Année politique Suisse 2006 : Chronique générale / Défense nationale
Armement
Le Conseil fédéral a adopté, durant l’année sous revue, une nouvelle stratégie du propriétaire pour l’entreprise d’armement de la Confédération
RUAG pour les années 2007 à 2010. Le gouvernement y a souligné l’importance des entreprises d’armement pour l’accomplissement de la mission de défense, et a ainsi décidé de renoncer, jusqu’à nouvel avis, à une ouverture de l’actionnariat de RUAG
[34].
Le DDPS s’est engagé, en début d’année, à
céder l’équipement militaire superflu de l’armée suisse aux programmes humanitaires. La mesure concerne principalement outils divers et véhicules, mais aucune arme offensive, chars et autres hélicoptères. La distribution de ce matériel sera pilotée par les experts de la coopération suisse
[35].
Le Conseil fédéral a approuvé, au mois d’octobre, un
accord entre la Suisse et les USA en matière d’acquisition d’armement
[36].
Le Conseil fédéral a présenté son message concernant le programme d’armement 2006 (arrêté fédéral sur l’acquisition de matériel d’armement) au mois de juin, pour un montant total de 1,503 milliard de francs, soit le plus élevé depuis 1997. Ce programme comportait notamment l’acquisition d’un système de conduite des Forces terrestres (424 millions de francs), la transformation de Piranhas en véhicules de commandement (124 millions de francs), la modernisation des hélicoptères Superpuma (192 millions de francs), la modernisation des chars de combat Leopard II (395 millions de francs), ainsi que l’acquisition de deux simulateurs, l’un pour avion de combat F/A-18 (75 millions de francs) et l’autre pour char de combat Leopard II (39 millions de francs). Le gouvernement a toutefois ajouté à cela l’acquisition de 12 chars de génie et de déminage (139 millions de francs), qui avait été déjà été réclamée par le DDPS dans le cadre du programme d’armement 2004, mais qui avait cependant été rejetée par les chambres fédérales en même temps que deux avions de transport Casa 295-M. Le chef du DDPS, le conseiller fédéral Samuel Schmid, a justifié cette dernière acquisition par la nécessité de maintenir la compétence de défense à un niveau moyen, de garantir l’instruction, mais également par le fait que ces chars seraient utiles en cas de catastrophe naturelle ou d’attaque terroriste.
En tant que premier conseil, le Conseil des Etats a examiné cet objet lors de la session parlementaire d’automne à Flims (GR). Les socialistes Béguelin (ps, VD) et Gentil (ps, JU) ont demandé que le projet soit renvoyé au Conseil fédéral pour trois raisons principales. La première était que le programme d’armement présenté était le plus onéreux depuis dix, alors qu’aucun élément stratégique nouveau ne justifiait de telles dépenses. La deuxième était que certains investissements qui figuraient dans ce programme étaient intrinsèquement discutables, dans la mesure où ils relevaient d’une conception stratégique qui n’avait plus cours. La troisième était que le Conseil fédéral n’avait aucun nouvel argument à présenter pour justifier l’achat des chars du génie auxquels le parlement lui avait déjà demandé de renoncer. Ces arguments n’ont toutefois reçu le soutien d’aucun des partis bourgeois. La proposition socialiste a ainsi été rejetée par 32 voix contre 9 et l’entrée en matière acquise sans opposition. Lors de la discussion par articles, la même minorité de la commission a présenté trois propositions distinctes visant à biffer trois éléments du Programme d’armement 2006 : les chars du génie et de déminage, la modernisation du char Leopard et le simulateur de tir pour ce dernier, pour un total de 573 millions de francs. Ces amendements ont cependant été rejetés tous trois au plénum, par le 4/5 des députés environ à chaque fois. Au vote final, l’arrêté fédéral a été adopté par 32 voix contre 5 et 3 abstentions.
Le
Conseil national s’est saisi de cet objet lors de la session parlementaire de décembre. La Commission de sécurité du Conseil national avait recommandé, par 13 voix contre 8, d’approuver le projet du Conseil fédéral, écartant au passage douze propositions de minorité venant de la gauche et de la droite, visant à suspendre les crédits liés à la refonte d´Armée XXI, qui avaient été refusés au National lors de la session d’automne (voir supra). De leur côté, les radicaux avaient décidé de ne soutenir le programme d’armement 2006 qu’à la condition qu’il ne soit pas revu à la baisse par l’UDC ou les socialistes. Au plénum, l’entrée en matière a été acquise par 142 voix contre 23. Pas moins de onze propositions de minorité ont ensuite été soumises au vote. Une première proposition du député Ulrich Schlüer (udc, ZH) demandait de bloquer provisoirement le crédit relatif au Programme d’armement 2006, tout en l’acceptant, mais en faisant en sorte qu’il ne soit pas disponible pour le moment, tant que la discussion sur l’étape de développement 2008-2011 n’est pas terminée. Au vote, 90 députés se sont prononcés en faveur de cette proposition, et 90 contre. La voix de la présidente a finalement fait pencher la balance contre celle-ci. Les onze autres propositions de minorité, qui émanaient du camp rose-vert, avaient pour but de biffer du programme d’armement, l’une après l’autre, toutes les propositions d’acquisition faites par le Conseil fédéral. Le plénum les a toutefois toutes rejetées. Au vote sur l’ensemble, le Programme d’armement 2006 a finalement été approuvé par 115 voix contre 64, socialistes et Verts étant les seuls à s’y opposer en bloc
[37].
Durant l’année sous revue, le Conseil national a rejeté deux motions qui visaient à empêcher les exportations de matériel de guerre. La première, déposée en 2005 par la Commission de politique extérieure du Conseil national, avait fait suite aux remous politiques qu’avaient déclenché les
exportations de chars à destination de l’Irak et du Pakistan, deux pays où la situation politique est délicate et où des conflits se déroulaient encore. La Confédération ne pouvait en effet recevoir aucune garantie que ce matériel serait utilisé à des fins non militaires (opérations de police). Malgré le fait que les exportations d’armes à destination de ces deux pays n’ont finalement pas eu lieu et que l’objet de la motion était ainsi devenu caduque, le rapporteur de la commission, le radical John Dupraz (GE) a demandé au plénum d’adopter la motion à titre symbolique. Il n’a toutefois pas été suivi, puisque celle-ci a été rejetée par 71 voix contre 63. La seconde motion, déposée en 2004 par le socialiste bernois Paul Günter, demandait deux choses au Conseil fédéral : premièrement, revenir sur sa décision du 31 mars 2004 d’exporter du matériel de guerre à destination de l’
Arabie Saoudite, et, deuxièmement, d’interdire à l’avenir les exportations de matériel de guerre à destination de ce pays. Le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion en question au titre que, d’une part, revenir sur sa décision était irrecevable au nom de la sécurité du droit notamment, et que, d’autre part, d’autres pays affiliés aux régimes internationaux de contrôle des exportations (dans l’UE entre autres) avaient une attitude similaire à celle qu’il avait adoptée. Le Conseil fédéral a ajouté que les exportations d’armes vers l’Arabie Saoudite sur les dernières années représentaient de toute façon des sommes très petites. Le plénum a suivi l’avis du gouvernement et rejeté la motion Günter par 90 voix contre 66
[38].
Le Conseil fédéral a approuvé une révision partielle de l’ordonnance sur les
marchés publics. La nouvelle disposition permet, à titre exceptionnel, et si le maintien de la production suisse d’armement l’impose, d’adjuger un marché directement et sans appels d’offres à une entreprise suisse d’armement. Le Conseil fédéral a voulu, par cette mesure, contribuer à ce que des entreprises d’armement importantes pour la défense nationale subsistent en Suisse
[39].
L’armée suisse a finalement commandé, nonobstant la plainte déposée par le fabricant italien Augusta et l’enquête en cours de la Commission fédérale de la concurrence sur les circonstances liées à cet achat, 20
hélicoptères EC 635 au groupe Eurocopter. Si ces hélicoptères sont destinés à des missions militaires ou de recherche et de secours, deux parmi eux seront toutefois réservés aux transports de personnalités
[40].
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a fait un retour remarqué sur la scène politique nationale durant l’année sous revue, en lançant une
initiative populaire « pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre ». Cette initiative vise concrètement le matériel de guerre proprement dit, les « biens militaires spéciaux » (les avions d’entraînement du type Pilatus entrant dans cette catégorie par exemple), de même que le matériel pour la production de matériel de guerre (plans de construction par exemple). Les biens à double usage civil et militaire (certains systèmes de communication, entre autres) ne seraient toutefois pas frappés d’une interdiction de vente à l’étranger. Selon les initiants, l'interdiction d'exporter des armes conférerait une crédibilité renouvelée à l'engagement humanitaire et à la coopération internationale de la Suisse; elle donnerait également un signal fort en faveur d'une véritable politique de paix contribuant à la construction d'un monde plus pacifique. De plus, la Suisse ne dépend pas économiquement des exportations d'armes. La reconversion des industries d'armement vers des produits civils doit être encouragée, selon eux. L'initiative prévoit à ce titre des mesures d'accompagnement grâce auxquelles la Confédération soutiendra les régions et les employés affectés par l'interdiction d'exportation
[41].
Le Conseil national a approuvé à l’unanimité, sur avis favorable de sa commission de la politique de sécurité, l’arrêté fédéral concernant le Protocole du 28 novembre 2003 relatif aux
restes explosifs de guerre (Protocole V) annexé à la Convention du 10 octobre 1980 sur l’interdiction de l’emploi de certaines armes classiques, qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination
[42].
Malgré l’adoption de celle-ci par le Conseil national en 2005, le Conseil des Etats a rejeté une motion de la député Ursula Haller (udc, BE), qui demandait au Conseil fédéral de prendre des mesures visant à repêcher et éliminer les
munitions ou les résidus d’explosifs d’origine militaire déposés au fond des lacs suisses
[43].
La conseillère aux Etats Anita Fetz (ps, BS) a déposé au mois de juin une motion visant à
abolir la remise de munitions de poche devant être conservées à domicile, et ce même aux militaires actifs, afin d’éviter des tragédies et d’accroître la sécurité tant publique que domestique. Dans le contexte tendu relatif à la révision de la loi sur les armes (voir infra), le plénum a toutefois décidé – au travers d’une motion d’ordre du député Hansruedi Stadler (pdc, UR) – de renvoyer la proposition à la commission compétente pour examen préalable, en habilitant cette dernière à se saisir également de la problématique de la détention à domicile de l'arme de service. Les députés n’étaient en effet pas satisfaits de la réponse du Conseil fédéral en rapport avec la motion Fetz. Le Conseil fédéral s’était en effet prononcé contre la motion en question, estimant que l’arme à domicile symbolisait le rapport de confiance qui existait entre l’Etat et les citoyens, sans lequel le système politique suisse ne pourrait fonctionner, et que les militaires étaient en mesure de disposer de l’équipement qui leur était confié de manière responsable
[44].
Début novembre, le Conseil fédéral a approuvé la modification de l’
ordonnance concernant l’équipement personnel des militaires (OEPM). La modification a porté plus particulièrement sur la cession de l’arme personnelle en propriété, et les exigences à cet égard ont été un peu augmentées. Le gouvernement a en effet introduit une déclaration spontanée, sous la forme d’une déclaration écrite, qui atteste qu’il n’existe pas de motifs d’empêchement à la cession de l’arme, la personne concernée devant confirmer qu’elle n’a pas d’antécédents judiciaires et qu’elle n’a jamais mis en danger quelqu’un avec son arme. Le Conseil fédéral a toutefois prévu que la vérification de ces déclarations par les autorités restait réservée. Le PS a immédiatemment fait part de sa vive déception. Aux yeux de ce dernier, le gouvernement n’a pas fait usage de la marge de manœuvre dont il disposait pour exiger un permis d’achat d’arme
[45].
Fin novembre, le Grand Conseil vaudois s’est prononcé en faveur d’une
initiative cantonale demandant que les armes militaires ne restent plus dans les foyers, mais qu’elles soient consignées dans les arsenaux
[46].
En octobre, le magazine « Annabelle », une publication ayant un lectorat essentiellement féminin, a remis au parlement une pétition (munie de 17 400 signatures) contre l’entreposage du fusil d’assaut militaire dans les ménages
[47].
La révision de la loi fédérale sur les armes est traitée, quant à elle, dans la partie I, 1b (Strafrecht).
[34]
Communiqué de presse du DDPS, 28.3.07.
[37]
FF, 2006, p. 5089 ss.;
BO CE, 2006, p. 623 ss.;
BO CN, 2006, p. 1803 ss.;
LT, 19.5 et 2.6.06 (message CF);
Lib., 25.10.06 (CPS-CN);
24h, 6.12.06 (menace des radicaux). Voir
APS 2005, p. 82 ss.
[38]
BO CN, 2006, p. 955 s. (motion CPE-CN);
BO CN, 2006, p. 958 s. (motion Günter). Voir
APS 2005, p. 84 s.
[39]
Communiqué de presse du DDPS, 26.04.06.
[40]
24h, 26.4.06. Voir
APS 2005, p. 83 s.
[41]
FF, 2006, p. 5323 ss.;
Lib., 27.06.06 (lancement de l’initiative).
[42]
BO CN, 2006, p. 564 s.
[43]
BO CN, 2005, p. 1562 s.;
BO CE, 2006, p. 267 ss.
[44]
BO CE, 2006, p. 636 s.
Copyright 2014 by Année politique suisse