Année politique Suisse 2004 : Infrastructure, aménagement, environnement
Energie
Le Conseil fédéral a approuvé les dispositions contenues dans la modification de l’ordonnance sur l’énergie. – Le Conseil fédéral a proposé un rythme de libéralisation du marché de l’électricité en deux étapes. – Moritz Leuenberger a demandé au Nagra d’examiner des alternatives au site du dépôt de déchets radioactifs de Benken. – L’Office fédéral de l’énergie (OFE) a présenté le concept suisse pour l’énergie éolienne.
Politique énergétique
Dans un rapport commun, les autorités de surveillance italienne et française ont conclu que la
Suisse était
responsable du black-out qui avait plongé l’Italie dans le noir le 28 septembre 2003. Selon elles, les gestionnaires du réseau suisse ont adopté des mesures inadéquates, suite à la coupure accidentelle de la ligne à haute tension du Lukmanier. Ces dernières ont conduit à la perte d’une autre ligne acheminant de l’électricité en Italie, celle du San Bernardino. Pour les autorités de surveillance italienne et française, l’attitude des responsables du réseau suisse n’a pas été conforme aux règles de l’Union européenne pour la coordination du transport de l’électricité. Elles plaident pour l’adoption par la Suisse des normes européennes
[1].
Toujours dans le cadre du black-out italien, l’Inspection fédérale des installations à courant fort (IFICF) a vérifié un millier de portées (longueurs de conducteur entre deux mâts). Dans son rapport d’enquête, elle constate que la distance au sol respecte partout les prescriptions légales minimales. Aucun cas de distance trop courte entre le conducteur et le sol n’a été observé. Au cours des douze mois écoulés depuis la panne, les exploitants du réseau suisse de transport du courant ont
mis en œuvre une partie des recommandations issues des enquêtes. Des capacités supplémentaires ont par exemple été créées avec le système de surveillance PSGuard pour l’échange d’informations en temps réel entre la Suisse et l’Italie. De même, le personnel d’exploitation a été formé en conséquence, les effectifs ont été augmentés, et des installations de mesures et de protection supplémentaires ont été mises en place. Répondant à une demande de l’UE, les sept plus grands distributeurs d’électricité en Suisse ont annoncé la création de la
société nationale autonome de gestion du transport de l’électricité Swissgrid au 1er janvier 2005. Celle-ci doit permettre de sécuriser le transport international de courant. Saisi du dossier, la Comco a bloqué le processus en décembre, afin de mener une enquête sur la concurrence. La Commission a conclu qu’une telle concentration de distributeurs pourrait « créer ou renforcer une position dominante sur le marché du transport de courant à haute tension dans certaines régions ». Le nord-ouest de la Suisse, Zurich, la Suisse orientale, ainsi que la région du lac de Zoug et du Gothard, sont concernés. La Comco jugeait que les petits distributeurs d’électricité pourraient être empêchés de choisir librement leur fournisseur. De plus, réunies au sein de Swissgrid, il y avait risque que les sociétés s’entendent sur les prix de distribution du courant
[2].
Après les avoir mises en consultation, le Conseil fédéral a approuvé l’essentiel des dispositions contenues dans la modification de l’ordonnance sur l’énergie (OEne). Celles-ci entreront en vigueur au 1er janvier 2005. A partir de 2006, les consommateurs trouveront sur leur facture d’électricité, outre leur consommation et le prix, la
nature (quotes-parts des agents énergétiques tels que l’hydraulique, le nucléaire…) et
l’origine (production nationale ou étrangère)
du courant utilisé. Malgré les critiques de la droite, le gouvernement a décidé d’introduire le marquage sans attendre la loi sur la libéralisation du marché de l’électricité. Par un accroissement de la transparence, les autorités veulent protéger et informer clairement les consommateurs, de même que compléter les efforts de marketing fournis en matière de « courant vert » par certains fournisseurs. Les consommateurs disposeront ainsi d’un outil de décision leur facilitant le choix d’un produit énergétique en particulier. La nouvelle ordonnance confère également un caractère officiel aux certificats d’origine délivrés en Suisse à l’électricité issue d’énergie renouvelables. Elle prévoit par ailleurs un nouveau mécanisme financier
[3] afin que le surcoût lié à la production d’énergie renouvelable soit désormais réparti de manière égale entre tous les consommateurs finaux
[4].
Les Entreprises électriques fribourgeoises ont fait machine arrière et ont retiré leur demande auprès des autorités fédérales visant à « abuser » de leur position dominante jusqu’à l’ouverture du marché de l’électricité
[5].
Mise sous pression par le Conseil national (voir infra) et chargée par le Conseil fédéral de l’organisation du secteur de l’électricité (OSEL), la commission d’experts Schaer a remis son projet de loi au mois de juin. A peine remanié, mais intégrant les principales conclusions des causes du black-out en Italie en 2003, le DETEC l’a mis en consultation au mois de juillet auprès des divers acteurs concernés. Malgré l’absence de consensus sur le rythme de l’ouverture, le Conseil fédéral a adopté en décembre le message relatif à la modification de la
loi sur les installations électriques (LIE) et à la loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité (LApEI). La révision de la LIE crée une solution transitoire permettant de réglementer rapidement les échanges transfrontaliers d’électricité, afin de garantir l’approvisionnement et le rôle de plaque tournante de la Suisse en Europe. Répondant aux attentes européennes, les nouvelles dispositions légales sont conformes aux prescriptions en vigueur dans l’UE depuis le 1er juillet 2004. Elles prévoient un gestionnaire indépendant du réseau de transport (voir supra), une commission de l’électricité qui fera office d’autorité de régulation ainsi que l’accès au réseau de transport et la gestion des problèmes de congestion. Cette proposition a été très bien accueillie lors de la consultation. Parallèlement, le Conseil fédéral souhaite négocier avec l’UE une convention reconnaissant l’eurocompatibilité des dispositions juridiques suisses
[6].
La sécurité de l’approvisionnement et le service public ont été mis au centre de la LApEI. Les cantons et les fournisseurs devront garantir l’accès au réseau. Tenant compte du résultat de la votation sur la loi sur le marché de l’électricité, les autorités fédérales ont proposé un rythme de libéralisation plus lent, impliquant une
ouverture en deux étapes. Dans un premier temps – et en correction du projet mis en consultation
[7] –, tous les consommateurs industriels et les entreprises pourront choisir librement leur fournisseur dès 2007. La seconde étape interviendra en 2012, après l’entrée en vigueur de la LApEI et fera l’objet d’un arrêté de l’Assemblée fédérale sujet au référendum facultatif. Les ménages pourront dès lors également choisir librement leurs fournisseurs ; soit ils conservent leurs fournisseurs habituels, qui devront garantir l’approvisionnement, soit ils optent librement pour un autre fournisseur. Lors de la consultation, l’ouverture du marché proposée par les autorités fédérales avait fait l’unanimité contre lui. Pour le PS et les syndicats, l’ouverture était trop rapide et allait dans le sens d’une libéralisation totale. A l’opposé, le PRD et le PDC plaidaient pour une libéralisation la plus rapide possible. Les démocrates chrétiens proposaient en outre de renoncer au référendum facultatif pour la seconde étape. L’UDC, l’USAM et economiesuisse exigeaient une ouverture du marché d’ici à 2007 pour tous les clients commerciaux
[8].
Dans le message sur la LIE et la LApEI, le Conseil fédéral propose également de fixer des objectifs en vue de maintenir la production d’électricité à partir de l’énergie hydraulique et d’accroître la production à partir
d’autres énergies renouvelables. Ces objectifs doivent être essentiellement atteints par des mesures librement consenties par l’industrie. Le Conseil fédéral en prévoit d’autres au cas où les objectifs ne sont pas atteints à moyen terme, notamment l’introduction de quotas et une augmentation de la rétribution du courant injecté en vue de promouvoir les énergies renouvelables
[9].
Au cours des mois de février et mars, les travaux des experts de l’OSEL se sont faits prendre à parti par la Commission de l’électricité du Conseil national, qui les jugeait insatisfaisants et trop lents. Suivant le point de vue de sa commission, le Conseil national a accepté une initiative parlementaire Speck (udc, AG) et une motion Schweiger (prd, ZG). Le premier texte demandait à ce que les dispositions de la loi sur le marché de l’électricité (LME) non contestées soient reprises dans une nouvelle loi. Le second texte exigeait quant à lui que les autorités fédérales mettent les bouchées doubles pour rédiger la nouvelle loi. L’adoption de ces objets n’a toutefois pas
entraîné la création d’une sous-commission par la Commission de l’énergie pour l’élaboration d’une nouvelle LME. En effet, avec le mandat qui avait été confié par le Conseil fédéral au groupe d’experts Schaer, elle était jugée superflue. Néanmoins, dans son message, le Conseil fédéral a tenu compte des points cités plus hauts, ainsi que ceux d’une sous-commission instituée par la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national, qui avait élaboré ses propres valeurs de référence en vue d’un projet de loi
[10].
Le Conseil fédéral a approuvé la modification de l’ordonnance sur l’énergie (OEne). Cette dernière introduit au 1er janvier 2005 de
nouvelles classes d’efficacité (A+ et A++) en relation avec « l’étiquette énergie » des réfrigérateurs, congélateurs et autres appareils électriques combinés. Les classes se basent sur une adaptation du droit européen correspondant. Elles permettront de distinguer les meilleurs appareils. Le calcul de la consommation normale des appareils réfrigérants étiquetés sera également adapté
[11].
La
consommation finale d’électricité s’est élevée à
56,2 milliards de kWh en 2004, soit une hausse de 1,1 milliard de kWh (+1,9%) par rapport à l’année précédente. Ce chiffre constitue un nouveau record. Alors que durant le troisième trimestre, la consommation finale a augmenté de 1,3%, elle a progressé entre 1,9% et 2,2% durant les autres trimestres. Selon l’OFEN, la forte consommation d’électricité est due à l’évolution conjoncturelle et à la croissance démographique. L’OFEN note en outre que 2004 était une année bissextile, le jour supplémentaire entraînant une croissance de la consommation d’électricité de 0,3%. En revanche, le nombre des degrés-jours de chauffage a connu un recul de 0,5% par rapport à 2003. La production d’électricité des centrales suisses a reculé de 2,7%, passant à 63,5 milliards de kWh. Les centrales hydrauliques, qui ont connu des conditions d’exploitation moyennes, ont produit 3,6% d’électricité de moins qu’en 2003. Les centrales au fil de l’eau (+4,2%) ont compensé partiellement la baisse de production des installations à accumulation (-9,4%). La disponibilité élevée des cinq centrales nucléaires suisses, utilisées à 90,2% de leurs capacités, a permis d’atteindre une production de 25,4 milliards de kWh. Globalement, l’apport à la production d’électricité a été de 55,3% pour les centrales hydroélectriques, de 40,0% pour les centrales nucléaires et de 4,7% pour les centrales thermiques conventionnelles et les autres installations. En 2004, la production nationale a excédé les besoins (consommation nationale) pendant six mois. Avec des importations de 37,7 milliards de kWh et des exportations de 38,4 milliards de kWh,
l’excédent des exportations a été de
0,7 milliard de kWh. Aux premier et quatrième trimestres 2004, il a fallu importer 3,0 milliards de kWh net. Aux deuxième et troisième trimestres, l’excédent d’exportations s’est établi à 3,7 milliards de kWh. Pour la première fois depuis l’année hydrologique 1971/1972 (du 1.10 au 30.9 de l’année suivante), l’année hydrologique 2003/2004 a connu un excédent des importations
[12].
Energie nucléaire
Le représentant permanent de la Suisse auprès de l’OCDE a signé les protocoles portant modification des
conventions de Paris et de Bruxelles [13]. La Suisse pourra désormais envisager leur ratification, car les conventions révisées autorisent explicitement un Etat partie à instituer ou maintenir, dans son droit national, la responsabilité illimitée de l’exploitant. Les conventions révisées garantissent une couverture des dommages nucléaires d’un minimum de 1,5 milliards d’euros. En cas d’accident nucléaire dans un Etat partie et ayant des conséquences dommageables en Suisse, la ratification desdites conventions permettrait d’assurer aux ressortissants suisses lésés l’égalité de traitement avec les lésés étrangers
[14].
Le Conseil fédéral a approuvé l’ordonnance sur l’application de garanties et a chargé le DFAE de procéder, auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à sa notification. Celle-ci comprend l’accord sur les garanties et le protocole additionnel
[15]. Les autorités fédérales ont ainsi établi la base juridique nécessaire à la ratification du protocole additionnel entre la Suisse et l’AIEA. Juridiquement,
l’ordonnance sur l’application de garanties s’appuie sur la nouvelle loi sur l’énergie nucléaire, sur la loi sur le contrôle des biens et sur la loi sur la radioprotection
[16].
Comblant les lacunes de la Loi sur l’énergie nucléaire (LENu), le Conseil fédéral a mis en consultation au mois de mai
l’Ordonnance sur l’énergie nucléaire (OENu). De nature technique, le texte concerne les exigences en matière de sécurité nucléaire. Il précise les mesures de protection à prendre contre le sabotage, le vol et la dissémination de technologie atomique. L’ordonnance spécifie aussi les mesures à prendre en cas de désaffectation et introduit une nouvelle classification en trois catégories en matière de déchets : fortement radioactifs, alphatoxiques, faiblement et moyennement radioactifs. L’OENu introduit également l’obligation d’une autorisation pour le transport de déchets radioactifs en Suisse
[17]. Réagissant au texte, les organisations environnementales, les Verts et le PS ont critiqué le manque de dispositions précises et sévères pour la mise hors service d’une centrale. Le Parti écologiste a également estimé que l’ordonnance ouvrait la voie à la construction de nouvelles centrales nucléaire au lieu de résoudre les problèmes de sécurité et d’entreposage des déchets. A l’opposé, les organisations swissnuclear et swisselectric, regroupant des exploitants des centrales nucléaires et des entreprises électriques, mettaient en exergue les dispositions de mise hors service, qui pourraient entraîner, à leurs yeux, un abandon prématuré de certaines centrales nucléaires. Ils jugeaient aussi que le projet mis en consultation compliquait l’exploitation des centrales et augmentait les coûts
[18].
Le Conseil fédéral a tenu compte des critiques et les a intégrées dans le texte de l’ordonnance, tout en conservant l’essentiel des dispositions du projet mis en consultation. Il a adopté l’OENu, qui
entrera en vigueur le 1er février 2005, en même temps que la nouvelle LENu. Parmi les principales conséquences de la consultation, la disposition concernant le rééquipement des centrales nucléaires existantes a été assortie d’un renvoi à l’obligation de rééquipement figurant dans la LENu. L’OENu établit ainsi que les prescriptions de sécurité définies dans la loi s’appliquent également aux centrales nucléaires. Les critères de mise hors service temporaire et de rééquipement des centrales nucléaires ont été complétés par le critère d’intégrité de l’enceinte de sécurité du réacteur. Par contre, le critère de fréquence des dommages au cœur a été supprimé
[19].
Fort du rejet par le peuple des deux initiatives antinucléaires, les groupes électriques Atel, Axpo et FMB BKW ont annoncé leur volonté de réactiver l’option nucléaire en
construisant une nouvelle centrale en Suisse. Ils justifient cette nécessité par une constante augmentation de la consommation d’électricité en Suisse, alors que, d’ici à l’an 2020, la centrale de Mühleberg et les deux blocs de Beznau devront être arrêtés pour raison d’âge. Ces centrales produisant 13% de l’électricité utilisée dans le pays, les trois groupes électriques craignent un risque de pénurie électrique et une augmentation des importations. A ce propos, un groupe de travail a été créé par Axpo pour réfléchir à l’après-Beznau. A l’OFEN, un groupe d’étude a également été constitué avec un partenariat industriel, à l’enseigne de « Perspectives énergétiques ». Trois options sont à l’étude : la réduction de la demande grâce à des économies d’énergie, le remplacement des centrales nucléaires par d’autres moyens de production et le renouvellement des centrales nucléaires actuelles par des réacteurs de nouvelle génération. La droite est venue apporter son soutien aux groupes électriques, alors qu’à l’inverse les socialistes et les écologistes, ainsi que les organisations de protection de l’environnement ont critiqué cette option, lui préférant un investissement massif dans le développement d’énergies renouvelables. Le débat s’est aussi invité sur la scène politique bernoise. Le Grand Conseil bernois a désavoué la politique énergétique du gouvernement en décidant de renvoyer le rapport sur la stratégie énergétique du canton de Berne. Dans ce dernier, le Conseil d’Etat refuse, pour des raisons économiques et écologiques, la construction d’une nouvelle centrale nucléaire. L’exécutif bernois devra donc représenter un document qui n’écarte pas l’option de l’atome. Interpellé par la revendication des producteurs d’électricité, Moritz Leuenberger a indiqué qu’il était illégitime de penser à construire une nouvelle centrale, tant que la question des scories nucléaires n’était pas réglée. De plus, le conseiller fédéral donnait peu de chance de succès en cas de tenue du référendum obligatoire
[20].
Malgré les oppositions de Greenpeace, des autorités de Waldshut (D), du Land du Voralberg (A) et du gouvernement autrichien, le Conseil fédéral a accepté la demande la Nordostschweizerische Kraftwerke AG (NOK) visant à
supprimer la limite de la durée d’exploitation de la centrale nucléaire de Beznau II [21]. Sa décision se fonde sur l’expertise de la DSN et de la Commission fédérale pour la sécurité des installations nucléaires (CSA). Néanmoins, si la centrale ne répond pas ou plus aux conditions d’autorisation d’exploiter, elle peut à tout moment être arrêtée ou se voir retirer son autorisation pour des raisons de sécurité. Les critères de mise hors service ressortent de la nouvelle ordonnance sur l’énergie nucléaire (voir supra)
[22].
Afin de prévenir un manque de place, la société Kernkraftwerk Gösgen-Däniken AG a déposé une demande de construction et d’exploitation d’une
installation intermédiaire d’entreposage en piscine pour combustible usé d’une capacité de 1008 éléments combustibles usés. Celle-ci complétera le dépôt existant d’une capacité de 650 éléments combustibles usés
[23]. Le Conseil fédéral a octroyé à la centrale de
Gösgen ladite autorisation. Il s’est appuyé sur les avis de la DSN et la CSA pour juger que l’exploitation de la nouvelle installation d’entreposage était sans danger
[24].
Aucune opposition n’ayant été formulée lors de la consultation, le Conseil fédéral s’est prononcé en faveur de la demande déposée par la Société nationale pour l’encouragement de la technique atomique industrielle (SNA) en vue de
déclasser la parcelle 925 [25] sur le territoire de la commune de
Lucens (VD). Se basant sur l’expertise de la DSN, le Conseil fédéral est parvenu à la conclusion que les travaux de désaffectation nécessaires ont été réalisés et que les valeurs mesurées de rayonnement radioactif correspondent au rayonnement naturel
[26].
La centrale nucléaire de
Leibstadt (AG) a obtenu l’autorisation du Conseil fédéral de pouvoir prélever et
déverser de l’eau de refroidissement. Les autorités fédérales se sont basées sur la prise de position de l’OFEFP. Celle-ci conclut que le volume d’eau déversé est négligeable par rapport au débit du Rhin et ne représente aucune menace pour les poissons et le reste de la faune du fleuve. Etant presque échue, le gouvernement du canton d’Argovie a également délivré une nouvelle concession de captage des eaux à la centrale de Leibstadt
[27].
Moritz Leuenberger a demandé à la Société coopérative nationale pour l’entreposage des déchets radioactifs (Nagra)
d’examiner des alternatives au site de Benken, dans le Weinland zurichois. Après y avoir effectué plusieurs forages et fait la démonstration de la faisabilité de l’évacuation pour les argiles à opalinus, les travaux du Nagra laissaient croire que le choix était déjà tacitement arrêté. Or, le choix du site ne devrait pas être pris avant 2010. Dans cette perspective, le DETEC estime nécessaire de comparer d’autres régions potentielles. De plus, les autorités fédérales ne veulent pas répéter l’échec du dépôt unique du Wellenberg (NW). Dans l’intervalle, le Conseil fédéral attend que les autorités de sûreté aient fini d’examiner la démonstration de la faisabilité d’évacuation, ainsi que la procédure publique de dépôt, pour pouvoir décider si le choix de l’emplacement requiert des recherches dans les différentes couches rocheuses ou s’il convient de se concentrer sur des régions recelant des argiles à opalinus. A partir de ces résultats, l’OFEN mettra sur pied les bases d’une procédure de sélection des dépôts géologiques en profondeur. Celle-ci sera codifiée dans le cadre d’un plan sectoriel selon la loi sur l’aménagement du territoire. D’autres services fédéraux, les cantons et les autorités compétentes en Allemagne seront associés à l’établissement de ce plan sectoriel. Répondant à un postulat de Hans-Jürg Fehr (ps, SH), le Conseil fédéral a de nouveau précisé que, bien que le Nagra donne l’impression de se limiter au Benken, ordre lui avait été donné de comparer plusieurs sites et plusieurs types de roches susceptibles d’accueillir le dépôt de déchets radioactifs
[28].
Mandaté par l’OFEN dans un but d’obtenir une
évaluation internationale indépendante, un groupe d’experts de l’OCDE a vérifié l’analyse des risques de la Nagra pour le dépôt de déchets radioactifs au Benken. Ils ont conclu qu’elle correspond aux standards internationaux. Le rapport ne porte toutefois pas sur la faisabilité du projet
[29].
Le Conseil fédéral a donné suite à la demande de l’Institut Paul Scherrer (IPS) de pouvoir
entreposer d’autres types de colis et à ce que les limites d’activité soient supprimées dans le dépôt intermédiaire fédéral pour déchets radioactifs (BZL). Il s’est basé sur l’expertise de la DSN et de la CSN, qui concluait que les obligations prévues permettaient de garantir une exploitation sûre du BZL
[30].
Energie hydro-électrique
Le Conseil fédéral a adopté le message concernant la convention avec l’Autriche au sujet de l’utilisation de la force hydraulique de l’Inn et de ses affluents dans la région frontalière. Celle-ci sert de fondement à la réalisation d’une
centrale hydraulique sur l’Inn entre Martina (GR) et Prutz (A). Outre la production d’électricité, la nouvelle centrale permettra d’améliorer le régime de l’Inn grâce à l’aménagement d’un bassin de compensation à Ovella et d’une centrale à Prutz. La convention règle aussi les procédures et conditions à respecter lors de l’utilisation des eaux communes. Le Conseil des Etats a voté l’entrée en matière de la convention
[31].
Produits pétroliers et gaz
Répondant à une interpellation Stähelin (pdc, TG), le Conseil fédéral a refusé d’exonérer les
carburants bio des taxes sur l’essence. Il a toutefois relevé que les installations pilotes bénéficient d’allégements fiscaux et d’aides à l’investissement
[32].
Le Conseil fédéral souhaite offrir dès 2007 des
allégements fiscaux pour l’usage de carburants ménageant l’environnement. A cet effet, il a mis en consultation une modification de la loi sur l’imposition des huiles minérales. En compensation, la taxe sur l’essence augmenterait de 1 à 2 centimes en 2007 et de 6 centimes par litre en 2010
[33].
Le Conseil fédéral a décidé que le carburant pour les
vols aériens privés à destination de l’étranger est passible de l’impôt sur les huiles minérales. A partir du 1er janvier 2005, chaque litre de kérosène augmentera de 73,95 centimes
[34].
Déposé suite à l’échec du contre-projet Avanti (voir infra, part. I, 6b, Constructions routières), une motion de l’UDC souhaitant liquider les 3,6 milliards de francs de réserves du financement spécial pour la circulation routière n’a pas trouvé grâce aux yeux du Conseil fédéral. Ce dernier a évincé l’idée d’une liquidation de ces réserves par une
baisse d’impôt sur l’essence de 10,9 centimes pendant cinq ans consécutifs
[35].
Energies alternatives
L’Office fédéral de l’énergie (OFE) a présenté le
concept suisse pour l’énergie éolienne. Il intègre les intérêts des exploitants et ceux des associations de protection de la nature. Alors que le courant éolien ne couvre qu’une part infime de la consommation d’électricité (0,01%), l’objectif est de multiplier par dix la production éolienne d’ici à 2010, soit entre 50 et 100 gigawatt/heure (GWh). Jusqu’en 2025, celle-ci devrait s’élever à quelque 300 GWh, soit 0,5% de la consommation électrique. L’OFE n’a pas voulu placer la barre trop haut, car la Suisse, de par sa topographie accidentée, sa densité de population et un régime de vents tournants, n’est pas une terre idéale pour exploiter l’énergie éolienne. Le concept définit les
conditions-cadres pour la construction de parcs d’éoliennes. Parmi ces critères figurent la qualité des vents, la distance avec des zones habitées, ainsi que le respect de la nature et du paysage. A l’issue des études, la Suisse comprend 96 sites appropriés se concentrant principalement sur les crêtes de l’arc jurassien et des Alpes. Le concept en retient 28 prioritaires, en tenant compte des plans directeurs cantonaux et des projets en cours. L’association Suisse-Eole sera chargée de promouvoir le concept fédéral sur le terrain
[36].
La
centrale éolienne du Juvent s’est agrandie avec
deux nouvelles éoliennes, qui ont été inaugurées fin octobre. La première a été érigée près de la centrale solaire du Mont-Soleil (BE), la seconde à la Vacherie-de-Sonvilier (Mont Crosin/BE). D’un coût de 7 millions de francs, elles mesurent 67 mètres de haut avec des pales de 33 mètres. A la pointe de la technologie, elles ont une puissance nominale de 1750 kilowatts chacune. Ces deux turbines augmentent la production de courant de Juvent de près de 85%, soit 8 à 10 millions de kilowattheures par an. Le propriétaire, BKW FMB Energie SA, estime que ces nouvelles installations permettront d’alimenter 2700 ménages par an. Au total, la centrale éolienne du Juvent compte désormais huit éoliennes et sa puissance passe de 4160 à 7660 kilowatts. Elle assure 90% de l’énergie éolienne en Suisse
[37].
[1] Presse du 24.4.04; voir
APS 2003, p. 146 s. Pour la réaction de la Suisse, voir infra, Ouverture du marché.
[2]
24h, 1.5.04;
LT, 5.5.04 (Swissgrid);
presse du 24.9 (PSGuard) et 24.12.04 (Comco); DETEC,
communiqué de presse, 23.9.04 (IFICF et capacités).
[3] La loi sur l’énergie impose aux entreprises d’approvisionnement en électricité (EAE) de reprendre aux producteurs indépendants l’électricité produite à partir des énergies renouvelables. Les EAE subissent ainsi un surcoût correspondant à la différence entre le prix de reprise garanti (soit en moyenne 15 centimes par kilowattheure) et le prix pratiqué sur le marché. Jusqu’à présent, les consommateurs finaux en Suisse assument une part de ce surcoût qui s’élève en moyenne à 0,05 centime par kilowattheure. Dans les régions où la quantité d’électricité injectée par les producteurs indépendants (surtout de petites centrales hydrauliques) est particulièrement importante, le système en vigueur met les EAE et les consommateurs finaux plus fortement à contribution qu’ailleurs.
[4] Presse du 17.6 (consultation) et 11.11.04 (modification); DETEC,
communiqué de presse, 16.6 et 10.11.04.
[5]
Lib., 18.2.04; voir
APS 2003, p. 148 s.
[6]
FF, 2005, p. 1493 ss.; presse du 30.1 (experts) et 6.7.04 (mise en consultation);
LT, 2.6.04 (travail des experts); DETEC,
communiqué de presse, 29.1, 5.7 et 3.12.04; voir également
APS 2003, p. 147 ss.
[7] Le projet mis en consultation en juin prévoyait d’ouvrir la première étape uniquement aux consommateurs industriels et aux entreprises consommant plus de 100 000 kWh par année.
[8]
FF, 2005, p. 1493 ss.; presse du 1.10.04 (acteurs consultés).
[9]
FF, 2005, p. 1493 ss.
[10]
BO CN, 2004, p. 445 ss. et 462 ss.;
LT, 25.2 et 10.5.04;
Express, 19.3.04;
CdT, 20.3.04; DETEC,
communiqué de presse, 3.12.04.
[11]
Lib., 11.11.04; DETEC,
communiqué de presse, 16.6 et 10.11.04.
[12] OFEN,
communiqué de presse, 14.4.05; pour les chiffres de 2003 voir
APS
2003, p. 149 s.
[13] La Suisse a déjà signé ces conventions, mais n’a pas pu les ratifier, car elles instituaient jusqu’alors, le principe de la responsabilité limitée de l’exploitant d’une centrale nucléaire en cas d’accident, alors que le droit suisse institue la responsabilité illimitée du dit exploitant.
[14] DETEC,
communiqué de presse, 28.1.04.
[15] Les infractions commises par l’Irak contre le traité de non-prolifération ont amené les Etats membres de l’AIEA à renforcer le système de garanties au moyen d’un protocole additionnel. En vertu de ce dernier, les contrôles de l’AIEA peuvent porter non seulement sur les stocks de matières nucléaires d’un pays, mais encore sur d’autres activités dans ce domaine, avec possibilité de prélever des échantillons dans l’environnement aux fins d’analyses. En outre, la Suisse devra désormais annoncer périodiquement à l’AIEA la production et l’exportation de certains biens d’équipement pour installations nucléaires. L’agence reçoit le droit d’inspecter les entreprises industrielles fabriquant de tels biens.
[16] DETEC,
communiqué de presse, 18.8.04.
[17]
LT, 13.5.04 (mise en consultation); DETEC,
communiqué de presse, 12.5.04.
[18] Presse du 13.8 et 14.8.04 (avis). Voir
APS 2003, p. 150 s.
[19] Etant donné l’évolution scientifique des principes de calcul, le CF estime qu’il n’est pas approprié d’inscrire une valeur fixe dans l’OENu.
LT, 11.12.04; DETEC,
communiqué de presse, 10.12.04.
[20]
LT, 19.4 (groupes énergétiques), 15.11 (partis) et 17.11.04 (Berne);
Lib., 1.5.04 (groupes énergétiques);
CdT, 27.12.04 (Leuenberger). Voir également
APS 2003, p. 150 s.
[21] Les autorisations d’exploiter des centrales nucléaires de Beznau II et Mühleberg étaient limitées dans le temps depuis le départ. En revanche, les centrales de Beznau I, Gösgen et Leibstadt ont des autorisations d’exploiter illimitées dans le temps.
[22] Presse du 20.4.04;
24h, 17.7.04 (oppositions);
LT, 4.12.04; DETEC,
communiqué de presse, 3.12.04.
[23] Avec la nouvelle loi sur l’énergie nucléaire, les assemblages combustibles usés ne peuvent pas être exportés en vue de leur retraitement pendant une période de dix ans à compter du 1er juillet 2006. Sans le retraitement et sans la nouvelle installation, la société de Gösgen estime que la capacité du dépôt existant suffira jusqu’en 2008.
[24] DETEC,
communiqué de presse, 30.6.04.
[25] Suite à un accident en 1969, la centrale nucléaire expérimentale de Lucens avait dû être arrêtée. Une fois les travaux de désaffectation terminés, le CF avait décidé de déclasser une partie du site de l’ancienne installation. En revanche, il avait retenu que la parcelle 925, sur laquelle étaient encore entreposés des conteneurs renfermant divers déchets radioactifs, restait une installation nucléaire.
[26]
FF, 2004, p. 6757; presse du 20.4.04;
LT, 26.5.04; DETEC,
communiqué de presse, 3.12.04. Voir
APS 1995, p. 162.
[27] DETEC,
communiqué de presse, 3.12.04.
[28]
BO CN, 2004, p. 2174; presse du 29.9.04; DETEC,
communiqué de presse, 28.9.04;
TA, 15.12.04 (postulat). Voir aussi
APS 2002, p. 135 s. (Wellenberg) et
APS 2003, p. 153 s. (Benken).
[30] DETEC,
communiqué de presse, 3.12.04. Voir
APS 2003, p. 154.
[31]
FF, 2004, p. 2203 s.;
BO CE, 2004, p. 849 s.; DETEC,
communiqué de presse, 24.6.04.
[32]
BO CE, 2004, p. 71 s.
[35]
LT, 29.12.04. Non encore traité au CN (mo. 04.3117).
[37]
QJ, 26.8, 10.9 et 27.10.04 (inauguration);
Lib., 27.8.04.
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