de l’accident d’Überlingen (D)
[18], le DETEC a relancé l’idée d’une instance centrale pour le contrôle technique de la sécurité des installations techniques, mais sous une
version allégée. Selon le projet en préparation, l’agence ne devrait superviser que les domaines déjà de la responsabilité de la Confédération. De plus, ceux-ci ne devraient pas tous passer intégralement sous la férule de l’instance à créer. En ce qui concerne la sécurité aérienne, le projet prévoit de confier la responsabilité du contrôle des avions aux fabricants, ainsi qu’à une instance indépendante. Et la Division principale de la sécurité des installations nucléaires quitterait l’Office de l’énergie pour être subordonnée à la nouvelle agence. Quant à la centralisation du contrôle des véhicules, elle serait abandonnée
[19].
[1] Pour plus de détails, voir
APS 2001, p. 113 ss.
[2]
LT, 25.1 (report) et 19.3.02; presse du 8.2 et 28.3.02 (présentation de l’OME); OFEN,
communiqué de presse, 27.3.02 (détails de l’OME).
[3]
NF, 11.6 et 4.9.02;
Lib., 6.7 (PME), 13.8 (captivité des consommateurs), 11.9 (rétorsion européenne) et 12.9.02;
QJ, 21.8 et 31.8.02 (position des acteurs);
LT, 3.9 et 9.9.02 (FRC);
24h, 3.9.02.
[4] Presse, 28.5 (arguments de l’USS) et 24.6.02 (position du PS);
QJ, 31.8.02 (position des acteurs);
Lib., 11.6, 11.9 (point de vue des associations "vertes") et 14.9.02 (interview Maillard);
NF, 4.9.02;
TG, 7.9.02 (les Verts);
24h, 14.9.02.
[6]
FF, 2002, p. 7264; presse du 23.9 (votation) et 28.9.02 (UE);
TG, 26.9 et 22.10.02 (EEF).
[7] OFEN,
communiqué de presse, 5.9.2002;
LT, 30.10.02. Concernant l’implication de SuisseEnergie pour la réduction de CO2, voir également le chapitre 6d.
[8] Presse du 20.2.02; DETEC,
communiqué de presse, 8.7.2002.
[9] DETEC,
communiqué de presse, 4.9.02.
[11] L’eae a été créée au printemps 2000 sous l’impulsion de milieux économiques. Quatre associations de branche et de défense des consommateurs en font partie : FEA (Association suisse des fabricants et fournisseurs d’appareils électrodomestiques), SWICO (Association économique suisse de la bureautique, de l’informatique, de la télématique et de l’organisation), ASE (Association suisse des électriques) et le Forum des consommateurs.
[12] Le S.A.F.E. défend les intérêts des consommateurs à sensibilité écologique. Vis-à-vis l’OFEN, elle apparaît comme la représentante du WWF Suisse, de la Fondation suisse de l’énergie (FSE), de la Société suisse pour la protection de l’environnement (SPE) et de Greenpeace Suisse pour les questions concernant les appareils électriques.
[13] SuisseEnergie s’est fixé pour objectif de limiter l’augmentation de la consommation d’électricité à 5% sur la période 2000-2010.
[14] OFEN,
communiqué de presse, 29.5.02.
[15] Presse du 27.11.02. Voir également
APS 2001, p. 116 s.
[16] OFEN,
communiqué de presse, 25.9.02.
[18] Lors du crash du 1er juillet entre un avion du transporteur DHL et un avion de ligne de la compagnie Bashkirian (Bachkortostan, Russie), le contrôleur aérien suisse – Skyguide – a été directement mis en cause. Voir supra, part. I, chapitre 2, Politique étrangère.
[19]
BaZ, 24.7.02; presse du 25.7.02. Voir également
APS 2001, p. 118.
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