Année politique Suisse 2003 : Chronique générale
Politique étrangère suisse
La nouvelle conseillère fédérale, la socialiste Micheline Calmy-Rey, a repris le DFAE. – En raison de l’absence de résolution onusienne légitimant l’intervention en Irak, le droit de la neutralité a été appliqué. – Le Conseil national a rejeté une motion de l’UDC demandant au Conseil fédéral de retirer la demande d’adhésion de la Suisse à l’UE. – Outre la poursuite des négociations sur les bilatérales II, les deux parties ont entamé des négociations sur l’extension de la libre circulation des personnes aux futurs membres de l’Union.
Principes directeurs
Le Conseil national n’a pas donné suite à une motion de l’Union démocratique du centre (déposée en mai 2003) demandant au Conseil fédéral de
retirer définitivement la demande d’adhésion de la Suisse à l’Union européenne. Se référant au rejet massif de l’initiative populaire « Oui à l’Europe » en 2001, l’UDC estimait que le signal du peuple était clair. De plus, selon la motion, le gouvernement, en maintenant la demande, se compliquait la tâche dans les négociations en cours en faisant croire à l’autre partie que le pays voulait entrer dans L’UE. Dans sa réponse défavorable à ce texte, le gouvernement a rappelé que la demande d’adhésion, déposée en mai 1992, avait été gelée après le rejet de l’Espace Economique Européen. Le Conseil fédéral a également confirmé son intention d’évaluer, au cours de la prochaine législature, la pertinence de l’ouverture de négociations d’adhésion. Quant aux prétendus préjudices causés par cette demande lors des négociations, le gouvernement n’estimait pas en avoir subi. Il a conclu en affirmant que le retrait de cette demande n’apporterait rien et qu’il ne ferait que « créer un besoin inutile d’explications à l’étranger ». Au plénum, le démocrate du centre Caspar Bader (BL) a défendu la motion en condamnant le double jeu mené par le gouvernement : d’un côté, des négociations bilatérales, de l’autre la volonté d’adhérer. Après un débat relativement court, où seuls sont intervenus des élus socialistes et démocrates du centre, ainsi que la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, la motion a été rejetée par 116 voix contre 61 (dont 47 udc, 10 prd et 2 pdc)
[1].
La
Conférence des gouvernements cantonaux a apporté son appui à la politique européenne du Conseil fédéral, à la mi-décembre, à l’occasion d’une rencontre avec la ministre des affaires étrangères. Les cantons ont, d’une part, approuvé le deuxième cycle de négociations bilatérales, et d’autre part, soutenu l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes aux nouveaux membres de l’UE. Ils ont également souligné l’importance du dialogue entre les différents niveaux institutionnels, afin de légitimer aussi largement que possible les décisions
[2].
Un mois plus tôt, plus de septante personnes avaient lancé un
manifeste pour l’ouverture de négociations d’adhésion en 2004. Aux côtés d’anciens conseillers fédéraux (René Felber, Ruth Dreifuss), se trouvaient des personnes issues des milieux artistiques, scientifiques ou encore économiques. Le texte fustigeait la « marginalisation rampante » de la Suisse. Cette initiatives était parrainée par le Nouveau Mouvement Européen Suisse (NOMES)
[3].
Dans la deuxième moitié du mois de janvier, le Conseil fédéral a communiqué sa position concernant la crise irakienne. Il a répété son attachement à l’exploitation de tous les moyens pacifiques avant d’envisager l’emploi de la force. Il a par ailleurs précisé qu’aucune résolution de l’ONU n’était pour l’heure suffisante pour justifier une intervention militaire contre l’Irak. Sans un nouveau texte, le gouvernement considérerait se trouver face à un cas de conflit armé entre Etats qui impliquerait l’application du droit de la neutralité. Dans la deuxième moitié du mois de février,
le Conseil fédéral a rappelé sa position concernant la crise irakienne. Il a salué la décision du Conseil de sécurité des Nations-Unies de prolonger la mission des inspecteurs en désarmement et a réitéré son souhait que tous les moyens pacifiques soient exploités avant un éventuel emploi de la force. Il a ensuite rappelé que la résolution 1441 de l’ONU ne constituerait pas une base suffisante pour légitimer une attaque au regard du droit international. Si, en cas de déclenchement d’un conflit, aucune nouvelle résolution ne devait être adoptée, le Conseil fédéral a annoncé qu’il appliquerait le droit de la neutralité. Concrètement, cela impliquerait le refus d’accorder tout droit de transit ou de survol pour des transports militaires. Des exceptions pour des vols à des fins humanitaires pourraient cependant être envisagées. Même en cas de légitimation de l’intervention par le Conseil de sécurité, le gouvernement s’est réservé le doit d’accorder ces autorisations de survol au cas par cas. Une interdiction d’entrée sur le territoire helvétique a également été prononcée contre le président irakien Saddam Hussein et ses proches (famille ou dignitaires du régime). La
politique de la Suisse en matière de survol de son territoire a été précisée quelques jours après l’annonce de la position du gouvernement. Le gouvernement se devait de détailler son point de vue dans la mesure où les Etats-Unis avaient adressé à la Suisse, ainsi qu’à d’autres pays, une demande de droit de survol illimité pour les mois à venir, et pour tout type d’engin. Comme on se trouvait à l’aube d’un conflit, sans toutefois qu’il ait commencé, le droit de la neutralité n’était pas encore applicable. Le Conseil fédéral a toutefois adopté une stratégie prudente. Il a décidé de refuser le survol du territoire à certaines catégories de vols dont les missions allaient à l’encontre du principe de neutralité (principalement les transports de troupes et de matériel). Les vols humanitaires et médicaux ont été acceptés, de même que les vols de reconnaissance et de surveillance
[4].
Le Conseil fédéral a estimé que
le lancement de l’opération militaire contre l’Irak, dans la nuit du 19 au 20 mars, décidé sans l’autorisation explicite du Conseil de sécurité des Nation-Unies, constituait un cas d’application du droit de la neutralité. Comme on était confronté à un conflit armé entre Etats, la Suisse ne devait contribuer d’aucune manière ni aux opérations militaires, ni à l’effort de guerre. Le survol du territoire helvétique par des aéronefs participant au conflit à des fins militaires était dès lors interdit, de même que les vols de surveillance et de reconnaissance à ces mêmes fins. Les survols à objectifs humanitaires, notamment le transport des blessés, étaient autorisés. Les mesures prises en matière d’exportation de matériel de guerre, vers les pays participants à l’intervention, sont précisées au chapitre consacré à la défense nationale (partie I, 3, Armement). Dans son discours devant l’Assemblée fédérale, le président de la Confédération Pascal Couchepin a exprimé les regrets (« Le Conseil fédéral regrette… ») du collège gouvernemental quant à la transgression de la Charte des Nations-Unies par les Etats-Unis et les autres participants à cette guerre. Le terme de condamnation n’a pas été utilisé. Le conseiller fédéral a ainsi rappelé que le gouvernement irakien portait une lourde responsabilité dans le déclenchement des hostilités. Concernant le rôle du Conseil de sécurité des Nations-Unies, il a émis le souhait, au nom de la Suisse, qu’il puisse rétablir au plus vite son rôle prééminent en matière de paix et de sécurité internationale. Il a ainsi estimé qu’il n’y avait pas d’alternative au multilatéralisme. Suite à ce discours, les différents partis politiques ont eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet. Les positions exposées reflétaient les différences classiques de sensibilité en matière de politique étrangère et de perception des Etats-Unis d’Amérique. De nombreuses manifestations contre le déclenchement de la guerre ont eu lieu dans toute la Suisse. A la fin du mois de mars,
la Suisse n’a pas donné suite aux demandes du Département d’Etat américain d’expulser des diplomates irakiens en poste en Suisse et de fermer leurs représentations (à Berne et auprès des Nations-Unies à Genève). Les enquêtes menées par les autorités suisses n’avaient pas permis de confirmer la véracité des accusations formulées par les Américains
[5].
Dans la première moitié du mois d’avril, le DFAE a rappelé sa position sur la situation en Irak. Il a réitéré son souhait de voir les combats cesser le plus vite possible, ainsi que son engagement en faveur du renforcement du rôle de l’ONU pour la restauration de la souveraineté de l’Irak.
A la mi-avril,
le Conseil fédéral a estimé, avant les Etats-Unis,
que la guerre était terminée. La principale conséquence de cette décision était la levée des mesures prises dans le cadre de l’application du droit de la neutralité. Elles concernaient principalement l’interdiction de survol et transit du territoire suisse, ainsi que des limitations d’exportations de matériel de guerre. C’est principalement ce dernier point qui semble avoir précipité cette annonce. Une prolongation des restrictions aurait en effet pu remettre en question un contrat de vente de 32 avions de chasse « Tiger F5 », passé avec la marine américaine (voir infra, partie I, 3, Armement). Cette dernière version n’était toutefois pas celle donnée par le Conseil fédéral. Officiellement, il a fondé sa décision sur la réalité du terrain. Les forces armées irakiennes n’étant plus en mesure de combattre et d’opposer une résistance organisée, une annonce formelle de fin des hostilités semblait peu vraisemblable. Le PS a critiqué cette décision et dénoncé les préoccupations économiques l’ayant motivée. L’UDC a également fustigé le gouvernement en raison de la menace qu’il faisait peser sur la crédibilité de la neutralité suisse. Le PDC a manifesté un certain scepticisme et regretté que les autorités donnent l’impression de capituler face à une grande puissance. Seul le PRD a manifesté une certaine compréhension pour la décision. Le Conseil fédéral a également débloqué un crédit supplémentaire de 20 millions de francs pour les activités humanitaires (CICR, aide directe de la Suisse et contributions à des organisations humanitaires) sur place
[6].
Au début du mois d’avril, la conseillère fédérale
Micheline Calmy-Rey a dû renoncer à son projet de liste des victimes civiles du conflit en Irak, lancé deux jours plus tôt. Son département a annoncé que des obstacles d’ordre méthodologique, principalement liés au manque de fiabilité des sources d’information à disposition, ne permettaient pas de poursuivre ce projet. Le DFAE avait envisagé d’actualiser régulièrement cette liste afin de sensibiliser le public aux souffrances de la population civile irakienne dans les zones de conflit. Le département a annoncé son soutien à la mise sur pied d’un centre d’information consacré à la région du Moyen-Orient. Il sera chargé de réunir des informations aussi objectives que possible sur la situation des populations civiles, et de les mettre à la disposition des médias et des organisations humanitaires. L’objectif était de sensibiliser l’opinion publique au sort de la population civile. Son idée, émise dans un entretien paru dans la presse dominicale, n’avait pas été préalablement soumise à l’approbation du Conseil fédéral. Ce procédé n’a pas manqué de créer une certaine irritation au sein du collège gouvernemental. Son parti l’avait soutenue, tout en soulignant les difficultés de réalisation. L’UDC estimait qu’une telle liste n’était pas compatible avec la neutralité. Les radicaux et les démocrates-chrétiens ont également critiqué la démarche de la nouvelle ministre
[7].
Le DFAE a annoncé, le 17 mars 2003, le départ du personnel suisse (deux personnes) du
bureau de liaison de la Suisse à Bagdad. Les conditions de sécurité insuffisantes, conséquence directe de l’imminence du conflit, ont motivé cette décision. Le personnel a été évacué vers Amman (Jordanie). La reprise des activités de ce bureau a été annoncée au début du mois de mai, après la chute du régime irakien. Sa direction a été confiée à un diplomate spécialiste du monde arabe, auquel ont été associés un coordinateur pour l’aide humanitaire, deux autres collaborateurs suisses ainsi que du personnel local
[8].
Début février, la nouvelle ministre des affaires étrangères a émis l’idée d’organiser une grande
conférence humanitaire sur le thème de l’Irak pour la fin du mois. Il ne s’agissait pas d’une offre de médiation de la dernière chance. De plus, cette réunion ne devait pas se dérouler à un niveau ministériel, mais réunir des hauts fonctionnaires. Les conséquences humanitaires et les interventions possibles sur place, en cas de conflit armé, devaient y être discutées. Les pays invités à cette rencontre seraient ceux touchés, directement ou indirectement, par une éventuelle guerre : l’Irak et ses voisins, les Etats-Unis, la Grande–Bretagne et de nombreux membres de l’UE. Les organisations internationales concernées allaient aussi être conviée (HCR et autres agences de l’ONU, CICR…). La ministre des affaires étrangères a informé les parlementaires à l’occasion d’une séance commune des Commissions de politique extérieure des deux conseils. Elle n’avait informé ses collègues du gouvernement qu’après la conférence de presse consécutive à son audition par les commissions parlementaires. Au moment de l’annonce à la presse, aucun pays ou organisation concernés n’avaient été contactés. Cela n’a pas manqué de susciter le
scepticisme de nombreux observateurs. Il lui a notamment été reproché de faire primer l’effet d’annonce sur l’efficacité diplomatique. Les méthodes utilisées par la conseillère fédérale pour donner une certaine visibilité à la politique étrangère suisse ont fait l’objet de nombreuses critiques. La DDC a été chargée de l’organisation de la conférence humanitaire. Les pays et les organisations concernés se sont déclarés intéressés sur le principe, tout en attendant une invitation officielle pour se prononcer définitivement. Ces invitations ont été envoyées quelques jours après l’annonce de l’organisation de cette réunion. Elles étaient adressées à une trentaine d’Etats (dont les membres permanents du Conseil de sécurité et les voisins de l’Irak) et aux grandes agences humanitaires. Les autorités suisses ont annoncé que l’Irak ne participerait finalement pas à cette réunion. Elles ont justifié cette absence par la nature technique de la conférence (échanges d’informations, coordination international) et la nécessité de ne pas lui donner un contour politique et ainsi la transformer en plate-forme contre la guerre. La ministre des affaires étrangères avait cependant explicitement mentionné l’Irak comme invité potentiel. De nombreux observateurs ont fait état de pressions exercées par certains pays, dont les Etats-Unis, pour empêcher la participation de l’Irak. Les Etats-Unis ont annoncé leur absence de la conférence et leur intention de collaborer avant tout au niveau de l’ONU. La première conférence a eu lieu, à huis clos, à la mi-février. Au terme de la rencontre, le directeur de la DDC, Walter Fust, a estimé que les objectifs avaient été atteints. Les Etats-Unis ont été le seul pays à avoir décliné l’invitation. Ce sont ainsi environ 150 experts, 21 agences humanitaires et 29 gouvernements qui ont participé à cette rencontre humanitaire sur l’Irak. La conseillère fédérale n’avait assisté qu’à l’ouverture des débats pour ensuite s’éclipser, estimant qu’il était essentiel de ne pas donner de contour politique à la réunion. Au-delà de la satisfaction officielle d’usage, les commentateurs ont estimé qu’il était difficile d’en tirer un bilan précis et que peu de résultats concrets avaient été présenté lors de la conférence de presse finale. De plus, un pays comme la France a d’emblée annoncé sa présence comme observateur, ne voulant ainsi pas donner l’impression de ne plus croire à une autre issue que la guerre. Quelques intervenants ont également déploré le fait d’avoir été invités en dernière minute. Les échanges se sont déroulés à relativement bas niveau, dans la mesure ou un seul ministre (le ministre jordanien du plan) a participé aux discussions. Au final, cette première réunion a plus permis des échanges d’opinion que la prise de décisions concrètes. Aucun des acteurs n’avait l’intention de multiplier les mécanismes de coordination. Outre l’accélération de la construction d’un camp de réfugiés en Jordanie, la rencontre a permis la création de groupes de travail. Une
deuxième réunion humanitaire, en présence des Américains, s’est tenue au début du mois d’avril. Le thème central a été la création de corridors permettant aux organisations internationales d’avoir accès aux victimes du conflit irakien. Ni la ministre des affaires étrangère, ni le directeur de la DDC n’ont assisté à cette deuxième réunion. Elle a principalement servi de plate-forme de dialogue mais aucune décision n’y a été prise
[9].
C’est suite à l’approbation de la Résolution 1483, par le Conseil de sécurité des Nations-Unies, que la plupart des
mesures d’embargo appliquées depuis 1990 ont été levées. Il s’agit des interdictions de commerce, de transferts de fonds à destination de l’Irak et de restrictions au niveau du trafic aérien. L’interdiction des livraisons de biens d’armement n’a pas été levée et de nouvelles dispositions ont été introduites en matière de commerce des biens culturels
[10].
Europe: UE
Une
première évaluation de l’application du paquet d’accords bilatéraux I a été présentée par les ministres des affaires étrangères et de l’économie. Le Bureau de l’intégration s’est basé sur des données statistiques existantes, ainsi que sur des sondages effectués auprès des milieux concernés, pour livrer une première évaluation de la situation. Cet office a souligné qu’étant donné l’insuffisance d’informations, un bilan définitif était difficile à tirer. Joseph Deiss a estimé que les principales craintes des opposants à ces accords s’étaient révélées infondées : d’une part, les camions n’avaient pas déferlé sur les Alpes, d’autre part, aucune vague incontrôlé de migrants ne s’était abattue sur la Suisse. En matière de libre circulation des personnes, aucun problème majeur ne semble être apparu. Le quota de permis de séjour de longue durée a été épuisé après 10 mois. Cet intérêt pour ce document était toutefois prévisible. Ceux de courte durée n’ont, en revanche, pas été épuisés. Les principaux demandeurs ont été les cantons touristiques comme les Grisons ou le Valais. En matière de transport routier, malgré la baisse du nombre de poids lourds traversant les Alpes, le tonnage de marchandises transportées a augmenté. Ce phénomène a notamment été attribué au relèvement de la limite de poids des camions à 34 tonnes et à l’introduction de la Redevance poids lourds liée aux prestations (RPLP). Micheline Calmy-Rey a rappelé que l’élargissement de l’UE impliquerait la négociation d’un protocole additionnel à l’accord sur la libre circulation des personnes (voir infra) et qu’un tel complément serait soumis au référendum facultatif. Elle a mis en garde contre un éventuel refus de l’extension de l’accord par le peuple, la clause guillotine du premier paquet d’accords bilatéraux prévoyant la dénonciation de tous les contrats en cas de rejet d’un seul d’entre eux
[11].
Le Conseil fédéral a annoncé, à la fin octobre, l’institution de la Commission tripartite fédérale et la nomination de ses membres. Présidée par le chef de la Direction du travail du Seco Jean-Luc Nordmann, elle se compose de représentants des cantons (quatre personnes), des organisations d’employeurs (six) et des organisations de travailleurs. Cette instance est prévue dans les
mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er juin 2004. Elle aura pour principale fonction de coordonner le travail des commissions tripartites cantonales sensées observer l’évolution des marchés du travail et de condamner d’éventuels abus
[12].
C’est au mois d’avril que l’UE a annoncé son intention de négocier sur deux thèmes liés à son élargissement. Le premier était en lien direct avec les premiers accords bilatéraux, sur
l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes. Alors que les six autres accords s’appliqueront automatiquement aux dix nouveaux membres, ce dernier devra faire l’objet d’un protocole additionnel. De plus, l’UE a fait part de son intention d’exiger
une participation financière de la Suisse aux efforts de cohésion de l’UE, estimant que l’élargissement constituait une aubaine pour les pays tiers. Elle a rappelé que de telles contributions étaient déjà discutées avec les pays de l’Espace Economique Européen. Avant que l’UE ne communique le contenu officiel de ses mandats de négociations, l’UDC a manifesté son opposition à l’extension de la libre circulation des personnes et annoncé le probable lancement d’un référendum contre ce texte. A l’opposé, le PRD a estimé que l’accès aux nouveaux marchés, et l’ouverture du marché du travail, allaient avoir un impact positif sur la croissance en Suisse. Du côté syndical, on a immédiatement fait monter la pression en conditionnant le soutien au nouvel accord à l’adoption de mesures d’accompagnement complémentaires. Concernant la contribution financières suisse à la cohésion de l’UE, les partis bourgeois ont exprimé leur scepticisme (PRD), voire leur opposition (UDC, PDC). Quand aux socialistes, ils ont admis que les avantages liés à cette nouvelle ouverture ne pourraient être obtenus gratuitement. Concernant la libre circulation des personnes,
L’Union Syndicale Suisse a exigé que les mesures destinées à combattre le dumping salarial soient renforcées. C’est principalement dans les branches employant du personnel qualifié qu’un régime transitoire devait être introduit. L’autre grande centrale syndicale, Travail.Suisse, s’était déjà exprimée dans le même sens. Les syndicats n’ont pas hésité à brandir l’arme du référendum, rejoignant ainsi l’UDC dans le rang des opposants potentiels. Les
mandats de négociations de l’UE ont été fixés au début du mois de mai, par son Conseil des Ministres. Celui sur la libre circulation des personnes portait sur les quotas de citoyens européens ayant accès aux marchés du travail respectifs et la fixation de phases transitoires pour l’ouverture complète. Concernant la contribution à la cohésion, l’UE a estimé qu’elle ne devrait pas obligatoirement se faire par l’intermédiaire du budget communautaire. Cette possibilité de prendre en compte les aides bilatérales dans cette participation financière est de nature à rendre le projet plus acceptable aux yeux de la population suisse. La demande officielle d’ouverture de négociations, signée de la main du commissaire européen aux relations extérieures, a été transmise à la mi-mai au gouvernement suisse. L’UE a rappelé qu’elle n’imposerait pas une contribution directe au budget communautaire et qu’elle espérait obtenir un montant comparable à celui en cours de négociation avec les pays de l’EEE. Le
Conseil fédéral a adopté son mandat de négociation début juillet. Pour l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes, la fixation de périodes transitoires, avant l‘ouverture totale des marchés de l’emploi respectifs, constituait une priorité. Concernant la contribution à la cohésion, le gouvernement a annoncé la création d’un groupe de travail interdépartemental chargé de définir une position de négociation possible. Le Conseil fédéral a toutefois rappelé que la Suisses avait déjà fourni d’importants efforts pour soutenir la transition dans les pays de l’ancien bloc soviétique. Les négociations sur l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes ont commencé à la mi-juillet
[13].
La Suisse et l’UE se sont entendus pour extraire le
dossier des services du deuxième paquet de négociations bilatérales. La complexité des problèmes liés à ce domaine, comprenant notamment le droit de la concurrence, la définition du blanchiment d’argent ou encore les services postaux, a convaincu les parties à ajourner les discussions
[14].
Certains pourparler ont abouti durant l’année sous revue. Les négociateurs ont annoncé avoir trouvé, au début du mois de juillet, un accord dans le domaine de l’environnement. Il s’agissait principalement de régler la participation de la Suisse à l’Agence européenne pour l’environnement. Un accord de principe a également été trouvé concernant la participation de la Suisse aux programmes MEDIA de l’UE (MEDIA Plus et MEDIA Formation). Ils permettent, entre autres, une amélioration réciproque de la distribution des productions audiovisuelles (cinéma ou télévision). Le principal résultat de l’année sous revue a toutefois été l’accord, conclu en juin, sur la
fiscalité de l’épargne, principal dossier lié au secret bancaire. Les premiers mois de l’année ont été marqués par de multiples revirements, l’évolution du dossier étant liée à l’adoption par l’UE d’une directive sur la taxation des revenus de l’épargne. C’est principalement l’Italie qui semble avoir conditionné son acceptation de la directive à des concessions dans un domaine qui ne concernait pas la Suisse, soit les quotas laitiers. Le maintien du secret bancaire est également lié à deux autres domaines de ce deuxième paquet de bilatérales : Schengen et la lutte contre la fraude. Ces deux dossiers, sur lesquels aucun accord n’avait encore pu être trouvé à la fin de l’année sous revue, concernaient en effet également la coopération judiciaire. La discussion sur l’inscription du secret bancaire dans la Constitution, et son maintien en général, sont abordés dans le chapitre consacré au banques (parti I, 4b). Relativement à ces bilatérales II, l’ASIN a annoncé, dans le courant du mois de mai, son intention de lancer un référendum contre ces nouveaux accords. En fin d’année, l’Associations Suisse des banquiers a officiellement apporté son soutien à la stratégie du parallélisme voulue par le Conseil fédéral
[15].
Le Conseil fédéral a transmis à la fin du mois de novembre le message relatif à l’approbation de
l’accord de coopération scientifique et technologique entre la Confédération suisse et les Communautés européennes en vue de la participation de la Suisse aux sixièmes programmes-cadres de l’UE. Il est entré en vigueur de manière anticipée au premier janvier 2004, afin que les chercheurs suisses ne soient pas prétérités. Le lancement et la direction de projet leur sera désormais possible
[16].
Autres institutions européennes
Un
accord de libre échange de large portée a été signé
avec le Chili à la fin du mois de juin de l’année sous revue. Il garantit aux produits industriels des pays de l’
AELE un accès sans discrimination au marché chilien. Un accès aux marchés publics a été convenu. L’arrangement était comparable à celui de l’Accord plurilatéral de l’OMC, organisation dont le Chili n’était pas membre. Des ouvertures et des garanties juridiques pour les investissements et les services étaient également incluses dans cet arrangement. Concernant la protection de la propriété intellectuelle, les engagements réciproques allaient plus loin que ceux conclus dans le cadre de l’OMC. Pour les produits agricoles non transformés, des accords bilatéraux complémentaires ont été conclus entre le Chili et les membres de l’AELE. Ce procédé bilatéral avait l’avantage de protéger certains produits jugés sensibles. Il s’agit du troisième partenaire commercial d’outre-mer, après le Mexique et Singapour, avec lequel l’AELE a conclu un accord de libre-échange de large portée. L’Arrêté fédéral concernant l’accord de libre-échange entre les Etats de l’AELE et la République du Chili, et l’accord agricole entre la Confédération et ce même pays ont été acceptés par le parlement lors de la session d’hiver de l’année sous revue
[17].
Organisations internationales
Le Sommet mondial de la société de l’information, qui s’est tenu à Genève en décembre, est traité dans le chapitre consacré aux médias (partie I, 8c).
Le Conseil fédéral a publié son
premier rapport concernant les activités de la Suisse au sein des Nations-Unies. Le gouvernement a tiré un bilan positif de ses premiers mois d’activité dans l’organisation. Il a relevé que la neutralité n’avait à aucun moment été remise en question. Le gouvernement a rappelé que la stratégie poursuivie serait celle d’efforts concentrés sur des objectifs identifiés, qu’il s’agira d’évaluer et de préciser régulièrement en fonction des circonstances. Les chambres ont pris acte du rapport lors de la session d’été de l’année sous revue
[18].
Lors de la Conférence ministérielle de l’OMC qui s’est tenue en septembre à
Cancun (Mexique), aucun accord n’a pu être trouvé. Il semble peu probable que le cycle de Doha puisse se conclure dans le délai initialement prévu (1er janvier 2005). Le conseiller fédéral Joseph Deiss l’a regretté et a souligné la nécessité de poursuivre les changements structurels de l’agriculture suisse. Dans ce domaine, le ministre de l’agriculture s’est félicité de la formation du G10 regroupant les pays favorable à la multifonctionnalité de l’agriculture. Le volet agricole est traité dans la partie I, 4c (agriculture). Il a également relevé que la poursuite de l’ouverture des marchés était nécessaire pour assurer la croissance économique
[19].
L’organe d’appel de l’OMC a donné raison à la Suisse, et à ses co-plaignants, dans l’affaire de l’a perception de droits de douane additionnels sur dix groupes différents de
produits sidérurgiques. Il a jugé ces mesures contraires aux règles de l’OMC et a demandé aux Etats-Unis d’annuler rapidement ces mesures. En cas de non respect de la sanction, des droits de douane de compensation pourront être prélevés
[20].
Pays en développement
L’arrêté fédéral concernant la
continuation du financement des mesures de politique économique et commerciale au titre de la coopération au développement a été accepté par le parlement. Le projet du Conseil fédéral proposait un montant de 970 millions de francs pour l’ouverture, pour cinq ans au moins, de ce 6ème crédit-cadre de programme. Ce type de dépense représentait, au moment de la rédaction du message, environ 15% de l’aide publique suisse au développement. Elle est principalement axée sur la mobilisation des ressources de l’économie privée. La proposition gouvernementale, avec une légère modification de la formulation, a été acceptée à l’unanimité par le chambre haute. Le Conseil national a traité cet objet lors de la session d’été. Après une entrée en matière sans opposition, il l’a largement approuvé (112 voix contre 33). Les seules oppositions sont venues de l’UDC dont un représentant, Ueli Schlüer (ZH), proposait une baisse du crédit-cadre à 800 millions. Cette proposition a été défendue au plénum par le Zurichois Christoph Mörgeli (udc) qui a estimé que ce type d’aide n’était que du gaspillage. Il a également regretté que les réformes économiques libérale nécessaires dans ces Etats soient reportées avec de tels soutiens, dans la mesure où ces gouvernements ne se sentaient pas mis sous pression
[21].
Le Conseil fédéral a transmis à la fin mai son message demandant aux chambres d’approuver un
crédit de programme de 4,4 milliards de francs pour la coopération technique et l’aide financière en faveur des pays en développement. En augmentation de 400 millions, ce crédit-cadre devait couvrir la période 2004-2007. Ce montant constitue environ deux tiers de l’aide publique au développement de la Suisse. Le
Conseil national s’est saisi du dossier à la session d’automne. Après une entrée en matière sans opposition, les députés ont eu à se prononcer sur un certain nombre de propositions de réduction de la contribution fédérale au développement. La plus extrême (minorité Schlüer, udc, ZH) prévoyait une réduction de l’aide à 3 milliards de francs. Le Zurichois a insisté sur le fait qu’il ne la concevait pas comme une limitation de l’aide fournie directement par la Suisse. Il a ainsi, dans une deuxième proposition de minorité, remis en cause la participation financière à des institutions internationales. Il a estimé que l’affectation de ces ressources n’était pas directement contrôlable par la Suisse. Une proposition moins extrême du radical argovien Fischer prévoyait de maintenir le crédit-cadre à 4 milliards de francs. Il estimait que l’augmentation de 10 % de l’enveloppe budgétaire n’était pas acceptable en période de restrictions budgétaires. Ces trois propositions de minorités ont été rejetées et le projet du gouvernement a été accepté par 109 voix (dont 8 udc) contre 23 (dont 21 udc) au vote sur l’ensemble. Au
Conseil des Etats, une majorité de parlementaires (27 voix contre 10) a estimé que la situation précaire des finances fédérales justifiait une réduction du crédit-cadre quadriennal à hauteur de 200 millions. La gauche et la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey ne sont pas parvenues à imposer la proposition gouvernementale. Le président de la commission de politique extérieure, l’Argovien Maximilian Reimann (udc) a précisé que malgré la réduction, les 4,2 milliards de francs dépassaient de 200 millions le montant du précédent crédit-cadre. Le
Conseil national s’est finalement rallié au Conseil des Etats et a accepté cette baisse. La proposition de la minorité Rennwald (ps, JU), de s’en tenir aux 4,4 milliards de la proposition gouvernementale, n’a pas obtenu de majorité. Par 94 voix contre 73 (dont 49 ps et 12 pe), la baisse a été acceptée
[22].
Commerce extérieur suisse
Le Rapport sur la politique économique extérieure 2003 a été publié à la mi-janvier 2004. Les auteurs ont estimé que la Suisse avait été touchée plus durement que la plupart des autres pays industrialisés par le ralentissement de l’économie mondiale. La valeur moyenne des exportations en 2003 (108 533 millions de francs) a baissé de 1,3% par rapport à celle de l’année précédente. La Chimie (35,2% de la valeur des exportations), la production de machines et d’appareils électroniques (23,2%), l’industrie des métaux et des ouvrages en métal (7,7%) ainsi que l’horlogerie (7,5%) ont été les principaux exportateurs. La valeur moyenne des importations 2003 (102 506 millions de francs) a également subi un léger recul de 0,9% par rapport à l’année précédente : la Chimie en représentait 22,3%, les machines et appareils électroniques 20,3% et les véhicules (10,6%).
Les pays membres de l’Union européenne ont été les principaux partenaires économiques de la Suisse en absorbant 60,7% des exportations. L’Allemagne est restée la principale cliente avec 21,5% des exportations qui lui étaient destinées. Elle était suivie de la France (8,8%) et de l’Italie (8,5%). Les deux meilleurs partenaires, hors de l’UE, sont demeurés les Etats-Unis (10,5%) et le Japon (4%). Au niveau des importations, 81,7% provenaient de l’UE, dont 33,5% d’Allemagne, 11,1% d’Italie et 10,9% de France. Hors d’Europe, les Etats-Unis (4,3%) et le Japon (2,2%) ont le plus commercé vers la Suisse.
Les chambres fédérales ont pris acte du rapport lors de la session de printemps 2004
[23].
Politique économique extérieure
Dans le cadre de l’examen du Rapport sur la politique économique extérieure 2003, les parlementaires ont également adopté l’arrêté fédéral concernant
deux accords de réassurance en matière de garantie contre les risques à l'exportation. Ils ont été conclus entre la Suisse et la
Suède, ainsi qu’avec la
République tchèque. Ces accords sont similaires à ceux déjà passés avec l’Allemagne, l’Autriche, la France, l’Espagne et l’Italie
[24].
Le Conseil fédéral a publié, à la fin du mois de février, son
message relatif au
financement de la promotion des exportations pendant les années 2004 à 2007. Ce document proposait concrètement deux modifications législatives : le projet de loi fédérale abrogeant l’arrêté fédéral sur la participation à des actions internationales d’information, d’entremise et de conseil en faveur des petites et moyennes entreprises ainsi que l’arrêté fédéral concernant le financement de la promotion des exportations pendant les années 2004 à 2007. La loi a été adoptée dès son premier passage devant les députés, et au vote final, durant la session d’octobre.
Au Conseil national, l’entrée en matière sur l’arrêté a été combattue, en vain, par Christoph Blocher (udc, ZH). Il contestait avant tout la concurrence que l’organisme chargé de la promotion des exportations (anciennement OSEC), soutenu financièrement par la Confédération, représentait pour des entreprises privées actives dans ce domaine. Une proposition de renvoi au Conseil fédéral de l’écologiste Ruth Genner (ZH) a également été rejetée. Elle voulait mandater le gouvernement afin, d’une part, qu’il soumette les activités de promotion des exportations à un nouvel appel d’offre et d’autre part, qu’il redéfinisse le mandat afin d’éviter toute concurrence avec l’économie privée. Lors de l’examen de détail, des modifications du projet gouvernemental ont été décidées. Les députés ont suivi la majorité de la commission qui prévoyait un plafonnement des dépenses pour l’année 2004. Le Conseil fédéral, qui proposait un plafond des dépenses sur quatre ans, a été désavoué. Une majorité des commissaires est également parvenue à charger le gouvernement de présenter, d’ici à 2004, un rapport d’évaluation sur la poursuite de la promotion des exportations à partir de 2005. La rédaction d’un rapport, présentant différents modèles de développement des activités de promotion, a également été prévue. Le
Conseil des Etats est entré en matière sans opposition. Le plénum a cependant introduit des divergences en suivant sa Commission de l’économie et des redevances. Elle proposait de plafonner les dépenses sur deux années et d’accorder au Conseil fédéral un délai d’une année supplémentaire pour la rédaction du rapport d’évaluation. Le
Conseil national s’est rallié à celui des Etats. Il n’a pas suivi le démocrate du centre Christoph Blocher (ZH), qui proposait de maintenir la limitation du crédit-cadre à une année
[25].
Relations bilatérales
Le Conseil fédéral a publié des messages concernant des Conventions de double imposition avec l’Iran et Israël
[26]. Les chambres ont accepté ces textes durant l’année sous revue. Le Conseil national a approuvé, en tant que deuxième chambre, la Convention de double imposition avec l’Ouzbékistan
[27].
La question du trafic aérien est traitée dans le chapitre sur les transports (parti I, 6b, Trafic aérien).
La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a rencontré le Secrétaire d’Etat américain Colin Powell lors du Forum Economique de Davos. Elle a profité de l’occasion pour lui rappeler que la Suisse souhaitait l’adoption d’une nouvelle résolution de l’ONU, mentionnant explicitement les Conventions de Genève, pour légitimer une éventuelle intervention en Irak. Elle lui a également fait part des préoccupations de la Suisse concernant principalement les conséquences d’une éventuelle guerre sur le sort des civiles irakiens. La ministre des affaires étrangères a également proposé d’organiser, sous l’égide de la Suisse, une conférence de la dernière chance, similaire à celle organisée en 1991 avant le commencement de la première Guerre du Golfe. Colin Powell n’a pas pris position sur une proposition qu’il a considérée comme non officielle. Une telle offre n’avait, selon de nombreux commentateurs, pas été discutée au préalable au sein du Conseil fédéral. Cette rencontre avait fait l’objet de nombreuses polémiques car Micheline Calmy-Rey avait conditionné sa venue à Davos à la rencontre du Secrétaire d’Etat américain
[28].
Au début du mois de juillet, Micheline Calmy-Rey s’est rendu à la cérémonie de commémoration de la
catastrophe aérienne d’Überlingen (71 victimes, en majorité des enfants), survenue une année plus tôt. C’est dans une ambiance particulièrement tendue qu’elle s’est brièvement exprimée. En marge de cette cérémonie, les représentants des autorités du Bachkortostan, ainsi que ceux des parents des victimes, ont critiqué la gestion de la crise par la société Skyguide (contrôle aérien) et les autorités suisses
[29]. Une délégation de parlementaires s’est par ailleurs rendue à Moscou en septembre. Conduite par le conseiller aux Etats socialiste bâlois Gian-Reto Plattner, elle a rencontré le président de la chambre haute. Les parlementaires ont émis des regrets par rapport au comportement de la Suisse officielle dans la gestion de la catastrophe
[30].
Les avocats des familles des victimes de la collision aérienne ont exigé, à la fin du mois d’avril, que des dédommagements soient versés à leurs clients. La solution d’un fonds a été proposée. Les avocats ont estimé que les autorités suisses et allemandes, les sociétés suisses et allemandes de contrôle aérien, de même que les deux compagnies aériennes étaient impliquées dans l’accident. L’Allemagne et la Suisse ont annoncé, à la fin du mois de juin, la signature d’un accord favorable à une solution extrajudiciaire. Les deux pays ont accepté de participer au financement d’un fonds, dont la société Skyguide, par l’intermédiaire de ses assurances, serait la principale contributrice
[31]. Lors de sa visite à Berne (octobre), le ministre russe des affaires étrangères Igor Ivanov a rappelé que son pays souhaitait un solution rapide, et hors litige, de la question de l’indemnisation des familles des victimes. Le président russe Vladimir Poutine avait tenu des propos similaire à Pascal Couchepin lors de la visite de ce dernier en Russie (voir infra)
[32]. Les premiers versements d’indemnisations ont été effectués à la fin du mois de novembre. Elles concernaient les familles des douze membres de l’équipage morts lors de l’accident
[33].
La partie I, 1b (Politische Manifestationen) aborde la collaboration franco-suisse en marge du Sommet du G8 d’Evian.
La Suisse a officiellement protesté, à la fin du mois de mai, auprès des autorités israélienne après les tirs de soldats israéliens contre le véhicule de son représentant auprès de l’Autorité palestinienne. Aucune victime n’était cependant à signaler. Une enquête approfondie des événements a été demandée par l’entremise d’une note remise au ministère israélien des affaires étrangères. Cette note protestait notamment contre le non respect des convois diplomatiques. A l’occasion d’une rencontre avec son homologue, dans le courant du mois d’août, Micheline Calmy-Rey a exprimé l’insatisfaction de la Suisse concernant les explications du déroulement de l’incident du mois de mai. Elle a cité une contre-expertise balistique suisse infirmant la thèse israélienne de la balle accidentellement arrivée sur le pare-brise
[34].
Les réactions des autorités israéliennes concernant le rôle de facilitateur de la Suisse dans l’aboutissement de l’Initiative des Genève sont traitées dans la partie consacrée aux bons offices (voir infra).
Un accord sur la protection des investissements a été signé à l’occasion de la visite à Berne du ministre libyen des affaires étrangères Abdulrahman Mohamed Shalgam. Il est destiné à assurer une plus grande sécurité juridique des investissements suisses sur place
[35].
Le Conseil fédéral a publié, en septembre, le
Message concernant l’accord bilatéral en matière d’immigration avec le Nigeria. Ce type d’accord de réadmission n’avait encore jamais été négocié avec un pays africain
[36].
Grâce à un accord bilatéral, signé en novembre et portant sur une remise de dette de 31,2 millions de francs, la totalité de la dette la dette extérieure de ce pays envers la Suisse a été effacée. Cet arrangement s’inscrit dans le cadre des initiatives du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale visant à baisser le niveau d’endettement extérieur des pays pauvres les plus endettés
[37].
A la fin du mois de septembre, le
Grand Conseil vaudois a accepté un postulat reconnaissant le génocide des Arméniens. Il a ainsi emboîté le pas à de nombreux pays, ainsi qu’au canton de Genève. Ce dernier l’avait déjà fait en 1998 avec la signature, par son gouvernement, d’une déclaration allant dans ce sens. La conseillère fédérale en charge du DFAE, la socialiste genevoise Micheline Calmy-Rey, était membre de cet exécutif au moment de cette signature. Suite à la décision du parlement vaudois, le gouvernement turc a annoncé à l’ambassadeur suisse à Ankara
l’annulation de la visite en Turquie de la ministre suisse des affaires étrangères. Alors que l’ambassadeur suisse sur place a parlé d’un affront fait à la Suisse et à sa conseillère fédérale, cette dernière a estimé que la réaction turque était excessive. Afin de calmer les esprits, les autorités turques ont, quelques jours après leur décision, parlé de report pour des « raisons techniques » et plus d’annulation. Le voyage d’une délégation de la Commission de politique extérieure du Conseil des Etats a été annulé dans le sillage des événements de début octobre. Une majorité de la commission a estimé que l’atmosphère politique du moment n’était pas propice à cette visite. Son président a précisé qu’il ne s’agissait pas de mesures de rétorsion contre Ankara et que les contacts avec les parlementaires turques étaient maintenus. Les médias ont, à la fin du mois d’octobre, émis une nouvelle hypothèse concernant les motifs de l’annulation du voyage de Micheline Calmy-Rey. Ils ont fait état d’une note des services secrets turcs mettant en cause la ministre des affaires étrangères en lui attribuant des contacts avec des représentants de la minorité kurde en Suisse. Ce qui pouvait apparaître, dans un premier temps, comme une affaire d’espionnage au plus haut niveau, s’est révélé être une erreur d’appréciation des services de renseignement turcs
[38].
Le
postulat du démocrate-chrétien genevois Vaudroz, soutenu par 114 conseillers nationaux et demandant la reconnaissance du génocide des Arméniens de 1925, a été traité par le Conseil national lors de la session d’hiver. Le Conseil fédéral était opposé à ce postulat. Le député genevois n’ayant pas été réélu en octobre de l’année sous revue, le Fribourgeois Dominique de Buman (pdc) l’avait repris à son compte. Il a été
accepté par 107 voix (dont 51 ps, 18 pdc, 15 pe, 8 prd et 7 udc) contre 67 (41 udc, 26 prd). Outre la reconnaissance de ces événements par le Conseil national, le texte demande au Conseil fédéral de prendre acte de cette reconnaissance et de transmettre la position de la chambre basse par les voies diplomatiques usuelles. Le radical bernois Johann Niklaus Schneider-Amman, par ailleurs président de l’association de l’industrie suisse des machines (SWISSMEM), a vainement combattu le postulat. Il a notamment rappelé que la Turquie était un Etat ami, qu’il n’incombait pas à des pays tiers de se mêler de ses affaires internes et qu’elle était un important partenaire commercial. Le démocrate du centre Ulrich Schlüer (ZH) a, au nom de son groupe, recommandé le rejet du projet. Il a condamné une morale sélective qui condamnerait certains massacres et en oublierait d’autres. De nombreux parlementaires se sont toutefois exprimés en faveur de ce texte. La reconnaissance d’une réalité historique, la nécessité d’émettre un signe de justice envers les victimes et leurs descendants, ou encore le souci d’éviter d’autres crimes de ce genre ont été invoqués lors du débat parlementaire. Le Conseil national est devenu le quatorzième parlement national européen à avoir voté cette reconnaissance
[39]. Le gouvernement turc a réagi le jour même de la décision du Conseil national. Il a qualifié d’inacceptable l’utilisation du terme de génocide pour ces événements et prédit des conséquences pour les relations bilatérales. Il n’a jamais été question de rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Le gouvernement turc a toutefois annulé un rencontre devant permettre à des diplomates de fixer une nouvelle date pour le voyage de Micheline Calmy-Rey en Turquie
[40].
Le
président malgache Marc Ravalomanana a rencontré son homologue Suisse en début d’année à Genève. Pascal Couchepin a obtenu des garanties concernant la publication des conclusions de l’enquête sur la mort du chef de projet de la DDC assassiné en 1996
[41].
Le
président du Kazakhstan Nursultan Nazarbaev a effectué une visite officielle en Suisse dans le courant du mois de janvier. Des associations de défenses des droits de l’Homme ont protesté contre la venue d’un chef d’Etat réputé autoritaire. Un accord de soutien commercial a par ailleurs été signé
[42].
A la mi-mai, le
président de la République italienne Carlo Azeglio Ciampi a été reçu par le gouvernement suisse au complet . Au deuxième jour de sa visite, le dirigeant transalpin, accompagné de Pascal Couchepin, s’est rendu à Lugano pour y prononcer un discours devant les étudiants de l’Université de la Suisse italienne
[43]
Lors de sa visite officielle du mois de juin, le
président sud-africain Thabo Mbeki s’est opposé aux plaintes collectives déposées contre des entreprises suisses. Ces dernières se voient reprocher leur comportement durant les années de l’apartheid. Thabo Mbeki a insisté sur la nécessité de se tourner vers l’avenir et de résoudre les problèmes actuels de son pays. Il a salué l’engagement pour le développement des entreprises visées par ces plaintes collectives. Une nouvelle déclaration d’intention de coopération renforcée a été signée
[44].
Le
président du Burkina Faso Blaise Compaoré a salué la qualité du partenariat entre les deux pays à l’occasion de sa visite en juin. Le Burkina Faso est un pays prioritaire de l’aide suisse au développement. Le dirigeant se trouvait en Suisse dans le but de faire une proposition d’élimination des subventions sur le coton dans le cadre de l’OMC
[45].
La visite officielle de
Gerhard Schröder en septembre, sur invitation du président de la Confédération Pascal Couchepin, était la première d’un chancelier allemand depuis dix ans. Mis à part le lancinant conflit concernant les vols d’approche de l’aéroport de Zurich, abordé brièvement mais relevant principalement des ministres des transports, l’achèvement du deuxième cycle de négociations bilatérales avec l’UE a été abordé. Le chancelier a souligné qu’une conclusion rapide des discussions était dans l’intérêt de toutes les parties
[46].
Lors de sa visite du mois de novembre, le
vice-président colombien Francisco Santos Calderon a principalement abordé des thèmes économiques avec la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey
[47].
Le
président roumain Ion Iliescu a été reçu par le président de la Confédération Pascal Couchepin à la mi-décembre. Outre les habituelles entretiens sur les relations bilatérales entre les deux pays, un accord de suppression réciproque de l’obligation de visas a été signé
[48].
Le
secrétaire général de l’ONU Kofi Annan a rendu sa première visite au gouvernement depuis l’entrée de la Suisse dans l’organisation. A Berne, il a rencontré le cabinet au complet. Les discussions ont porté sur les différents foyers de tension dans le monde
[49].
Durant son
année présidentielle, Pascal Couchepin a multiplié les voyages à l’étranger. Il s’est tout d’abord rendu en Grèce, pays assumant la présidence de l’Union européenne au premier semestre de l’année sous revue. La conclusion du deuxième cycle de négociations bilatérales a été au centre des entretiens avec les dirigeants grecs. Lors de sa visite à Rome (juillet) le radical valaisan a non seulement été reçu en audience privée par le pape Jean-Paul II, il s’est également entretenu avec le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi. L’état d’avancement des négociations bilatérales a été au centre des discussions avec le chef de l’Etat assurant la présidence de l’UE au deuxième semestre 2003. Le président de la Confédération s’est également rendu à deux reprises à Paris en début d’année (février et mars). A l’occasion de sa première visite, il a rencontré le ministre de l’Education, et a exprimé la volonté de la Suisse d’être mieux intégrée au système européen de recherche et de formation. Ce premier séjour (février) s’est inscrit dans le cadre des célébrations du bicentenaire de l’Acte de médiation. Lors de ses entretiens avec le premier ministre Jean-Pierre Raffarin, ils ont notamment évoqué l’organisation du sommet du G8 à Evian, à proximité de la frontière suisse. C’est lors d’une deuxième visite que le Président de la Confédération s’est entretenu avec celui de la République française, principalement concernant la situation en Irak et le sommet du G8. Avant son premier voyage à Paris, Pascal Couchepin s’est rendu à Madrid (février). Il a été reçu par le roi Juan Carlos, et son épouse la reine Sofia. Il s’est ensuite entretenu avec le chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar. Au début du mois d’avril, c’est à Berlin que Pascal Couchepin a rencontré le chancelier allemand Gerhard Schröder et le président de la République Johannes Rau. A la mi-avril, il s’est rendu à Athènes pour assister à la Conférence européenne et y représenter la Suisse. Cette conférence réunit les Chefs d’Etats et de Gouvernement de quarante pays européens. Au lendemain de la cérémonie marquant l’entrée de dix nouveaux membres dans l’UE, la discussion a porté sur les conséquences de cet élargissement sur les autres pays d’Europe. Après avoir remis une centaine d’horloges aux autorités de Saint-Pétersbourg, comme cadeau officiel pour le tricentenaire de la ville, le Président de la Confédération a rencontré le président russe Vladimir Poutine. Cette rencontre, qui s’est tenue en juillet, leur a permis d’aborder la question de l’accident aérien d’Überlingen. Lors de son voyage au Portugal (début septembre) Pascal Couchepin a rencontré le président portugais Jorge Sampaio et le premier ministre José Manuel Durao Barroso. Il s’est également rendu en Irlande (octobre), pays assurant la présidence de l’UE durant le premier semestre 2004. Lors de son séjour en Bulgarie (fin octobre), il a signé un accord prévoyant la suppression de l’obligation réciproque de détention d’un visa. C’est en fin d’année présidentielle que le président s’est rendu à deux reprises en Asie (novembre). Lors de son séjour en Inde, outre les habituels échanges avec les autorités politiques, la coopération scientifique et technologique ont été au centre des discussions. Des accords ont été signés dans ces domaines. Accompagné d’une délégation économique, Pascal Couchepin a choisi la Chine comme dernière destination de son année présidentielle. Outre l’accès au très prometteur marché chinois, le conseiller fédéral souhaitait la réinscription de la Suisse sur la liste chinoise des destinations touristiques officielles. Cette décision, attendue depuis 1999, a été annoncée à l’occasion de la rencontre avec le président chinois Hu Jintao. Elle devait être formalisée au début de l’année 2004. Un tel accord devrait faciliter l’obtention de documents de voyage pour les touristes chinois. Une déclaration d’intention dans le domaine scientifique, concernant principalement la collaboration entre Hautes Ecoles, a également été signée. En tant que ministre de la culture, Pascal Couchepin a également représenté la Suisse lors de l’ouverture de la Biennale de Venise
[50].
La nouvelle ministre des affaires étrangères
Micheline Calmy-Rey a effectué son premier voyage officiel en Finlande (fin janvier). Outre les nombreuses visites de travail, elle s’est également rendue en Extrême-Orient dans le courant du mois de mai. Elle a visité les deux Corées (République démocratique populaire de Corée – nord ; Rébublique de Corée - sud), puis la Chine. Elle est tout d’abord arrivée à Pyongyang, en
Corée du nord. Depuis l’établissement des relations diplomatiques entre la Suisse et le régime communiste, en 1974, aucun conseiller fédéral ne s’était rendu sur place. Elle n’a pas rencontré le dictateur Kim Jong-il lors de son séjour. La ministre des affaires étrangères a visité plusieurs projets soutenus par la DDC. Elle a ensuite franchi à pied la ligne de démarcation qui sépare les deux Corées depuis 1953. Jamais un ministre en exercice n’avait obtenu l’autorisation de la Corée du nord pour le faire. Après s’être entretenue avec la délégation de cinq officiers suisses membres de la Commission des nations neutres pour la surveillance de l’armistice en Corée, elle s’est rendue à Séoul. Elle s’est efforcée d’y promouvoir le dialogue entre les deux pays. Elle a également transmis un message du gouvernement du nord à l’attention de celui du sud relativement à la création d’un Confédération entre les deux entités. La tournée en Asie s’est achevée par une brève visite à Pékin. La ministre des affaires étrangères s’est rendue en Autriche, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et Monténégro et en Italie au début du mois de septembre. Si c’est l’évolution des négociations bilatérales qui a été principalement évoquée à Vienne, un accord sur la protection des investissements a été signé à Sarajevo. Le glissement de l’aide humanitaire vers une véritable coopération économique s’est ainsi trouvé renforcé. Après une escale à Belgrade, elle s’est rendue à Rome. Lors de son voyage de la mi-octobre à Berlin, Micheline Calmy-Rey a principalement abordé les questions des négociations bilatérales avec le ministre allemand des affaires étrangères Joschka Fischer. La question du survol du sud de l’Allemagne par des avions à destination de Zurich a, par contre, été soigneusement évitée
[51].
Le ministre de l’économie
Joseph Deiss, s’est rendu trois jours au Brésil pour une visite officielle. Dans le cadre de cette mission économique, il a notamment rencontrés le président Luiz Inàcio Lula da Silva. Il a également saisi l’occasion, à quelques jours de l’ouverture du sommet de l’OMC de Cancun, pour s’entretenir avec le ministre brésilien de l’agriculture
[52]. Le ministre de l’économie a également dirigé de nombreuses missions économiques durant l’année sous revue.
Le principal séjour à l’étranger du ministre de la défense
Samuel Schmid a certainement été celui effectué en
Chine au mois d’avril. Durant ces quatre jours, il a abordé des questions de sécurité, ainsi que visité des installations militaires. Samuel Schmid a également rencontré son homologue chinois. Il lui a notamment présenté les réformes de l’armée et de la protection civile en cours en Suisse
[53].
La ministre des affaires étrangères a confirmé, à la mi-octobre, que la Suisse avait fourni une aide logistique et financière aux artisans d’un accord non officiel de paix israélo-palestinien. Des médiateurs avaient été mis à la disposition des deux parties lors de la phase finale de la négociation. Cet accord, passé entre des politiciens de la gauche israélienne et des politiciens palestiniens, dont un ancien ministre de chaque côté, constituait un plan de paix complet (création d’un Etat palestinien, démantèlement d’un grand nombre de colonies…) pour tenter de sortir le Moyen-Orient de l’impasse. La ministre des affaires étrangères a insisté sur le rôle de facilitateur joué par la Confédération, et non celui de moteur de cette initiative privée. Le DFAE n’a commencé à parrainer cette négociation, aussi appelée
« Initiative de Genève », qu’à partir de 2002. Les discussions ont longtemps été tenues secrètes. Micheline Calmy-Rey a profité de plusieurs rencontres avec des homologues étrangers pour présenter le contenu de ces « Accords de Genève ». Le gouvernement israélien a condamné ce procédé et rappelé qu’il était le seul habilité à mener des négociations avec les Palestiniens. Le lancement officiel de l’Initiative de Genève a eu lieu au début du mois de décembre lors d’une cérémonie qui s’est déroulée à Genève en présence de Micheline Calmy-Rey, seule ministre en exercice présente. Elle était accompagnée de nombreuses personnalités, dont l’ancien président américain Jimmy Carter. Il était difficile d’évaluer les effets concrets de cet accord, étant donné sa nature non officielle et la complexité de la situation sur place
[54].
Dans son message concernant la
loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l’homme, le gouvernement a souligné que ces mesures faisaient partie intégrante de la politique extérieure suisse, telle que définie dans le Rapport sur la politique extérieure 2000. Les autres objectifs étaient, et sont toujours, la sauvegarde des intérêts de l’économie suisse à l’étranger, la préservation des ressources naturelles et enfin le soulagement des populations dans le besoin et la lutte contre la pauvreté. Le projet de loi était complété par une demande d’
un premier crédit-cadre de 240 millions de francs couvrant une période de quatre ans (dès le premier janvier 2004). Ce dernier message présentait également les stratégies et les priorités gouvernementales. Outre ces deux projets, les chambres ont examiné, lors des mêmes séances, l’ouverture d’
un crédit-cadre pour des mesures relatives à la promotion civile de la paix au DDPS. Il s’agissait d’un montant de 180 millions de francs principalement destiné aux trois centres de Genève : Centre de politique de sécurité ; Centre international de déminage humanitaire ; Centre pour le contrôle démocratique des forces armées. Mis à part la poursuite et la consolidation de leurs activités, le gouvernement a manifesté sa volonté de les compléter par une « Maison de la Paix » permettant de réunir géographiquement ces entités et de mettre des locaux à la disposition d’institutions actives dans les mêmes domaines. Le gouvernement a rappelé qu’il ne s’agissait pas d’une augmentation des moyens mais du passage d’un crédit annuel à un crédit-cadre. La nouvelle base légale de ces projets, la loi fédérale sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l’homme, examinée en même temps par le parlement, imposait ce changement dans l’attribution des crédits
[55].
En tant que première chambre, le
Conseil national a traité ces objets lors de la session de printemps de l’année sous revue. Lors du débat d’entrée en matière, une minorité de la commission, emmenée par le Zurichois Ueli Schlüer (udc), a recommandé de n’entrer en matière sur aucun des deux objets (loi et crédit-cadre de 240 millions de francs), invoquant des raisons financières et l’inutilité de se munir d’une
base légale. La proposition de la minorité a été balayée par 116 voix contre 20. Lors de l’examen de détail, Schlüer a été particulièrement présent avec trois propositions de minorités. Dans l’intervention consacrée à ses trois requêtes, il a combattu les dispositions prévoyant l’exécution des tâches par des Organisations non-gouvernementales (ONG) et la création d’une Commission consultative à disposition du Conseil fédéral. La Direction du développement et de la coopération (DDC) disposait, selon lui, de suffisamment d’experts confirmés. Il a estimé que l’implication de tous ces acteurs (Confédération, administration, experts, ONG) et la création de nouveaux canaux de financement en découlant, n’étaient pas souhaitables. Il n’a été suivi sur aucune de ses revendications. Une proposition du député genevois Christian Grobet (Alliance de Gauche), prévoyant un soutien financier de la Confédération en faveur d’institutions actives dans les domaines du droit international humanitaire et des droits de l’homme, a été nettement rejetée (116 voix contre 7). Elle n’a même pas obtenu le soutien du groupe socialiste qui estimait que les montants à disposition ne permettaient pas d’élargir le cercle des bénéficiaires. Au vote sur l’ensemble, le texte a été adopté par 107 voix (dont 6 udc) contre 24 (23 udc et 1 ds).
Concernant le crédit-cadre, l’entrée en matière s’est faite sans débat, celui-ci ayant été mené lors de l’examen de la loi. La proposition de non entrée en matière de la minorité Schlüer (udc, ZH) a été rejetée par 111 voix contre 24 (23 udc, 1 ds). Un certain nombre de propositions, d’augmentation des moyens pour la gauche et de diminution pour la droite, de modifications des montants ont été écartées par les députés. Ils ont ensuite débattu de
l’ouverture d’un crédit-cadre pour des mesures relatives à la promotion civile de la paix au DDPS. Une proposition de non entrée en matière du démocrate du centre Ulrich Schlüer (ZH) a été rejetée par 122 voix contre 13. L’argument du Zurichois concernant la nécessité de fixer des priorités au niveau des dépenses du DDPS, avant d’accorder d’éventuels crédits pour des activités secondaires, n’a pas convaincu. Au vote sur l’ensemble, une large majorité des parlementaires a soutenu le projet (122 voix favorables contre 10). Les seuls opposants appartenaient au groupe UDC, auquel il convient d’ajouter le démocrate suisse Bernhard Hess (BE)
[56].
Lors de la session d’automne, le
Conseil des Etats a abordé les trois dossiers. L’entré en matière sur la
loi a été décidée sans opposition. La minorité Brunner (ps, GE) est parvenue introduire une disposition rendant possible des partenariats entre la Confédération et des instituts de recherche et de formation en matière de droit international humanitaire. Il ne s’agissait toutefois pas d’accorder des subventions mais simplement de permettre ce type de collaboration. Sur proposition de sa commission, le plénum a refusé, contre l’avis du Conseil fédéral, de créer une Commission consultative. De plus, il a exigé la rédaction d’un rapport annuel aux commissions parlementaires compétentes. Le rapporteur de la commission a rappelé qu’il était important que le contrôle, la fixation d’objectifs ainsi que la conception générale de ces politiques soient soumis au parlement, et non pas à des commissions d’experts. Au vote sur l’ensemble, le projet a été accepté à l’unanimité. L’entrée en matière sur
le crédit-cadre n’a fait l’objet d’aucune opposition. Trois propositions concernant le montant du crédit ont été faites : la majorité de la commission estimait que 175 millions de francs étaient suffisant ; la minorité Briner (prd, SH) proposait d’aller jusqu’à 200 millions ; celle emmenée par Christiane Brunner (ps, GE) voulait s’en tenir au choix du Conseil national (240 millions). C’est finalement la solution médiane qui a été retenue avec un montant de 200 millions de francs, introduisant ainsi une divergence avec la chambre basse. Au vote final, le projet a été accepté par 24 voix contre 3. L’entrée en matière sur le
crédit-cadre pour des mesures relatives à la promotion civile de la paix au DDPS a été acceptée sans opposition. Lors de l’examen de détail, les montants acceptés par le Conseil national, correspondant par ailleurs aux demandes du gouvernement, n’ont pas été contestés. Les conseillers aux Etats ont reformulé l’arrêté dans le sens d’une plus grande responsabilisation du Conseil fédéral dans les grandes orientations à fixer. Le texte originel prévoyait que le département compétent joue un rôle prépondérant. L’objet a finalement été accepté à l’unanimité
[57].
A la
session d’hiver, l’examen des trois objets a été achevé. Pour le
crédit-cadre destiné aux mesures relatives à la promotion civile de la paix du DDPS, le Conseil national a adhéré à la décision du Conseil des Etats. Sur le
crédit-cadre, le national a fait un pas en direction de la chambre haute en acceptant (par 116 voix contre 61) le compromis Müller-Hemmi (ps, ZH) à 220 millions de francs. Il n’a suivi ni la minorité Schlüer (udc, ZH), qui proposait de suivre le Conseil des Etats à 200 millions, ni la majorité de la commission, qui voulait maintenir les 240 millions de francs. Dans le débat sur la
loi, le refus du Conseil des Etats de créer une Commission consultative et l’obligation faite au gouvernement de rendre un rapport annuel sur ses activités ont été confirmés. Les autres divergences ont été maintenues. Le lendemain, la chambre des cantons s’est, une dernière fois, saisie de la loi et du crédit-cadre et s’est ralliée au Conseil national. La loi a été adoptée en votation finale à la fin de la session d’hiver. Le Conseil des Etats l’a acceptée à l’unanimité, alors qu’à la chambre basse, une majorité du groupe UDC, aidée par les deux élus de l’UDF, n’est par parvenue à empêcher l’adoption de la loi (139 voix contre 45)
[58].
Sélection bibliographique
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[1]
BO
CN, 2003, p. 2027 ss. Voir également
APS 1992, p. 62 ss. (dépôt de la demande) et
2001, p. 53 s. (initiative « Oui à l’Europe »).
[4]
BO
CN, 2003, p. 531 ss. (déclaration du CF et des parlementaires concernant la crise en Irak); communiqués de presse du DFAE des 22.1 et 19.2.03 (positions du CF); presse des 20 et 22.2.03.
[5] Communiqués de presse du DFAE et du DFE du 20.3.04; presse des 20, 21, 22.3.03; presse du 27.3.03 (refus d’expulser les diplomates irakiens). Pour les manifestations, voir supra, parti I, 1b (Politische Manifestationen).
[6] Communiqué de presse du 10.4.03; presse du 17.4.03.
[7] Communiqué de presse du DFAE du 1.4.03 (abandon du projet de liste); presse des 1 et 2.04.03.
[8] Communiqué de presse du DFAE du 17.3.03 (fermeture du bureau de liaison) et 5.5.03 (reprise des activités); presse du 6.5.03.
[9] Presse du 4, 5, 7, 8, et 17.2.03;
LT, 24.3.03 (annonce de l’organisation d’une rencontre de suivi);
LT, 11.2.03 (désistement du commissaire européen);
LT, 24.3, 26.3, 28.3, 29.3.03 et presse du 3.4.03 (deuxième réunion humanitaire);
LT, 11.4.03.
[10] Communiqué de presse du DFE du 30.5.03.
[11] Communiqué de presse du Bureau de l’intégration DFAE/DFE du 27.5.03.
[12] Communiqué de presse du DFE du 22.10.3.
[13]
LT, 7.4.03 et presse des 3 et 9.04.03 (annonce de l’UE et réactions des partis); presse des 7.5 (mandat adopté par le Conseil des Ministres), 14.5 (syndicats), 15.5 (lettre officielle de la Commission), 3.7 (mandat adopté par le Conseil fédéral.) et 17.7.03 (début de négociations).
[14] Après l’ajournement de la négociation sur les services (presse du 25.3.03), le deuxième paquet de bilatérales se composait des dossiers suivants : Coopération dans le domaines de la justice, de la police, de l’asile et de la migration (Schengen /Dublin); Fiscalité de l’épargne; Lutte contre la fraude; Produits agricoles transformées; Environnement; Statistique; MEDIA; Education, formation professionnelle, jeunesse; pensions.
[15] Communiqué de presse de l’OFEFP du 4.7.03 (environnement); communiqué de presse de l’Office fédéral de la culture du 17.7.03 (média);
NZZ et
LT, 22.1 et 5.6.03 (UE);
NZZ, 27.1.03 (CF);
LT et
TA, 4.6.03 (fiscalité de l’épargne et dossiers liés); presse du 4.12.03 (Association suisse des banquiers). L’accord sur les produits agricoles transformés a déjà été conclu en 2002 (Voir
APS 2002, p. 102).
[16] Communiqués de presse de l’Office fédéral de l’éducation et de la science des 16.7 et 26.11.03 (aboutissement des négociations);
FF, 2004, p. 227 ss. (message).
[17] Communiqué de presse du DFE du 27.6.03;
FF, 2003, p. 6517 ss.;
BO
CN, 2003, p. 1888;
BO
CE, 2003, p. 1156 s.
[18]
FF, 2003, p. 2339 ss.;
BO
CE, 2003, p. 565;
BO
CN, 2003, p. 1037.
[20] Communiqué de presse du DFE du 10.11.03. Voir également
APS 2002, p. 67 s.
[21]
FF, 2003, p. 155 ss.;
BO
CE, 2003, p. 81 ss.;
BO
CN, 2003, p. 834. Voir également
APS 2002, p. 155 ss.
[22]
FF, 2003, p. 4155 ss.;
BO
CN, 2003, p. 1301 ss. et 2091 ss.;
BO
CE, 2003, p. 1162 ss.
[23]
FF, 2004, p. 257 ss.;
BO
CE, 2004, p. 83 ss.;
BO
CN, 2003, p. 363 ss.
[24]
BO
CE, 2004, p. 83 ss.;
BO
CN, 2003, p. 363 ss.
[25]
FF, 2003, p. 2609 ss.;
BO CN, 2003, p. 842 ss., 1507 ss. et 1752.;
BO CE, 2003, p. 918 ss. et 1036.
[26]
FF, 2003, p. 2311 ss.;
BO
CE, 2004, p. 382;
BO
CN, 2003, p. 1293 s. (Iran);
FF, 2003, p. 5903 ss.;
BO
CE, 2003, p. 1044 ss.;
BO
CN, 2003, p. 2043 ss. (Israël).
[27]
BO
CN, 2003, p. 725.
[28] Presse du 27.1.03. Voir aussi
APS 1991, p. 70 (conférence de la dernière chance de Genève). Voir également supra, neutralité.
[29] Presse du 3.7.03. Voir également
APS 2002, p. 70.
[31] Presse du 24.4.03 (exigences des avocats); presse du 28.6.03 (arrangement entre Skyguide, la Suisse et l’Allemagne).
[34] Presse du 28.5.03 (protestation de la Suisse) et du 12.8.03 (réponse israélienne jugée insuffisante).
[36]
FF, 2003, p. 5879 ss.
[37] Communiqué de presse du DFAE du 24.11.03.
[38] Presse des 24.9, 1-3, 6, 27, 28, 30.10 et 1.11.03;
TA, 4.10 et 11.11.03;
SoZ, 5.10.03.
[39]
BO
CN, 2003, p. 2015 ss.; presse des 17 et 18.12.03. Voir également
APS 2002, p. 71 s.
[40] Presse des 17 et 18.12.03.
[41]
LT, 28.1.03; presse du 29.1.03.
[42] Presse du 21.1.03;
LT, 22.1.03.
[43] Presse des 15 et 16.5.03.
[44] Presse des 10 et 11.6.03.
[45] Communiqué de presse du 11.6.03;
TG, 12.6.03.
[46] Presse des 19 et 20.9.03.
[47]
Exp., 26.11.03;
NZZ, 27.11.03.
[48] Communiqué de presse du DFAE du 11.12.03; presse du 16.12.03.
[50] Presse des 11 et 12.2 (Grèce), des 8 et 9.7 (Italie), des 20, 21.2 et 1.4 (France), des 14 au 17.2 (Espagne), des 4 et 5.4.03 (Allemagne); communiqué de presse du DFI du 15.4.03 (Athènes); presse du 8 au 12.7 (Russie) et du 2.9.03 (Portugal);
24h, 20.10.03 (Irlande); presse du 31.10 (Bulgarie), du 7 au 11.11 (Inde), du 19 au 25.11.03 (Chine); communiqué de presse du DFI du 12.6.03 (Venise).
[51] Presse des 31.1 et 1.2 (Finlande), presse du 17 au 24.5 (Extrême-Orient), du 5 au 8.9 (Autriche et Balkans) et du 15.10.03 (Allemagne).
[52] Presse du 8 au 10.9.03.
[53] Presse de 22 et 23.4.03.
[54] Presse des 14 et 15.10.03 (annonce de l’aide de la Suisse par Micheline Calmy-Rey); presse de 24.10, 27.10, 28.11, 1.12 et 2.12.03;
NF, 24.10.03 (commentaires, réaction et lancement officiel).
[55]
FF, 2002. p. 7063 ss. (projet de loi) et p. 7395 ss. (crédit-cadre);
FF, 2003, p. 561 ss. (crédit-cadre pour des mesures relatives à la promotion civile de la paix au DDPS). Voir également
APS
2000, p. 64 et
2002, p. 74.
[56]
BO
CN, 2003, p. 466 ss.; presse du 21.3.03.
[57]
BO
CE, 2003, p. 970 ss. (loi et crédit-cadre sur les mesures de promotion civile de la paix et le renforcement des droits de l’homme) et 1016 s. (crédit-cadre pour la promotion civile de la paix au DDPS).
[58]
BO
CN, 2003, p. 2006 ss. et 2130;
BO
CE, 2003, p. 1189 et 1246;
FF, 2003, p. 7475 ss.
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